Chapitre 3 : Quand l'amour nous rend aveugle...
-Levy, tu ne peux pas faire ça ! Tu es bien trop jeune !
Mon exclamation fuse et brise le silence de plomb qui venait de s'installer, suite aux propos de ma meilleure amie. Mon exclamation fuse, brutale et pathétique, témoin d'une colère mélangée à une inquiétude profonde, et je m'approche de la jeune écervelée, exaspérée par le regard innocent qu'elle pose sur moi, m'approche encore, me met à la hauteur de son visage, la regarde droit dans les yeux, sans ciller, sans hésiter, fronce les sourcils, gonfle mes joues, tellement, tellement énervée.
-Lucy... je l'aime, tu comprends ?
-Oui, mais vous pouvez vivre très bien sans forcément vous marier ! Qu'est-ce qui presse ? Levy, le mariage est une affaire sérieuse. Quand tu es prête à épouser quelqu'un, tu dois être sûre d'aimer les bons ET les mauvais côtés de cette personne, tu dois être consciente de...
-Oh, je t'en prie Lucy ! Qu'est-ce que toi, tu en sais ? Tu n'as jamais eu de petit ami auparavant, jamais ! Alors comment peux-tu savoir mieux que moi ce qu'est l'amour ? Ne viens pas me faire la leçon alors que toi-même, tu ne sais pas de quoi tu parles !
-Levy, sois raisonnable ! Arrête de te comporter comme un enfant ! Ce type, tu ne le connais que depuis ... quoi, deux semaines ?
Un léger sourire moqueur accompagne mes paroles tranchantes.
-Tu ne peux pas épouser quelqu'un que tu connais seulement depuis deux semaines. Arrête d'être une enfant, sois un peu plus réaliste ! Tu te retrouveras divorcée avant même la fin du mois.
-Qu...qu'est-ce que tu en sais ?
Levy baisse le regard sur ses mains jointes, se met à trembler, à trembler de colère, d'indignation sans doute, à trembler parce qu'elle ne savait quoi répondre, quoi dire d'autre, quoi répliquer à mes mots qui prenaient une ton moqueur. Humiliée, elle devait se sentir, et ne voyant pas d'issue, elle se contentait de baisser les yeux, de serrer ses mains et de me défier avec ce calme qu'elle tentait d'invoquer, ce calme qu'elle ne réussissait pas à avoir, son esprit étant trop agité.
Ses mains tremblaient toujours.
De plus en plus fort.
Une larme coula sur sa joue.
Une larme longue et fine, transparente, une larme de tristesse ou de fureur, une larme d'impuissance ou de dégoût, je ne pouvais réellement le savoir. Je ne pouvais comprendre la signification de cet aveu que la malheureuse goutte me confia, et mon étonnement grandit encore lorsque d'autres la suivirent, lorsque le visage si doux de mon amie se retrouva inondé, faisant ainsi couler tout son maquillage. Ses hoquets traversant la mince barrière de ses lèvres étaient désormais le seul bruit qu'on entendant dans la maison.
Elle plaqua une main sur sa bouche, baissa encore plus la tête, tentant de me cacher sa tristesse.
-Levy, je... je suis désolée... je ne voulais pas dire des choses blessantes, je t'assure !
Le cœur poignardé par une culpabilité soudaine, je tends les bras vers elle, tente de la prendre dans mes bras, de la rassurer par ma présence et quelques mots brièvement murmurés à son oreille. Je tends les bras pour la serrer contre mon cœur, ce même cœur qui saigne et qui pleure à son tour, inondé par tous les remords que j'étais en train de ressentir, face au visage sans défense de ma meilleure amie.
-Levy, ça va aller..., je chuchote, caressant son dos tremblant.
Soudain, elle me pousse.
Elle me repousse et se lève, me tourne le dos, presse ses mains sur ses yeux et grommelle quelques petits mots, toujours aussi bouleversée, peinée et visiblement très en colère. Elle se lève et sort de sa chambre, en courant, en secouant la tête, ignorant mes cris d'étonnement, mes appels solitaires, se dépêchant d'attraper un manteau et d'ouvrir la porte, vite, toujours aussi vite.
-Levy, qu'est-ce qu'il se passe ?, je crie, la suivant dans l'entrée, éberluée.
Étrange.
Tout ceci était beaucoup trop étrange.
Avec la force de la fureur incomprise, Levy claque la porte derrière elle, laisse ce claquement résonner dans l'appartement vide, comme pour accentuer des propos colériques et incompréhensibles. Comme pour souligner son comportement incompréhensible.
Et moi, je me retrouve seule.
Seule, dans l'entrée, en train d fixer la porte encore et encore, comme si cette dernière allait m'apporter une réponse, une réponse à ces milles et une questions qui nageaient dans ma tête. Je fixais la porte en la revoyant partir, en courant, en pleurant, en trébuchant, tentant de sortir de cet appartement par tous les moyens, rongée par tant de sentiments que j'apercevais avec peine.
Qu'est-ce qu'il t'arrive, Levy ?, me demandais-je en fronçant les sourcils, en souhaitant partir, bouger, détourner le regard mais me retrouvant toujours aussi immobile, retenue au sol par toutes mes incompréhensions. Me rejouant la scène encore et encore sans toutefois comprendre, sans voir.
Bien sûr, des crises telles que celle-ci, nous en avions eu souvent. Des disputes, des cris, des quiproquos, nous avions passé des soirées entières à nous hurler dessus des insultes toutes autant plus variées les unes que les autres. On se disputait souvent à cause des fréquentations de Levy, à cause de tous les reproches que j'avais à faire suite à une rencontre avec le dernier amour de mon amie, à cause de tous ces petits défauts que je ne pouvais ignorer tout simplement. Quant à elle, elle m'en voulait surtout d'être toujours aussi renfermée sur moi-même, de ne jamais sortir, jamais m'amuser, de refuser toutes les avances des garçons autour de moi, fermant les yeux sur les sentiments des autres. J'étais trop «froide», selon elle.
Des disputes, nous en avions eu. Des grosses, des inutiles, des disputes stupides et blessantes.
Seulement, pas une seule fois mes mots sont allés aussi loin.
Pas une seule fois je n'ai poussée Levy à quitter l'appartement.
Et à présent, je m'en voulais terriblement.
Cellulaire en main, regardant au loin, je sentis mes doigts se crisper sur l'appareil en entendant encore une fois sur le répondeur de Levy.
Dix fois.
Cela faisait exactement dix fois que je l'appelais, continuais de l'appeler encore et encore, en tombant à chaque fois sur son répondeur, que je commençais à maudire secrètement. La main portée à ma bouche, je me mis à ronger mes ongles, l'inquiétude me tiraillant, me démangeant tandis que j'essayais de l'appeler une onzième fois. Elle n'était pas rentrée de la nuit, n'était même pas venue chercher ses affaires ce matin, s'était contentée de disparaître soudainement. Quelque part, dans un petit coin de mon esprit, je me dis qu'elle devait se trouver chez son précieux fiancé, fiancé que je ne connaissais absolument pas. Pourtant, ces pensées ne firent rien pour arranger ma nervosité croissante.
Me voilà, qui me met à trembler, étonnée de voir le téléphone tenir en place, malgré mes membres instables, tandis que je continue de fixer les voitures allant à toute vitesse, sans jamais s'arrêter.
-Vas-y, décroche, sois pas une gamine, marmonnais-je en entendant l'éternel ''biiip.... Biiip'', soudainement en colère contre la tête de mule qu'était mon amie.
«Bonjour ! Vous êtes bel et bien sur la messagerie de Levy McGarden, la seule et l'unique ! Si vous êtes un garçon, sachez que malgré le fait que je sois occupée en cet instant, je serais à vous très, très bientôt ! Par contre, si c'est toi, Lucy, alors...»
Je raccrochais, dégoûtée par sa voix enjouée.
-Et merde !, ne pus-je m'empêcher de m'exclamer, frappant du bout de mon pied le panneau de l'arrêt de bus.
J'avais besoin d'évacuer tous ces sentiments.
-Ouah, il t'a fait quoi, ce pauvre panneau pour que tu lui fasses subir un coup de pied ?
Sursaut.
Suivit d'un embarras immédiat, tandis que je me retournais et que je levais un visage rougissant, honteux, sur un jeune homme à la chevelure rose toute mouillée.
Il venait sans doute de prendre une douche.
Natsu me fit un clin d'œil et continua de s'approcher de moi, me détaillant de la tête aux pieds, me dévisageant sans retenue et sans jamais prendre la peine de dissimuler son sourire charmeur, un sourire malicieux qui me fit frémir et fit accroitre encore plus mon embarras.
-Vous êtes ravissante ce matin, mademoiselle. Si seulement votre humeur pouvait aller de pair avec votre apparence...
Il me chante ces douces paroles sans aucun doute vides de sens à ses yeux, des paroles maintes fois répétées à des tas et des tas de jeunes filles, tout en continuant de se rapprocher, s'approchant si près que son bras frôlait le mien et que sa proximité me fit froncer mes sourcils, rougir encore plus, de plus belle, telle une idiote, telle toutes ces filles qui tombent sous son charme inutile.
Je détestais tellement cette situation.
Je détestais tellement me sentir si inutile, si stupide, si niaise. Il avait le don de me faire perdre tous mes moyens et cela m'agaçait, m'énervait et je souhaitais tout d'un coup qu'il s'en aille et qu'il cesse de me faire part de sa présence non désirée. Après tout, il était quelqu'un que je n'appréciais pas, pas du tout, quelqu'un que je considérais comme étant stupide et superficiel, quelqu'un qui m'intéressait pas le moins du monde... pourtant, me voilà rougir.
Telle une parfaite imbécile.
-Puis-je connaître l'origine de vos soucis ? Serait-ce un garçon ?
Le voilà qui me sourit, encore, toujours, essaye de me charmer, essaye de se rapprocher, de réduire l'espace qui nous sépare à néant.
-Ça ne te regarde pas, Dragneel.
Je lui jette ces paroles à la figure, insensible, extenuée, profitant de la surprise qui se dessinait si bien sur son visage afin de m'éloigner, de me dérober, plaçant soigneusement quelques mètres entre nous deux. Je souffle, ennuyée et obstinée à regarder la route, ignorant royalement mon compagnon indésirable et son regard qui me brûlait, tenant de guetter encore plus la venue de l'autobus.
Puis, tandis que les voitures continuaient de filer, tandis que ce garçon qui m'importait peu continuait de me regarder silencieusement, tandis que je vis du coin de l'œil notre autobus approcher, une idée me traversa l'esprit.
Une idée insensée, une idée farfelue, une idée que je détestais mais que je ne pus m'empêcher de considérer tout de même.
Lui, qui était si populaire et qui devait connaître tout un tas de monde, il avait peut-être entendu parler du petit ami de Levy. Peut-être qu'il le connaissait, peut-être qu'il connaissait ses amis, ses fréquentations, où il habitait, ses habitudes ou ses manières, peut-être même qu'il n'avait jamais entendu son nom auparavant. Peut-être que ma question serait inutile. Mais... mais je ne pouvais m'empêcher d'y penser, l'envie de vouloir sauter sur cette occasion faisant battre mon cœur de plus en plus vite.
Et si jamais il m'aidait, si jamais il connaissait toutes ces informations et qu'il acceptait de m'en faire part, alors je lui serais redevable.
Cette pensée, à elle seule, me fit frémir et fit ralentir mes ardeurs.
Pourtant, ce «peut-être» qui ne me mènerait sans doute nulle part en valait la peine. Parce que je voulais retrouver mon amie, je voulais la revoir et m'excuser, m'assurer qu'elle allait bien, discuter avec elle calmement, tranquillement.
-Dis, Natsu, commençais-je en chuchotant, regardant mes dix doigts fixement, les joues brûlantes par la gêne et par la peur horrible d'un refus, j'ai une question à te poser. En fait, je me demandais si tu connaissais un certain Nick Woolfs ?
Je lui jetais un rapide coup d'œil, guettant une réaction, une réponse.
Il arqua un sourcil et sembla sourire, me regardant intensément, toujours aussi intensément, faisant durer l'attente et, tel un vrai sadique sans cœur, se délectant de ma crainte, de ma honte, de ma subite timidité et des mots que je me mis soudainement à bredouiller, cherchant à me justifier, à dire une phrase intelligente sans pour autant y arriver. Il fit claquer sa langue, tourna son regard vert sur le bus qui s'arrêtait devant moi, fit semblant d'y réfléchir. Il resta muet, répétant seulement le nom du recherché tandis que je montais dans le véhicule bombé de monde et que je me retrouvais pressée contre un vieil homme, attendit encore un moment long et inépuisable, interminable avant de finalement décréter.
-Je ne connais pas de Nick Woolfs.
Je sentis l'espoir me quitter et la déception, l'horrible déception m'envahir, s'infiltrer dans mon cœur, poignarder ce petit organe vital qui ne cessait jamais de battre et de se débattre, me faisant perdre le sourire poli que j'avais réussi à dessiner sur mon visage. En voulant à Natsu, de ne pas savoir, et à Levy, d'avoir disparu, m'en voulant à moi-même également, d'avoir autant espéré et de m'être prise aussi bêtement dans le piège fin et vicieux qu'est l'attente, je soufflais, tentais de remettre en place un sourire sur mes lèvres, baissant la tête, fixant mes mains.
-Merci pour ton aide quand même, soufflais-je.
Tellement déçue.
Je ne savais que penser.
Je ne savais que penser, quoi me dire pour ne pas me sentir aussi déprimée, aussi impuissante et inutile, aussi stupide et tellement, tellement impulsive. Natsu l'avait bien vu, avait su dénouer les fils de mon jeu pour me percer à jour, comprendre quelque chose quoi moi-même je n'avais jamais vu encore : j'étais impulsive. Je disais des choses dans l'immédiat, sans réfléchir, sans me poser des questions, agissant égoïstement et me moquant éperdument des autres.
Moi qui reprochais aux autres leur égoïsme, me voilà exactement pareille.
Je me sentais tellement dégoûtée.
-Mais j'ai entendu parler d'un certain Nick Woolfs.
Je relevais le regard, surprise, étonnée, n'en croyant pas mes propres oreilles, fixais incrédule pendant des longues secondes un Natsu qui souriait, légèrement, mais dont le visage était néanmoins envahi par un air sombre, une lueur d'inquiétude dansant dans ses prunelles.
-Je ne sais pas pourquoi tu as l'air de tant chercher à contacter ce type, Lucy, mais d'après ce que j'ai pu entendre, il n'est pas exactement ce que moi j'appelle un type bien. Je dirais même qu'il est plutôt dangereux, agressif et que, peu importe le fait que tu ne m'apprécies pas vraiment - pour une raison que j'ignore, d'ailleurs -, je ne te laisserais pas aller le voir seule.
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