Chapitre 8


Scott fut fort agaçant et inconvenant. C'est en tout cas ce que pensa Derek lorsqu'il le vit insister, insister et encore insister pour en savoir plus, toujours plus. Stiles, de son côté, n'avait pas envie de parler. C'était clair et il n'était pas difficile de le deviner, de le comprendre. Mais Scott étant un éternel idiot, il continua à essayer d'en savoir plus malgré les réticences de l'hyperactif. Ce dernier avait honte de son acte avorté et n'avait pas la moindre intention de se confier à son meilleur ami, ce fait était d'autant plus sûr qu'il détestait son comportement actuel. Stiles avait la sainte horreur des gens qui forçaient et Scott le savait très bien : cependant, il faisait partie de ces gens qui étaient conscients de leurs défauts, mais n'avaient pas la moindre envie de les corriger. Alors oui, il savait que Stiles détestait qu'on insiste pour savoir quelque chose dont il ne voulait pas parler. Il le savait mais son envie de connaître les détails de cette histoire étant trop forte, il se fichait un peu de la situation inconfortable dans laquelle il le mettait. Il était l'alpha et de ce fait, il se considérait un peu au-dessus des limites de chacun, pour le bien commun, bien évidemment. Il voulait être au courant de tout, quitte à gêner un peu. Oh et puis il se disait que Stiles ne pouvait pas lui en vouloir puisqu'il faisait ça pour la meute. Il dissipait les doutes, réglait les histoires, donnait les recommandations qu'il fallait. Mais Stiles refusait de lâcher une quelconque information, tout simplement parce qu'il n'avait pas envie d'en parler et qu'il considérait que ceci relevant du domaine du privé, il n'avait pas à en parler à Scott. Qui insista, encore. Ce fut tel que Derek se vit obligé d'intervenir et de lui claquer la porte au nez sans autre forme de procès, après lui avoir simplement dit l'évidence : Stiles n'avait pas envie d'en parler. Point. L'affaire s'arrêtait là.

L'hyperactif releva des yeux étonnés vers le loup, qui haussa les épaules. On ne pouvait pas faire plus équivoque pour chasser quelqu'un et Derek ne s'embarrassant pas des standards de politesse pour vivre comme il l'entendait, cette méthode lui allait plutôt bien. Stiles souffla du nez et un très léger sourire amusé vint éclairer son visage alors qu'ils retournaient tous les deux dans le salon. Instinctivement, Derek passa un bras dans son dos et l'hyperactif sentit la chaleur de sa main irradier dans tout son corps mais ne laissa rien paraître. De son côté, le loup était peut-être content de voir une émotion positive pointer le bout de son nez chez son protégé, cependant, il restait préoccupé. Les mots de Claudia tournaient dans son esprit et plus le temps passait, plus il comprenait l'impact destructeur qu'ils avaient eu sur Stiles. Il s'agissait tout de même de sa mère, qu'il avait toujours aimée d'un amour infini : alors forcément, voir cette image idyllique cassée par une vérité fracassante lui avait fait un sacré choc dont il n'avait pas encore commencé à se remettre. Pour l'instant, Stiles survivait. Il faisait son possible pour ne pas céder à la facilité, mais c'était tout. Avant qu'il se remette à vivre, il y avait le temps.

Ni Derek ni Stiles ne firent attention aux coups portés contre la porte blindée, ni aux piètres demandes de Scott leur demandant d'ouvrir. Il se lassa toutefois rapidement et Stiles faillit soupirer d'aise : s'il n'était pas fan du silence, il lui arrivait de l'apprécier lorsqu'un alpha un peu trop insistant cessait de geindre et le laissait tranquille. Derek s'installa sur le canapé et après une hésitation, Stiles le suivit. Il posa doucement son fessier sur les coussins, comme s'il avait peur de déranger en s'asseyant trop vite. Il regarda le loup du coin de l'œil et voyant qu'il n'avait pas l'air de l'embêter en s'installant auprès de lui, il se permit de se mettre un peu plus à son aise.

- Bon débarras, souffla-t-il honnêtement.

Derek lui lança tout d'abord un regard étonné, puis... Compréhensif. Mais ne dit rien. Et Stiles prit cela comme un signe lui laissant le champ libre pour parler.

- Je déteste quand il fait ça... Il sait que j'aime pas quand il insiste. Quand je veux pas parler, je veux pas, c'est tout et y a pas à insister. Je veux dire, c'est comme pour tout : non, c'est non. Quand tu consens pas à quelque chose, on a pas à te forcer.

- Tu ne voulais pas rester ici pour que je te surveille, mais j'ai insisté, lâcha Derek.

Et Stiles comprit aussitôt qu'il le testait. Il décida d'être franc, de dire ce qu'il pensait sincèrement. Il ne voyait pas l'intérêt de mentir, de continuer d'aller vers une idée en laquelle il ne croyait plus vraiment. S'il était certain de l'exécuter quelques pauvres jours plus tôt, ce n'était plus le cas en ce jour.

- Toi, c'est pas pareil, tu... Tu voulais me sauver la vie et... Dans un sens, c'est ce que tu as fait.

Il s'arrêta un instant, digérant lui-même ses propres paroles. Oui, quand il y repensait, il allait mourir et Derek s'était donné corps et âme pour l'empêcher de réaliser son plan funeste, étouffant également dans l'œuf ses maigres premières tentatives pour rentrer chez lui. Là, seul, il était certain qu'il aurait réessayé, pris encore dans la spirale infernale de ses émotions destructrices. Pour l'instant, ça allait. Être chez Derek, avec lui, lui permettait de changer doucement sa manière de penser et c'était d'autant plus vrai lorsqu'il constatait son dévouement, cette manière qu'il avait de prendre soin de lui. Des câlins, il lui avait fait des câlins. Lui, Derek Hale. Il avait essuyé ses larmes, il avait caressé son dos, il l'avait serré contre lui.

Derek avait été présent ça, ça avait plus que changé la donne parce que Stiles n'avait plus l'intention de mettre un terme à sa vie comme il l'avait pensé de prime abord. Il n'allait pas bien, c'était clair, mais il n'en était plus au stade de la découverte.

- Toi, je peux pas t'en vouloir parce que... T'as fait ça pour moi. Scott, il... Il veut juste savoir, satisfaire sa curiosité, c'est pas... C'est différent. Tu sais, on est amis, mais... On l'est pas autant pour l'un que pour l'autre.

Derek, sans le quitter des yeux, se redressa légèrement. Il avait toute son attention. Il ne parlait pas, mais son regard signifiait clairement « dis-m'en plus ». Et Stiles était lancé, alors il le fit sans se prier.

- On va pas se mentir, je suis pas aussi important pour lui qu'il l'est pour moi. Quand il a des problèmes, il sait qu'il peut m'appeler, venir chez moi, je réponds toujours présent. En revanche, quand c'est moi qui ai besoin de lui, c'est au petit bonheur la chance. Soit j'ai du bol et il est seul, soit je suis maffré et il est avec Allison. Et quand il est avec elle, soit tu peux le joindre mais il va refuser de t'aider, soit il va éteindre son téléphone pour profiter pleinement d'elle. Il a trouvé son âme sœur, c'est cool, mais je sais très bien qu'à côté, je peux pas compter sur lui en cas d'urgence.

Le regard vert d'eau de Derek ne quittait pas Stiles. Il le regardait parler, l'entendait parler, l'écoutait parler. Pour lui, la moindre de ses paroles faisait sens et avait un écho en lui. Ce qu'il lui disait, c'était ce dont il se doutait déjà, mais l'entendre de la bouche de Stiles rendait ce fait bien plus tangible, plus important également. Scott avait ses priorités et elles n'étaient pas bien réfléchies. Il pouvait comprendre que Scott veuille voir sa copine : il s'agissait de son premier amour et sans doute de celui de sa vie. Oui, mais il faut savoir partager son temps entre l'amour, la famille, l'amitié, les études, le devoir. Il est vrai que Derek avait toujours vu Stiles se plier en quatre pour Scott – et le reste de la meute –, mais rarement l'inverse. L'épisode de la piscine, qu'il gardait en mémoire, était très parlant. Si Stiles l'avait lâché, ça avait été uniquement pour appeler Scott à l'aide. Celui-ci étant trop occupé avec Allison, alors Stiles avait dû maintenir Derek à flot durant deux heures, deux longues heures durant lesquelles il avait tenu bon. Il n'y avait pas eu que ça, bien sûr, et Scott s'était rattrapé de temps à autres, mais il était clair que son niveau d'implication dans leur amitié n'était pas comparable à celle de Stiles.

- Alors ouais, quand il insiste pour que je parle de quelque chose que je veux garder pour moi, ça me soule. Parce qu'au fond, je sais qu'il s'en fiche. Il aime juste tout savoir, il préfère demander plutôt d'attendre qu'on lui apprenne les choses.

Alors qu'avec Derek, c'était simple, si simple ! Non seulement parce que Stiles avait véritablement envie de lui parler, mais aussi parce que Derek lui laissait le temps et le choix. Il l'encourageait, mais sans le forcer. Pourtant, il ne l'appréciait pas vraiment et Stiles en était conscient. Néanmoins, il ne le laissait pas tomber et cela faisait toute la différence. L'hyperactif savait qu'il s'était montré plus qu'imbuvable avec Derek, en particulier lorsqu'il s'était réveillé au loft pour la première fois, et simplement horrible quand Derek l'avait simplement sauvé en l'empêchant de se flinguer.

Mais le loup restait et n'en avait pas profité pour le laisser tomber. Il était là, encore là, et pour Stiles, ça voulait dire beaucoup. Les yeux perdus dans le vague, il reprit :

- Toi... Toi, t'étais là. Tu me devais rien. Tu pouvais passer ton chemin. Mais toi, t'es venu et tu m'as pas laissé faire. Je t'ai pas facilité la tâche et je voulais pas te la faciliter parce que je voulais juste mourir. Je ne pensais qu'à moi, mais tu m'as pas lâché. Alors peut-être que t'as insisté, peut-être que t'as forcé, mais je sais que c'était pour mon bien. Tu faisais pas ça pour satisfaire une espèce de curiosité morbide ou quoi que ce soit d'autre. Je sais que... T'es pas comme ça.

Parce que Stiles avait cerné Derek depuis longtemps et même s'ils ne s'étaient jamais réellement entendus, il avait toujours su que ce jeune homme à l'air éternellement de mauvaise humeur avait un bon fond.

- T'es juste... Quelqu'un de naturellement gentil. La vie a pas été tendre avec toi et t'as appris à cacher cette gentillesse qui t'a causé plus de tort que de bien, mais t'es gentil. Si avant t'étais sec avec nous et t'essayais tout le temps de nous tenir à l'écart, c'était pour nous protéger. Si t'étais aussi dur avec Isaac, Erica et Boyd, c'était parce que tu ne voulais pas qu'ils se retrouvent sans défense, ni dans la merde. Tu prenais soin d'eux à ta manière. Si t'as perdu ton statut et ton pouvoir d'alpha, c'était pour sauver ta sœur. Si t'es toujours là, dans la meute, c'est parce que tu y tiens. Et si t'as insisté pour m'empêcher de rentrer chez moi... C'était parce que tu voulais pas que je foute ma vie en l'air.

Stiles remonta ses jambes sur le canapé, les ramena vers lui, les entoura de ses bras. Sur la dernière phrase, sa voix s'était mise à trembler. Au fond, il savait que ce qu'il avait voulu faire n'était pas une solution et se rendait bien compte de l'importance de son geste, mais aussi et surtout celui de Derek. L'hyperactif se sentit atrocement fébrile et fragile. Pas physiquement : mentalement. La découverte de la vérité concernant sa mère l'avait bien plus ébranlé que quiconque pourrait l'imaginer. Il avait voulu mourir, se tuer... Et maintenant qu'il était toujours là, au loft et que Derek continuait de l'écouter, il se rendait compte à quel point cela aurait été une énorme connerie. Stiles ferma les yeux, avala sa salive, les rouvrit. Gardant les yeux baissés, il souffla un pauvre « merci » qui lui coûtait beaucoup, parce qu'il se rendait également compte de tout ce que Derek avait fait pour lui. Sa simple présence, à l'heure actuelle, était un soutien précieux. En fait, Stiles songea qu'il ne le remercierait sans doute jamais assez. Le forcer à rester au loft était le meilleur choix qu'il aurait pu faire. Sa gorge se serra. Il se détestait. Celui qu'il était autrefois n'aurait jamais essayé de se suicider parce qu'il était triste. Oui, les révélations concernant le vrai visage de Claudia avaient de quoi bouleverser n'importe qui à sa place mais de là à en venir aux mains... Était-ce parce qu'elle le voyait comme un monstre, un fardeau ? Elle, sa mère, la femme qu'il avait aimé et qu'il aimait toujours le plus au monde ? Était-ce pour cela que Stiles avait voulu mettre fin à ses jours ? Sa vue se brouilla légèrement. Plusieurs fois, Claudia avait essayé de le tuer dans son enfance, avant de se raviser pour ne pas faire de peine à son mari. En fait, il n'y avait que lui. Noah, à ses yeux, était la seule chose qui comptait.

Lui, n'avait pas été désiré.

Une main chaude le ramena à la réalité. Doucement posée sur sa joue, elle obligea Stiles à tourner la tête vers lui. Puis, Derek ouvrit simplement les bras.

- Viens là.

Plus qu'une réponse, Stiles n'hésita pas une seconde et s'en alla se réfugier dans cette étreinte qui n'attendait que lui et dont il avait affreusement besoin. Il ne voulait plus affronter sa douleur seul et saisir cette main tendue était la meilleure décision qu'il pouvait prendre.

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