ALEX (7) - cool, cette soirée
ALEX
Le même jour, en soirée.
20h15.
On partira de nuit, l'heure où l'on doute
Que demain revienne encore
Loin des villes soumises, on suivra l'autoroute
Ensuite on perdra tous les nords (Jean Jacques Goldman)
Dans la discothèque du centre-ville où m'a invité Laura, le brouhaha me submerge d'emblée. Je n'ai pas l'habitude d'un endroit pareil. La soirée débute à peine, mais des projecteurs violets se braquent déjà sur les arrivants, et une réadaptation de Goldman en version techno hurle dans les enceintes.
J'ai de la chance : la première personne que je vois, dès mon entrée, c'est Laura, vêtue d'une robe verte à paillettes et chaussée de talons hauts. Elle me fait signe. Elle est particulièrement jolie ce soir ; et particulièrement éméchée aussi.
-Aalex !
Elle me rejoint en dansant.
-Tu es en retaard !
-Je suis sorti un peu tard du travail, je m'excuse en l'embrassant.
Elle plaque son corps contre le mien, et je tressaille. L'alcool la rend directe.
-La fête a déjà commencé, elle marmonne.
C'est l'anniversaire de Georgia, une amie américaine que Laura a rencontrée pendant son année d'échange universitaire.
-Hi !
Une rousse bouclée me donne d'emblée l'accolade, sans même me demander mon nom.
-You're Alex !
Elle est extravertie, souriante. D'où sort cette fille ? D'une série télévisée ?
-Hi, Georgia ! je l'embrasse. La musique est de plus en plus forte, on s'entend à peine. On danse ?
Laura nous rejoint et tous les trois, on se perd dans un tourbillon de bruit techno et de lumière violette. Les filles sont jolies et gaies, ce soir. Georgia a des bracelets multicolores qui tournent au-dessus de son visage lorsqu'elle lève les bras pour danser. Laura m'attire à elle, m'embrasse.
Derrière moi, je sens le regard d'autres garçons, qui me trouvent chanceux, et de filles peut-être envieuses. Je suis une sorte de roi, ce soir, pendant que je me trémousse sur une musique rock des années 80 (oui, parce que le DJ techno a viré au rock, maintenant. Ou alors, il a pris sa pause).
-C'est cool, cette soirée, non ? demande Laura pendant qu'on prend un verre au bar.
J'opine du chef, puis ajoute :
- Il n'y avait pas d'autres amis de Georgia qui devaient venir ?
-Si, deux, mais ils ont annulé. Georgia est complètement surexcitée de passer son anniversaire en France, tu sais.
-Ah oui.
-Et elle te trouve charmant !
Je jette un coup d'œil un peu interloqué à Laura qui avale une gorgée de son cocktail en me considérant d'un air que je juge coquin. Coquin ?
-Merci.
Qu'est-ce qu'elle essaie de me dire, là ? Laura et moi, on a beau être amants, on ne se parle pas beaucoup. Je la croyais réservée et romantique, mais je découvre une fêtarde avide d'expériences.
-On danse encore une heure, déclare Laura avant de retrouver son amie sur la piste.
Je consulte ma montre : 21h30. Le temps a passé vite, et la soirée est à peine commencée.
22h30.
Je suis épuisé et éméché. Pas autant que ma petite amie, mais disons...guilleret et moins réactif qu'à l'accoutumée.
-Tiens, prends ça ! fait Georgia en me poussant du coude.
C'est un sachet que j'ai vu circuler dans les rangs de la discothèque, ce soir. Sans connaître la composition exacte, je ne suis pas suffisamment naïf pour ne pas comprendre ce qui se trame.
Un coup d'œil horrifié à Laura me permet de comprendre qu'elle approuve.
-Vous prenez de la drogue ? je m'étouffe.
-Oh, ça va, rigole ma copine. Une fois dans ta vie, ça ne va pas te tuer. Et ça ne suffit pas à créer la dépendance....
-Des champignons hallucinogènes, complète Georgia, en français. Une expérience mystique... Il faut l'avoir vécue.
Elle a les yeux mi-clos et joint les mains comme en prière.
-Bon, visiblement, vous vous êtes déjà servies, je bougonne.
-On est sympas, on t'en a laissé !
Je quitte la piste et à l'écart, j'ouvre le sachet. Ce n'est absolument pas raisonnable, mes parents pourraient me déshériter pour ça, Emma encore pire... J'imagine leur déception en découvrant que je ne suis plus un enfant sage. Mais elles me tentent, avec leur expérience mystique. Ce n'est pas ce dont on a besoin pour se construire, des expériences ? Surtout à mon âge.
Et puis, s'il n'y a pas de dépendance....
Je croque les champignons, qui ressemblent furieusement à ... des champignons, ma foi. Rien ne les distingue de ceux que cuisine ma tante Amélie. En revanche, ils n'ont strictement aucun goût.
Je repasse au bar commander un coca (j'ai déjà bu deux cocktails il y a une heure, mais là, j'ai un réflexe de sobriété), tout en écarquillant les yeux. Il est censé se passer quoi, maintenant ? Ils sont où, les éléphants roses ?
-Alors ?
Les mains de Georgia s'abattent sur mes épaules.
-Tu ressens quoi ?
-C'est trop tôt, ajoute Laura, à côté d'elle. Il faut une demi-heure, au moins.
On retourne sur la piste de danse, qui devient jaune, puis verte, et de plus en plus brillante, brillante.... J'ai mal aux yeux. Georgia se rapproche de moi, elle est clairement maintenant sous l'emprise des champis. Oui, je dis champis maintenant, même si j'ignorais complètement leur existence il y a une, non, deux heures.
J'enlace Georgia et lui octroie un lascif mouvement des hanches ; une première. Mes gestes sont fluides, ce soir. Mon corps, au milieu d'autres corps anonymes éclairés par intermittence, devient un instrument qui ondule au rythme de la musique, et dont je me sers avec aisance.
-Whououh !!! crie Laura. Tu gères !
Elle bat des mains et sautille comme un enfant à qui on vient de promettre Noël. Ça ne m'étonne plus, maintenant. Moi aussi, je saute et je rie comme un gosse. La vie, ce n'est pas si compliqué. Il suffit de prendre ce qu'elle nous donne au moment où elle nous le donne.
L'avoir compris, ça me donne des ailes. J'ai vraiment bien fait de venir à Strasbourg, bien fait de prendre ce stage. J'y ai grandi en quelques jours bien plus qu'en des années de fac à Paris. Et j'ai une furieuse envie de le dire à quelqu'un :
-Georgia ! je crie en lui attrapant le bras.
Je ne la connais pas, j'évalue même mal son niveau de français et la musique empêche de toute façon toute communication construite. Mais tant pis... Je dois le dire à quelqu'un. Alors, je baragouine des mots, je ne maîtrise plus ce qui sort de mes lèvres. Est-ce que je lui ai vraiment parlé de mon développement personnel ou de complètement autre chose ? En tout cas, ça la fait hurler de rire...
Et soudainement, elle m'embrasse. Un baiser à pleine bouche, avec sa salive qui se mélange à la mienne, sa langue qui pénètre mes défenses.... Je ne réagis pas, mais je sens les pores de ma peau s'affoler, mon sexe se soulever pour elle. Et à côté d'elle, Laura rit et bat des mains.....
Ma vision se brouille, et je perçois à peine que les filles me prennent par le bras, m'entraînent.
-Allez, viens, on va chez toi !
J'habite le plus près d'ici, et il était prévu qu'on dorme chez moi, après tout. J'attrape mon manteau, je paie les dernières consommations des filles et nous voilà dehors. L'air froid m'aspire.
-Vous voulez faire quoi ?
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