Chapitre 17 : Dans le nid du dragon (PDV Suga)

Ji-min dormait profondément, quand je sortais du lit. D'un geste tendre, je replaçai la couette encore tiède de ma chaleur sur lui, espérant qu'il ne remarquerait pas mon absence. Je le contemplai et caressai sa joue. Mon aimé remua légèrement et grogna, il était adorable.

Le soleil commença à se lever, alors que j'arrivai sur le trottoir. Les rues n'abritèrent que les quelques fêtards qui regagnaient leurs appartements. Depuis l'appel du docteur Lim hier, je demeurai troublé. Il souhaitait me voir au plus vite. Je me dirigeai, donc vers les bas-fonds de la ville.

Une brise se déchaina sur moi, je remontai mon écharpe et mis les mains dans les poches de ma veste. Les seules personnes que je croisai dans les tréfonds furent des omégas aux teints blafards et marqués par la honte. Je feuilletai mon portable et me trouvai plus qu'à deux pas de la rue que le médecin m'avait donné.

Je distinguai un immeuble lugubre, la façade brunit par des années de pollution, les fenêtres crasseuses et certaines casées. Je montai les marches ébréchées et me retrouvai face à face avec un colosse. Il me fixa de son regard noir, je durcis les traits de mon visage et l'évitai pour entrer. Curieusement, il ne me posa pas de questions sur ma présence ici.

Le hall était plus délabré que le bâtiment lui-même, les escaliers ne tenaient que par leurs volontés propres. Je les gravis prudemment et arrivai au cinquième étage. Le corridor peu éclairé ne m'aidait pas à trouver le numéro cinq-cent-dix. Mon appréhension grandit, alors que je toquai et attendais.

La porte s'entrouvrit et je vis le visage du docteur Lim. Il me fit signe d'entrer et observa le couloir avec insistance avant de refermer derrière moi. Étrangement, l'appartement était propre, les murs d'un blanc immaculé. Ce dernier avait tout le confort d'un cabinet médical. Je m'avançai vers le bureau et la chaise juste devant.

- Je t'en pris, assieds-toi.

Je m'installai sur l'assise et le médecin vint prendre place en face de moi. Il m'énuméra la raison pour laquelle, je me retrouvai en ce lieu. Ses explications étaient comme des coups de poignard dans mon cœur. Mon esprit s'évada loin, très loin, de son cabinet. Je n'entendis plus sa voix, il avait fini. Je le saluai à peine, obnubilé par l'envie de m'enfuir de cet endroit. Quand il referma la porte, mon être tout entier se brisa.

Je déambulai tel un fantôme dans les escaliers. Accablé, par une vérité, auquel je ne m'étais pas préparé. Mes jambes se dérobèrent au troisième étage et je m'effondrai sur les marches, assis. Je me saisis, le visage de mes mains tremblantes, anéanties.

Qu'est-ce que je vais faire maintenant ?

Dans les abimes de mes pensées funestes, un nom s'insinua comme un messie. J'attrapai mon cellulaire frénétiquement.

Il me faut ce carnet vert foncé. Je souhaite juste que le Docteur Lim ait respecté son serment d'Hippocrate.

Mon dernier espoir s'affaissa dans l'enchainement des tonalités. Au moment où je m'apprêtai à abdiquer, la voix claire de Yi Jung-Hwa se fit entendre.

- Oh Suga, que me vaut le plaisir ?

- J'ai besoin de ma carte d'identification d'alpha. On se retrouve comme d'habitude ?

- À cette heure, non. Je t'envoie mon adresse, annonça Yi Jung-Hwa d'une intonation sulfureuse.

Le nom de sa résidence en main, je me relevai péniblement et continuai d'errer à la recherche de ma délivrance.

Il habite les beaux quartiers ! En même temps, ce n'est pas étonnant vu son statut.

Quand mes pieds touchèrent la terre ferme, je me sentais si faible et impuissant. Toutes ces années à ne pas connaître la vérité m'avaient plus tôt servi. Mais maintenant tout devenait incertain. Je m'élançai à corps perdu dans les ruelles enténébrées pour rejoindre Yi Jung-Hwa au plus vite.

Je ne sais pas, si je prends la bonne décision, mais au fond je n'ai pas d'autre choix.

Les belles résidences apparurent au loin, j'atteignis enfin les quartiers sécurisés. Une bâtisse bleue s'éleva devant moi, des balcons à chaque étage. L'entrée finement décorait de luminaires en cristaux et de meubles chic avec des bouquets de fleurs blanches. Mes pas résonnèrent sur le marbre rosé jusqu'à l'ascenseur ou je m'engouffrai pour accéder au deuxième.

Un immense couloir habillait d'un tapis rouge vif et de quelques paliers, se trouva juste en face de ma personne. J'examinai les numéros sur les encadrements. Le deux-mille-six se dressa au milieu des autres, je frappai violemment.

La porte s'entrebâilla sur Yi Jung-Hwa vêtu d'un peignoir de satin noir ou des dragons dorés illuminaient le tissu et il était entrouvert sur sa poitrine aléthique avec fierté. Ses prunelles marron captèrent les miennes et un sourire infâme se dessina sur son visage. Il me surplomba de toute sa grandeur, jusqu'ici je n'avais jamais remarqué qu'il était si imposant. Masquer mes émotions me semblait insurmontable et l'anxiété enserra mes entrailles. Mes pensées se fixèrent sur le but de tout cela: Ji-min. Je me ressaisis au si vite, me munis de ma froideur habituelle et ainsi négociais avec ce mafieux sans crainte.

- Entre, va t'asseoir, ordonna-t-il en se déplaçant sur le côté pour me laisser pénétrer.

Un salon luxueux se trouvait derrière lui, deux canapés pourpres au-dessus d'un tapis anthracite, des bouquets de roses noires ornaient les tables basses et une baie vitrée menant à une terrasse avec vue sur la ville. Je marchai jusqu'à un des deux sofas et m'y installai confortablement.

- Tu boiras bien quelques verres avec moi ? demanda-t-il en se saisissant d'une bouteille et de deux coupes.

- Ai-je vraiment le choix  ?

Un rire tout droit sorti des enfers s'échappa d'entre ses lèvres juste après ma phrase. Cet individu demeurait un mystère pour moi, glacial et en même temps charmeur. Il s'installa en face de moi, remplit les flutes en cristal de Bohême et en poussa une à mon attention. Le liquide était bordeaux et l'odeur qui en émaner fut âcre. Je bus une gorgée, l'amertume du breuvage surprit mes papilles.

- C'est un vin français, on l'appelle bourgogne du nom de sa région, énonça-t-il tout en tournoyant le contenu de son verre.

- Je vois. Ce n'est pas mon style, mais je m'en contenterai.

La panique me gagna, alors que son regard ne me quittait pas un instant.

Il sait, c'est sur ! Où il se joue de moi ?

- Bon, j'ai à faire. Tu as ce que je t'ai demandé ? questionnai-je froidement.

- Avant on doit discuter du service que tu me dois.

Yi Jung-Hwa déposa son verre à vin sur la table et se leva pour se diriger vers une petite commode. Il ouvrit le tiroir et en sortit quelque chose. Sa démarche se fit féline, alors qu'il se rapprochait de moi. Il se baissa juste à quelques centimètres de mon visage. Je déglutis difficilement, alarmé.

Cette fois plus de doute, il sait.

Un livret vert foncé tomba sur mes cuisses, il recula lentement.

- Ça, c'est ce que tu m'as demandé. Maintenant, c'est à moi d'exiger, prononça-t-il d'une voix sulfureuse, ses billes marron ancrées dans les miennes.

Yi Jung-Hwa me contempla. Mes genoux créèrent une barrière entre nous. Il se pencha à mon oreille et dans un murmure souffla cette phrase infâme.

- J'ai envie que tu me baisses. Après tout, un alpha tel que toi doit forcément être un amant incroyable.

Soulagé, je restai de marbre.

Il ne sait rien.

Je me redressai dignement, durcis les traits de mon visage et affichai mon dédain en capturant ses iris des miennes.

- C'est hors de question ! Désolé, mais trouve autre chose, tranchai-je rudement ses avances.

- Quel dommage... Tu es sûr de toi ?

Yi Jung-Hwa caressa son torse et humecta ses lèvres de sa langue, séducteur. Une odeur oppressante et musquée émanait de lui se libérant dans toute la pièce. Écœurante, elle me souleva l'estomac.

S'il croit que sa tentative pour me charmer va fonctionner, c'est qu'il ne sait pas à qui il a affaire.

Sèchement, je le repoussai et le fixai avec indifférence. Il s'inclina et reprit place sur l'autre canapé. Un jeu de regard commença entre nous.

Je ne dois pas céder. Le seul que je désire, c'est Ji-min.

- Comme tu veux. Ça te ferra 500'000 won*, se résigna-t-il, amer.

*Won : Monnaie sud-coréenne.

- Je dispose de combien de temps ?

- On se connaît depuis un moment, alors disons que tu me les donneras avec ton premier cachet d'artiste.

- Ça marche. Sur ce, je te laisse. Merci et à bientôt.

- Si tu changes d'avis, tu sais où me trouver. À plus.

Déjà atteint par ses phéromones propagées dans tout l'appartement, je me dirigeai le plus normalement possible vers la sortie. La porte franchie, je pris des bouffées d'air et me dépêchai de monter dans l'ascenseur avant qu'il ne revienne à la charge. Je portai mon attention sur ma carte d'identification avec un sentiment éphémère de pouvoir.

Maintenant, je peux te protéger, Ji-min.

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