Chapitre 19 : Mon agonie
Mot de l'autrice: Ce chapitre est dur en émotions et le prochaine serra pire, donc si vous êtes un peu fragile, ne le lisez peut-être pas tout de suite.
J'ai changé de style pour m'adapter à ma plume actuelle, j'espère que ce changement ne vous posera aucun désagrément.
*****
Les journées s'écoulèrent comme une lente agonie sans lui. Son départ m'avait laissé un sentiment d'abandon dont je pouvais me défaire, mais je continuais tant bien que mal à être fort.
À cette heure, je refermai la porte de notre appartement avec l'idée fixe qu'il m'avait certainement oublié. Son sourire restait graver dans mon esprit, alors que je rejoignais la troupe au théâtre.
Tous ceux que je rencontrais sur les trottoirs me bousculaient, sans doute que je devais être trop dans mes pensées. Mon corps était amaigri et faible, je marchai lentement les yeux rivés sur le bitume. Le manque de nourriture me pesait et des étourdissements s'abattaient sur moi. Je m'accrochai à un lampadaire à bout de force et de souffle. Un goût de sang dans ma bouche me rappela les stigmates provoqués par mes ongles sur mon palet. Je repris le chemin, vers cet avenir dont je rêvais depuis des années dans la froideur des rues.
Je passai le hall, la respiration haletante. Un sentiment de vide me dirigeait dans un gouffre ou celui pourrait m'en sortir. J'avais l'impression de n'être plus qu'une coquille sans âme qui survivait parce qu'elle ne pouvait faire différemment. Un pas devant l'autre, voilà à quoi se résumait ma vie, sans sa présence et son soutient.
Personne dans le vestiaire, j'en profitai pour prendre tout mon temps pour me préparer et rejoindre la scène. Lee Bae-ja attendait, assis sur un fauteuil de velours vert, il posa un regard dédaigneux sur moi.
— Ji-min, que dirais-tu de commencer seul ? questionna-t-il froidement.
Je répondis d'un simple mouvement de la tête. La peur au ventre, je respirai une grande bouffée d'air, m'élançai dans les premiers enchainements et tournai comme si ma vie était en jeu. Quand la musique s'arrêta, j'étais à bout de souffle. J'avais tout donné dans cette représentation privée. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine, alors que le chorégraphe m'observa. Son visage était de marbre, sans la moindre expression pour me guider à savoir si j'avais été bon.
— Ji-min, tu es en retard de cinq secondes et par fois plus. Tu dois arranger ça et vite !
Ma gorge se serra et je déglutis difficilement. Ses mots résonnèrent dans mon être comme un coup de poignard pour m'achever. Comment, je pouvais ne pas respecter le rythme ?Probablement parce que j'étais nul...
Je baissai la tête, honteux. Quelques minutes passèrent, avant que les danseurs n'arrivent. Perdu, je regardai la troupe se mettre en place. Les premiers accords retentirent, je les rejoignis à la hâte et nous nous élançâmes dans les combinaisons. Mon esprit demeurait ailleurs, je m'efforçai tant bien que mal de suivre les autres, me heurtant à certains. Je trébuchai à de nombreuses reprises. À la dernière note, je me retrouvai sur le plancher.
— Ça suffit ! On prend une pause de cinq minutes, hurla Lee Bae-ja, exacerbé.
Le chorégraphe se dirigea vers moi, son visage crispé et son regard glacial. Nous étions plus que tous les deux sur la scène. Un silence pensant nous entourait. Ses yeux toujours encrés dans les miens, il se racla la gorge avant de parler.
— Ji-min, rentre chez toi. Tu n'es bon à rien aujourd'hui !
Son ton était acerbe, il se détourna de moi et prit le chemin de son bureau. Je me retrouvai là, désemparé. Je n'avais su quoi lui répondre. Misérable, je regagnai le vestiaire pour récupérer mes affaires et longeai les murs pour ne pas être vue de mes collègues.
Dehors, le soleil était haut dans le ciel et ses rayons éclatants, il faisait chaud. J'avançai dans les rues désertes à cette heure, seules quelques mamans accompagnées de leur enfant se promenaient avec insouciance. Mon immeuble se dessina au loin, il me restait encore à marcher cinq minutes. Le sentiment de n'être qu'un moins que rien m'envahissait peu à peu.
Je franchis le seuil et l'espace d'un instant je crus voir Suga sur le canapé. Mes esprits retrouvaient, je pris le chemin de ma chambre, me dévêtis et me mis en jogging, avant de prendre place sur la banquette devant la fenêtre. Le souvenir de notre premier baiser m'apporta dans un réconfort éphémère. Un vide immense s'empara de mon âme. Je fixai les immeubles aux alentours, les businessmans à leurs bureaux, le regard sur leurs ordinateurs. Je sombrai lentement dans le néant qui me happait de nouveau dans mes plus sombres côtés. Les heures défilèrent devant mes yeux sans que je me rende compte et déjà les premières lueurs de la lune traversèrent la vitre. Je ne savais pas quoi faire, à part rester là, seul dans le noir.
Je cherchai un moyen de combler cette solitude pensante. Mais comment ? Une idée me vint en tête, je me relevai et m'emparai de mon sac. En une fraction de seconde, je me retrouvais dans la rue. Mes pas étaient déterminés, alors que j'arrivai devant une supérette. Je fis tous les étalages et bourrai mon panier à ras bord. Le vendeur planta un œil choqué sur moi et m'encaissa. Je sortis les bras chargés et regagnai notre foyer.
Je posai sur la table basse du salon mon butin, le libérai de sa prison de plastique et me dirigeai vers la boudoir que je remplis, avant de l'allumer. Dans l'attente, j'apposais mon regard sur toute la nourriture que je m'apprêtais à dévorer. Le signal sonna, je m'emparai du manche, amena l'eau chaude et la déposa. Je me saisis des paquets de nouilles instantanés, ouvris leurs opercules et les préparai. Soudain, un rappelle de pourquoi je m'étais privé de me rassasier martela ma tête, mais vite balayer par la première bouchée. Plus rien n'avait d'importance, après combler se vide en moi. Emporté dans un vague de désespoir, j'engouffrai tout se qui était à porter de main sans même prendre la peine de mâcher, m'étouffant à plusieurs reprises. Le salé, le sucré n'avait qu'un goût insipide. Coupable ne n'être qu'un lâche et un minable, je me métamorphosai en un goinfre, sans but ni envie. Les emballages vides s'empilèrent rapidement avec ma souffrance. Mes larmes coulèrent sur mes joies avec la certitude que tous ceux-ci ne serviraient à rien. La fatalité était maîtresse de ma destinée, depuis le jour de ma naissance à mon existence actuelle, une vie faite de tristesses, d'abondants et de déceptions. Une douleur lancinante dans le poitrail me fit glisser sur le sol, meurtri, j'apportais mes jambes contre ma poitrine. Mes sanglots se transformèrent en hurlement dans le silence de notre foyer.
Les minutes passèrent sans que je ne puisse m'arrêter de pleurer. Un haut-le-cœur me saisit, je me relevai et courus la main sur la bouche jusqu'aux toilettes. Mes complaintes remplirent la pièce exiguë et le contenu de mon estomac commença à se déverser dans la cuvette. Je m'aidai de mes doigts tremblants pour ne laisser plus aucune trace de mon égarement, provoquant un supplice sans nom à mon œsophage. Plus rien... Il ne subsistait plus la moindre preuve de mon écart. J'appuyai mon corps et ma tête contre la paroi, mes larmes inondèrent mes yeux et mon être se fissura. Tout tournés autour de moi, les battements de mon cœur étaient irréguliers. Les abimes ouvrèrent leurs portes pour m'accueillir, je sombrai peu à peu dans un état semi-conscient. Des moments d'autre fois surgirent comme un énigme coup de poignard. Les reproches constants de mes parents, alors que je n'étais qu'un enfant et le jour où ils m'avaient mis dehors sans la moindre pitié. Je n'avais jamais connu la joie, l'amour et la protection, avant Suga. Ma main se déposa sur ma poitrine pour réconforter mon cœur meurtri. Sans aucune nouvelle de lui, je me convainquais qu'il m'avait oublié. Il est tellement parfait et moi je ne suis qu'un bon à rien, sans talent et sans beauté. Mes paupières se fermèrent et je sombrais dans les souvenirs de mon enfance.
« Ce jour-là, le soleil brillait dans le ciel. Je marchai sur le trottoir avec insouciance, heureux. Dans ma main, je tenais une feuille d'examen ou j'avais eu une bonne note. Un sourire radieux sur le visage, je passai le pas de porte du foyer familial et cherchai mes parents pour partager ma joie. Dans la cuisine, ma mère et mon père étaient assis autour de la table en pleines discussions.
— Bonjour père, bonjour mère.
— Pourquoi, tu es si content ? Tu ferais mieux de réviser, aligna-t-il sans un regard sur moi.
— J'ai eu une bonne note, je voulais vous la montrer.
— Donne-moi ça ! ordonna mon géniteur froidement.
Effrayé, je tremblai en lui tendant le papier. Il me l'arracha des mains et l'observa avec dédain, ma mère resta muette et ne posa aucunement ses yeux sur mes résultats.
— Tu oses être fière pour un dix-huit sur vingt. Va réviser, ici on ne veut que des vingt sur vingt, exigea-t-il, exacerbé.
Tout mon enthousiasme s'évapora sous le poids de ses souhaits. Je tournai les talons, honteux, et m'apprêtai à regagner ma chambre. Quand la voix claire de mon père résonna.
— Demain, c'est ton test d'identification de genres... J'espère que là au moins tu nous feras honneur.
Ma gorge se serra, j'avançais blême jusqu'à mon refuge, loin de la vraie nature cruelle de mon géniteur. Je fermai la porte et m'installai à mon bureau pour faire mes devoirs et revoir mes leçons. Les heures s'écoulèrent sans que mes parents ne viennent me chercher pour manger. Me puissent-ils pour ma mauvaise évaluation ? Résigné, je me couchai et espérai que demain, ils auraient ce qu'ils désirent depuis ma naissance.
Au petit matin, mon père déboula dans ma chambre et me réveilla sans le moindre ménagement.
— Lève-toi ! Bon à rien, c'est l'heure.
Je sautai du lit, courus jusqu'à ma penderie et m'habillai à la hâte. Mes parents m'attendaient à l'entrée et nous partîmes pour le rendez-vous. Dans la voiture, aucun mot ne s'échangea, seul régna un silence pensant.
Une fois sur place, ils m'abandonnèrent aux mains du personnel médical. Une infirmière m'amena dans une salle immaculée et me fit m'assoir sur un brancard. J'avais peur, isolé dans cette pièce. Comment pouvaient-ils me laisser dans un moment pareil ? Je n'ai que douze ans ! Un médecin au visage doux entra, me sourit et regarda la femme. Elle lui tendit le matériel. Je frémis, alors qu'il passa un coton d'alcool sur ma veine. Il m'enserra le bras d'un garrot et piqua.
— J'ai fini, mon garçon. Tu peux rejoindre tes parents, ils doivent t'attendre.
Je sortis de la salle d'examen et de l'hôpital. Ils patientèrent dans le véhicule. Je montai à l'arrière. Aucuns d'eux ne me demanda quoi que se soit, ils restèrent silencieux et glacials. Nous arrivâmes devant l'école, je relâchai un simple « à plus tard » et descendis mon sac à dos dans la main. Tous mes camarades étaient déjà installés à leurs tables, alors que je rentrai dans la classe et pris place. La journée se déroula dans le clame et l'apprentissage des matières que j'adorais.
Enfin d'après-midi, je me dirigeai avec angoisse à l'appartement. Je savais que mes parents avaient dû recevoir les résultats et devaient attendre mon retour. Je mis la clé dans la serrure et pris une grande respiration avant de m'engager dans le hall. Ils étaient assis sur le canapé et fixaient la télévision. Je fonçai les sourcils, voyant à côté de l'accoudoir un sac de sport. Mon père sentit ma présence.
— Décidément, tu n'as été pour nous qu'une source de déceptions. Prend ce sac et dehors ! Nous ne voulons plus te voir.
— Pourquoi ? demandai-je, ébranlé.
— Pourquoi ? Tu oses demander... Tu es un putain d'oméga, un misérable. Sors et vite !
Je tremblai de tout mon être et épiai ma mère qui ne m'observa même pas. Elle resta de marbre, figée sur les images du petit écran. Mon père quant à lui me lança un regard noir. Je m'emparai du bagage sans un mot et quittai leurs demeures. C'était la dernière fois que je voyais mes géniteurs. Dans la rue, mes larmes coulèrent à flots des heures durantes, sans la moindre idée d'où aller, j'errai. »
Je revins à moi, couché dans la pièce étroite. Je suffoquai avec l'impression que les murs se resserrèrent sur moi. Mon esprit encore sous le coup de ses visions du passé. J'étais sûr que je l'avais mis loin de moi ce douloureux abandon. Mais apparemment, il n'en était rien. Je hurlai ma tristesse et mon supplice. Ma tête me faisait souffrir le martyre et mon corps n'avait plus de force. J'ai besoin de lui... Je me relevai tant bien que mal et déambulai jusqu'à mon téléphone sur le canapé.
Le portable en main, je m'effondrait sur le tapi, tapotai sur sa photo et portai l'appareil à mon oreille. Les sonneries s'éternisaient et l'angoisse me gagna peu à peu. Que faisait-il ? Je rappuyai frénétique à chaque fois que je tombais sur sa messagerie. Encore et encore les tonalités restaient sans réaction. Des perles salées chaudes coulèrent le long de mes joues et le désespoir me submergea. Pourvu qu'il me réponde...
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