~35~
( Brice)
La chaleur de sa main, la douceur de son regard me permettent de réaliser l'instant présent. Sans me lâcher, il passe en position debout. D'une traction légère mais affirmée, il m’attire vers lui. Ma seule envie est de rester blotti. Juste me serrer contre lui, sans parler. Et a priori Corentin a la même envie. Nous avons presque la même taille, ses bras m’enveloppent parfaitement. Le battement régulier de son cœur me berce.
— Tu vas retourner chez Stéphane ? chuchote-t-il.
— Je pense, oui. Même si je n'en ai pas vraiment discuté avec lui.
— Tu me fuyais, j’ai bien compris mais Stéphane et Vivian, tu comptais les abandonner, eux aussi ?
— Lorsque j’ai reconnu Éric, sur cette photo à côté de toi, j’ai perdu le contrôle. Mon mensonge est la seule chose qui me soit venue à l’esprit. Il me semblait impossible de continuer la soirée comme si de rien était, après cela. Au fond de moi, je ne fuyais pas vraiment, j’avais besoin de l’aide d’Armand. Pour m’aider à mettre des mots sur mon ressenti.
— Il compte beaucoup pour toi.
— Sans lui, je ne pense pas que j'aurais survécu à la mort de ton frère. Savoir Eric à l’hôpital impliquait, dans mon esprit, qu'il était sauvé. Ton frère se moquait de moi, me traitait d’adorable rêveur. Ce jour-là, je suis tombé de mon nuage. Brusquement. Il a été mon seul compagnon, tu sais, sans jamais vraiment l'être. Armand a entendu toutes mes confidences...
— Je te le dis une fois de plus. Je n’ai aucun reproche à te faire. Même si tu avais agi différemment, je suis persuadé qu’Éric aurait pris le même chemin. A ma connaissance, il n’a jamais évoqué son orientation sexuelle avec mes parents, et je ne m’y suis jamais aventuré non plus.Tu te reproches constamment ta fuite. Ne vois-tu pas à quel point, tu as été courageux ?
— Et cela m’a donné quoi ? Tu sais, je crois que sans la rencontre avec Éric, le mec courageux serait rentré au bercail.
— Tu ne sais rien de tout cela, Brice. Tu as un vrai projet à construire, une maison à restaurer. Stéphane ne te laissera pas tomber.
— Et toi, tu comptes rester dans le secteur ?
— Tu te rappelles, j’ai un travail ici. Et un projet aussi que j’aimerai voir aboutir. Je ne suis pas pressé, Brice. J’ai envie de continuer à faire connaissance avec toi, avec tous tes "toi". Je suis et resterai le frère d'Éric, je ne pense pas que ce soit un handicap.
— Je ne le pense pas non plus. Allons retrouver Armand et Stéphane, dis-je en me dirigeant vers la porte.
Nous les trouvons assis et le sourire de mon oncle finit de me rassurer sur l’avenir. Son bras se tend vers moi et, en l’espace d'une seconde, il me serre contre lui.
— Nous allions justement vous rejoindre, précise Armand. Je ne pense pas que tu t’opposes à rester chez ton oncle. Je vais prendre une chambre d’hôtel pendant quelques jours. Je passerai à l’exploitation pour examiner ton projet.
— Mon projet n’en est qu’au stade d'ébauche, tu sais.
— Je me doute bien. Mon boulot est de t’accompagner. Je n’ai aucune compétence dans ce domaine mais le Centre a une très longue liste de professionnels qui aident au reclassement de nos patients. En dehors du projet, je reste toujours joignable, Brice. Au même numéro.
(Stephane)
Le voyage de retour vers l’exploitation est plutôt silencieux. Corentin est derrière moi, Brice à la place passager. Aucun des deux ne me demande de passer chez Corentin et je me dispense bien de poser la question. Un rapide coup d’oeil dans le rétro me permet d'apercevoir l’instituteur qui n’a pas du tout l’air perturbé. En ont-ils parlé tout à l’heure ? Ma curiosité devra attendre un peu avant d’être satisfaite. La main de Brice, posée sur sa cuisse, ne tremble pas.
— J’ai besoin, nous avons besoin, complète-t-il après un rapide regard derrière, de passer du temps ensemble. Est-ce que cela te convient ?
— C’est presque vexant que tu poses la question. Crois-tu que si cela me posait le moindre problème, je serais venu avec Corentin ? Nous devions tous les deux t’entendre. Que vous ayez encore beaucoup de choses à vous dire, je n’en doute pas. De toute façon, Il était question que Corentin aide, non ?
Son petit éclat de rire me suffit ainsi que le large sourire de Corentin dans le rétroviseur.
— Je vais sûrement avoir des livraisons à faire, je vous laisse gérer les animaux.
— Est-ce que tu vas perdre des clients par ma faute ?
— Je les ai prévenus donc je ne le crois pas. Je ne suis pas rentré dans les détails, cela ne les concerne pas. Par contre Vivian passera après le travail, il m’a laissé un message. Ma voix sur son répondeur a dû l'inquiéter. Tu veux que je lui explique ?
— Non. C’est à moi de le faire. Il n’est pas question de l’exclure. Lui aussi a besoin de savoir et comprendre pour quelles raisons, je suis resté éloigné de vous. Et puis, il lui arrivera, j’espère, de rencontrer Corentin. Plus question de dissimuler quoi que ce soit.
Le ton de sa voix est déterminé, cela me fait plaisir. Armand a raison, mon neveu ne fuyait pas. Tout ce qu'il dissimulait de cette période si lourde de sa vie mettait un frein sur le présent. Il n’est pas possible d’occulter un tronçon de sa vie sans qu'il y en ait de conséquences.
(Corentin )
Comment ne pas sourire ? L’humour de Stéphane me plaît, il sait le manier afin d’apaiser les tensions. Brice utilise sensiblement la même méthode. En l’espace de peu de temps, le tonton laisse la place à l’exploitant et très vite les commandes et les dates de livraison remplissent l'agenda. Il va être temps d’amener l’oncle et le neveu vers le monde informatique.
— Viens. Tu fais à quelque chose près la taille de Stéphane, avec une ceinture pour que tu ne perdes pas ton froc, cela devrait aller, propose Brice en me détaillant.
— Pas question que je prenne des affaires de ton oncle. Mon jean fera très bien l’affaire.
— Nous devons nettoyer deux des quatres poulaillers. Pour l’avoir déjà fait, en plus de l’odeur, tu en ressors plus que crasseux, crois-moi.
Sans rien contrôler, mon dégoût doit s’ afficher sur mon visage car Brice se met à rire.
— Tes grimaces sont suffisamment convaincantes ! Je vais te faire une fleur. Toi, tu fais le plein des abreuvoirs. Moi, je gère les poulaillers. Ça te convient ?
— Pas question. Si je veux aller au bout du projet en accompagnant des élèves ici, pas question qu'ils ressentent mon antipathie envers ces bestioles.
— Tu es assez grand pour décider. Ne viens pas râler tout à l’heure.
— Je ne râlerai pas. Puis-je avoir un tout petit bisou d’encouragement ?
Il éclate de rire face à mes pitoyables pitreries mais la distance entre nous est vite comblée. Ses mains se posent sur mes hanches et me tirent contre lui.
— Sur le nez, ce bisou ? Ou sur les joues, j’ai besoin de plus de précisions afin de bien faire les choses…
— Cela fait si longtemps que j'avoue ne plus me rappeler du meilleur endroit.
Le message est passé, sa bouche s’ égare tendrement sur mes joues, mes paupières, mon nez. Puis, elle devient plus curieuse, plus entreprenante pour mon plus grand plaisir.
(Brice)
Le ton de sa voix mi-humoristique, mi-grivoise me fait sourire et j’entre dans son jeu. D’un geste, je le rapproche de moi, il ne résiste pas un seul instant, et sans réellement l’avoir anticipé, ma bouche effleure sa joue. J’y dépose un baiser très léger, et un autre sur le nez, et je n’ai plus envie de m’arrêter, ses paupières baissées semblent attendre mes lèvres et je me laisse tenter. Ses paumes viennent se placer sur mon torse, exerçant une légère pression. J’ouvre les yeux, et nous nous écartons l'un de l’autre.
— Pardonne-moi, chuchoté-je.
— Je ne t’ai pas repoussé...Je veux juste être certain que ce ne soit pas trop rapide.
— Je ne ressens pas cela, non. Cela fait un petit moment que j’en ai envie. Mais je comprends que tu…
—Ma demande de bisou d’encouragement était sans arrières pensées. Mais te sentir si près de moi...déterminé. Ne te méprends pas, tu n’as pas du tout abusé de la situation. C’était très agréable.
— Cela veut dire …
Je n’ai pas besoin de continuer à bafouiller comme un idiot, sa main accroche mon sweat et d'un geste ferme, il me colle à lui. Nos regards se croisent un bref instant avant que sa bouche écrase la mienne.
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