Chapitre 6
Stiles attendit patiemment que Derek ait fini de petit-déjeuner avant de lui montrer quoi que ce soit. Le loup était bien gentil de l'aider alors qu'il ne l'appréciait pourtant pas des masses, il était donc hors de question qu'il le brusque pour quelque chose de ce genre. Oui, l'hyperactif avait besoin d'aide et il le lui avait avoué : pour autant, il était hors de question pour lui de se faire passer avant l'ancien alpha. Son souci... N'était pas non plus vital, il pouvait attendre un peu.
Derek avait été surpris de voir que Stiles s'était montré particulièrement coopératif. L'hyperactif avait, la veille, eut moults difficultés à le convaincre d'aller dormir, mais il y avait mis tant de vigueur et de conviction qu'il avait fini par céder. Toutefois, et cela il le garda pour lui, il n'avait pas passé une bonne nuit. Son inquiétude pour le jeune homme était telle qu'il s'était réveillé à plusieurs reprises sans le vouloir et la première chose qu'avait fait son loup, c'était de chercher les battements de son cœur dans le loft. Chaque fois que les timides « ba-boum » était parvenus à ses oreilles, Derek avait poussé un soupir de soulagement et son corps s'était détendu. Ensuite seulement, il se rendormait, pour se réveiller quelques heures plus tard. Ce cycle s'était longuement répété et même si les battements de cœur réguliers de l'hyperactif étaient une preuve de sa bonne volonté, Derek n'était pas assez tranquille pour ne pas le surveiller de temps à autres.
Le souvenir du pistolet remontant lentement jusqu'à son crâne était encore trop frais dans son esprit pour qu'il accorde entièrement sa confiance à l'hyperactif, qui l'avait longtemps cherché et provoqué pour qu'il le laisse mettre fin à ses jours. Alors oui, il lui avait promis que cette fois, il ne ferait rien.
Mais Derek se méfiait.
Il y avait beaucoup de choses louches dans cette histoire, bien trop pour qu'il se repose simplement sur les paroles de l'adolescent. Il allait lui falloir bien plus de preuves s'il voulait pouvoir dormir sur ses deux oreilles – bien plus de preuves pour lui accorder son entière confiance. Stiles était quelqu'un de futé, de rusé : il le savait capable de beaucoup de choses pour arriver à ses fins. Celles-ci avaient bien changé, il le savait puisqu'il l'avait senti dans son odeur, mais... C'était encore insuffisant. Une chose était certaine, le loup n'avait pas l'intention de le laisser tomber. Sa souffrance était indéniable et sur cela, Stiles ne mentait pas. La blessure mentale qui l'avait poussé à chiper l'arme de son père était conséquente.
- Je te laisse déjeuner, je... Je vais dans le salon, j'ai... J'ai à te parler, finit par lui dire Stiles après qu'ils se soient brièvement salués.
Cette hésitation qu'il avait et cette timidité qui ne lui allait pas laissait entendre à Derek que l'hyperactif comptait réellement s'ouvrir à lui. Et puis, son odeur était très parlante : à la souffrance quasi perpétuelle qu'il dégageait s'ajoutait un stress qu'il n'avait pas auparavant. Alors, le loup hocha la tête et n'insista pas pour savoir maintenant ce qu'il avait à lui dire, compréhensif. Bien qu'au fond, il avait envie de savoir au plus vite, il ne voulait pas presser Stiles, au risque de le braquer et de lui faire regretter son début possible d'ouverture. Toutefois, il ne tarda pas trop à déjeuner et rangea rapidement la cuisine avant de rejoindre l'adolescent dans le salon, adolescent qui l'attendait patiemment, assis sur le canapé, deux carnets déposés sur la table basse. Derek reconnaissait bien le premier pour avoir vu Stiles le lire quelques fois, mais le second ne lui disait pas grand-chose, il ne l'avait aperçu qu'une fois, lui semblait-il. Le regard ambré de l'hyperactif se posa un instant sur lui avant qu'il le détourne, de manière plutôt rapide. Derek, quant à lui, s'assit à ses côtés et attendit patiemment, malgré son impatience, que Stiles se lance. C'était difficile pour lui, il le voyait bien : avouer ses faiblesses ou ses soucis n'était jamais chose facile, encore moins lorsque l'on s'appelait Stiles Stilinski et qu'on gardait sans cesse tout pour soi. Mais, cela finit par payer :
- Je sais pas si... Si ça va t'intéresser, mais je crois que j'ai besoin... J'ai besoin de te parler par rapport à... Tu sais.
Derek hocha la tête, lui signalant ainsi qu'il comprenait et qu'il lui accordait toute son attention sans chercher à l'interrompre. Que cela vienne de l'hyperactif lui faisait plaisir et lui donnait bon espoir quant à la possible disparition de ses envies suicidaires.
- Tu sais, je... Je suis pas comme ça à la base. J'aime vivre, je fais tout ce que je peux pour survivre et je trouve que je m'en sors pas si mal en tant qu'humain de bas étage, mais là... Mais là j'ai pris un sacré coup qui m'a affaibli. Il a fait trembler toutes mes convictions et... C'était trop d'un coup, j'ai pas pu m'empêcher de réagir.
- Tu as voulu mourir, lui rappela Derek sans aucune agressivité.
- Ouais, c'était... C'était trop fort.
En parlant, Stiles se triturait nerveusement les doigts. Parler n'était pas quelque chose d'habituel pour lui mais dans un sens, il en avait besoin. S'il tenait réellement à revenir sur sa décision, il fallait qu'il se décharge, qu'il se livre. Derek n'était pas la personne qu'il aurait choisie en premier pour parler mais il était au courant de ce qu'il avait tenté de faire, puisque c'était bien lui qui l'avait empêché d'aller jusqu'au bout. Sans doute devait-il le remercier pour cela, plus tard. Là, il n'allait pas assez bien pour être heureux d'être en vie.
Le spectre de la véritable Claudia Stilinski rôdait encore dans son esprit torturé.
- En soi, tout ce qu'il y a à savoir est marqué dans ces carnets, indiqua l'hyperactif d'un geste vague de la main en désignant les cahiers trônant sur la table basse. J'ai bientôt fini de lire le premier et... C'est dur. Si tu veux comprendre, tu... Tu peux lire.
C'était très intime, mais nécessaire. L'on ne pouvait pas comprendre à cent pour cent si l'on ne lisait pas les mots de Claudia. Si l'autorisation étonna Derek, il ne choisit pas la facilité :
- Je lirai, mais j'aimerais d'abord que tu m'expliques avec tes mots.
Parce que pour lui, il valait mieux que Stiles dise les choses de vive voix. Montrer des preuves de ce qui le rendait si mal, c'était une chose : en parler en était une autre. C'était quelque chose de bien plus profond et dont l'effet était plus efficace. Au début, Stiles secoua la tête, trouvant l'idée superflue et inutile. Mais Derek avait de la ressource et finit par le persuader de cracher le morceau, en lui disant qu'il avait juste à parler sans filtre, avec les mots qui lui venaient.
Stiles poussa un long soupir, serra les poings avant de se lancer, fébrile :
- Je... Je sais pas par où commencer...
- Par la première chose qui te vient à l'esprit. Qu'importe si ce n'est pas dans le bon ordre. L'important, c'est que ça sorte.
L'avantage avec Derek, c'est qu'il était d'un naturel calme et que la fatigue n'enlevait rien à sa patience. Stiles ne put s'empêcher de penser que se confier à Scott n'aurait pas été pareil : non seulement l'alpha n'aurait cessé de le presser, mais rien ne lui garantissait qu'il l'aurait écouté... Scott était bien gentil, certes, mais il avait tendance à davantage penser aux filles qu'à son meilleur ami. Sa conquête actuelle ? Malia. D'après ses dires, la coyote changeait sa vie. Stiles n'était pas jaloux, puisqu'il s'agissait de son ex et qu'ils s'étaient quittés en très bons termes et d'un commun accord. Non, ce qui l'emmerdait, c'était le fait que Scott semblait oublier que parler de ses relations, c'était sacrément redondant, surtout qu'il le prenait parfois de haut. Stiles n'aimait pas être comparé et c'était exactement ce que le latino faisait assez régulièrement, comme pour se mettre en valeur.
Se trouver ainsi chez Derek qui le protégeait de lui-même lui donnait un peu plus confiance. Parce qu'avec le loup, l'hyperactif se sentait écouté, si bien qu'il s'en voulait déjà de lui avoir mené la vie dure alors qu'il l'avait sauvé. Petit à petit et sans qu'il s'y attende vraiment, les mots lui vinrent.
- C'est juste que... Ma vie est un mensonge. J'ai toujours mal vécu la mort de ma mère et je... Je sais pas. J'ai fait mon deuil, plus ou moins et je me disais que si elle avait pas eu cette maladie on... On aurait pu être une famille heureuse. Elle, mon père, et moi. Ma mère, c'était notre soleil à tous les deux, notre vie tournait autour d'elle, tu vois. Quand elle est morte, mon père est tombé dans l'alcool et a eu du mal à se sortir de son addiction mais ça, c'est pas une nouveauté.
Pour Derek, c'en était une. Il n'interrompit toutefois pas Stiles, qui continua :
- Moi je... Je comprenais pas trop, j'avais juste mal. Puis avec les années, j'ai commencé à comprendre et j'ai accepté. Mais tu vois, un peu avant qu'elle... Qu'elle s'en aille, elle... Elle était différente. J'étais petit mais je m'en souviens très bien, comme si c'était hier.
L'hyperactif frissonna en repensant à ces mots qui prenaient un tout autre sens aujourd'hui.
- Elle... Elle était agressive.
Son vrai visage.
- Elle disait que sa maladie, sa souffrance... C'était de ma faute.
En soi, cela l'était-il réellement ? Avec les éléments qu'il avait désormais en sa possession, il se posait réellement la question.
- Mais quand je repense à ce que je sais maintenant... C'était sans doute vrai, lâcha-t-il avec amertume.
- Ne dis pas ça, finit par dire Derek, désireux de le pousser à ne pas penser de cette manière.
- Derek, soupira Stiles, elle me hait. Elle m'a toujours haïe. Elle ne m'a jamais aimé.
Au départ, le loup haussa un sourcil et le regarda d'un air étrange, comme si Stiles lui avait sorti une énormité impensable. Mais Stiles restait parfaitement abattu et n'avait pas l'air de plaisanter ou même d'exagérer. La souffrance dans son regard et son odeur était sans équivoque. Stiles tourna la tête et attrapa le premier carnet, celui qu'il l'avait vu feuilleter à plusieurs reprises déjà.
- Elle nous l'a caché pendant des années. Elle voulait pas froisser mon père alors... Elle faisait semblant. Elle l'aimait, lui.
Il n'y avait pas d'amertume ni de jalousie dans son ton. Juste de la tristesse et toujours cette douleur lancinante, l'origine de ses envies suicidaires. Stiles expliqua rapidement la manière dont il avait trouvé ces carnets et parla à Derek du fait qu'il était le seul à connaître son contenu. Puis, il continua douloureusement :
- J'étais le fils qu'elle ne voulait pas. Le fils qu'elle voulait tuer. Le fils qu'elle a élevé pour ne pas perdre mon père.
Sa voix était de moins en moins assurée alors qu'il énonçait cette découverte bien trop macabre en édulcorant bien largement les choses. Derek lui avait dit de raconter son histoire avec ses mots à lui : c'était ce qu'il faisait, et il était clair qu'il n'était pas en état de détailler. Les pages noircies des carnets étaient bien plus parlantes que lui.
- En fait, dit-il alors que sa voix tremblait de plus en plus, depuis le début j'ai l'image d'une mère aimante qui a été détruite par sa maladie, mais en fait... En fait c'est moi qui l'ai détruite.
- Arrête de dire ça, intervint à nouveau Derek. Ce n'est pas de ta faute.
- Mais c'est ma naissance qui l'a faite vriller ! S'emporta légèrement Stiles alors que sa gorge était nouée. Elle allait très bien avant, elle... Elle me voulait juste pas. Alors quand je me dis que je l'ai faite basculer, je... Je me dis que j'aurais dû mourir à sa place. Elle... Elle serait bien plus heureuse et mon père m'aurait vite oublié... Il aurait toujours la femme de sa vie avec lui... Et je... Je me dis que...
Ses mains tremblaient déjà depuis une bonne minute mais ce fut seulement à cet instant que Derek le remarqua, tant il était concentré sur ces mots qui ne devraient pas sortir de sa bouche. Non pas parce que Stiles ne devait pas parler – bien au contraire – mais simplement parce qu'il ne devrait pas avoir à dire cela. Plus il l'écoutait, plus Derek était convaincu qu'il s'agissait effectivement de la vérité. De toute manière, ses battements de cœur ne mentaient pas. Ils lui hurlaient l'honnêteté de l'hyperactif. Avec une douceur qu'on ne lui connaissait que trop peu, le loup prit ses mains entre les siennes et lui expliqua plus ou moins patiemment que sa manière de pensée n'était pas la bonne. Il comprenait son choc tout autant que sa douleur, mais Stiles ne devait en aucun cas se tenir pour responsable de la mort de sa mère et encore moins culpabiliser d'être en vie à sa place. Si ses paroles le choquaient effectivement tant cela lui paraissait énorme qu'une mère haïsse son fils, il le croyait et commençait à mieux cerner le problème.
Toutefois, il était bien loin d'en imaginer l'ampleur.
Toutefois, avant même de lui montrer les carnets, Stiles craqua alors qu'il serrait les mains chaudes de Derek, qui le prit rapidement dans ses bras. La plaie était encore là, béante, énorme : et elle n'était pas près de se refermer. S'il avait été seul et qu'il avait eu une arme sous la main, sans doute aurait-il réessayer de passer à l'acte pour en finir définitivement avec cette douleur, malgré sa légère remise en question.
Mais Derek était là, cette fois, et Stiles savait qu'il ferait tout pour éviter qu'il récidive. Qu'importe les coups – faibles – qu'il lui donnerait. Les mots acérés qu'il lui cracherait à la figure. Les menaces qu'il profèrerait à son encontre. Les objets qu'il pouvait casser pour l'emmerder.
Derek était là, et ça changeait tout. Parce que cette fois, Stiles ne ferait rien de tout ça. Se faire enlacer et rassurer, c'était bien trop agréable pour qu'il refuse encore une fois son soutien. Il avait avoué avoir besoin d'aide : ainsi, il la saisissait avant qu'il ne soit définitivement trop tard.
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