Chapitre 23


Si l'on avait dit à Stiles qu'il en viendrait à quémander la présence physique de Derek suite à un évènement qu'il jugerait comme étant traumatisant, il aurait ri. Il aurait ri, oui, parce que c'était tout bonnement invraisemblable.

Il n'y avait pourtant pas de fait plus juste à cet instant que celui-ci.

La façon dont l'humain s'accrochait au loup-garou était sans équivoque. Dénuée de toute ambigüité, elle faisait simplement montre d'une terreur que seul un certain type de familiarité pouvait tenter de calmer. Ici, il s'agissait de la présence de Derek, de cette étreinte solide qu'il lui offrait malgré lui. Le genre de « câlins » qu'il n'aurait jamais espéré avoir de sa vie. Il n'y avait dans ce geste rien de romantique, mais tout de la précipitation, de l'inquiétude, du trouble. Derek n'avait aucune idée de ce qu'il s'était passé : il avait juste... Senti que quelque chose n'allait pas. Cette peur, cette terreur... Il ne l'avait pas rêvée. Ce sur quoi il avait un doute, c'était cette espèce de semblant de voix. Ni féminine, ni masculine, elle lui avait semblé fort étouffée, trop pour qu'il puisse comprendre quoi que ce soit. D'ailleurs, il n'était même pas sûr de l'avoir réellement perçue tant tout en lui avait réagi. Face aux émotions plus que violentes qui étaient parvenues jusqu'à ses narines, le reste ne revêtait pour lui aucune importance. Il avait l'habitude de se fourvoyer, de se laisser tromper par ses propres sens. Seul son odorat restait toujours exact.

- Je suis là, je ne te lâche pas, articula-t-il lentement et d'une voix aussi douce qu'il le put.

Ce n'était toujours pas son truc, mais il essayait. L'humain qu'il tenait entre ses bras lui semblait bien trop fébrile pour sembler comprendre un ton jugé « normal ». Il lui paraissait ailleurs, dans une dimension lointaine. Il avait les yeux écarquillés, la respiration rapide, le souffle si court que Derek avait l'impression qu'il pouvait se stopper à tout moment. Il y avait aussi ces mains qui s'accrochaient à lui, cette volonté aussi forte que désespérée de ne pas risquer de se retrouver séparé de lui. Stiles agissait de façon inverse par rapport à ses habitudes : lui qui fuyait autrui lorsqu'il se sentait mal venait à avoir besoin de Derek. Ce constat, aussi simple qu'il soit, monopolisait son attention pour l'instant, si bien qu'il notifia une odeur particulière, sans plus y accorder d'importance. Il y avait plus urgent.

Stiles peina à retrouver son calme et lorsque ce fut finalement le cas, il eut l'air épuisé. Fébrile, fragile. Ces adjectifs lui allaient si peu, mais étaient les plus aptes à caractériser son attitude pour l'instant. Il ne chercha même pas à débriefer ce qu'il venait de se passer, de lui arriver. Ne pensa pas non plus à quel point c'était stupide, à quel point sa propre tête l'avait eu. Car pour lui, il n'y avait rien eu de réel et pourtant, c'était tout comme. Son épaule lui faisait mal, il avait froid, se sentait presque fiévreux... Or, il ne s'agissait rien de moins que de la conséquence de cette espèce de crise incompréhensible où sa psychose avait pris le pas sur la réalité. Un soupir tremblant sortit péniblement d'entre ses lèvres entrouvertes. Je suis fatigué. Physiquement, psychologiquement... Un peu de l'un et de l'autre à la fois. Sa vision avait été véritablement éreintante d'autant plus qu'il avait vraiment l'impression que cette douleur au niveau de son épaule avait eu quelque chose de réel. Il continuait d'ailleurs de la ressentir – dans une moindre mesure toutefois. Ses yeux, comme en réponse à cet appel au repos que lui lançait son corps, se fermèrent. Il n'avait même pas la force de se plaindre.

- Stiles, reste avec moi.

Derek s'efforçait de garder la voix aussi calme que possible, de sorte à ne pas le brusquer – c'était bien la dernière chose qu'il voulait. Néanmoins, le garder réveillé un moment le rassurerait, parce que... Parce qu'il ne savait pas quoi faire alors que cette situation se présentait à lui pour la deuxième fois – en bien trop de temps pour qu'il puisse en tirer un quelconque enseignement.

Sa tentative, bien que témoignant d'une certaine fébrilité, eut au moins le mérite de marcher. Stiles ouvrit très péniblement les yeux et peina à diriger ceux-ci comme il l'entendait. Mais finalement, il y parvint

Il réussit à croiser ceux de Derek.

Stiles tenta vainement de dire quelque chose. Tout ce qu'il fit réellement se résuma à de maigres bredouillages. Il était sous le choc, perdu. Et les larmes lui montaient lentement aux yeux à vitesse grand V. Certaines s'en échappèrent. Brisèrent le cœur de Derek, qui... Se sentait complètement démuni, impuissant face à cette incroyable détresse. Que s'était-il passé ? Que lui était-il arrivé ? Des questions qui tournaient en boucle dans sa tête et qui lui firent prendre une décision.

S'il devait avoir des réponses, cela n'arriverait vraisemblablement pas tout de suite, alors... Derek le prit complètement dans ses bras et le porta jusqu'au salon. Après l'avoir posé on ne peut plus délicatement sur le canapé et placé un coussin bien mou sous sa tête, il étala un plaid sur son corps frissonnant.

- Reste avec moi, lui rappela-t-il encore.

Il avait besoin de le voir réveillé, pas seulement de le sentir et ce sentiment-là n'était pas près de s'en aller. Il vit le léger mouvement de Stiles, un hochement de tête si petit et si bref qu'il aurait pu le manquer. L'hyperactif était là, il l'écoutait.

Et il pleurait toujours.

Ce n'était rien de plus que l'affaire de quelques larmes. Sans bruit, sans torrent. Sans que son visage se torde de douleur, qu'il se crispe parce qu'il pensait trop. Il avait le regard terne, presque vitreux.

En d'autres termes, il était en état de choc. Ainsi, lorsque Derek eut terminé son petit manège et s'être assuré qu'il bénéficiait de tout le confort que pouvait lui offrir le canapé, il s'assit à son bord, bénissant sa largeur qui lui permettait de ne pas avoir à s'installer ailleurs. Bien sûr, il l'emmènerait à l'étage lorsque cela irait mieux mais pour l'instant, mieux valait le garder ici, à portée, près de tout. Son nez le piqua un instant, un peu plus que précédemment, mais Derek considéra qu'il y avait plus important. Avec une patience que l'on pourrait trouver fort étonnante chez lui, il essuya de son pouce ces quelques larmes plus que révélatrices sur l'état psychique de Stiles. Enfin, il y avait tout de même du mieux : il ne tremblait plus et semblait moins fébrile, un peu plus ancré dans la réalité.

- Tu peux parler, tu penses ? Lui demanda Derek d'un ton qui laissait cette fois complètement transparaître son inquiétude.

De nouvelles larmes apparurent au coin des yeux de Stiles, mais ne coulèrent pas sur ses jours.

- J'veux pas en discuter, souffla-t-il.

Son cœur s'emballa au moment où il prononçait plus que péniblement ces mots. Il disait la vérité. Se confier sur cet épisode, bien plus dur à ses yeux que le précédent, l'angoissait déjà. C'était trop tôt. Trop frais. Pas digéré pour un sou. Derek comprit son trouble.

- Non Stiles, je... Je ne te demande pas de m'expliquer maintenant.

A force, il commençait à connaître le jeune homme et ne le forcerait à parler de ce qu'il venait de se passer d'aucune manière, encore moins s'il n'était pas prêt à ne serait-ce qu'imaginer aborder le sujet.

- Je veux juste que tu me dises... Si tu as besoin de quelque chose, si tu as mal quelque part.

Stiles n'hocha pas la tête mais Derek vit à son regard qu'il avait compris. Maintenant, il lui restait à digérer cette... Crise, cette chose incompréhensible qui lui donnait un air épuisé.

- J'ai mal à l'épaule, lâcha spontanément le jeune homme, sans réfléchir.

Ce fait était sorti tout seul, sans qu'il ne puisse le retenir et pourtant, Stiles s'en voulut aussitôt. Pourquoi ne s'était-il pas tu ? Pas que l'information soit sensible, seulement... Il n'allait pas bien, Derek avait dû, une fois de plus, courir. Il l'avait inquiété. Autant dire que le loup-garou n'était pas près d'avoir l'esprit tranquille, alors... Alors oui, l'humain regretta rapidement sa déclaration.

Derek fronça légèrement les sourcils et eut l'air confus, comme si une idée particulière lui venait. Malgré sa gorge serrée et sa voix cassée par l'angoisse, Stiles s'empressa d'ajouter que ce n'était sans doute rien.

- Je... Je suis juste mal tombé.

Mais cela sonna faux et son cœur dut donner raison à ce fait puisque la préoccupation qui tirait les traits de Derek gagna davantage de terrain. Ainsi, Stiles se maudit. Il n'avait pas envie de parler, ne voulait plus prononcer le moindre mot et tout ce qu'il faisait, c'était provoquer voire alimenter un hypothétique échange à propos de ce dont il ne désirait absolument pas discuter pour l'instant. Tout ce qu'il lui fallait, c'était... Fermer les yeux, longuement, dans l'espoir de s'endormir le plus tôt possible, de quitter ce monde qui commençait à lui apparaître comme véritablement douloureux. Sans doute le serait-il moins s'il se reposait, s'il n'avait pas l'impression de commencer à perdre la boule. Ces crises, ces deux épisodes...

Derek se pencha légèrement sur lui.

- Tu veux bien me montrer ton épaule ? Lui demanda-t-il aussi doucement que possible.

Quelque chose dans son ton et dans ses yeux venait de changer.

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