Chapitre 18 : Mon corps, mon ennemi

J'arrivai, enfin, après avoir traversé une bonne partie de la ville. La boule au ventre me quitta, en voyant notre immeuble se dévoiler petit à petit. Je montai dans l'ascenseur avec la joie de retrouver Suga et de me blottir dans ses bras. Toutes les lumières étaient éteintes, alors que j'ouvris notre logement.

Il doit déjà dormir...

Je me déchaussai et rangeai mon manteau dans l'entrée. Un dilemme s'insinua dans mon esprit: le rejoindre ou aller dans ma chambre. Je me résignai, me dirigeai vers mes appartements, me faufilai tel un félin et refermai la porte le plus discrètement possible. Seul dans cette grande pièce, je soupirai, me déshabillai et me glissai dans la froideur de mon lit vide.

Un bruit de claquement me fit sursauter, alors que je commençais tout juste à m'endormir. Des pas s'arrêtèrent juste devant ma chambre et elle s'entrouvrit lentement. Je reconnus dans la pénombre la silhouette de Suga. Son comportement était étrange et une forte odeur d'alcool me parvint aux narines, plus il avançait. Tout portait à croire qu'il était soul. Ses déplacements furent désordonnés pour s'approcher de mon lit. Je restai immobile et refermai les paupières une fois qu'il était près de moi. Il se faufila sous les draps et déposa une main sur ma taille.

Pourquoi a-t-il bu ? Ça ne lui ressemble pas.

Désorienté, je sombrai dans un sommeil mouvementé et empli de questionnements.

Au petit matin, je tâtonnai la place à mes côtés, elle était vide et froide. Suga avait dû partir, depuis longtemps. Je me levai pour aller boire de l'eau dans la cuisine. Une assiette était posée sur le bar accompagné d'un mot.

« Je suis parti de bonheurs, désolé.

Je t'ai laissé à manger. S'il te plaît, nourris-toi.

À ce soir.

Suga »

Je souris avec la douceur de ses mots. Mon humeur joviale retomba avec l'angoisse omniprésente de prendre un gramme.

Je ne peux pas manger ! Aujourd'hui, c'est la pesée.

Je débarrassai du contenu de l'assiette dans la poubelle, partis me préparer et descendis le sac aux vide-ordures en m'éclipsant.

C'était une belle matinée, le soleil brillait dans un ciel sans nuages. Les rues étaient animées par des familles qui profitaient de se promener avant d'amener leurs progénitures à l'école. Une adorable petite fille me fixa, alors que je la dépassai. Elle m'offrit un sublime sourire, auquel je répondis. Une chaleur me remplit mon cœur et une question submergea mon esprit.

Est-ce qu'un jour, j'aurai des enfants moi aussi ?

Je ne savais pas pourquoi, je songeais à cela subitement. Mais cette idée resta imprimer dans mes pensées, alors que j'arrivai au théâtre. Dans les vestiaires, mes collègues étaient déjà tous en ligne et leurs visages affichaient leurs appréhensions. Je déposai à la hâte mes affaires et me mit en tenue. Les danseurs passèrent les uns après les autres sous le regard accusateur de Lee Bae-ja. L'aiguille de la balance bougea, quand je posai mes deux pieds. Je fixai le mur devant moi, trop angoissé par l'idée d'avoir pris du poids. Mon attention se porta sur le chorégraphe, ses yeux étaient écarquillés. Il nota le chiffre sur son cahier avec un demi-sourire. Je ne savais pas à quoi m'attendre,

— Vous devriez tous prendre exemple sur Ji-min... Il a perdu cinq kilos en deux semaines, annonça Lee Bae-ja en me tapotant l'épaule.

Opprimé par l'intérêt des autres sur moi, je baissai le menton, gêné. La joie m'envahit, je me redressai fièrement et je sortis en premier.

J'ai réussi...

Je n'accordai aucune importance aux regards noirs que la troupe posa sur ma personne, alors que je regagnai la scène.

La journée s'enchaîna sur la justement des postures et les détails des placements. Exceptionnellement, toutes mes combinaisons furent félicitées par Lee Bae-ja. J'étais épuisé, mais heureux. Nous reprîmes une ultime fois et la musique s'arrêta, mon souffle se saccada. Des applaudissements résonnèrent et un rictus se dessina sur mon visage. Le chorégraphe monta sur l'estrade et vint à ma rencontre.

— Ji-min, j'aimerais te parler.

— Oui, bien sûr, répondis-je en le suivant dans son bureau.

Il referma la porte, alors que je m'y introduisis. Je me déplaçai jusqu'au sofa et m'installai. Lee Bae-ja s'assit en face de moi, un sourire radieux et l'air jovial.

— Je voulais te féliciter. Je ne sais pas ce que tu as fait, mais ça marche. Je suis content et je sens que la première va être une réussite. Bravo et continu comme ça.

— Merci, murmurai-je, intimidé.

— Tu peux rentrer chez toi, te reposer.

Nous nous saluâmes et je sortis. Le quartier était calme en ce début de soirée. Les quelques passants qui se trouvaient sur les trottoirs étaient des travailleurs qui regagner leurs demeures ou leurs jobs. J'arpentai mon itinéraire sans inquiétude, serein. Notre logement n'était qu'à deux ou trois rues du théâtre, quand on connaissait le chemin. En dix minutes, je me retrouvai devant notre immeuble et entrai dans le hall. Les portes de l'ascenseur se refermèrent et une pensée sombre obscurcit mon esprit.

M'aurait-il vraiment félicité, s'il en savait le prix ?

Je descendis le cœur lourd et ouvris l'appartement, espérant trouver du réconfort. Mais les lumières étaient éteintes et le couloir vide des affaires de mon compagnon.

Où est-il ?

Des douleurs atroces saisirent tous mes membres. Le prix à payer pour un danseur. Je me dirigeai vers la salle de bain. Une douche bien chaude détendrait mes courbatures. Une sensation de bien-être me parcourut avec le liquide tiède qui ruisseler sur ma peau. Je me séchai et m'observai dans le miroir. Un dégout me fit sortir au plus vite. Malgré ma victoire sur mon poids, je me voyais toujours aussi gras. Le silence régna dans notre logement, il n'était pas rentré entre temps. Je m'engouffrai dans ma chambre, dépité. Les heures défilèrent sans son retour, je m'endormis sous les effets de la fatigue, seul.

Un bruit assourdissant venant de l'entrée me réveilla paniqué. Je regardai mon portable, quatre heures du matin. Des objets tombèrent au sol, alors que quelqu'un se déplaça dans le salon. L'individu arriva dans le couloir et heurta violemment un mur. Je tremblai de peur, me dissimulant avec la couette, partageai entre l'envie de savoir de qui il s'agissait et de fuir au plus vite. Il se trouvait juste devant ma chambre, mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine. La porte de Suga claqua, je soufflai de soulagement, mais j'étais perdu.

C'est Suga ?

Plus un bruit se fit entendre dans tout l'appartement. Encore sous le choc, je restai immobile sous la couverture. Après une heure, je sombrai de nouveau dans le pays des songes.

Le lendemain, je constatai que tout avait été rangé avec soin et le même scénario que la veille: une assiette et un mot. L'impression qu'il m'évitait marquer mon esprit. J'en ignorai la raison, alors que je partis pour le théâtre, attristé.

Arriva le jour que j'appréhendai le plus, le départ de Suga. Il avait préparé une grande valise qui gisait dans l'entrée, alors que je rentrai. Mon compagnon m'attendait dans le salon en se triturant les doigts, mal à l'aise. J'observai, son comportement qui ne lui ressemblait pas. Son regard était fixé sur le sol, le mien ne le quittait pas. Il se leva soudainement et s'avança vers moi. Dans un mouvement rapide, je me retrouvai dans ses bras. Il m'enlaça avec force, je sentais sa respiration dans mon cou. Suga m'embrassa avec passion. Une chaleur intense parcourut mon échine. Il y mit fin à contrecœur et me contempla.

— Je pars. Promets-moi de manger et je serrai dans la salle le soir de la première.

— Je te le promets. Je te souhaite bonne chance.

Suga tourna les talons, se dirigea vers le hall, s'empara de sa valise et referma la porte. Un gouffre s'installa tout autour de moi, je me laissai tomber sur le sol et rabattis mes jambes contre ma poitrine. Les larmes coulèrent sur mes joues avec le sentiment d'abandon. Celui que j'avais ressenti toute ma courte vie.

Comment, j'allais pouvoir vivre sans lui ?

Mot autrice:

Désolé pour mon manque de rigueur. Je viens de reprendre le taf et je dois trouver mon rythme.

Les deux prochains chapitres seront durs, ne me tuez pas en commentaire :)

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