Chapitre 32
Une petite silhouette s'avança. Elle s'agenouilla à son tour. Elle enroula les bras autour du corps de Yoongi.
« Hyung... désolé de t'avoir fait peur. »
Yoongi ne pouvait plus bouger. Il avait été si inquiet ! En voyant Taehyung vivant, il avait senti toutes ses peurs le quitter. Ça l'avait bouleversé. Il ne pouvait pas retenir ses sanglots.
En effet, Taehyung était simplement assis au pied de l'arbre. Il avait relevé les genoux, les avait entourés de ses bras et avait posé la tête contre. La même position que quand Yoongi l'avait trouvé. Mais cette fois, c'était Yoongi qui pleurait. Pas Taehyung.
Et ce qui pendait misérablement à l'arbre, c'était sa valise.
Le soulagement de Yoongi était indescriptible. Un poids monstrueux avait été levé de son cœur.
« Pourquoi t'as fait ça ? dit-il dans un immense effort après un long silence.
- Je suis désolé...
- Pourquoi t'as fait ça ?
- Cette nuit... j'étais perdu. Je savais pas quoi faire. Mais une chose était sûre : je voulais me débarrasser définitivement de mes tourments. De mes souvenirs. De mes proches. Et puis... j'avais peur de ce qui allait se passer ensuite. Je peux pas rester au Japon indéfiniment. J'ai eu peur... et j'ai vu ma valise. Déjà sept jours... alors je me suis dit que... j'y verrais peut-être plus clair en revenant ici. »
Et Taehyung serrait Yoongi fort contre lui. Il le serrait fort pendant qu'il racontait. Yoongi essayait d'apaiser ses larmes. Et Taehyung parlait.
« Je suis arrivé un peu avant l'aube. Je... je sais pas pourquoi j'ai installé la corde. Je crois que... j'ai pas réfléchi. J'en avais besoin. De le faire vraiment. Je l'ai accrochée à la branche, et je l'ai regardée. Il y a une semaine, j'aurais sans doute trouvé qu'elle me narguait, qu'elle me défiait. Mais là... c'était juste une corde accrochée à un arbre.
« Je l'ai regardée, et le soleil s'est levé. Le ciel est devenu vraiment bleu. C'était beau. Il faudrait qu'on regarde le soleil se lever, ensemble, un jour. C'est incroyable. Alors... je crois que j'ai pleuré. Et je me suis dit que je voulais voir encore d'autres soleils se lever. Puis j'ai pensé à toi, et je me suis senti coupable. Mais j'avais aucun moyen de te joindre. Je voulais te dire que j'allais bien, que je regardais le soleil, et que c'était beau. »
À son tour, Taehyung fut pris d'un sanglot. Il referma le poing sur le t-shirt de Yoongi. Il renifla. Yoongi se redressa un peu. Recroquevillé, il ne voyait pas son ange. Désormais à genoux face à lui, il le voyait.
« Tae... c'est toi, mon soleil. »
Et un sanglot lui échappa. Alors il enroula vivement les bras autour de la nuque de Taehyung. Taehyung souriait malgré les larmes. Yoongi aussi. Ils étaient émus.
« Moi aussi, je t'aime, hyung. »
Il avait une voix étranglée, preuve de son émotion. Yoongi fut touché.
« Ça faisait une semaine, dit Taehyung pour conclure son histoire, et en voyant tout ça, en comprenant ce que ça valait, un lever de soleil, je me suis dit que... celui que je voulais détruire, c'était pas moi. C'était le moi d'avant. Comme le soleil, je voulais me relever, moi aussi, plus éblouissant encore qu'avant de disparaître. Je voulais supprimer ce que cette valise symbolisait, c'est tout. »
Yoongi ne s'écarta de lui que pour un bref regard. Un regard amoureux. Très vite, ils fermèrent les paupières. Parce que leurs lèvres s'étaient trouvées. Ils s'embrassèrent avec une passion désespérée. Le baiser, quoique surfacique, fut particulièrement appuyé. Et derrière eux, le soleil brillait. Il était beau.
Yoongi posa le front sur l'épaule de Taehyung. Il soupira. Taehyung lui caressa les cheveux. Il s'excusa encore. Ils restèrent longtemps immobiles. La forêt des morts vivait autour d'eux. Les chants des oiseaux, les mugissements tranquilles de la brise matinale, le bruissement des feuilles.
Taehyung passa la pulpe du pouce sur la joue de Yoongi. Il en retira quelques gouttes de sang. Il s'en voulut d'en être la cause, même indirecte. Il n'avait pas voulu ça.
« Tae, allons-nous-en d'ici, murmura Yoongi.
- Et qu'est-ce qu'on va faire ?
- On va vivre.
- Je peux pas rester au Japon.
- On ira en Corée du Sud.
- Et ton travail ?
- Je peux le faire depuis la Corée du Sud. Mes patrons me voient presque jamais. J'aurais juste quelques voyages d'affaires, de temps à autre. Mais c'est pas loin en avion, le Japon.
- Tu ferais ça pour moi ?
- Je ferais bien plus encore, pour toi. Si toi t'en as envie, bien sûr.
- Je sais pas. J'en ai envie, mais c'est bizarre...
- De quoi ?
- J'ai aucun avenir.
- Alors va falloir en construire un.
- Ça me fait peur.
- T'es venu ici à deux reprises, et ton cœur bat toujours. T'es courageux, Taehyung.
- Au contraire, j'ai eu peur de mourir.
- Non, mourir c'est moins effrayant que vivre. T'as pas eu peur de mourir. T'as pris conscience que ça aurait été une erreur. Tu sais que j'ai raison, mais t'as encore besoin d'en être convaincu. Je t'en convaincrai, même si je dois rester ici encore des heures.
- Alors... tu proposes qu'on aille vivre ensemble en Corée ?
- Exact.
- Il faudra que je reprenne les études.
- Oui.
- Je ne pourrai plus travailler avec toi ?
- Si, à côté de tes cours. Et si tu veux, tu choisiras un cursus qui nous permettra de bosser ensemble. Il existe tellement de métiers.
- Tu crois que je peux y arriver ?
- Je crois en toi. Et toi ? Tu crois en toi ?
- J'aimerais bien. »
Yoongi lui embrassa l'épaule. Il se redressa. Taehyung resta agenouillé. Yoongi lui tendit la main. Il affichait un beau sourire malgré ses yeux rougis.
Taehyung observa cette main tendue, dubitatif. Il avait le cœur encore empli de doutes. L'inconnu l'avait toujours effrayé, lui qui demeurait si timoré. Pourtant, quand il s'agissait de Yoongi... Depuis leur rencontre, il n'avait jamais eu de doutes. Peut-être avait-il su. Il avait su qu'il pouvait se fier à lui. Quelque chose dans son regard. Ou bien sa posture. Il pouvait lui faire confiance.
« Viens, Taehyung-ah. On n'a plus rien à faire ici. »
Ses yeux papillonnèrent. Ils se reposèrent sur la main de Yoongi. Taehyung tourna les yeux vers l'arbre.
« Si tu veux rester ici pour toujours, c'est d'accord, dit Yoongi d'une voix grave, mais dans ce cas je reste aussi. Je pars pas sans toi. On a décidé ensemble de s'accorder une semaine de plus. À toi de voir ce qu'on fait maintenant. Moi je suis prêt à te suivre, où que tu ailles.
- C'est vrai ?
- Oui, mais ce serait dommage.
- Dommage ?
- J'aurais bien préparé une soirée ciné pour ce soir, avec du pop corn et un bon film, dans le lit. J'ai aussi vu un autre parc pas très loin, en bus. Ça aurait pu être sympa. Et puis... t'avais promis de refaire du riz sauté, à midi. Et t'es quelqu'un de parole, non ? »
Taehyung esquissa un sourire. Yoongi avait l'œil malicieux. Taehyung avança la main et la posa dans la sienne. Yoongi la serra. Taehyung cependant demeura immobile.
Ce fut dans son regard que brilla l'espièglerie. Mais Yoongi n'y faisait pas attention. Lui, ce qu'il voyait, c'est que jamais auparavant ses prunelles n'avaient à ce point étincelé d'espoir. L'espoir rendait Taehyung tellement vivant.
Taehyung hésita. Puis il demanda :
« Si je viens, on regardera le soleil se lever ?
- Tous les matins, si t'en as envie, mon ange. »
Alors Taehyung se releva.
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