Chapitre 3
« J'ai haï ma grossesse.
Je n'ai jamais voulu de cet enfant. Je ne voulais pas être mère. Mais j'aimais Noah, il était tout ce que je désirais dans la vie. Alors, lorsque j'ai appris que j'étais enceinte et que j'ai vu son air rayonnant, je n'ai pas pu lui refuser ce bonheur. Il aimait déjà cet enfant qui n'était même pas de lui, et il le savait. Cela ne faisait que quelques mois que nous étions officiellement ensemble et il nous acceptait déjà, ce bébé et moi.
J'aurais aimé être aussi heureuse que lui, mais je n'y arrivais pas. C'était au-dessus de mes forces. Je ne voulais pas le sentir grandir en moi, le sentir donner des coups de pieds, le sentir me pomper mon énergie.
Déjà à cette époque-là, il avait commencé à voler ma vie. »
C'était le début, le plus soft. Stiles avait pris une décision douloureuse mais qu'il jugeait nécessaire. Il avait commencé par le milieu, ou la fin, il ne le savait plus. Alors, cette fois, il voulait tout lire depuis le début, pour comprendre. Pourquoi sa mère le haïssait-il autant ? Qu'avait-il fait de mal ? Il espérait qu'en comprenant, ce combat au fond de lui cesserait et qu'ainsi, la suite serait plus facile à voir venir. Peut-être son envie de quitter ce monde s'en irait-elle mais pour cela, il fallait que sa douleur cesse de grandir, de changer, de le ronger de l'intérieur.
En fait, il s'était enfermé dans le silence depuis que Derek était venu le chercher dans cette salle de bain. Si son câlin lui avait fait du bien ? Evidemment. S'il s'était senti mal à cause d'une potentielle culpabilité ? Bien sûr. S'il commençait à avoir envie qu'on l'aide ? Assurément. Mais tout n'était pas si simple et s'il voulait aller mieux, s'il désirait faire taire cette douleur, il fallait que cela vienne de lui. Et quelle meilleure idée que de se plonger dans la source de ses problèmes en lisant les carnets de sa mère correctement ? Au fond, il n'était pas sûr de son idée, qui pouvait s'avérer être à double tranchant, mais il ne savait que faire et ne se voyait pas dire à Derek qu'il était désespéré et ne croyait plus en rien à cause de ce qu'il avait appris. Pourtant... C'était sans doute ce qu'il faudrait faire. Oui, en réalité, il fallait qu'il parle, qu'il se confie, qu'il lui dise ce qui l'avait mené à désirer aussi ardemment sa propre mort.
Stiles l'aurait fait s'il était courageux et s'il avait une meilleure estime de lui-même, ce qui n'était pas le cas. Il continuait simplement de lire, acceptant que les mots le déchirent un peu plus à chaque page. Savoir qu'il n'avait pas été désiré, même à sa naissance... C'était dur, vraiment. Noah, qui n'était au final pas son père biologique, avait plus voulu de lui que la femme qui l'avait porté pendant neuf mois. Il lâcha un soupir tremblant. Pourquoi continuait-il de lire ? C'était à se demander s'il était masochiste. Il ne l'était pas, bien sûr, mais il désirait comprendre et était persuadé qu'il trouverait la réponse au fil des pages. Peut-être sa mère l'avait-elle apprécié, au moins un court instant ? Avec espoir tout de même, Stiles continua de lire, inlassablement, sans se douter de l'attention que Derek lui portait depuis qu'il était revenu de la cuisine.
Le regard si particulier du loup ne quittait pas la silhouette du jeune homme. Il avait beau s'être calmé, il était... Silencieux. Derek savait d'expérience qu'un Stiles silencieux n'était pas un bon présage. Il avait beau lire, ce n'était pas une excuse. Le loup l'avait déjà vu et entendu lire, parce que Stiles avait l'habitude de lire certains passages à voix haute et de les commenter. Là, c'était différent puisqu'il s'agissait de vieux carnets, mais tout de même. Il sentait son odeur, sa souffrance toujours plus grande. Si lire ça lui faisait si mal, pourquoi continuait-il ? Pourquoi s'acharnait-il, se faisait-il du mal comme ça ? N'en avait-il pas eu assez ? Derek ne le comprenait pas, il avait besoin de plus d'éléments, mais le jeune homme semblait peu coopératif. Parce qu'il allait mal. Et c'était un cercle vicieux qu'il ne savait pas comment briser. Au moins, Stiles semblait avoir arrêté de penser à mourir pour le moment. Du moins, il n'en parlait plus avec autant de véhémence et d'envie. S'il commençait à s'occuper, à faire quelque chose – même si ce quelque chose lui faisait mal – c'était bon signe. Alors, assis sur le fauteuil à côté du canapé, Derek surfait sur son téléphone, sans trop savoir quoi faire exactement. Stiles le préoccupait à un point que c'était comme si le reste n'avait plus aucune importance. En soi, c'était le cas. Il avait bien du ménage à faire, Scott à contacter par rapport à la veille, la meute à voir pour discuter de choses surnaturelles, mais son inquiétude pour Stiles éclipsait tout le reste. De simple « collègue » de meute, il était devenu très important pour lui et ce, en une soirée. Que serait-il arrivé s'il n'avait pas trouvé Stiles, ce soir-là ? Aurait-il entendu le coup de feu ? Stiles se serait-il vraiment tiré une balle dans la tête ? Connaissant l'énergumène, tout était malheureusement possible. Le reste, il ne voulut pas l'imaginer, cela lui ferait trop mal. Il avait beau ne pas apprécier l'adolescent outre mesure, il refusait l'idée de le perdre. C'était inconcevable. La meute de Beacon Hills ne serait rien sans Stiles Stilinski.
Du coin de l'œil, il le surveillait. Pas par peur qu'il saisisse quelque objet tranchant et qui tente de se tuer, simplement parce qu'il l'inquiétait réellement. Son odeur avait changé, encore. Elle était plus piquante, plus... Douloureuse. En tournant un peu plus franchement la tête vers lui, il vit ses yeux rougis et larmoyants qui tentaient d'empêcher ces traîtresses de s'échapper. Et pourtant, au lieu de s'arrêter de lire, ses yeux continuaient de suivre les lignes d'écriture, comme si c'était la seule chose à faire.
« Si j'avais pu empêcher sa naissance, je l'aurais fait. Combien de fois je me suis endormie en priant de toute mon âme pour qu'il meure dans la nuit ? Ensuite, il aurait simplement suffi qu'on retire son corps de mon ventre. J'ai même espéré faire une fausse couche, chaque jour de cette foutue grossesse. Je le sentais bouger en moi et si ça plaisait à Noah, moi, ça me dégoûtait. J'aurais tant voulu qu'il cesse de bouger, que son cœur s'arrête, qu'il s'étouffe, qu'il ne voie jamais le jour.
Mais le médecin qui me suivait était clair : cette chose naîtrait normalement, il y avait peu de chances que je fasse une fausse couche. Noah a été rassuré, moi, j'ai caché ma haine.
J'ai alors prié pour qu'il naisse fragile et malade. En espérant qu'il lui arrive quelque chose lorsqu'il naîtrait. »
Une larme passa la frontière de ses yeux et se mit à couler sur sa joue. Même avant qu'il naisse, elle le haïssait. Incapable d'en supporter plus pour le moment, Stiles mit un petit bout de mouchoir en guise de marque-page et referma le carnet. Il avait besoin d'une petite pause. Sans se soucier de la présence de Derek, il mit ses mains sur son visage, espérant faire disparaître les larmes qui venaient toutes seules. C'était dur, vraiment trop dur. La haine de Claudia Stilinski envers lui dépassait tout ce qu'il avait imaginé lorsqu'il avait commencé le carnet en plein milieu. Il se rendait compte que le début était pire que le reste. Et ça ne faisait que faire grandir sa douleur.
Stiles crut qu'il allait perdre pied, que son cœur allait exploser sous tant de souffrance accumulée. Mais une douce chaleur se répandit dans son dos, au moment où le canapé s'affaissa près de lui. Il sentit enfin la main de Derek qui allait et montait dans son dos, doucement. Des tas de questions lui vinrent. Il voulut les poser, savoir ce qu'il se passerait s'il disparaissait, ce que ça lui ferait, à ce loup qui ne l'aimait pas. Mais s'il ouvrait la bouche maintenant, il éclaterait en sanglots. Il pleurait déjà silencieusement et Derek l'avait vu, ce n'était alors pas la peine d'en rajouter. Il descendit doucement ses mains, découvrant progressivement son visage défait, ses yeux rivés au sol. Quel piètre spectacle. Il était pathétique et il le savait. Deux envies contradictoires le prirent. Il voulut que Derek le laisse partir, là, tout de suite, pour qu'il puisse enfin mettre un terme à son existence inutile. Et en même temps... En même temps, il voulait qu'il le retienne, qu'il lui dise qu'il était apprécié, qu'il en valait la peine, qu'il lui donne envie de vivre. Mais c'était Derek, et il savait qu'il ne l'appréciait pas des masses. Pourtant, il l'avait sauvé et le gardait ici pour l'empêcher qu'il recommence. N'était-ce pas déjà une bonne nouvelle ? Non, parce que c'était sans doute ce que le loup s'obligeait à faire, par bonne conscience. Pour Stiles, ce n'était pas sincère.
- Arrête de lire ça, si ça te fait si mal.
Stiles aimait beaucoup la voix de Derek. Elle était grave, rocailleuse, avec un timbre particulier mais qu'il avait toujours trouvé beau. Même si « douce » n'était sans doute pas le meilleur mot pour la qualifier, c'est ce qui lui vint automatiquement à l'esprit à cet instant en l'entendant. Stiles inspira et expira, plusieurs fois, profondément, pour se donner de la force et ne pas craquer.
- Ca va, j'ai juste... Besoin d'une... Besoin d'une pause, répondit-il en se contrôlant au mieux.
- Non, Stiles, ça ne va pas. Ça ne va pas du tout.
C'était un constat pur et simple que le loup faisait. Il continuait de caresser son dos et même si cela pouvait paraître peu, ça voulait beaucoup pour Stiles. Dans un sens, Derek le soutenait.
- J'imagine que... Que tu vas pas me laisser partir... même si je te le demande gentiment...
- Non, surtout pas dans cet état-là, répondit tout naturellement le loup en se rapprochant encore un peu de lui.
- Mais...
Stiles ne sut comment continuer sa phrase. En fait, il ne savait même pas ce qu'il voulait dire, ni ce qu'il voulait tout court. Tout était flou dans sa tête. Flou et triste. Mais pas flou et suicidaire. Et sans qu'il ne puisse réellement se contrôler, l'hyperactif laissa sa tête tomber sur l'épaule de Derek, sans réellement se soucier de la portée que pouvait avoir son geste. Il ne vit alors pas le loup hausser un sourcil, encore moins la perplexité s'ancrer dans son visage d'ordinaire fermé. Toutefois, il ne le repoussa pas, bien au contraire : il continua ses légères caresses dans son dos.
- Je suis fatigué, soupira Stiles, les joues mouillées des larmes qui avaient finalement commencé à arrêter de couler.
- Tu devrais parler, tu sais.
- Oui, sans doute. J'imagine que... C'est ce qu'il faut faire, mais... Non, je... Non.
Il était bloqué par cette douleur qui lui enserrait la gorge. Et, d'un coup, Stiles imagina sa mère en train de l'étrangler. Son souffle se coupa un instant. Le pire était qu'il se rendait compte qu'elle en aurait été capable. Elle aurait pu le tuer. D'après ce qu'il avait lu lorsqu'il avait découvert dans ce carnet, elle avait déjà voulu. Et pourtant, pourtant... Il ne lui en voulait pas le moins du monde. Il crevait d'amour pour elle malgré ce qu'il avait découvert. Elle était sa mère et même si elle avait fait semblant, Claudia l'avait élevé, éduqué. Alors oui, peut-être qu'elle ne s'était pas toujours montrée des plus chaleureuses avec lui, mais elle restait tout de même celle qui l'avait mis au monde et la femme qu'il avait toujours admirée. Un sanglot soudain secoua le corps gracile de l'hyperactif, qui se laissa un peu plus aller contre Derek. Pas une fois l'idée que ce rapprochement n'avait pas lieu d'être ne lui traversa l'esprit. Il avait diablement besoin de lui.
- J'en... J'en peux plus... Pleura-t-il.
C'est à peine s'il sentit Derek l'étreinte comme dans la salle de bain, en passant ses bras forts autour de son corps tremblant, secoué par ces sanglots qui ne semblaient pas prêts de s'arrêter, finalement. Stiles était lancé. Sans aucune honte parce qu'il ne s'en rendait pas compte, il s'accrocha à Derek. Peu lui importait s'il froissait malencontreusement son haut de ses larmes. Après tout, cela ne ferait que la deuxième fois en ce jour. Et puis sa souffrance était telle qu'il ne pouvait plus faire attention à ce genre de détails. Il n'en était pas capable.
- Je veux... Je veux rejoindre ma mère... Souffla-t-il entre deux sanglots.
Parce qu'il l'aimait quand même. Stiles avait beau savoir que sa vie était un mensonge, il ne l'avait pas encore complètement réalisé et il avait l'impression que le manque était plus difficile à supporter que d'ordinaire. Une main, douce par son geste, se mit à caresser ses cheveux avec patience et il sentit l'étreinte autour de lui se raffermir. Pour autant, il ne vit pas le visage crispé de Derek, ni l'éclat douloureux dans ses prunelles bleu-vert. Mais il sentit ses lèvres venir embrasser sa tempe avec une délicatesse inattendue. Le garçon brisé qu'il était se lova contre le loup et pleura toutes les larmes de son corps en se mettant à crier de temps à autres de sa voix cassée et rendue tremblante par ses sanglots. Il parlerait. Bientôt.
Mais d'abord, il se lâchait complètement, plus qu'il ne l'avait fait dans la salle de bain. Là, c'était un cri du cœur, un appel à l'aide. Le hurlement silencieux de celui qui coulait mais ne voulait plus vraiment se noyer, de celui qui avait cru vouloir mourir mais qui s'était simplement laissé submerger par son horrible découverte, incapable de la supporter seule.
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Le mystère commence à se désépaissir ~ qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? Ouais, je sais, des fois je mets des commentaires de fin de chapitre et des fois pas du tout, ça vient au pif x)
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