Chapitre 15
Derek se demandait parfois comment Stiles faisait pour être aussi concentré, aussi à fond dans quelque chose. Pas que le film qu'il avait mis soit ennuyeux, simplement... Le loup-garou regardait toujours d'un seul œil, écoutait toujours d'une oreille. Il avait son attention partout et nulle part à la fois, incapable de se fixer trop longtemps sur la télévision. Ça, c'était un problème qu'il avait depuis des années : Derek ne savait plus se laisser aller. Il était sans cesse à l'affût d'un bruit suspect ou, dans le cas actuel, d'un changement d'humeur, même mineur, chez Stiles.
Stiles, qui était totalement emballé par le film. Stiles qui, lui, se laissait complètement aller. Comment faisait-il ? Secrètement, Derek l'enviait, parce qu'il ne savait plus faire ça. Et pourtant, il avait bien moins de soucis que n'en avait l'hyperactif à l'heure actuelle.
Si Derek devait être honnête, il n'avait au départ pas eu l'intention de regarder un film avec Stiles. Il avait eu à cœur de vider le loft au plus vite après la réunion, oui... Pour discuter avec le châtain de l'épisode de son évanouissement et de ce qu'il avait cru voir. Avait-il cependant pu s'y résoudre ? Non. Lorsqu'il était entré dans sa chambre et qu'il avait discuté avec Stiles... Celui-ci lui avait paru si fatigué que l'idée du film était naturellement apparue en lui. Et au fur et à mesure que la pellicule continuait son chemin sur l'écran plat, Derek se disait qu'il avait pris la bonne décision car même si la discussion était on ne peut plus nécessaire, il ne voulait pas la lui imposer trop tôt. Stiles ne se plaignait pas, mais l'ancien alpha savait que la réunion n'avait pas été une partie de plaisir pour lui et que revoir le reste de la meute ne lui avait pas fait de bien. Ce qui le surprenait toutefois, c'était de voir à quel point l'hyperactif se détendait en sa présence. Lorsqu'ils étaient seuls, tous les deux, plus rien ne retenait Stiles et celui-ci laissait apparaître sa personnalité dans sa plus grande pureté.
Et pourtant, Stiles ne faisait pas de commentaire à tort et à travers. Il ne gigotait pas sans arrêt. Son hyperactivité se retrouvait bornée à quelques tapotements sur le tissu un peu rêche du canapé. Mais il était à fond dans le film et son regard concentré et empli d'émotions le montrait aisément. Derek n'était pas idiot pour autant : il savait de par sa gestuelle et ses sens que le jeune homme restait préoccupé. Et ces préoccupations le minaient... Inconsciemment. En cet instant, Stiles concentrait son attention sur l'écran et rien d'autre. Il restait détendu mais par derrière, ses pensées l'attaquaient. Alors, il trouvait une parade, en se plongeant davantage encore dans le film, qui agissait pour lui comme une porte de sortie à ses problèmes.
Presque par automatisme, Derek passa un bras autour de lui. C'était une habitude qu'il commençait à prendre malgré lui. Avec Stiles, les contacts physiques étaient une véritable nécessité. Une forme d'ancrage. Une façon de soutenir qui ne s'embarrassait pas de mots pour exister. L'hyperactif le comprit-il de cette manière ? Derek ne saurait le dire. En tout cas, la manière dont il se laissa aller contre lui était criante d'une vérité qui lui parut étonnante.
Stiles lui faisait aveuglément confiance. Comment Derek le savait-il ? Il sentait tous ses muscles détendus contre lui et n'avait pas peur de se laisser fondre dans cette espèce de semi-étreinte on ne peut plus soft. Comme s'il avait oublié le côté Sourwolf du loup-garou. Ou comme s'il savait qu'avec lui, ça allait. Dans le fond, ça avait du sens : Derek lui avait sauvé la vie et avait choisi de prendre soin de lui lorsque Stiles, à côté de cela, voulait simplement le pousser à bout pour avoir le champ libre. En ce sens, il savait que cette idée-là était complètement caduque. Ses efforts pour lui prouver qu'il avait changé d'avis étaient réels, tout autant que cette attitude sans cesse hésitante qui lui montrait qu'après cette tentative, l'hyperactif était perdu. Il avançait à tâtons.
Et c'était peut-être bête, mais ce fait... L'empêcha purement et simplement de lui parler de l'incident ayant eu lieu avant la réunion. En effet, Derek ne lui en toucha pas un mot, même après que le film se fut terminé. Il garda ses questions pour lui, histoire de ne pas le mettre dans l'embarras. Stiles avait tenu et s'était fait discret tout le long de la réunion de meute, supportant la présence des autres en silence. Normalement, il adorait être entouré... Mais tout avait changé depuis sa tentative. Il avait besoin de rester dans son coin... Il avait besoin de temps. L'agitation et les interactions sociales ne l'aidaient pas à se recentrer, ni à se réparer.
Voilà pourquoi il avait fini par s'isoler, se réfugiant ainsi par instinct dans la chambre de l'ancien alpha. Derek mentirait s'il disait que cela ne lui faisait rien. En vérité, il était tout aussi surpris que rassuré. Stiles n'était pas un loup, mais il possédait lui aussi un instinct. Et celui-ci l'avait poussé à se terrer dans la chambre de Derek. Son espace à lui, son intimité, en quelque sorte. Un endroit qui, indirectement, lui rappelait Derek. Pourquoi le loup-garou pensait-il comme cela ? Parce qu'il n'était pas stupide et qu'il restait un lycanthrope. Stiles avait cherché par instinct à s'isoler dans un endroit où il se sentait bien. Ces derniers temps, il restait – par la force des choses – collé à Derek. Alors, cela ne surprenait pas ce dernier. Enfin pas vraiment. Disons qu'il se montrait aussi bienveillant et patient que possible. Toutefois, il n'imaginait pas que l'hyperactif lui témoigne une telle confiance et ce, aussi vite. Avec lui, il laissait tomber le masque et ne cachait plus rien de ses fragilités. Disons qu'il les contenait pour faire bonne figure, mais sans plus. Il ne se forçait pas à endosser le rôle qu'il avait si souvent joué... Sans doute parce qu'il n'avait pas l'énergie pour cela. Qu'il était déjà fatigué. Stiles avait passé un temps monstre à mentir dans sa vie, à garder la face alors que ça n'allait pas et ce, par rapport à mille et un sujets. Alors forcément avec les évènements récents... Il se laissait aller. Avec Derek, il le pouvait.
Parce qu'il était le seul à l'avoir déjà vu au bord du gouffre. Le seul à l'avoir vu pointer un flingue sur sa tempe.
Stiles ne se souciait plus vraiment de l'image qu'il pouvait renvoyer à l'ancien alpha. Derek avait été témoin de sa chute brutale alors l'idée qu'il se faisait de lui avait déjà changé. Pas la peine de lutter pour maintenir une comédie aussi inutile. L'hyperactif savait qu'il ne ferait plus jamais illusion devant le loup-garou. C'était un fait. Sur ce sujet-là, sa réflexion était déjà faite. Alors, il ne chercha pas à se restreindre, à se forcer à ne pas se laisser aller contre lui, la tête sur son épaule. Si Derek voulait l'éloigner, il n'aurait qu'à le pousser ou lui dire de s'éloigner. Dans la mesure où il ne le faisait pas, Stiles resterait. Au moins, il ne se prenait pas la tête.
Mater un film eut le mérite de lui faire du bien et d'oublier partiellement la réunion qu'il avait eu à subir. D'oublier momentanément sa mère aussi. Il eut parfois quelques flashes rapides mais au fur et à mesure que les images du film défilaient sous ses yeux, il s'ancrait davantage dedans et forçait moins sa concentration.
Et il fondait davantage contre le loup-garou sans s'imaginer le tableau qu'ils formaient. Sans se douter de l'importance de l'intimité qu'ils avaient. Que Derek lui accordait.
Stiles regretta presque que le film touche à sa fin et une vieille appréhension le prit. Et maintenant ? Qu'était-il censé faire ? Dire ? Penser ? Derek avait eu une excellente idée en lui proposant de mater la pellicule... Mais elle n'était effectivement pas infinie. Bien évidemment, Stiles songea à enchaîner avec ce qu'il s'était passé avant la réunion. Cependant, persuadé que ce serait inconvenant de lui imposer une discussion de ce type juste après que Derek ait pris de son temps pour rester là, avec lui, l'hyperactif garda ses mots pour lui.
- Un problème ? Lui demanda Derek.
Stiles secoua la tête, tout en se demandant si un mensonge ne pouvait être perçu qu'avec des mots par les loups-garous ou si les gestes marchaient aussi. Désireux toutefois de ne pas embêter son hôte plus que nécessaire, il enchaîna :
- On va manger ?
Stiles ne sut s'il devait être rassuré ou non face au regard insondable que lui lança Derek, qui finit par hocher la tête et se lever, avant de l'entraîner dans la cuisine. Stiles eut un frisson en repensant à l'épisode hallucinatoire dont il avait été victime mais il choisit de garder le silence et d'ignorer son propre ressenti à ce sujet.
Derek ouvrit le frigo et y jeta un regard, avant de se retourner vers l'hyperactif :
- On commande ?
En temps normal, Stiles aurait vanné l'ancien alpha par rapport à sa flemme évidente de faire à manger et lui aurait même proposé de lui cuisiner un petit quelque chose. Une certaine fatigue continuant d'écraser son esprit, il hocha la tête en esquissant un léger sourire. Il n'avait pas envie de se prendre le chou... Tout comme il ressentait le besoin inexplicable de ne toucher à aucun ustensile de cuisine pour le moment. De ne surtout pas s'approcher des couteaux. Pour quelle raison exactement ? Il ne savait pas... N'en était pas certain.
Mais l'idée de voir le visage froid de sa mère se refléter dans l'une des lames lui taraudait l'esprit. D'où lui venait cette illumination saugrenue ? Il ne le savait pas vraiment, mais ça lui nouait le ventre. De manière générale... Il avait tout bonnement envie de sortir de cette pièce. Stiles se tourna brusquement vers Derek, arbora un faux air sûr de lui et déclama avec un aplomb étonnant :
- On commande vietnamien et on mange au salon.
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