~24~
(Stéphane )
Je crois que mon sourire va rester un moment planté sur mon visage. C’est tellement idiot de s’être enfermés dans le silence. Moi pour ne pas le faire fuir, lui pour ne pas me fâcher. Pour quelqu'un qui prône haut et fort que la communication est primordiale, je ne me félicite pas ! La cuisine est rangée, vaisselle faite. Je ne vois aucune lumière sous sa porte. Sans faire de bruit, je me dirige vers l’extérieur que Brice semble avoir adopté. Mais il n’y a personne cette fois. Mon cerveau prend les commandes, quelques pas plus tard, je suis devant la bâtisse. Brice, assis sur une palette, me sourit lorsque je me rapproche de lui.
— J’avais faim, je ne t’ai pas attendu. Je t’ai laissé des pâtes au frigo si Vivian ne t’a pas nourri…
— Merci. Je crois que nous n’avons pas vu le temps passer. Et moi qui te promettait de t'en dégager !
— Vivian est largement plus important. J'ai nourri les bêtes, fini les abreuvoirs. Par contre, je n’ai pas géré les commandes. Moi et les ordinateurs, nous ne sommes pas très copains. J'ai prévu de m'y mettre assez vite. Est-ce que tu peux te passer de moi, demain ? Le matin ou l'après-midi à ta convenance ? J'ai besoin de m'acheter quelques vêtements.
— L'après- midi, j'ai besoin de la voiture ou alors il faut que tu me déposes au drive.
— En fait, j'ai appelé Corentin pour qu'il me prête la sienne mais il est intéressé aussi pour découvrir un magasin potable.
— C'est une très bonne idée d'y aller ensemble. Prenez votre temps, je me débrouillerai.
Mon sourire s’agrandit encore un peu plus. Le peu que je connais de Corentin me plait bien. Pas que j’ai à me mêler de cela, mais savoir que Brice songe à ne pas rester systématiquement sur l’exploitation sur son temps libre me satisfait plutôt bien. Et puis c’est nécessaire, ses fringues sont plus qu’usées.
(Corentin)
D'un bref appel, Brice m’a confirmé la sortie de ce matin. Je suis à peine garé qu'il s’installe sur le siège passager. Ces cernes semblent légèrement atténuées.
— Je me trompe ou tu as l’air un peu moins épuisé ?
— Je dors mieux. Et j’ai pu parler à Stéphane de mon projet. Tu avais raison, l’idée lui plait bien, avoue-t-il. C’est en partie ce qui a déclenché le besoin de me reconstruire une image plus acceptable. Je vais devoir défendre mes idées pour obtenir des aides financières. Le look vagabond ne sera pas compatible.
— Ça cogite là-dedans, j’en suis heureux. Si tu as besoin de la voiture, n’hésite pas. Pareil pour d’éventuels courriers chiants.
— Je valide les deux propositions. Ma passion pour la lecture m’aide sur l’orthographe et la conjugaison mais ma confiance en moi est très loin d’être aussi sereine. Un regard d'un enseignant ne peut pas faire de mal. Pour la voiture, je réfléchis à l’achat sans avoir pris la décision. Mon retour a déclenché une visite chez le notaire. En plus de la maison, il y a un peu d’argent. J’ai contacté deux entreprises pour des devis avec l’aide de Stéphane. Je ne peux pas prendre de décisions sans cela.
— Ma voiture te rendra plus service qu'à moi, l’école est à moins de cinq cent mètres de mon logement.
— Merci. Et puis, sans lui avoir posé la question, je pense que mon cousin Vivian pourra parfois me prêter la sienne.
J’ai juste entendu parler de l’existence du fils de Stéphane sans l’avoir jamais vu aussi je me contente d'acquiescer sans aucun commentaire.
— J’ai fouillé un peu sur Internet hier soir pour repérer des magasins corrects. Il y a une zone assez conséquente à la sortie Nord de la ville. Je pense que l'on trouvera de quoi acheter. Tu ne veux pas de costumes ?
— Tu es sérieux, là ? Quand j’ai parlé d'une tenue convenable, je pensais à un pantalon sans trous partout. J’ai porté un costume pendant presque six mois dans un hôtel plutôt luxueux où je faisais office de barman. Ce n’était pas désagréable à porter mais je me sens largement plus à mon aise dans un jean.
Mon esprit vagabonde, l’imaginant dans un costume souple moulant à la perfection le corps que j’ai aperçu dans la maison l’autre jour. Je bloque cette image me promettant de l’analyser plus tard.
— Barman ? Sacré changement de secteur.
Je me maudis moi-même en le voyant se tendre. Quand apprendrais-je à réfléchir avant de parler ?
— Il n’y avait pas un choix énorme dans les offres d'emploi, grogne t-il
La première boutique où je l'entraîne lui provoque, comme je l'espérais, une jolie crise de fou rire en découvrant le nom relativement explicite “ le joyeux fermier”. Brice a des difficultés à retrouver son souffle.
Au suivant, nous trouvons, notre bonheur chacun dans notre coin. Pourtant aux caisses, nous jetons en même temps, un regard curieux sur les affaires de l’autre. Brice n’a pas acheté de costume mais deux jeans foncés, des tee- shirts simples et des sweat shirts à capuches. Son regard curieux sur mes fringues, sensiblement identiques, me plait et le fait qu'il ne fasse aucune remarque aussi. Je n’aime pas plus les couleurs vives que lui.
— Stéphane t’attend ?
— Pas spécialement. Cela te dit d’aller manger un truc, je ne sais pas, dans une cafétéria, un truc de ce genre.
Je comprends que cela doit faire une éternité qu'il n’a pas fait ça et qu'il n’est pas non plus très pressé de rentrer.
— À mon tour de valider l’idée. En plus il fait beau, on pourra manger en terrasse. Cela serait surprenant que l’on ne trouve pas dans le secteur. Tu te sens de marcher un peu ou tu préfères qu’on cherche sur Internet ?
— Pour être tout à fait sincère, ce sera une expérience inédite pour moi. Pas moyen d’aller au bistrot du village au risque de provoquer la foudre paternelle. Et puis je n’avais pas assez de potes qui auraient pu me proposer de les accompagner en ville. Et bien trop terrifié à l’idée qu'un seul d’entre eux découvre mon attirance pour les mecs. Seul Clovis était au courant, et subissait nos rencontres furtives.
— Clovis ?
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