Chapitre 7


Les premiers mots que Derek put lire le glacèrent, si bien qu'ils annonçaient déjà la couleur de ce premier carnet, une sorte de journal intime d'une femme aujourd'hui décédée. La mère de Stiles. Un ange parti trop tôt, le pilier d'un foyer qui était plus que bancal. L'un s'était longtemps noyé dans l'alcool et maintenant qu'il semblait avoir remonté la pente, c'était au tour de l'autre de sombrer. Si leurs deux états concernaient la même personne, ce n'était pas pour les mêmes raisons puisque Noah Stilinski n'était vraisemblablement pas au courant, de ce que lui avait dit Stiles, des réelles pensées de sa femme.

Dès les premières pages, le loup comprit pourquoi le mal-être de l'hyperactif était si profond. Il avait eu beau le lui dire, lui faire comprendre, avoir les mots face à lui était autre chose. C'était... Profondément déstabilisant. Un instant, il s'imagina à sa place. Qu'aurait-il pu ressentir s'il avait découvert que sa propre mère, Talia Hale, le haïssait depuis sa naissance ? En avançant dans sa lecture, Derek vit alors des signes dans son comportement dans certains des évènements qu'elle rapportait sur papier. La perversion de cette femme qui arrangeait les choses à son avantage était dégoûtante. En loup de naissance, il peina pourtant grandement à imaginer une mère penser du mal de son enfant, jusqu'à... Vouloir le tuer. Puis, il découvrit quelques pages plus tard que les pensées avaient dépassé la frontière de la simple idée. Claudia Stilinski avait tout simplement essayé à plusieurs reprises avant de se raviser au dernier moment. Puis, elle retournait le cerveau de Stiles, de sorte à ce qu'il continue de voir uniquement le personnage de la mère aimante qu'elle jouait et ce, pour plaire à Noah, le seul homme qu'elle semblait réellement aimer. C'était le bon mot : elle avait autant aimé le shérif qu'elle avait détesté le fruit de leur amour. Un fruit qu'elle considérait comme pourri et qu'elle n'avait effectivement jamais désiré. Mais l'horreur de la toxicité de son comportement envers l'hyperactif qui n'était à l'époque qu'un pauvre enfant à la recherche d'amour empêchait Derek d'avoir la moindre empathie, la moindre compassion pour cette... Femme.

Après un bon moment à lire cette horreur, le loup décida de faire une pause et posa le carnet sur la table basse, à l'envers, ouvert là où il en était. Et il ferma les yeux. Etendit ses sens déjà bien éveillés.

Stiles se douchait à l'étage. C'était la seule chose qu'il avait trouvée à faire après avoir passé un long moment à pleurer dans les bras de Derek. Au départ, il lui avait passé le carnet et l'avait regardé lire, guettant le moindre changement d'expression de son visage et puis... Et puis il s'était dit que se laver pouvait l'occuper. Derek y avait vu une métaphore, quelque chose qui lui permettrait de nettoyer la souillure qui l'empêchait de se remettre de sa découverte. Après lui avoir passé une serviette, Stiles n'ayant pas pensé à en prendre chez lui, Derek s'était alors installé pour lire. Toutefois, s'il avait décidé d'accorder sa confiance au jeune homme, ce n'était pas de manière complète et il continuait de craindre un revirement de sa part. Après lecture d'une bonne partie de ce carnet à la fois rapide et dur à parcourir, Derek comprenait mieux l'instabilité de la psyché de l'hyperactif. Une chose était certaine, son envie de le protéger n'en devenait que plus forte. Stiles avait beau être agaçant, parfois complexe à gérer, mais le loup ne le laisserait pas tomber. Ils faisaient partie de la même meute et qu'importe leurs différends, l'opposition complète de leur caractère respectif, l'entraide était quelque chose qu'ils se devaient de faire perpétrer, l'un comme l'autre. Et puis, Stiles était important. On ne le disait pas assez, mais c'était en grande partie grâce à lui que plusieurs des membres de la meute étaient en vie, s'entendaient bien, grâce à lui également que Chris Argent était devenu un bon allié, lui qui, après la mort de sa fille, voulait simplement tout oublier. On ne le disait pas assez, mais Stiles était partout et nulle part à la fois, présent sur tous les fronts, sur le terrain comme dans l'ombre, accomplissant un travail à la fois complexe et nécessaire. Derek se souvint avoir déjà songé qu'il ferait un bon émissaire, même en tant que simple humain, même agaçant et hyperactif, même avec son caractère de feu, même avec son sarcasme qui, autrefois, les lui brisait fort...

Derek écouta l'eau qui coulait déjà depuis une bonne demi-heure. Stiles ne lui économisait pas l'eau, c'était certain, mais le loup n'en avait cure. Oui, sa douche était beaucoup trop longue pour n'être qu'une simple douche, oui, c'était suspect, oui, sa facture risquait d'être un peu plus élevée si l'hyperactif faisait tous les jours comme ça. Mais ce n'était pas grave. Stiles ne faisait rien de mal.

En fait, il s'était remis à pleurer.

Derek entendait l'eau couler sur son corps, eau pure se mélangeant au salé de ses larmes. Il l'entendait renifler, encore et encore, parfois articuler ce qui devait parfois ressembler à des mots, mais qu'il n'arrivait même pas à sortir, et son cœur se comprima sous le poids de cette tristesse qu'il prenait pour sienne. La douleur de Stiles était si forte qu'elle l'influençait. Et puis, comment l'ignorer ? Qu'il sache ou non d'où elle provenait, c'était du pareil au même, impossible de passer outre et de ne pas ressentir quoi que ce soit. Ce que Derek trouvait le plus triste n'était pas tant la vérité derrière le comportement de Claudia que l'attitude de Stiles. Même s'il semblait avoir tendance à craquer de plus en plus, Derek percevait avec tristesse cette carapace que l'hyperactif essayait tant bien que mal de maintenir en sa présence. Ce comportement-là mettait en lumière un fait qu'il avait déjà soupçonné auparavant sans jamais trop s'y intéresser : lorsque Stiles avait des soucis, il gardait tout pour lui et affrontait lesdits problèmes seul. Cependant, celui-ci était si grand, si important et si intime qu'il n'y arrivait tout simplement pas et c'était sans doute ce fait qui l'empêchait d'agir comme il en avait l'habitude. Sa découverte l'avait tant détruit qu'il avait pleuré à plusieurs reprises dans les bras de Derek, tout comme il avait craqué en lui demandant de l'aide, chose qu'il ne faisait pourtant jamais.

Mais d'ordinaire, Stiles ne songeait jamais à mourir. Le fait qu'il ait fini par lui demander de l'aide montrait qu'il se battait contre son envie de mettre fin à cette souffrance qui faisait de lui un être que Derek peinait à reconnaître. Si on avait dit au loup – quelques jours plus tôt – qu'il trouverait l'hyperactif agaçant et plus bavard que n'importe qui dans la forêt prêt à se faire sauter la cervelle, Derek n'y aurait pas cru. En fait, il aurait répondu à ce détracteur que c'était mal connaître Stiles, que ce garçon aimait la vie, qu'il la croquait à pleines dents. Au final, c'était lui qui s'était trompé et Stiles... Stiles était bien plus torturé qu'il ne l'imaginait. Dans le fond, c'était compréhensible et au vu de ce qu'il savait désormais, Derek ne pouvait plus se permettre de prendre son comportement à la légère. Stiles était toujours instable et un rien pouvait le faire basculer. Pour l'instant, l'ancien alpha ne pouvait pas relâcher son attention. Il commença même à réfléchir à ses habitudes de base, à cette manière qu'il avait d'assommer toute la meute avec son flot de paroles incessant, à toujours bouger, jamais rester immobile. Il décoda peu à peu toutes ces choses en songeant à de potentiels signes avant-coureurs qu'il aurait pu remarquer avant. Parce que Stiles avait eu envie de mourir, oui, mais son instabilité n'était sans doute pas nouvelle. Elle devait même être sacrément ancienne, remonter non pas au décès mais à la déchéance de plus en plus visible de cette mère pour qui, malade ou non, Derek n'avait plus aucune empathie.

Le regard du loup s'égara sur ce carnet alors qu'il venait de rouvrir les yeux. Des mots. Voilà ce qui avait détruit Stiles. Derek revoyait comme un cauchemar l'éclat argenté du pistolet, à tel point qu'il se demanda si ce souvenir disparaîtrait un jour de sa mémoire. C'étaient les mots de sa mère qui l'avaient fait plonger, lui avaient donné envie de réaliser son souhait depuis sa naissance, à la différence qu'elle n'était pas là pour le voir et que... Derek l'avait sauvé in extremis. Entendre l'hyperactif pleurer dans la douche à l'étage ne l'aidait pas à penser à autre chose. Ce qui était certain, c'était qu'il essaierait à nouveau de le consoler une fois qu'il serait sorti, séché et habillé. Pas la peine de rajouter la gêne à la tristesse de l'adolescent.

Des coups portés à la porte du loft retentirent soudainement, tirant assez brutalement Derek de ses réflexions. Reconnaissant l'odeur de celui qui s'évertuait à continuer de frapper pensant qu'il n'avait pas entendu, Derek partit ouvrir et se mentalisa. En fait, il partait dans l'optique d'expédier cette conversation qui n'avait pas lieu d'être, histoire de cueillir Stiles au sortir de la douche et de continuer de veiller sur lui en toute tranquillité. Mais il sut, au regard de Scott, que le déroulé de ses plans risquait d'être légèrement perturbé.

- Deux jours que j'essaie de te joindre, Derek.

- J'étais occupé, répondit le susnommé sans faire rentrer son alpha.

Parce que s'il voulait écourter cette conversation, le mieux était de le faire comprendre à Scott en l'obligeant à rester sur le seuil. Encore fallait-il que sa lenteur d'esprit soit limitée en ce jour...

- Et tu t'es pas dit que c'était peut-être important ? Demanda Scott sur un ton accusateur.

- Et toi, Scott, tu t'es pas dit que ce que je devais faire était également important ? Rétorqua Derek sur le même ton.

Scott était bien gentil et faisait un bon alpha, mais Derek détestait quand il prenait ce ton-là. Il donnait l'impression de tout savoir mieux que tout le monde alors qu'il était juste... Un lycéen. Il commençait peut-être à bien connaître le monde surnaturel, mais les priorités de chacun n'étaient pas son fort... Derek gardait en mémoire l'épisode de la piscine. Pour lui clouer le bec, il aurait pu lui dire que la mort qui avait été évitée était celle de son meilleur ami mais quelque chose en lui l'en empêcha. Une sorte... D'instinct. Plus largement, il se disait que l'hyperactif – dont il surveillait toujours le rythme cardiaque – n'avait pas forcément envie de mettre qui que ce soit au courant de son acte avorté.

- On parle d'une vie, Derek ! T'es même pas venu aider ! Avec les autres, on a ratissé la ville toute la ville, y compris la forêt.

Le loup leva les yeux au ciel.

- Et tu l'as trouvé, ton cadavre ? Non, parce qu'il n'existe pas. Quand je t'ai dit l'autre soir que la mort en question avait été évitée, je ne t'ai pas menti, finit-il par lâcher, agacé.

Il devait bien accepter de donner cette information à son alpha, ne serait-ce que pour être tranquille... Stiles avait éteint l'eau et Derek, sur le qui-vive, se préparait déjà à monter pour avoir une nouvelle discussion avec lui.

- Peut-être, mais t'as même pas pris la peine de bouger ton cul. On a aucune preuve que cette mort a été évitée alors t'auras beau dire ce que tu veux, tant que je n'ai pas ladite preuve, je considèrerai que cette personne est peut-être morte.

Le regard de Scott lançait des éclairs et si Derek n'était pas de nature patiente, le sien aurait tiré des obus. S'il pouvait comprendre son ressenti, il ne tolérait toutefois pas ce genre de paroles et cette attitude à son encontre.

- Si tu es venu uniquement pour faire des reproches, tu peux repartir, j'en ai pas besoin, lâcha Derek.

Il ne fallait pas oublier qu'il était fatigué, qu'il manquait encore cruellement de sommeil. Sa maîtrise de lui-même était bienvenue, autrement, il aurait déjà montré les dents pour être tranquille. Cependant, s'il pouvait rester plus ou moins stoïque, ce n'était pas extrêmement longtemps, surtout si l'on prenait en compte son état et ses préoccupations.

- J'essaie de te faire comprendre que tu dois te montrer responsable et prendre tes responsabilités concernant les conséquences potentielles de tes actes et plus particulièrement de leur absence, siffla Scott.

- Tu me parles de responsabilité, à moi ? S'étonna Derek en haussant un sourcil.

C'était lui, l'adolescent aux hormones sacrément actives, qui venait lui faire la morale ? Derek était patient, mais ce genre de remarques avait tendance à le piquer au vif, si bien que l'énervement commença doucement à se faire une place en lui.

- Je n'ai pas raison ? S'enquit Scott, avec cet air que Derek trouvait déjà insupportable. Ecoute, je sais que tu es occupé et que tu as une vie bien remplie, mais si cette personne n'est pas morte, elle est peut-être blessée et peut-être que c'est quelque chose qu'on aurait pu éviter. Bordel, Derek ça fait deux jours et c'est en pleine nuit que Lydia a crié, je te rappelle ! On a cherché, mais...

- Scott, arrête de l'emmerder, fit une voix derrière eux.

Le début de colère de Derek retomba aussitôt qu'il se fut retourné vers Stiles qui était là, derrière lui. Stiles dont le parfum caramélisé camouflait un peu cette souffrance qui était la sienne. Stiles dont les cheveux étaient encore mouillés, les traits extrêmement tirés et les yeux, rouges. Stiles qui ne portait qu'un simple pantalon de jogging et un t-shirt pour traîner. Stiles qui venait de parler d'une voix traînante et enrouée à la fois. Si Derek le regardait déjà avec inquiétude, le visage de Scott afficha plutôt un effarement certain.

- Stiles ? Mais que... Qu'est-ce que tu fais là ? Bredouilla l'alpha.

- Ecoute, la potentielle mort, c'était moi, avoua directement l'hyperactif qui avait très vite relié les éléments entre eux. Si Derek n'est pas venu, c'est parce qu'il m'avait déjà sauvé. Alors maintenant, tu peux le laisser tranquille, il n'a rien à se reprocher.

A peine eut-il fini sa phrase que sa main se posa sur l'avant-bras de Derek qui avait du mal à se détendre. Et même si Stiles n'était pas un cadeau en ce moment, il tenait à lui montrer qu'il comptait réellement lui faciliter la tâche, tout comme il le soutenait : Derek n'avait pas à se faire importuner à cause de lui.

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