Chapitre 10
Taehyung ouvrit des yeux ronds. Yoongi, ce garçon qui l'avait profondément vexé en critiquant le motif de ses envies les plus sombres, admettait qu'il tenait à lui ?
À cet aveu, Taehyung se blottit contre son aîné dans un « merci » ému. Il avait trouvé quelqu'un pour le serrer dans ses bras, quelqu'un aux yeux de qui il n'était pas rien. Il avait trouvé quelqu'un pour qui il comptait.
La raison de sa mort... la solitude... elle n'existait plus, elle avait disparu. Yoongi l'avait remplacée. De cette manière, Yoongi l'avait délivré. Il se sentait si bien auprès de lui, dans un monde qui n'appartenait qu'à eux. Ceux qui l'avaient brisé avaient été effacés de sa vie, sa raison de mourir avait été effacée. Quand il serrait ainsi Yoongi dans ses bras, comment songer à autre chose ? C'était pourtant stupide d'offrir une telle importance à un garçon rencontré si peu de temps auparavant, mais... il avait tant cherché un sauveur : l'arrivée de son aîné avait pris les airs d'un nouvel espoir, cet espoir auquel il avait aspiré et qu'il avait pensé ne jamais trouver.
Il voulait voir en Yoongi ce bienfaiteur susceptible de le tirer du malheur. Il y croyait comme une fillette croyait au prince charmant : aveuglément. Il souhaitait de toute son âme pouvoir se fier à lui, son cœur naïf et anéanti désirait plus que tout s'abandonner complètement à l'inconnu, à Yoongi.
« Hyung...
- Tout va bien, Tae. Repose-toi. »
Bouleversé, Taehyung ferma ses yeux humides lorsque l'étreinte de son ami se referma tendrement autour de lui.
« S'il te plaît, hyung... sauve-moi.
- Je suis désolé... je sais pas si j'en serais capable.
- J'ai confiance en toi.
- T'as tort. Je suis pas celui qui peut régler tes problèmes. Rester avec moi te permet juste de les oublier.
- Tu disais que ma raison de mourir était stupide.
- Je pense toujours qu'elle l'est, affirma Yoongi.
- Je commence à me dire qu'elle l'est, moi aussi.
- Mais pas pour la bonne raison.
- Je comprends pas... »
Sa voix s'était révélée si fragile qu'elle brisa le cœur de Yoongi, mais il se montra honnête.
« Ta raison de mourir est stupide parce qu'elle dépend des autres, expliqua-t-il, et de nouveau avec moi tu fais dépendre ta vie de quelqu'un. Vis pour toi, Tae, laisse pas ton bonheur dépendre de quiconque. Ta vie est précieuse pour ce qu'elle est, pas pour ce qu'elle représente aux yeux des autres. T'es précieux parce que t'es unique pour ce que t'es, pas parce que t'es unique aux yeux de quelqu'un. »
Jusqu'à présent humides, les prunelles de Taehyung débordaient désormais de larmes. Sa mâchoire crispée n'empêchait pas sa lèvre inférieure de trembler, et finalement ses sanglots devinrent bruyants. Son corps tressaillit et il s'accrocha au t-shirt de Yoongi tandis qu'il laissait ses émotions le submerger complètement sans en éprouver de honte.
Jamais avant Yoongi quiconque n'avait affirmé à Taehyung qu'il avait la moindre valeur. Jamais on ne lui avait dit de vivre pour lui. Il lui avait toujours fallu exister pour les autres, subir sans se plaindre, se conformer aux attentes vis-à-vis de son futur. Il n'avait jamais eu le droit d'être le Taehyung qu'il voulait, on l'avait obligé à être le Taehyung qu'on modelait jour après jour, quitte à le forcer à entrer dans un moule qui ne lui convenait pas.
Il n'en pouvait plus ! Il souhaitait vivre ! Vivre pour la première fois depuis sa naissance ! Vivre sans contraintes ! Sans pressions ! Sans honte d'éprouver ce qu'il éprouvait ! Vivre, tout simplement vivre ! S'il pouvait ne serait-ce que toucher du bout de l'index une vie paisible, il l'embrasserait sans hésiter, il s'y abandonnerait pleinement pour s'y oublier enfin !
Jadis, le seul moyen de vivre, à ses yeux, ça avait été de se donner la mort : se délivrer de l'emprise exercée par ses parents pour finalement se libérer de ce joug insidieux. Mais Yoongi... Yoongi ne le jugeait pas. Yoongi ne le contraignait pas. Yoongi se contentait de le regarder, de lui sourire et de l'étreindre. Yoongi... il lui permettait d'exister.
« M-Merci... merci, merci, merci, merci...
- T'as pas à me remercier, Taetae. Repose-toi. T'as pas eu l'occasion de dormir ces dernières semaines, ça te rend plus émotif, plus fragile. Chut, ferme les yeux... »
Yoongi lui caressait les cheveux de façon si douce... Taehyung demeura muet, incapable de prononcer le moindre mot. Il ignorait, en vérité, quoi répondre. Il lui semblait que la détresse lui avait volé ses forces, si bien qu'il décida d'obéir : il ferma les paupières, prisonnier de la délicate étreinte de son aîné. Il avait sommeil et, pour la première fois, dormir n'apparaissait plus pour lui comme un moyen de fuir la réalité. Il s'agissait d'une façon de profiter de la présence si rassurante de Yoongi.
Une présence qui lui permit, pour la première fois depuis des lustres, de s'assoupir en un rien de temps
~~~
Yoongi eut un faible sourire. Taehyung le faisait sourire. Taehyung était mignon. Dans ses bras, il avait l'air petit. Plus petit que quand ils se faisaient face. Quand ils se faisaient face, Taehyung était plus grand que lui. Là, il était recroquevillé. Alors Yoongi le trouvait mignon. Ses longs cils semblaient lui caresser les pommettes.
Le voir dormir si profondément toucha Yoongi. Est-ce que Taehyung se sentait bien en sa présence ? Est-ce que ses mots l'avaient consolé ? Pourtant, Yoongi n'avait pas cherché à lui mentir. Il s'était montré sincère. Il espérait simplement que Taehyung entende raison. Enfin... du moins qu'il écoute son point de vue. À lui de choisir s'il souhaitait ou non y adhérer. Yoongi avait beaucoup réfléchi. Il avait développé ces idées au fil du temps. Ses réflexions sur la vie l'aidaient à combattre l'ennui.
Il s'était aussi fait beaucoup de réflexions sur l'ennui. De manière générale, il réfléchissait beaucoup. Pas seulement pour combattre l'ennui. Il se posait beaucoup de questions. Beaucoup demeuraient sans réponse. Certaines en trouvaient une. D'autres en trouvaient plusieurs. La mort était un bon sujet de réflexion. Il y avait beaucoup de choses qui y étaient liées. Le temps. L'existence. Le début et la fin. Le bonheur. Beaucoup de choses.
Étrangement, il réfléchissait mieux quand il était dans son lit. Pas allongé, mais dans son lit. Il s'y asseyait en tailleur. Et il réfléchissait. À tout. À rien. Il réfléchissait. Dernièrement, il réfléchissait à la situation de Taehyung. Il essayait de le comprendre. Difficile. Peut-être faisait-il fausse route. Les larmes de Taehyung lui avaient prouvé que non. Il disait juste. C'était difficile à entendre. Mais il disait juste.
Yoongi lui caressait les cheveux. Il ignorait pourquoi. Il aimait bien. Il y avait beaucoup de choses qu'il aimait bien, ces derniers temps. De plus en plus. Tout ce qui touchait à Taehyung, il aimait bien. Ses cheveux étaient doux. Il aimait bien. Ils sentaient le shampooing.
Yoongi garda longuement son cadet entre ses bras. Une heure. Peut-être deux. C'était long. Ça avait été agréable. Taehyung marmonnait parfois pendant son sommeil. C'était incompréhensible. C'était mignon. Incompréhensible mais mignon. Comme Taehyung, d'une certaine manière. Il avait l'air de bien dormir. Il affichait une petite moue à croquer. Son sommeil ne parut pas troublé par un quelconque cauchemar. Yoongi lui sourit en le voyant battre des cils. Il ouvrit lentement les paupières. Il plongea son regard dans le sien. Un regard que Yoongi trouvait intense. Taehyung avait quelque chose d'envoûtant.
« Bien dormi ? demanda Yoongi.
- Oui. Désolé de... enfin, de ça, quoi.
- Désolé de quoi ?
- D'avoir craqué...
- C'est pas un souci. Si t'as besoin de pleurer, tu pleures. Ça peut que faire du bien.
- Merci, dans ce cas-là. Merci d'être aussi compréhensif. J'avais jamais rencontré quelqu'un comme ça. »
Yoongi haussa les épaules. Il étreignait toujours Taehyung. Il ne comprenait pas vraiment ni ses remerciements ni ses excuses. Mais il le trouvait mignon. Avec son minois fatigué, il était attendrissant. Décidément, il aimait vraiment bien Taehyung.
« Tu veux aller manger ?
- Je veux bien, merci.
- Allez, viens. Par contre, j'ai du boulot, on pourra pas passer la journée ensemble.
- Pas de soucis. C'est déjà très gentil de ta part de m'héberger.
- C'est rien, voyons. Allez, viens. »
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