Chapitre 4 : Acte I

C'est étonnant à quel point le temps peut paraître rapide lorsqu'on le souhaite lent.

À quel point les minutes glissent et partent, meurent dans le terrible sentiment que crée l'attente, disparaissent dans le vide qu'est notre tête lorsqu'on s'inquiète, lorsqu'on se pose des questions et qu'on ne cesse de réfléchir, de réfléchir et de réfléchir encore à des choses complétement absurdes , quand on ne peut cesser de toujours se remettre en question. Le ventre noué et la gorge amère, la bouche pâteuse, on attend, on regarde le temps filer, ralentir pendant que notre cœur désorganisé reprend son souffle avant de repartir, faisant se rapprocher à des grandes enjambées un moment qu'on redoute, incroyablement, quelque part, au fond de nous.

Un moment qui, dans mon cas, n'avait rien d'extraordinaire.

Un moment tout à fait banal mais qui, pourtant, donnait naissance en moi à tous ces sentiments, à toute cette nervosité et cette frustration, à toute cette peur qui fige et nous donne des ailes pour fuir. Tous ces sentiments qui ne cessaient de s'emmêler dans mon cœur désamorcé me contrariaient, m'empêchaient d'assister convenablement aux cours, de me concentrer sur les mots prononcés par mes professeurs, par l'agitation habituelle des classes et du lycée.

C'est avec un état de zombie que j'ai passé la matinée.

À ne rien faire, ne rien entendre, devenue sourde et aveugle pendant quelques malheureux instants, mes sens dérobés par ma crainte et par l'approche imminente de l'après-midi, par l'approche imminente de ce sauvetage bêtement et rapidement organisé avec Natsu, organisé pendant pas plus d'une minute, avec quelques mots rapidement échangés et des regards facilement détournés, dans ce bus rempli de monde neutre ou bouleversé.

J'ignore encore comment il a fait pour me convaincre de le laisser m'accompagner, moi qui étais si réticente et dégoûtée à l'idée de le laisser jouer les héros. Comment est-il arrivé à me convaincre de le laisser venir, de le laisser me montrer le chemin avec deux autres de ses amis afin de sauver Levy. Comment des mots si simples et rapidement prononcés peuvent avoir autant de pouvoir ?

Je baisse la tête, marchant dans les couloirs bondés, dans les couloirs bruyants, dans ces couloirs où nombre de personnes se bousculent et s'interpellent, fixe mes doigts, réfléchis sans vraiment le faire. Restant simplement ainsi, marchant machinalement, ayant une vague idée de la direction à prendre et restant avec le regard perdu dans un vide absolu. Quelque part, je songe à la solitude que je ressens, en cet instant précis, je songe à cette solitude, doublée par la culpabilité, qui m'écrase de tout son poids et m'étouffe, je songe à l'absence de ma meilleure amie, au bouleversement que cela crée dans mon esprit déjà tordu.

Je soupire.

Relève la tête puis me fige.

Quelqu'un vient de toucher mon bras, lentement et subtilement, me tirant en arrière légèrement.

Sans rien comprendre, je me retrouvais devant un regard bleu et lumineux, un regard inquiet et souriant, devant une personne dont le fin visage était encadré par des belles boucles brunes, dont l'air hautain et supérieur qu'elle avait l'habitude d'afficher venait brusquement de s'évanouir.

La fille se tenant devant moi esquisse un sourire.

Visiblement concernée par moi.

Visiblement inquiète.

-Lucy... c'est ça ?, commence-t-elle doucement. Qu'est-ce qui ne va pas ? Tu as l'air tellement... inquiète, aujourd'hui !

Je fronce les sourcils, ouvre la bouche,

Et restais muette, muette par la surprise qui gonflait dans ma poitrine et m'avait enlevé la voix. Me demandant comment et pourquoi cette fille dont j'ignorais même le nom, n'ayant été dans sa classe que pendant deux petits jours, sentait soudainement ce subtil besoin de venir me réconforter. Comment diable avait-elle fait pour deviner mon tracas ?

-Je vais bien, merci. Maintenant, excuse-moi, mais il faut que j'y aille. Mes amies m'attendent.

Je lui jette ses mots à la figure d'un ton froid et poli à la fois, toujours aussi méfiante et tendue, toujours aussi confuse face à la réaction de cette inconnue. Je tirais sur mon bras, tentais de me dégager, réalisant que nous nous trouvions dans la salle des casiers et que Mira, Erza et Jubia devaient sans doute m'attendre en se demandant où avais-je bien pu disparaître.

-Hum, Lucy, attends, continue la brune en resserrant sa prise, en insistant encore plus, me fixant avec ses yeux froids et son sourire disparaissant. C'est juste que... Natsu... je vous ai vu ce matin, discuter à l'arrêt de bus. Et dans le bus. Et hier aussi, vous êtes rentrés ensembles. Vous aviez l'air d'être vraiment proches et je me demandais si...

Soudain, je me fige.

Je me fige et je couvre ma bouche avec mes dix doigts, tente de cacher un sourire exaspéré, tente de cacher le rire qui veut monter dans ma gorge et éclater dans la salle, un rire amer, un rire colérique, un rire glacial mais qui ne peut s'empêcher de contenir une pointe de tristesse. Mes yeux se levant vers le ciel, je me tourne vers l'inconnue et plante mon regard dans le sien, la fixant avec toute l'ironie dont j'étais capable.

Une admiratrice de Natsu... bien sûr.

Pourquoi quelqu'un comme elle voudrait m'aborder, sinon ? Me croyant amie avec ce cher garçon au charme irrésistible, elle avait vu un bon moyen de s'approcher de lui en venant me parlant, prétextant s'inquiéter, prétextant vouloir bien faire.

-C'est juste que... je suis amoureuse de lui depuis toute petite ! Et je me demandais... non je voulais que tu m'aides à faire sa connaissance et à me rapprocher de lui. Puisque tu es quelque de sympa... je me suis dit que tu ne refuserais pas.

Je serais les dents et soufflais.

Continuais de la fixer, de la jauger, continuais de me dire à quel point je détestais les personnes essayant toujours d'utiliser les autres pour parvenir à leurs propres fins. Combien je détestais les personnes aussi égoïstes et aussi centrées sur leur personne. Combien je détestais tout ce qui se rapprochait de loin ou de près à ce genre de gosse de riche. Et à alors que je me sentais transpirer et bouillonner, alors que je sentais une colère froide s'infiltrer dans mon corps et dans mon cœur, s'imprégner de tout mon être, je soufflais et soupirais.

En cachant ma main derrière mon dos, je lui dévoilais mon sourire.

-Ouais, compte sur moi pour lui parler de toi !, m'exclamais-je avec un clin d'œil et un faux rire.

Comme si j'allais vraiment le faire.

Son visage s'illumina et je m'empressais de lui tourner le dos, de m'arracher à son emprise et de monter les quelques marches me séparant de la cafétéria, laissant en plan la belle et jeune inconnue, dont même le nom m'échappait et qui avait eu le malheur de s'éprendre de son chevalier aux cheveux roses. Quelque part, je la peignais et avais de la pitié pour elle, quelque part une certaine forme d'empathie prit racine en moi et grandit suffisamment pour éloigner la colère, la frustration. Après tout, ce genre d'amour à sens unique était une tragédie et ce genre de créature trop frêle, trop innocente, finira sans doute par avoir le cœur brisé. Finira par verser toutes les larmes de son petit corps sur cet amour qui n'en valait pas la peine.

Oui, en effet, je ressentais une certaine forme de... pitié, envers cette pauvre fille.

Ce fut sur cette pensée et cette note positive que je me rendis à la cafétéria et que je fis une petite pause dans ma démarche, afin de chercher des visages familiaux, des sourires familiaux et amicaux dans ce tumulte humain qui se presse et se bagarre, dans tout ce bruit qui englouti et absorbe toute forme de vie, les rangées de tables semblant s'allonger à l'infini.

Puis je les perçois, enfin, tout sourire, toutes heureuses et plongées dans une atmosphère légère et frivole.

Levy aurait dû être là aussi, je songeais, le cœur de nouveau blessé et saignant abondamment à cette unique pensée.

-Lucy ! Tu ne devineras jamais ; Jubia s'est enfin décidée !, s'écrie Mira en sautant de son siège dès que son regard croise le mien.

J'esquisse un malheureux sourire, la gorge nouée, la gorge brûlée.

--Décidée à faire quoi ?

Levant mes yeux vers la principale intéressée de cette discussion, une jeune fille au visage timide et bouleversé par la gêne, une jeune fille aux boucles bleues nouées en une simple queue de cheval et qui ne cessait de plonger ses yeux bleus sur ses mains entrelacées, je m'assis.

-Je... je... je vais lui avouer mes sentiments ! Je vais tout dire à Gray ! Ce soir ! Après les cours ! Dans les casiers ! Je vais lui dire à quel point je l'aime !

La surprise devait sans doute envahir mes traits parce qu'elle me fixait, m'observait, rougissante et pleine d'espoir, légèrement intriguée par mon manque de réaction et semblait attendre, attendre que mon visage s'illumine ou que je la félicite, que je dise quelque chose, quoi que ce soit.

Mais pas un seul mot ne pouvait franchir la barrière de mes lèvres entrouvertes.

J'avais la gorge tellement serrée.

Mira laissa un cri rempli de joie lui échapper et prit son amie dans ses bras, la serrant contre elle, nageant dans ce bonheur crée par la fierté.

-Félicitations, Juvia, finit par dire Erza en croquant dans une fraise.

-Ouais... félicitations, Juvia, murmurais-je en baissant les yeux sur mon plat, m'apprêtant à manger, le visage fermé.

Le ventre douloureux et le visage en feu.

Levy aurait dû être là.

Je sortis dans la rue, quittais à la hâte les murs de l'école et me précipitais dehors, cherchais avec un regard rempli d'espoir et dévoré par la crainte le visage de Natsu. Le souffle court, je fis le tour du campus, me dirigeais vers l'arrêt de bus et attendis, comme il était convenu.

Tremblante. Frissonnante. L'esprit noyé dans un tourbillon d'émotions alors que je levais la tête et que je guettais son arrivée, alors que je m'impatientais et pestais contre sa lenteur, contre son indifférence. Détestant devoir l'attendre, détestant devoir dépendre de lui et de ses amis, de son entourage, détestant être aidée par un garçon pareil, cette impression d'être attachée à une laisse et qu'on me privait de ma liberté, cette impression d'être un enfant qui ne pouvait aller jouer sans la surveillance constante et agaçante des adultes m'exaspérant, m'ennuyant.

Lassée par ce sentiment désagréable qu'est l'attente, je me tournais, fis quelques pas en direction de l'imposante bâtisse qu'était le lysée, restais subjuguée par la paresse dont faisait preuve mon compagnon et, ne tenant plus, aussi enragée qu'un lion en cage, je fis quelques pas vers le bâtiment, vers les élèves sortant dehors en groupes, quelques pas malheureux et hésitant, quelques pas avant de me figer.

On venait de poser une main sur mon épaule.

-Alors comme ça, mademoiselle souhaite se défiler ?

Tentant de masquer le léger sourire qui se dessinait sur mes traits, je me tournais, fronçais les sourcils, plissais les yeux pour avoir un air sévère collé sur le visage, pour ne pas lui montrer à quel point j'étais heureuse de le voir là, à quel point j'étais ravie de le voir debout devant moi, une main dans la poche de son pantalon, l'autre toujours posée sur mon épaule, la pressant légèrement, tellement confiant, tellement sûr de lui-même, me regardant avec son éternel regard moqueur et enjoué à la fois, son éternel regard charmeur.

-Comme si j'allais m'enfuir !, rétorquais-je en me dégageant légèrement de son emprise, en me plantant juste sous ses yeux, continuant à déverser mon flot de paroles sur lui. Figure-toi que ça fait un moment que je t'attends ; t'es en retard, Dragneel.

-Pourquoi tu ne m'appelles pas par mon prénom, Luigi ? Et moi qui pensais que nous étions super proches !

Il eut un rire silencieux puis se tourna, lumineux, me présentant aux deux autres personnes se trouvant derrière lui. Des garçons, tous les deux, l'un avait un air sombre collé sur le visage, une longue crinière noire toute ébouriffée ornant sa tête et des prunelles sombres, noires, des prunelles pointées sur moi et me dévisageant comme s'il tentait de découvrir ce que cachait mon âme.

Lorsque je me tournais vers l'autre garçon, mon cœur se figea. Mon cœur venait de signer sa démission officielle et de s'enfuir vers un continent lointain, tandis que je le regardais, frémissante, les yeux grands ouverts et sans aucun doute surprise, éberluée par sa présence. Ne comprenant pas. Ne comprenant pas pourquoi ce garçon au visage calme et posé, aux cheveux sombres, ébouriffés, cet homme à l'allure nonchalante qui regardait un point derrière moi.

Pourquoi Gray se tenait là, devant moi, alors que Juvia était sensée lui déclarer ses sentiments, alors que Juvia avait enfin prit son courage à deux mains pour se lancer dans ce vide exubérant qu'était le sentiment amoureux ?

Quelque chose n'allait pas.

Cette pensée me traversa l'esprit alors que je restais muette et figée, pétrifiée et morte sur place, indécise, le cœur meurtri, saignant, ne sachant quoi faire, comment procéder pour rendre tout le monde heureux, comment arriver à sauver mon amie sans causer la peine d'une autre, comment pouvais-je envoyer balader Gray sans lui avouer la vérité se cachant derrière mes faux semblants ? Je baissais la tête, les joues soudainement ayant pris feu et me mordis la lèvre.

-Ma chère petite Lucy, je te présente Gajeel et Gray, mes amis les plus... enfin, disons deux de mes amis qui me font le moins chier.

-Ouais c'est ça, tu parles ! T'imagines même pas à quel point on en a marre de toi, mon pote ! Mais bon, comme tu nous trimbales toujours avec toi, à croire qu'on est juste des simples sacs à main à tes yeux, on n'a pas trop le choix que d'être tes ''amis'', souffla Gray en fixant Natsu, les yeux levés au ciel.

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Quelques petits mots d'auteure : Alors, tout d'abord, je sais qu'il ne se passe pas grand chose d'intéressant dans ce chapitre... Et pourtant ! Le prochain risque ( la prochaine moitié de ce même chapitre) d'être un peu plus... Excitant !
J'espère néanmoins qu'elles vous ont plus, mes quelques lignes !

Sinon, je voulais juste vous souhaiter une bonne année 2016, meilleure que la précédente, remplie de bonheur et de drame (parce que oh, combien la vie serait ennuyante, sans un peu de drame !) et surtout du Nalu *^* Je tenais également à vous remercier, parce que ce matin j'ai remarqué que j'avais 500 abonnés ! 500 quoi ! C'est énorme ! C'est la moitié de mille ! Merci, merci de me suivre et de lire, de voter et de commenter mes histoires ! Je ne serais rien sans vous x3 Merci !

Maintenant, allons tous rêver ensemble ! *°* (<- vive les emoticones inventés ! XD )

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