I: Les Affaires Reprennent, Pt.3

Baignant dans un océan de sueurs froides, il mit du temps à se rendre compte qu'il ne respirait plus, il se redressa brusquement en inspirant difficilement, regardant ses mains trembler comme si la colère l'habitait toujours. Il serra les poings pour tenter de se contenir. Sa tête lui faisait toujours mal, mais il n'osa pas se la prendre, persuadé de toujours tenir le sabre électrique dans la main droite...

Il grogna. Clignant à nouveau des yeux pour effacer la lueur du laser mortel, il se leva brusquement et fit le tour de la pièce.

Un grand lit était installé au milieu. La chambre disposait de plusieurs rangements. Sur la droite, se trouvait une cloison métallique avec, en son milieu, une porte à l'allure solide. La pièce était éclairée par ces même lignes luminescentes qui couraient sur le mur de la galerie et de la grande place aux piliers. Malgré le métal des parois, le grand lit, les meubles... Tout respirait l'opulence et la bonne tenue. 

Un miroir se situait dans un coin de la pièce, accroché au dessus d'une grande vasque en marbre de forme rectangle et dont les angles avaient été arrondis avec soin.

Il ne supporta guère plus d'une minute de rester enfermé ici. Évitant son propre regard, il fonça sur la porte mais celle-ci ne s'ouvrit pas de suite. Un petit œil noir s'éveilla juste au dessus de l'encadrement et une voix mécanique à glacer le sang s'éleva des murs eux même:

— Scan - en - cour... Bienvenue - chez - vous - altesse.

Altesse... Merde, et re-merde !

Il pénétra dans un salon aménagé: des divans assez nombreux pour accueillir au moins dix personnes, un grand bar avec, bien sûr, des lignes lumineuses qui couraient le long du pied et sur les contours de la structure, des étagères avec bouteilles de toutes les couleurs, de quoi abreuver toute la garnison du roi... et un pan de mur nu avec des formes taillées à même le métal. Le jeune homme s'approcha et reconnu celles de plusieurs sabres. Il y avait assez d'interstice pour y encastrer une collection entière d'armes de toutes les formes. Il tendit machinalement la main lorsqu'il reconnu la forme d'un sabre électrique... pour mieux se rendre compte que sa main était bel et bien vide.

Cependant, il n'avait pas encore tout vu. La salle était comme enroulée autour de la chambre. Du côté du bar se trouvait une porte blindée, et les divans faisait face à une immense baie vitrée qui s'étendait sur une quinzaine de mètres vers la gauche, longeant un couloir vide et large et donnant sur un autre espace dissimulé derrière l'espace central.

Au dehors, il pouvait voir des champs à perte de vue. Des silhouettes minuscules étaient amassées ça et là et parfois, un garde venait les rappeler à l'ordre pour les disperser. 

— Votre retour a fait grand bruits, altesse... 

Le jeune homme, surpris, tourna la tête vers la gauche. Il la vit, accoudée à la vitre qui projetait une lumière laiteuse sur son visage doré aux courbes douces. Dissimulé par l'ombre de ses cheveux assortis, il était difficile de discerner son regard.

Il ne répondit pas, incapable de réagir clairement, lui même ne sachant pas ce que cela signifiait réellement.

— Vous m'en voulez sûrement d'avoir échoué, reprit elle avant de poursuivre: Je vous en prie... Croyez moi... Je me suis déjà punie...

C'est à ce moment là qu'il remarqua que ses bras étaient couverts de bandages. Ce fût comme si une pierre tomba soudain dans son estomac.

— Vous êtes folle... Pourquoi ?... Est-ce que... - il déglutit - est-ce que c'est moi qui vous ait dit...

— Non ! répondit-elle, scandalisée, Non ! Vous ne feriez jamais une chose pareille ! Enfin, je crois... Je le crois ?

Elle semblait perdue.

Il se sentit obligé de prendre les devants.

— Venez, Ephie. Il est temps que nous ayons une petite conversation !

— Pardonnez moi mon prince, mais je ne penses pas que ce soit une bonne idée.

— J'insiste, venez...

Il s'était approché d'elle et s'apprêtait à lui prendre le bras mais elle s'éloigna soudain d'un pas en arrière.

— Je peux vous suivre de moi même, sire... Et puis, il n'y a qu'une porte de sortie...

Lorsqu'elle s'était reculé et que ses cheveux avaient bougé, laissant un instant voir ses yeux, il vit clairement la peur s'y refléter. Son bras tendu retomba mollement le long de son flanc, comme découragé dans l'effort.

— Faux... lança le jeune homme pour tenter de détendre l'atmosphère, il reste la baie vitrée !

Ephie ne put retenir un rire moqueur.

— Ça, une baie vitrée ? Vous y croyez ?

Il se retourna vers elle avec un air entendu:

— Ben, ça en a tout l'air...

— Vous pensez sincèrement que le roi allait prendre le risque de vous exposer directement à la façade de son palais ? Non ! Il n'est pas aussi idiot ! Cela dit, elle a un très bon rendu !

Le sourire joueur qu'il sentait étalé sur son visage se dissipa d'un coup d'un seul à la connaissance de ce mensonge. En fait, tout ce qui lui était arrivé jusqu'ici lui faisait exactement cet effet: L'impression d'avoir affaire à des mensonges et, surtout, de se faire duper et s'y complaire.

— Asseyez vous, fit-il sèchement en désignant un divan.

— Mon prince...

— Ne m'appelez pas comme ça ! rugit-il soudain. Je sais comment je m'appelle, maintenant ! Edwar ! E-D-W-A-R ! Vous le savez et ce n'est pas difficile à comprendre, je me trompe ?!

Il ne sut pas ce qui le poussait à réagir ainsi mais extérioriser sa colère lui faisait du bien. La jeune femme artificielle avait baissé la tête, l'air coupable, les yeux fermés. Ses mains se mirent à trembler et elle dit à voix basse, comme pour se défendre sans attenter à son autorité:

— Je ne fais que ce pourquoi j'ai été programmée: Vous servir, votre roi et vous. Par conséquent, je ne puis me permettre de vous appeler par votre prénom... Ce serait me hisser à votre niveau et cela m'est interdit.

Il la regardait fixement, et il aurait aimé qu'elle en fasse de même.

— Ephie, s'il vous plaît, soutenez mon regard...

Elle s'exécuta, sûrement contre son gré et pleine d'appréhensions. Le prince, troublé par son expressivité, posa un genoux à terre pour se mettre à sa hauteur puis, d'un ton qu'il voulait ferme, il dit:

— Tu n'es pas une machine, tu mens.

Elle resta immobile à attendre la suite. Le jeune homme sentait de nouveau la colère s'emparer de lui et, décontenancé devant son calme robotique, il se releva, se prit la tête et lui tourna le dos, accoudé au bar pour se poser et réfléchir.

Finalement, il se retourna vers elle. Son visage était à nouveau caché par ses cheveux dorés, et elle semblait fixer ses genoux, l'air plus coupable que jamais.

Il s'en voulu alors de se comporter ainsi avec elle. Il s'approcha à nouveau, reposa un genoux à terre et, lorsqu'il parla, ce fut avec douceur:

— Excuse-moi... C'est juste que j'ai du mal à comprendre dans quel monde je suis à présent... Et de quel monde je viens.

— Vous avez parfaitement le droit de m'en vouloir d'avoir échoué...

— Dis moi "tu", c'est un ordre.

Il s'apprêta à poser une main sur son épaule mais elle se dégagea brutalement, comme si l'idée d'un contact direct était une perspective effrayante.

Il ne lui en tint pas rigueur et se recula pour s'asseoir dans un divan juste en face. Elle semblait recroquevillée sur le siens, et le prince fit tout son possible pour garder son calme.

— J'ai besoin de savoir, Ephie... Je t'en pries. Qu'as tu échoué de si important ?

— Vous ne vous fâcherez pas ?

— Dis moi "tu", répéta-il inlassablement.

— Ce serait entrer en contradiction avec mon programme, rétorqua-elle, vous me le promettez ?

— Puisque je te le dis ! Et puis tu l'as dis toi même...

Elle l'interrompit:

— Erreur, j'ai dis que vous ne m'aviez jamais fait de mal. Mais je vous ais déjà vu en colère, très en colère...

Le jeune homme se sentait plus mal encore qu'avant de la voir. Il se rendit compte que sa main s'était égarée d'elle même sur la petite surface métallique qu'il sentait sous ses cheveux, sans qu'il n'ait besoin de la commander.

— Contre toi ? ne put-il s'empêcher de demander.

A son grand soulagement, il la vit répondre négativement d'un léger signe de tête.

Mis en confiance par ce signe positif, Edwar poursuivit:

— Est-ce que vous savez ce qui s'est passé, quand j'étais dehors et... Et, on a été attaqué...

— C'était un attentat à l'encontre de la couronne, fit-elle. Les clandestins ont usés d'une grenade sonique pour vous atteindre de loin, vous et votre père.

— Pourquoi une grenade sonique ? c'est non-létal je crois...

Elle acquiesça.

— Elle se ressent de très loin. Ainsi, l'attaquant n'a même pas besoin de s'approcher au delà des champs qui s'étendent juste en dessous des marches qui mènent à la galerie. Cependant, personne n'avait prévu que ce jour là, Brent ferait partit de la démonstration... Il a calmé le jeux à lui seul avec sa grosse épée pendant que tout le monde se tenait la tête à terre... J'ai même hésité à sortir de ma cachette pour venir vous chercher...

Brent...

Il connaissait ce nom, il en était certain. Il était même aussi sûr de ne vraiment pas apprécier ce dernier pour tout un tas de raisons.

— Brent... fit le prince à voix basse. Ce ne serait pas le capitaine des soldats de l'ombre ?

— Tout juste !

Edwar se remémora ce qu'elle avait dit un peu plus tôt et il demanda, intrigué:

— Des clandestins, tu dis ?

— Ils sont là depuis le décollages. Des passagers illégaux, qui n'avaient pas leur place à bord du vaisseau monde.

Edwar sentit à nouveau la colère se débattre quelques part entre son estomac et son cœur.

— Mais QUI n'aurait pas sa place à bord ?... Et... - C'était comme s'il venait de comprendre quelques chose, son cerveau travaillant en tâche de fond pendant qu'il parlait - Tu m'as suivi ?!

Elle acquiesça. Edwar ne put s'empêcher de rougir à l'idée de tout ce qu'elle avait fait pour lui, et ce dont elle semblait capable à son égard. Il se sentit d'autant plus mal de lui avoir crié dessus...

— Les clandestins sont considérés comme du personnel non opérationnel. Au départ, le vaisseau pouvait emporter un million de passagers...

— Un million ?

— Il est partit avec seulement un dixième de sa capacité maximale à nord. Une défaillance dès la conception a rendu impossible le transport d'une charge complète... Il était trop tard pour reculer, et le temps de trajet estimé a été multiplié. 

Edwar frissonnait.

— Et, ils ont pas pu embarquer, c'est ça ?

— Si... Il a fallu trier... Seuls les ingénieurs, les concepteurs, soldats et dirigeants ont pu rester à bord... Et encore, ils ne prirent que les plus fidèles afin de bannir au maximum les conflits potentiels à bord durant le millénaire à venir... Quant aux autres...

L'horreur emplit l'espace. Il eut la nausée rien qu'à voir cette pièce rien qu'à lui, les divans, le bar, l'espace de duel privé... Pour des amis qu'il aurait eut ? Supposant qu'ils étaient encore en vie...

— Et les clandestins ?

— Ils ne se contentent pas d'être un poids. Régulièrement, les soldats de l'ombre déjouent des actes de sabotage, tentatives d'intrusion au palais et autres attentats comme celui qui vous a ciblé vous et votre géniteur... Durant la dernière décennie, ils ont fait exploser deux fois le complexe berceau... Des millions d'embryons... Détruits...

La réalité était plus folle qu'il ne pouvait se l'imaginer...

Elle se prit la tête entre les mains.

— Je crois que je dois y aller, fit-elle, je risque d'entrer en contradiction avec... mon programme.

Elle avait dit ces derniers mots avec une once de dégoût et de colère qui ne passèrent pas inaperçus aux oreilles du prince. Edwar, dépité, sentait que la colère menaçait de refaire surface. Il tenta alors une dernière fois, priant sa volonté de bien vouloir lui permettre de garder son calme:

— Qu'as tu donc échoué ? Reprit-il. Ephie, je sais que tu détournes le sujet. Est-ce que je t'ai demandé quelques-chose, avant de m'endormir ?

Le visage d'Ephie se décomposa à nouveau.

— J'ai des choses à faire... Le roi m'appelle et je ne peux désobéir.

Le teint blême et la mine résignée, elle se leva et s'en alla. Ses yeux paraissaient à deux doigts de se fermer tous seuls et ils avaient perdu leur éclat pour devenir deux anneaux de métal froids et triste...

Il la prit par le bras, là où il y avait les bandages. Une once de peur s'empara d'elle mais elle le fixait toujours avec ses deux billes sans vie.

— Qu'as-tu échoué ? Je t'ai promis que je ne me fâcherai pas.

Elle ne montra aucun signe de faiblesse, c'était comme si, quelques-part, elle réfléchissait (le prince s'efforçait de ne pas penser "calculait") sa liste d'option. Finalement, après un silence pesant, elle finit par lâcher d'une voix presque mécanique:

— Votre signal mémoriel a disparût. Je suis désolée... Vous comptiez sur moi pour vous le restituer dès votre réveil.

Elle se dégagea avec force et se dirigea vers la porte blindée qui s'ouvrit directement devant elle.

— Ne m'en voulez pas, fit-elle sans le regarder, je vous en pries... Je ne fais...

Il termina sa phrase.

— ...qu'obéir, oui, je sais... 

Edwar, qui s'était approché à sa suite, bloqua la porte avec son bras. La sécurité commanda le blocage de la porte et une alarme retentit.

— Ephie... Repasse quand tu veux, c'est un ordre.

Elle rassembla ses dernières force et le repoussa à l'intérieur avant de disparaître.

— Surtout, restez prudent ! eut-elle le temps de lui lancer.

Le verrouillage automatique s'enclencha. Il aurait pu profiter de ce temps pour sortir mais le jeune homme, après être certain qu'Ephie se trouvait loin et ne pourrait plus l'entendre, se laissa éclater à une rage folle, incontrôlable et aveugle.

Quelques minutes plus tard, l'appartement était ravagé...

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