Chapitre 10
Stiles déambulait dans les rayons alimentaires du supermarché comme s'il s'agissait d'un magasin de décorations de Noël. Il regardait chaque article avec une minutie et une curiosité étonnante, comme s'il redécouvrait leur existence tout autant que leur forme. Un peu plus loin derrière, Derek l'observait. Stiles n'avait pas décroché un mot depuis qu'ils étaient sortis de la voiture. La tornade de paroles qu'il était avant de partir s'était mué en un étrange silence qui détonnait. Le supermarché, grouillant de monde allant et venant, discutant et jacassant, n'arrivait pas à étouffer le silence de l'hyperactif. Très honnêtement, Derek avait un peu de mal à décoder son attitude qu'il jugeait plus que déroutante. Depuis ce fameux soir où il l'avait sauvé de ses propres pulsions, Stiles était complètement imprévisible et son odeur l'aidait bien peu à avoir une idée de ses prochaines actions.
Derek fit ses courses en gardant un œil protecteur sur l'hyperactif. S'il ne le jugeait plus capable de tenter de s'ôter la vie, que ce soit en sa présence ou non, il était bien conscient que ce n'était pas encore réellement définitif. Stiles était, de ce qu'il lui semblait, dans une espèce d'état transitoire, un peu bancal. De l'avis de Derek, l'adolescent était sur une pente glissante et pouvait basculer à tout moment. Ainsi, le loup se devait de ne pas baisser la garde et de rester vigilant même si Stiles lui avait assuré avoir changé de point de vue. Même s'il lui avait confié les raisons de son mal-être et montré certains passages du premier carnet de sa mère, Derek trouvait qu'il restait trop de zones d'ombres. Impossible donc pour lui de se détendre et de relâcher la pression. Il se sentait bien plus responsable de lui qu'il ne l'aurait dit.
Et depuis un moment, il se demandait s'il ne devrait pas penser à avertir Noah de la situation. Après tout, Stiles avait manqué de mettre fin à ses jours avec son arme. Mais surtout, le plus important était que son propre fils avait tenté de se suicider. L'idée la plus générale était celle qu'il fallait le moins oublier. En temps normal, l'hyperactif devrait bénéficier d'un accompagnement adapté et éventuellement d'une thérapie, en plus du soutien de sa dernière famille. Derek savait bien tout ça, mais... C'était une chose d'y penser, une autre de pouvoir le réaliser. Dans les faits, ce n'était pas si facile à faire, d'autant plus qu'il fallait prendre le mental du père et du fils en compte.
Derek ne connaissait pas grand-chose de Noah mis à part son passé d'alcoolique, et tout ça parce que... Beacon Hills était une petite ville où tout se savait. A l'époque, le shérif ne cachait pas son penchant pour la boisson, et puis ça avait un peu dérapé lorsqu'il avait commencé à arriver au travail ivre. Ça s'était su. Pour être honnête, le loup ne savait pas ce qui l'avait poussé à arrêter, mais le fait est qu'il avait retrouvé une vie normale et que c'était pour le mieux. Toutefois, ce passif était gênant, tout simplement parce que sa sobriété ne datait pas de si longtemps que cela et qu'une annonce comme celle qu'il avait envisagée de lui faire risquait de rendre les choses un peu plus complexes. Et Derek n'avait absolument pas l'intention de pousser Noah à replonger dans ses travers. Le shérif restait fort, mais il avait ses faiblesses et ses fragilités, comme tout le monde.
Alors, le loup se retrouva dans une impasse.
La seule chose qui le rassurait, c'était de savoir Stiles avec lui. Même s'il était prêt à lui accorder un semblant de confiance en partant dans le but de lui laisser le loft un petit moment, il fallait avouer que la demande de Stiles lui faisait du bien. Au moins, il l'avait sous les yeux, près de lui. Et c'était étrange, mais... Son loup quémandait de l'affection. Son affection. Pourtant, Derek n'avait pas l'impression d'en avoir besoin outre mesure. Il avait toujours bien vécu seul, ce n'était pas juste parce qu'il hébergeait l'hyperactif le temps de lui chasser ces sottes idées de la tête que ça allait changer.
Pourtant, il se rapprocha de lui et, une fois satisfait de ce qu'il avait mis dans son caddie, mit sa main dans son dos et le fit venir avec lui dans le rayon suivant. Stiles était capable de comprendre cela et d'y aller tout seul mais Derek avait comme... Peu envie de quémander son contact à voix haute. De manière générale, ce n'était pas correcte. A vrai dire, il s'attendit presque à ce que son protégé se dérobe. Mais il n'en fit rien. Soit Stiles ne fit pas attention à ce contact, soit il s'en accommodait. Et ce n'était certainement pas le loup qui allait le lui demander.
Ensuite, ils firent les courses à deux et ce fut même Stiles qui initia la chose. Il quémanda la liste qu'avait faite Derek, prenait certains produits, vérifiait avec lui s'il s'agissait des bons. Parfois, il contestait carrément ses choix de marques. Pour être honnête, le loup n'avait pas réellement de préférences, disons seulement... Qu'il avait l'habitude de toujours prendre les mêmes choses pour pouvoir faire ses courses plus rapidement et ainsi ne pas passer un temps monstre à arpenter les rayons.
- Et ça ? Tu ne vas quand même pas me dire que tu aimes cette immondice ? Il va falloir que je refasse l'éducation de ton palais, Derek, fit Stiles en fronçant les sourcils. Oh, et ça... Non, vraiment, il y a des choses à revoir. Ce n'est même pas sain ! Si tu prends plutôt celui-là, tu auras une meilleure qualité. Ce n'est pas parce que tu es un loup-garou que tu ne peux pas tomber malade en mangeant de la merde. Enfin... Tu ne peux pas tomber malade de base, mais ce n'est pas une raison pour mal te nourrir. Et puis...
Derek ne l'écoutait plus vraiment, mais il se sentait un peu plus léger. Oui, il toujours prenait la même chose pour aller plus vite, parce que sortir faire les courses était pour lui une activité des plus barbantes. Mais avec Stiles, c'était différent. A tel point qu'il accepta de chambouler ses habitudes alimentaires et ne vit pas le temps passer.
xxx
Derek déposa les dernières poches dans la cuisine en soupirant. Stiles n'avait pas lésiné sur la quantité, si bien qu'il avait tenu non seulement à prendre une tonne gargantuesque de victuailles, mais également à en payer une partie même s'il ne roulait pas sur l'or. Une réunion de meute devait se tenir dans la semaine au loft et il fallait aussi bien nourrir Derek que le reste de leur groupe. Stiles montrait d'ailleurs un début d'enthousiasme surprenant à ce sujet et si cela faisait plaisir à voir, le loup continuait de se méfier. Parce que s'il y avait bien une chose dont il fallait se rappeler, c'était que l'on ne changeait pas d'état mental comme de chemise. L'hyperactif était tombé sacrément bas. Difficile de remonter lorsque l'on savait jusqu'où il avait failli aller. L'image de son doigt blanc sur la gâchette ne s'effacerait peut-être jamais de son esprit.
Stiles commença à ranger les courses. Puisque toutes les réunions et soirées meutes se faisaient ici, dans ce loft, il connaissait les placards et savait comment le loup avait l'habitude d'organiser les choses. Derek lui indiqua qu'il allait l'aider, mais qu'il devait d'abord aller faire un rapide tour au petit coin, sans dire les choses de cette manière-là. Stiles sortit donc certains aliments des poches, les posa sur l'ilot de la cuisine avant d'ouvrir les placards correspondants. Puis, il se rappela que les aliments frais avaient la priorité. Direction frigo. Une fois que ceci fut fait, il le referma et se retourna dans le but d'aller piocher dans les autres poches.
Il se figea instantanément. Son sang se glaça.
Et il manqua de s'évanouir.
Parce que la femme qui lui faisait face était morte. Elle avait des traits d'une douceur angélique, des yeux d'un noir profond et la peau d'une pâleur impressionnante. Mais surtout... Elle avait ce visage qu'il lui avait toujours connu, ce visage qui l'avait longtemps détrompé. Le souffle de l'hyperactif se coupa alors qu'il regardait, médusé, cette femme qui fit simplement un pas dans sa direction. Elle ne souriait pas, gardait un air fermé. Et pourtant, ses traits restaient d'une douceur impressionnante.
Oui, une douceur qui cachait cette folie qui l'avait tuée.
Stiles ouvrit la bouche, incrédule et même s'il connaissait la vérité à propos de sa mère, il oublia tout, d'un coup. Son amour pour elle, loin d'être mort, ressurgit de plus belle. Pourtant... Elle n'était pas réellement là. Elle ne pouvait pas être là. Ni même simplement être. Elle était morte, bordel ! Oui, morte, bien morte... Alors, elle devait être le produit de son imagination. Parce que malgré tout ce qu'il savait, elle lui manquait.
Claudia restait sa mère.
Une douleur sourde naquit brutalement au creux de la poitrine de Stiles, au niveau de son cœur. Une douleur qui devint violente alors que son hallucination avait levé une main dans sa direction. Elle gagna en intensité, encore et encore, au point qu'il voulut crier tant il avait mal, la main crispée sur son haut. Mais aucun son ne sortit de sa gorge, comme si celle-ci était paralysée. Des points blancs et noirs se mirent à danser devant ses yeux et il perdit connaissance aussi rapidement et simplement que cela.
Stiles s'écroula au sol, sans autre forme de procès.
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