Chapitre 4 : Retour à ma réalité

Mes paupières s'ouvrèrent gentiment, après une bonne nuit de sommeil. Un court instant, la sensation d'être perdu dans l'inconnu m'emporta, avant que tout me revînt en mémoire. Mon regard fixa l'horizon par la fenêtre, pour savoir l'heure qu'il était. Puis, je me retournai pour constater l'absence de mon sauveur.

Où se trouvait-il ?

Quand une odeur alléchante chatouilla mes narines, Suga arriva avec deux assiettes sur un plateau. La commissure de ses lèvres s'étira légèrement avant qu'il ne s'avança vers moi.

Mais toutes ses attentions me travaillaient l'esprit.

Il a fait le petit-déjeuner ?

Mais pourquoi se comporte-t-il de la sorte avec moi ?

Suga posa le tout sur la table en face du lit et entama la conversation.

— Tu as bien dormi ? Viens manger et après, nous devrons partir, mon ami reprend ses droits sur son studio.

— Oui... De toute façon, je ne voulais pas te déranger plus longtemps, affirmai-je avec un demi-sourire.

Je me déplaçai pour atteindre le remords du matelas, et ainsi m'asseoir convenablement.

Devant mes yeux écarquillés se trouvaient des œufs brouillés, du lard grillé et des tranches de pain. Mon ventre allait connaître la joie de se nourrir deux fois de suite.

— Merci pour tout, Suga, murmurai-je en avalant la première bouchée.

— Ce n'est rien. Pour mes habits, tu peux les garder et j'ai quelque chose d'autre pour toi.

Ses mains cherchèrent de quoi écrire dans un tas de feuilles.

Je me cherchai, intriguer par son présent.

Après avoir griffonné sur un petit bout de papier, Suga me le tendit. Mes doigts s'en emparèrent avec une grande prudence, évitant ainsi tout contact.

— Si tu as besoin d'aide, tu me trouveras tous les soirs à cette adresse, m'indiqua-t-il avec un large sourire.

Mes phalanges se refermèrent avec vigueurs sur la note. Pour la première fois, je pouvais compter sur quelqu'un et cela soulagea mon cœur. Mon visage transmit mes émotions, mon timbre tremblant bredouilla « merci », avant que nous terminions notre repas.

La vaisselle finit et l'appartement rangeait, une petite complicité s'installa entre nous le temps des tâches ménagères.

Puis nous prîmes le chemin de la sortie, Suga ferma la porte à clé. Il passa le premier pour me montrer la voie pour regagner l'entrée.

Une fois dans la rue, nos regards se fixèrent un instant avant que sa voix ne brise cet instant.

— À un de ces jours, Ji-min. Fais attention à toi... articula-t-il avant de tourner les talons et de me laisser là, seul à nouveau.

— Oui et merci encore. Au revoir, Suga, répondis-je à la hâte avant qu'il ne disparaisse.

Je restai un moment assis sur le rebord du trottoir à réfléchir.

Qu'est-ce que je vais faire ?

Le manque d'argent me fit penser à rejoindre les quartiers fréquentés pour danser.

J'espère que la chance me sourit, cette fois.

Je me mis en route pour le district des affaires, l'heure de midi m'offrait la période parfaite pour avoir un public potentiellement généreux.

Un pincement au cœur me gagna, lorsque la rue où nous nous étions quittés était derrière moi.

Te reverrai-je un jour, Suga ?

Ma marche fut tranquille, il n'était que 10 heures. L'endroit où je dirigeai ne se trouvait qu'à quelque pâté de maison de là.

Mes yeux regardèrent les vêtements que Suga m'avait donnés.

Une tenue parfaite pour un breakeur... Après tout, son style est en adéquation avec ce domaine ou peut-être le rap ?

Oh oui, c'est ça ! En vue de l'adresse qu'il m'a écrite.

Cette réflexion m'arracha un gloussement, tout en continuant ma route. Les premiers buildings se dessinèrent au loin. Une horloge afficha 11 heures, avant que le parc se dévoilât à mes iris.

La décision de m'échauffer me vint tout naturellement. Mon corps était endolori, dû à ma course effrénée d'hier soir. En n'y repensant, j'en frémis.

Si Suga n'était pas intervenu que n'auraient fait ces alphas ?

Certainement pire que tout ce que je peux imaginer.

Mon sauveur avait marqué mon esprit, surtout ses yeux, un sourire se dessina sur mon visage.

Aller ça suffit ! Je dois m'étire un peu.

Un de mes membres inférieurs se plaça sur le banc, j'alternai avec rapidité.

Les exercices s'enchaînèrent avec le savoir que m'avaient appris les saltimbanques.

Une de mes mains s'empoigna le dossier, tout en me mettant de profil. Les premiers mouvements s'amorcèrent, des pliés en première position, seconde, troisième, quatrième et cinquième, suivie par des petits dégagés pour les mollets et pour finir par des ronds de jambe en l'air.

Je saisis un de mes bras, en le logeant derrière ma tête que ma poigne tira fermement le plus loin possible et le deuxième juste après.

Ma colonne vertébrale se relâcha, alors que je me penchai en avant pour attraper mes chevilles.

Mon corps était prêt, il me restait plus qu'à attendre les premiers hommes et femmes d'affaires.

À l'heure de pointe, j'amorçai mon show, en prenant position au milieu de la grande place.

Mes bras bougèrent dans les airs comme des ailes de papillon. Mes jambes évoluèrent dans un piqué à m'en faire perdre la tête.

Des mouvements plus doux subjuguèrent les passants, en entraînant un jet de pièces. Je ne m'interrompis pas pour au temps, ma passion me guidait.

Des enchaînements plus contemporains firent leurs apparitions. Mon corps se laissa emporter au gré de ma guise.

Des businessmen et des businesswomen me regardèrent, être transporté dans un tout autre monde, mon univers à moi seul.

Après une heure, je m'arrêtai transcender, mais épuiser.

J'avais récolté suffisamment d'argents de la générosité de mon public d'un jour.

Enfin, je peux m'acheter de la nourriture...

Mon ventre gargouilla à cette idée, poussant mes pas à avancer dans ce but.

Le quartier où on pouvait manger les meilleurs topokki, se retrouvait juste devant moi. J'adorai les saveurs épicées de ce plat, ainsi que les nouilles de riz et des odengs de surimi de poisson qui accompagner l'ensemble. Le pojangmacha* était en face de ma personne, le marchand ambulant me sourit, je finissais par le connaître depuis toutes ces années.

Pojangmacha : est un étal de rue

— Salut, comme d'habitude ? me demanda-t-il avec un grand sourire.

— Oui, s'il vous plaît.

— Tu as dansé, aujourd'hui ? questionna le marchand avec intéressement.

Ma timidité prit le pas sur ma voix qui murmura.

— Oui, une heure dans la rue.

— Tu es très courageux de le faire par ce temps glacial. Tien, je t'ai mis deux œufs en plus. Mange bien petit et à bientôt.

Son regard était doux sur moi et ses mains me tendirent le bol en carton et des baguettes en bois. Je m'en saisis, tout en le remerciant.

Mes yeux scrutèrent minutieusement les alentours pour chercher ou me poser pour déguster mon repas bien mérité. Je m'assis sur un banc.

Chaque bouchée était un émerveillement pour mes papilles, le gochujang* pimenté fut bien réparti sur les ingrédients.

Gochujang : est sauce de piment amère

Bon, le temps est venu que je retourne au squat avant le couvre-feu.

L'épisode d'hier encore ancrait dans ma mémoire.

Mes pas se fessèrent lents, la fatigue me gagna petit à petit. Les quelques heures de sommeil de la nuit passée n'avaient pas été suffisantes.

Je me réjouissais de retrouver mon petit coin à moi, dans un hôtel abandonné où beaucoup d'omégas dans ma situation avaient pris leurs marques. Mon ancienneté m'avait procuré, le choix de mon gîte et de m'installer comme bon me sembler, mais tout y était précaire.

Aller encore quelques efforts et je serrai arriver.

L'édifice délabré fut plus qu'à une enjambée de là.

Comme à mon habitude, je passai par l'échelle de secours pour ne rencontrer personne.

La fenêtre usée par le temps ne résista pas à ma poussée vers le haut. Je me glissai enfin à l'abri dans ma chambre de fortune.

L'épuisement me guida jusqu'au l'amas de carton qui me servait de couche. Les bougies allumaient, je m'emparai d'une vieille couverture trouée. Ma tête reposa sur mon sac de vêtements. Mes yeux me piquèrent et ils étaient lords.

Je sombrai dans un sommeil agité.

En plein milieu de la nuit, des bruits me réveillèrent. Comme toujours des alphas cherchaient une victime pour la soirée.

Je bénissais le jour où cette pièce m'avait montré tous ses secrets. On ne pouvait y accéder que par l'extérieur, la porte était bloquée depuis des années.

Les cris me forcèrent à placer mes mains sur mes oreilles, ne pouvant plus supporter de les entendre. Car je savais, le sort qu'ils les attendaient.

Les remords de ne rien pouvoir faire pour eux me rongèrent peu à peu. Une seule pensée mettait apparut: échanger mon corps contre le leur. Mais je pouvais m'y résoudre.

Alors chaque soirée, mes prières s'envolaient dans les airs, espérant que cela s'arrête: qu'un jour bénit, nous les omégas pourrions vivre dans ce monde sans la violence.

Mes larmes coulèrent le long de mes joues en entendant le silence revenir.

Les semaines qui suivirent, des dominants venaient faire leurs marchés parmi les adolescents du squat à la nuit tomber.

J'en frémissais à chaque coucher du soleil, me demandant quand mon tour arriverait, m'obligeant à dormir plus que d'une oreille. Mon corps s'en trouvait affaibli.

Mon regard fixait sur le petit bout de papier froissé qu'il m'avait donné.

Tu serras peut-être ma seule porte de sortie de cet enfer...

Mes paupières se fermèrent, les cauchemars m'engloutirent comme tous les crépuscules.

Des coups contre l'entrebâillement m'éveillèrent sur-le-champ, la peur s'empara de moi. Mon souffle se saccada et tout mon être trembla.

Des voix parvinrent à mes oreilles.

Putain, non... C'est pas vrai...

Comment ils m'ont retrouvé ?

Tétanisés, mes membres se crispèrent, faisant régner le silence dans la pièce.

Car les trois alphas de la ruelle étaient juste de l'autre côté de l'encadrement en bois usés. Si le Chef du groupe frappait fort, la porte céderait certainement.

Je ne vais pas attendre que ça arrive !

Mes mains attrapèrent mon sac à dos et mes pas se firent félins jusqu'à mon échappatoire.

Mes pieds se posèrent sur le sol et je me mis à courir. La peur au ventre me fit m'arrêter de douleur. Ma respiration était haletante et mon esprit s'embrouillait.

Où je vais maintenant ?

Quand mes yeux virent sur la neige, une note froissée. Je le ramassai et remerciai le destin. 


Mots auteur : comme pour moi, c'est impossible de ne pas vous montrer Ji-min entrait de danser... Je vous mets une petite vidéo, rien que pour le plaisir...

https://youtu.be/8D7Wnnow2kQ

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