Chapitre 4
Derek s'éveilla doucement et sortir du sommeil fut si douloureux pour son corps qu'il fut incapable d'ouvrir les yeux tout de suite. Parce qu'il ne fallait pas oublier qu'il n'avait pas dormi, depuis qu'il avait récupéré Stiles dans la forêt et que les nuits précédentes n'avaient pas été complètes. Le cerveau du loup tiqua en repensant à ce fait. Stiles. Il y avait quelque chose qui clochait. Pourquoi son nom le faisait frissonner, d'un coup ? Pourquoi... Stiles. Mais s'il se réveillait, cela voulait dire qu'il avait dormi, et... Oh merde ! Comme mû par une force surnaturelle, Derek ouvrit les yeux d'un coup et se redressa. Son cœur battait vite et son souffle se faisait court.
- Stiles ? L'appela-t-il d'une voix inquiète.
- Oui ?
Derek manqua de sursauter et se releva vite. Il tourna la tête et vit l'adolescent venir vers lui, un verre d'eau à la main. Stiles était un peu pâle, mais il semblait aller mieux que précédemment.
- Je me suis permis, dit l'adolescent en désignant sa boisson, mais je sais pas si...
- Fais comme chez toi, lui dit sincèrement Derek. T'as faim, tu manges. T'as soif, tu bois. T'es fatigué, tu dors.
- Ça, c'est à toi de le faire, rétorqua Stiles en retenant un sourire. T'as dormi deux heures et pourtant t'as l'air... Epuisé.
- Je viens juste de me réveiller.
Mais Derek se fit la réflexion qu'il n'aurait pas dû dormir. Cependant, il avait déjà fait une nuit blanche et s'il s'était laissé aller de la sorte, c'était bien parce qu'il était effectivement épuisé... Toutefois, la peur de perdre l'hyperactif dans son sommeil lui redonna un semblant d'énergie. Il était hors de question que l'adolescent mette fin à ses jours en profitant du peu de repos que le loup pouvait s'accorder. Derek ne devait plus recommencer ces conneries. S'il ne faisait pas plus attention, la mission qu'il s'était confiée mourrait dans l'œuf... Et il était hors de question que Stiles disparaisse, encore moins sous sa responsabilité. Que dirait Noah Stilinski, s'il apprenait que son fils était mort... A cause d'une stupide histoire de fatigue ?
Stiles secoua la tête et vint s'installer à côté de lui, sur le canapé. Il but lentement une gorgée d'eau avant de poser le verre sur la table basse et tourna la tête vers le loup qui ne le lâchait plus du regard.
- Tu peux dormir, tu sais, je vais pas m'envoler, tenta-t-il de le rassurer sans esquisser l'ombre d'un sourire.
Parce qu'il commençait sérieusement à être sensible à l'inquiétude de Derek, qu'il prenait désormais au sérieux. Il comprenait peu à peu qu'elle n'était pas feinte et que le loup ne cherchait pas à obtenir quoi que ce soit de lui, contrairement à ce qu'il avait pu penser de prime abord. De plus, ses paroles étaient sincères. Il n'allait pas partir, au sens propre comme au figuré, ni profiter du sommeil que Derek pouvait s'accorder pour mettre les voiles et monter au ciel. A vrai dire, l'envie disparaissait peu à peu. Etaient-ce les assauts répétés du bêta qui le poussaient à essayer de penser autrement ? Il y avait de grandes chances que ce soit cela, oui. Derek ne le lâchait pas d'une semelle, il avait peur qu'il s'en aille pour de bon. S'il avait cru à un mensonge, à une pensée impossible, Stiles voyait maintenant la lueur de terreur qui ne quittait plus les yeux du loup. Si même Sourwolf tenait sincèrement à lui... Il ferait beaucoup de mal autour de lui en s'envolant vers les cieux, pas vrai ? Que Derek ne se fasse toutefois pas d'illusion : l'envie était toujours là, elle s'amenuisait simplement petit à petit. Cet enfoiré de loup risquait bien de voir son pari réussir.
En même temps... Comment Stiles pouvait-il lui résister ? Les démonstrations d'affection, les tentatives de Derek pour l'empêcher de faire quoi que ce soit, ses paroles, ses étreintes... Bordel, de ce qu'il en savait, le lycanthrope n'était pas vraiment du genre câlin, pas du tout, même. Il mettait de côté leurs différends et son aversion pour les bavardages intempestifs pour le sauver de lui-même et de ses envies potentielles. Stiles se rendit alors compte qu'en fait, Derek avait fait de lui sa priorité, quitte à sacrifier son sommeil pour veiller sur lui. L'hyperactif avait beau être humain, il savait reconnaître l'épuisement lorsqu'il le voyait. Il se souvenait très bien de son premier réveil au loft : Derek lui avait paru fatigué, comme s'il n'avait pas dormi de la nuit.
- J'en sais rien, Stiles, lâcha Derek. J'en sais rien, si tu vas t'envoler ou pas.
C'était un aveu aussi honnête qu'inattendu. Derek était las, épuisé, désabusé. Stiles lui-même était épuisant. Il avait du bagout, du répondant et malgré ses facultés lycanthropiques, le loup ne savait pas quoi croire. Était-ce encore une nouvelle stratégie de la part de l'hyperactif pour pouvoir le berner, le fatiguer, faire en sorte qu'il le laisse tranquille ? Il y avait bien des façons de manipuler sans mentir. Son arrivée au loft datait seulement de la veille et Derek avait déjà un moment de faiblesse. Il en était conscient, sincèrement, et il aimerait bien reprendre une attitude impassible, comme pour montrer à l'adolescent que rien ne le ferait céder. Mais dans l'état actuel des choses, il en était incapable.
Il avait vraiment besoin de repos.
- Ok, souffla l'hyperactif, l'air ahuri.
Il était sous le choc, il fallait l'avouer. Il ne s'attendait pas à autant de franchise de la part du loup qui, à cet instant, trahissait clairement son envie de dormir encore. Sans doute s'était-il réveillé de manière prématurée, par peur que Stiles en ait profité pour mettre les voiles et se tirer, cette fois avec succès, une balle dans la tête. Tout cela, l'hyperactif l'avait compris avec cet aveu franc et alarmant. Ok, j'ai merdé. Et cette prise de conscience lui fit plus d'effet qu'il ne l'aurait cru.
- Je... Je vais faire des efforts, lâcha-t-il sans pouvoir se retenir.
Derek tourna la tête vers lui et ses traits tendus exprimaient un mélange d'interrogation, de surprise et de lassitude. Il ne dit rien, et Stiles comprit qu'il se devait d'éclaircir ses propos, d'étayer sa pensée. C'était à lui de le faire, le loup n'avait pas à le lui demander. Mais l'hyperactif choisit d'opter pour une autre manière de faire, une autre stratégie qui le mettait en position de force :
- Je... Si je te jure que je ferai rien, tu me promets de dormir ?
Enfin, en position de force... Plutôt à niveau égal. Deux promesses, deux états, deux demandes, deux réalisations. Stiles était toujours un poil suicidaire, il ne fallait pas se leurrer, mais... Derek ne faisait-il pas déjà des efforts de son côté ? L'hyperactif était sensible à la fatigue. La voir chez autrui, en sachant qu'il en était la cause... Il se devait de réagir.
Derek, de son côté, haussa un sourcil et tenta encore de remettre son masque de loup impassible : sans succès. C'était comme si une journée avait suffi à l'épuiser mentalement, comme si Stiles avait déjà atteint les limites de son vis-à-vis. Le lycanthrope le regarda d'un air sérieux.
- Je ne sais pas, est-ce que je peux te faire confiance ?
La question porta un coup au cœur du plus jeune, mais il resta de marbre, du moins en apparence. Ok, il l'avait cherché. C'était de bonne guerre.
- Tu m'as fait confiance pour l'épisode de la piscine, dit-il.
- Mourir n'était pas dans tes plans, lui rappela le loup, l'air de rien.
Stiles tenta le tout pour le tout, quitte à être honnête. Jamais il n'aurait cru que deux pauvres câlins suffiraient à le faire douter de ses envies tout autant que de ses intentions...
- Et si je n'étais plus si sûr de mon choix, tu me ferais confiance ?
L'attitude de Derek changea légèrement et il le regarda, l'air de dire « t'es sérieux ? ». Mais aucun mot ne sortit de sa bouche. Stiles dut attendre une bonne dizaine de secondes, durant lesquelles il pouvait presque voir le cerveau du loup tourner à plein régime avant que celui ne finisse par lâcher :
- Peut-être.
Stiles soupira, soudainement agacé. Mais qu'allait-il devoir faire pour que ce loup des cavernes finisse par le croire ? Merde, n'entendait-il pas ses battements de cœur ? Bordel, s'il devait vraiment passer une semaine ici, qu'allait faire Derek ? Il ne pourrait pas assumer plus de deux ou trois nuits blanches. Comme tout être humain ou surnaturel normalement constitué, il avait besoin de repos. Et son inquiétude pour lui le poussa à se lever soudainement, s'accroupir devant lui et lâcher ce qu'il ne voulait pourtant pas dire :
- Je te jure que tu peux me faire confiance. J'ai peur, je sais pas si je veux vraiment mourir et je... J'ai peut-être du mal à gérer certaines choses seul, je vais peut-être avoir besoin d'en parler et je ne me vois pas aller dire ça à Scott ou à mon père... Je suis juste perdu, complètement dépassé, Derek, je...
Il allait le dire. Il allait le dire. Faisait-il seulement cela parce qu'il était inquiet pour celui qui s'était donné pour mission de l'empêcher de mettre fin à ses jours... ? Même accroupi devant le loup, qu'il avait l'impression de supplier, il se sentait trembler. Légèrement. Mais trembler quand même. Il n'avait pas l'habitude de se confier, de dire quand ça n'allait pas, du moins pas quand il allait réellement mal ou quand il avait un problème assez important. Généralement, il préférait garder tout ça pour lui, mais là... Ce n'était pas gérable. Au fond, il avait peut-être envie de vivre et si ses découvertes lui donnaient simplement envie d'aller rejoindra sa mère, un être aussi doux qu'hypocrite, c'était mauvais. Stiles n'était pas bête, il s'en rendait bien compte. Deux pauvres carnets avaient brisé le mensonge qu'était sa vie et la vérité... Était juste difficile à supporter, surtout seul.
- Je...
De toute manière, il avait bien vu où la solitude et le silence l'avaient mené. Stiles lui-même ne se reconnaissait plus. Comment avait-il pu voler l'arme de son père ? Pour se flinguer, en plus ? Ça, ce n'était pas lui. Pleurer, ce n'était pas lui non plus. Perfide et malicieuse, sa sombre envie de quitter ce monde revint faire un tour dans son esprit, le torturant toujours plus. Il ne s'en sortirait pas. Du moins pas seul. C'était à ça qu'il avait réfléchi lorsqu'il s'était réveillé dans les bras de Derek, sur le canapé. Il s'était levé, isolé dans la cuisine et l'avait traversée de long en large sans cesser de se remettre en question. C'était là, à côté du bloc de couteaux et du lave-vaisselle, qu'il s'était dit qu'il ne pouvait pas continuer comme ça.
- ... J'ai besoin d'aide, Derek... Finit-il par avouer en baissant les yeux, honteux de son propre aveu.
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