NICK (6)-pas su retenir l'amour de grand-monde...
20 juin 2004.
Il est arrivé, ce fameux jour. Celui que je redoutais et espérais un peu en même temps. Le dernier jour de stage d'Alex. Celui où je ne pourrais plus me détourner de mon écran quelques instants pour l'observer, concentré sur un dossier, où je devrais lui téléphoner pour l'inviter un week-end. Mais aussi celui où notre relation va prendre un nouveau départ, je tente de positiver. Si le lien qui nous unit est aussi fort que je le crois, ne plus être collègues ne pourra que le renforcer.
En ce premier jour d'été, Paris resplendit sous le soleil et j'en profite pour admirer la capitale, toutes fenêtres de mon bureau ouvertes. Alex sera là dans une demi-heure et pour lui faire honneur, j'ai organisé un pot de départ surprise. Sur son bureau, trônent quelques cadeaux des collaborateurs du cabinet (dont Cécile, qui curieusement ne s'est pas fait prier) et je suis passé acheter quelques boissons au supermarché voisin.
Un pot de départ en début de matinée, c'est inhabituel, je sais. Mais c'est le moment le plus tranquille de la journée, avant que la vague des derniers jours avant les vacances judiciaires ne nous submerge.
-Alex !
C'est Lina, l'assistante juridique, qui a sauté au cou de mon ami dès qu'il a passé la porte. Elle est mignonne, Lina. Petite brune pétillante et ensoleillée, elle partage avec Alex des origines du Sud et je crois bien qu'elle craque pour lui. J'ai même été jaloux, les (ces) premiers temps.
-Viens, on t'a fait une surprise ! C'est Nick qui a tout organisé.
Elle ne sait pas tenir sa langue, Lina. Donnez-lui une surprise et elle la gâchera dans la minute. J'ai déjà testé, pour d'autres fêtes.
Cécile arrive sur ces entrefaites, suivie des deux autres collaborateurs du cabinet, Elsa et Jean-Marc. Je n'ai jamais entretenu de relations particulières avec eux, à part quelques phrases toutes faites. En réalité, à l'exception d'Alex, je ne me suis jamais entendu qu'avec Lina. Et je réalise une fois de plus à quel point il va me manquer.
-Merci ! Je suis touché !
Il s'extasie convenablement sur le buffet, ouvre les cadeaux (une montre pour laquelle nous nous sommes tous cotisés, un sac à dos et un sweater de ma part).
Son air enthousiaste m'épate. Il bat des mains, embrasse chacun d'entre nous et sourit lorsque ses yeux croisent les miens.
-Un discours ! réclame Cécile. Un discours !
Elle tape des mains et envoie un clin d'oeil à Alex, qui répond par un sourire. Et là, soudainement, je me laisse envahir par un frisson qui ne me dit rien qui vaille. Depuis quand Cécile se croit-elle autorisée à envoyer des clins d'oeil à Alex ? Mon Alex ?
-Certains d'entre vous sont déjà au courant, commence-t-il de but en blanc, après s'être éclairci la voix. Il passe la main dans ses cheveux, et je le sens gêné. Et moi, j'en ai envie de hurler. Mais bon dieu, au courant de quoi ?
-Je dois tout à Cécile, qui m'a coaché et épaulé, continue-t-il. Et permis de décrocher un stage au service juridique de Xeres.
La salle applaudit, pendant que je tente d'assimiler la nouvelle. Non seulement Alex s'est rapproché dans mon dos de ma pire ennemie du cabinet (ils couchent ensemble, aussi ? La question me taraude, tant Cécile lui balance des œillades enamourées) mais en plus il va s'éloigner de moi.
Car Xeres est un gros client du cabinet, une société spécialisée en droit de la construction. Et dont le siège social, autant que je le sache, est situé à .... Strasbourg !
-Allez, les enfants, au travail ! nous interrompt Etienne, qui vient de passer une tête dans notre bureau. J'ai autorisé cette petite sauterie, mais maintenant, finie la récréation !
Le groupe se disperse instantanément, y compris Cécile qui avait posé son bras sur celui d'Alex. Je me frotte les yeux pour éviter toute interprétation déplaisante. Mais quand je les rouvre, elle arbore toujours un sourire niais. Ma parole, elle le considère vraiment comme sa propriété ?!
Je me laisse tomber sur ma chaise et j'allume mon ordinateur, la mine basse. Je ne sais plus que penser, je m'en veux d'avoir échafaudé des plans d'avenir où Alex tenait la première place.
J'aurais dû me douter que je ne retiendrais pas bien longtemps à mes côtés quelqu'un d'aussi séduisant que lui. Je n'ai pas le charisme, ni la carrure, je rumine. Je n'ai d'ailleurs pas su retenir l'amour de grand- monde, depuis ma venue sur Terre.
Les larmes m'envahissent. Si je ne me ressaisis pas, ma journée de travail est fichue et Étienne ne manquera pas de s'en apercevoir dès qu'il passera la tête dans le bureau.
Je jette un coup d'oeil (œil) à Alex, qui se mord la lèvre en fixant son écran. Il y a un instant encore, je l'ai vu se rengorger face aux compliments de l'équipe, sourire et répondre aux embrassades.
Et là est probablement l'essence de ce qui nous sépare. Alex manque tellement de la plus élémentaire confiance qu'il est prêt à s'offrir à celui ou celle qui le flattera le plus. Il ne choisit pas, mon pauvre ami. Il se laisse choisir.
-Nick!
J'essuie mes yeux d'un revers de manche, comme un gosse sous l'emprise d'un chagrin.
-Je te demande pardon, il balbutie. Je sais que.... Que je n'ai pas été sympa.
J'hausse les épaules, dans une tentative désespérée de reprendre le contrôle.
-Tu es libre, je réponds en feignant l'indifférence.
Il ne relève pas, continue :
-Cécile est venue me voir, un soir de la semaine ou tu étais absent....
À cet instant, le téléphone sonne et je décroche en soupirant.
-Cabinet d'avocats, bonjour.
Je compose ma voix la plus professionnelle et tente d'estomper ma déception.
Oublier que, sans même m'en apercevoir, je m'étais mis à boire ses paroles, avec l'espoir d'apporter un peu de baume à ma tristesse.
Alex s'est lui aussi plongé dans un dossier, marquant ainsi le début de sa dernière journée. Journée qui s'annonce chargée, comme d'ailleurs la plupart de mes journées de travail au cabinet. Plusieurs fois, j'étouffe des soupirs quand Étienne me sollicite. Décidément, j'ai changé ces derniers temps.
Le soir quand enfin, je peux enfiler ma veste et claquer la porte, Alex est déjà parti et je ne m'attends plus à le revoir. Du moins, pas ce soir.
Je suis épuisé, j'ai lutté tout le jour pour parvenir à me concentrer un minimum. Alex a envahi mon esprit, mon cœur, et la distance qu'il a prise envers moi aussi soudainement, alors que j'espérais tant, me laisse encore sous le choc. Certes, il regrette, il l'a dit, presque.... Mais jusqu'à quand ? Est-ce que cela doit suffire ?
Je n'ai plus qu'une envie : dormir et l'oublier, ne serait-ce que l'espace de quelques heures. Mais il est là, sur le banc en face de la porte. Et je dois l'avouer, magnifique dans son long manteau noir.
Mon cœur se serre. Alex se lève quand il m'aperçoit.
-Je t'attendais, dit-il simplement.
*****
Avez-vous aimé ce chapitre ?
Pensez-vous que les deux garçons vont se réconcilier ?
N'hésitez pas à laisser votre avis !
Bisous
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top