« Reste avec moi... »

Derek se mordit la lèvre inférieure. Quiconque le traiterait d'insensible serait on ne peut plus loin de la vérité. Sensible, il l'était. Peut-être un peu trop pour son bien. Sa main reposait, protectrice, sur le ventre de Stiles. C'était un geste intime, un genre de contact rapproché qu'un loup n'accordait pas à n'importe qui, mais Derek se disait qu'elle était bien placée et que de toute façon, les humains n'avaient pas la même manière de penser que les métamorphes. Ainsi, Stiles ne devinerait pas la portée que ce geste pourrait avoir. De l'importance que lui accordait Derek. De la détresse qui l'avait conduit à accepter sa demande sans chercher à l'éviter. De cette peur indicible qui l'avait saisi en le trouvant évanoui dans sa cuisine. De cette terreur de manquer de manquer de le perdre à nouveau. En bien peu de temps, l'hyperactif s'était forgé une place de choix dans le cœur de Derek. Oui, il l'avait creusée avec son angoisse, tant et si bien que le loup-garou ne voyait aucun inconvénient à se montrer aussi intime avec lui. Stiles était à la dérive et Derek se faisait un sang d'encre pour lui. Le sentiment d'urgence qu'il ressentait toujours en le regardant ne s'atténuait pas, bien au contraire.

Derek fourra son nez dans le cou de l'humain et inspira son odeur. Le sommeil avait ses avantages : Stiles était pour l'instant débarrassé de la plupart de ses soucis. La fragrance qui s'échappait de lui était naturelle, et pas teintée par quelque émotion poussée que ce soit. Elle était juste là et ce qui en ressortait était tout bonnement... Doux. Stiles était en cet instant si serein, si tranquille... Qu'il était difficile de l'imaginer lorsqu'il était réveillé. Angoissé, apeuré, sans cesse tendu et perdu. De sa main libre, Derek attrapa un plaid qui traînait, plié sur le dossier du canapé, et l'étala sur eux. Si dormir était le seul moment durant lequel l'hyperactif pouvait se sentir bien, il allait mettre tout en œuvre pour qu'aucun inconfort ne le sorte de cet état tranquille avant qu'il se soit bien reposé. Ensuite seulement, ils discuteraient de ce qu'il s'était passé. Mettraient les choses à plat. Et Derek lui montrerait qu'il était là pour lui. Les révélations sur sa mère, récentes, étaient encore difficiles à avaler pour ce jeune homme peu confiant à qui l'on avait menti. Derek songea d'ailleurs à mettre, plus tard, Noah dans la confidence. Il était injuste que son fils ait à affronter cela seul, en secret. Et puis, il éclaircirait les choses. Ou le shérif ignorait tout de la véritable personnalité de feu sa femme, ou il avait gardé cela pour lui, histoire de ne pas blesser Stiles. Dans les deux cas, c'était problématique.

Parce que la vérité même la mieux cachée finissait toujours par sortir.

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Derek était chafouin. Chafouin parce qu'il détestait lorsque son programme, même minime, se retrouvait bouleversé. Qu'importe la raison : il était du genre à ne pas apprécier les imprévus. Quiconque mettrait un pied à l'intérieur de son esprit irait le vanner sur sa façon de penser. On le traiterait sans doute de vieil homme, de boomer, mais il n'en avait cure. Le loup avait prévu de passer le reste de la journée à passer du temps avec Stiles, d'abord à regarder des films puis à aborder le sujet de son évanouissement et retourner se faire un programme cinématographique dans son salon. C'était tout ce qu'il avait trouvé pour le détendre et le faire penser à autre chose avant de discuter doucement de tout cela... Mais non. Stiles était réveillé depuis dix minutes, il se douchait et c'était à ce moment-là, alors que Derek surveillait ses battements de cœur plus ardemment que jamais, qu'il avait reçu un message. Faisant comme abstraction de leur dernière entrevue, Scott le sommait de préparer le loft à accueillir la meute en fin d'après-midi – dans très peu de temps – pour une réunion de meute improvisée. D'après lui, quelque chose se serait passé, mais il avait refusé de lui en dire plus par téléphone. Derek se doutait bien que le problème en question était d'ordre surnaturel, mais l'alpha s'était montré des plus secs et silencieux à ce sujet. Enfin, le loup choisit de ne pas y faire plus attention que cela. Si Scott avait des problèmes de fierté – s'être vu refuser la moindre information concernant la présence de Stiles au loft ne lui avait vraisemblablement pas plu, tout comme leur discussion un peu pimentée –, ce n'était pas le problème de l'ancien alpha. Il avait passé l'âge d'être rancunier pour des futilités de ce type et ce que lui avait dit le latino lui passait au-dessus de la tête. Disons que Derek avait ses priorités et au fur et à mesure du temps, s'était dit qu'il n'était pas utile de se concentrer sur des pensées et des remarques de ce type. Mieux valait donner de l'importance à l'instant présent et à ce qui avait pour vocation de durer dans le temps.

Ainsi, depuis qu'il avait été informé de ce changement de plan pour sa soirée, il se concentrait à fond sur le rythme cardiaque de son protégé, guettant le moindre changement qui pourrait l'alerter. Lorsqu'ils étaient revenus des courses, Derek avait fait l'erreur de relâcher sa vigilance et Stiles lui avait fait la peur de sa vie. Il était hors de question que cela se reproduise. Le loup n'avait plus réellement peur que l'hyperactif tente à nouveau de mettre fin à ses jours : ce qui le terrifiait, c'était ce qui pouvait se jouer à l'intérieur de sa petite tête. L'esprit d'un individu était vaste et capable de bien des choses. Cela s'était vérifié chez le châtain : alors, Derek se méfiait. L'image de l'éclat argenté du révolver le hantait encore. Serait-il capable de l'oublier un jour ? Il n'en avait strictement aucune idée.

Le loup entendit le jet s'arrêter de couler. Et même si c'était intime et qu'en d'autres circonstances, Derek aurait trouvé cela inconvenant, il écouta chaque bruit. Perçu les petits pas, les frottements du tissu de la serviette, puis des vêtements enfilés. Il repassa au cœur. Aucune variation. Derek poussa un discret soupir de soulagement mais ne baissa pas sa garde pour autant. Il se tenait prêt à intervenir au moindre problème et attendait dans le salon, pour lui laisser un semblant d'intimité. Si son espace personnel était effectivement respecté au niveau physique, il n'en était pas de même pour tous ces bruits que Derek captait. Mais c'était nécessaire. Le loup était si concentré sur sa tâche qu'il ne fut même pas gêné de s'immiscer ainsi dans l'intimité de l'hyperactif. La peur continuait de le tenailler.

Lorsque Stiles, tout propre, finit par revenir au salon vêtu de ses vêtements pour traîner, Derek se relâcha instantanément, mais discrètement. Il brida à nouveau son ouïe, laissant plutôt son odorat en sens dominant.

- Stiles, tu peux t'assoir, s'il te plaît ? Demanda-t-il alors.

L'hyperactif, ne se doutant absolument pas de la portée de l'inquiétude du loup à son égard, haussa simplement un sourcil avant de s'exécuter et de s'installer à côté de lui avec un naturel fou. Derek avait cru qu'il irait s'assoir sur l'un des fauteuils mais il n'allait pas s'en plaindre. L'avoir près de lui lui allait très bien.

Avec une hésitation, Derek finit par apprendre à l'hyperactif qu'une réunion de meute allait avoir lieu au loft. Oui, aujourd'hui. Dans peu de temps, exactement. Oui, toute la meute serait présente. Non, désolé, impossible d'y échapper. Evidemment que Scott serait là, il était l'alpha ! Derek garda pour lui ses remarques concernant le latino. Inutile de remettre l'affaire sur la table, d'autant plus que Scott avait autant embêté Derek qu'il avait gêné Stiles avec son indélicatesse. La finalité de cette discussion ? Un soupir agacé de la part de l'hyperactif. Le loup, de son côté, en retint un, de soulagement. Il fallait avouer qu'il avait quelques réserves et c'était pour cette raison qu'il avait voulu discuter de cela avec lui tout de suite. Parce qu'il avait peur de sa réaction, peur de le mettre dans l'embarras. Néanmoins, Stiles semblait simplement agacé par cette réunion intempestive et son odeur coïncidait avec ce fait.

- J'avais envie d'être tranquille avec toi, avoua-t-il, mais tant pis.

Derek accusa le coup, fit de son mieux pour ne pas accorder trop d'importance à cette phrase. Mais d'une certaine manière, elle le toucha. Néanmoins, il avait d'autres priorités que de perdre du temps à interpréter un aveu aussi banal :

- Tu te sens d'assister à la réunion ?

Parce que c'était ce qui comptait réellement à ses yeux. En cas de refus de sa part ou si l'hyperactif préférait rester seul, tranquille, Derek se débrouillerait sans aucun problème pour qu'aucun des membres de la meute ne vienne l'importuner. Et puis, ils parleraient de ce qui s'était passé aujourd'hui... Le lendemain. Le loup, ça l'embêtait, mais il n'avait pas le choix. L'évanouissement de Stiles n'était pas un détail à prendre à la légère. Au contraire, Derek jugeait cela avec sérieux, tant et si bien qu'une ride d'inquiétude barrait son front.

- Aucun problème, répondit Stiles en haussant les épaules, un faible sourire aux lèvres. Tant que tu es là et que tu empêches Scott de me harceler de questions... Ça me va.

L'hyperactif parlait avec nonchalance et agissait comme s'il était à l'aise, mais Derek n'était pas dupe. Sa fragilité lui apparaissait, bien trop évidente pour son propre bien. Il hocha la tête malgré tout, respectant sa décision.

Néanmoins, il ne le quitterait pas d'une semelle.