Chapitre 16 : L'écoute
Lorsque, j'ouvris les yeux, je me retrouvai en face de Suga endormi paisiblement. Il avait dû se glisser dans mon lit en pleine nuit à mon insu.
Mon regard se posa sur lui, on aurait dit un ange et cette bouche magnifiquement dessinée était un appel au péché originel. Je ne pus m'empêche de caresser sa joue. Ce contact le réveilla et il m'observa avec tendresse.
— Bonjour, il fait déjà jour. Tu as bien dormi ?
Je me redressai contre le chevet.
— Oui et toi ? Je vais aller faire à manger, répondit-il en se levant pour sortir de ma chambre.
— Je te rejoins.
Je quittai ma couchette à regret. Une journée surchargée m'attendait, je poussai un long soupir avant de prendre des vêtements et de m'habiller.
Une fois apprêté, je gagnai la cuisine. Suga nous avait mijoté, une soupe de nouilles épicée, des œufs et un assortiment de légumes. Les odeurs des plats me soulevèrent l'estomac. Pourtant, elles étaient incroyables. Un mal-être s'empara de moi.
Comme je peux manger tout ça ?
Suga me fixa et lut en moi mon trouble.
— Tu peux manger sans crainte, rien n'est gras dans ce que j'ai préparé, me rassura-t-il en déposant un bol devant moi.
J'étais au pied du mur, je n'avais pas d'autre choix que de porter cette nourriture à ma bouche. Une idée martela mon esprit.
Je dois évacuer chaque miette.
Je mâchai pendant des minutes interminables, avalant de minuscules portions à la fois. Puis le dégoût me poussa à ingurgiter tout rond. Je priai pour qu'il finisse vite pour me retrouver seul.
Suga déposa ses baguettes, sonnant la fin de mon agonie. Il se leva pour aller à la salle de bain, j'attendais d'entendre le verrou de la porte pour prendre mes quartiers dans les toilettes. Le bruit parvint enfin à mon ouïe et je me dirigeai vers ma libération.
Je refermai derrière moi et tendis l'oreille, il était sous la douche. J'enfonçai mes doigts dans ma gorge. Une douleur vive me saisit, alors que je vomissais le contenu infâme de mon estomac. Les minutes passèrent dans la souffrance, avant que le sentiment d'être vide me soulage. Une euphorie se diffusa dans mon être, je la savais qu'éphémère.
Qu'importe, le prix que je paye. Je garderai ma place !
Je déboulai telle une furie dans le couloir. Au même moment, Suga sortit de la salle de bain, vêtu d'une simple serviette. Mon regard glissa sur son corps à demi nu. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine et une chaleur m'envahit. Je le contemplai, troublé. Une odeur d'hibiscus Syriacus émana de moi, me rappelant cette fameuse nuit diverse entre ses mains. Chacun un instant me revint en mémoire, ses murmures et son parfum enivrant.
Mon ami me frôla en regagnant sa chambre. Je repris plusieurs respirations pour trouver mon calme.
Bordel, qu'est ce qu'il m'arrive ?
La senteur disparut rapidement.
Je me changeai à la hâte et partis pour les répétitions. À mon arrivée, la pression s'abattit sur moi avec la voix du chorégraphe.
— Ji-min, en place et vite. On commence, maintenant.
Je me précipitai dans le rang, j'eus juste le temps de prendre place que la musique commença. Les pas et les figures s'enchainèrent sans que je puisse y réfléchir.
La mélodie s'arrêta. Lee Bae-ja montra son mécontentement, en nous faisant tout reprendre depuis le début.
Après toute la matinée à tout revoir, encore et encore. Nous étions tous à bout de force, j'en avais même des étourdissements.
— Bordel, rien ne va ! Si vous continuez comme ça, on va droit dans le mur. Eh toi, Ji-min, tu es toujours en retard d'une seconde sur les autres.
Lee Bae-ja nous fixa, excédé. Nous restâmes tous sous le choc.
— Vous me fatiguez... Continuez jusqu'à ce que quelque chose de bon se voit enfin, appuya-t-il ses propos d'un ton acerbe.
Il jeta ses documents au sol avant de partir dans son bureau.
Un silence de mort régna après son départ. J'observai tout au tour de moi, mes partenaires étaient affligés. Petit à petit, certains se regroupèrent pour revoir les enchaînements. Alors que d'autres comme moi restèrent seuls pour s'entrainer. Nous dansâmes jusqu'au coucher du soleil sans que le chorégraphe ne revienne.
Je tenais à peine debout, alors que j'empruntai le chemin pour rentrer. Une fois à l'appartement, j'ouvris la porte, au moment où je la refermai, une main me saisit le poignet. Surpris, je cherchai à m'en défaire, quand mon regard capta celui de Suga. Il me dirigea à sa chambre, joyeux.
— J'ai quelque chose à te faire écouter, annonça-t-il, enthousiaste.
Mon ami s'installa sur son lit et m'attira à lui. Je me retrouvais contre son torse ferme. Il me tendit son portable et nous munit des écouteurs. Son doigt appuya sur sa playliste, aux premières notes de musique, je la reconnus. Une chose me frappa; le refrain.
Il n'y en avait pas avant ?
Je me concentrai sur les paroles. Elles étaient douces, remplies d'espoirs. La beauté du texte fit s'emballer mon cœur et les larmes me montèrent aux yeux. La mélodie prit fin et sa voix rauque me parvint.
— Tu en penses quoi ?
— C'est magnifique... murmurai-je, ému.
— Alors ça te plait ?
— Oui, beaucoup.
Suga m'enlaça et déposa un baiser sur mes cheveux. Je me sentais en sécurité dans ses bras et la chaleur de son corps me procurait du bien-être.
Nous la réécoutâmes et la fatigue m'emporta.
Au petit matin, je me réveillai dans son lit. La place à mes côtés était vide et froide, il devait être parti depuis longtemps. Je me levai et regagnai ma chambre, quand un vertige me fit tomber à genoux. Ma respiration devenait difficile et mon cœur battait frénétiquement.
Suga lutte pour son rêve, il fait tout pour cela. Il a même créé un texte sur moi qui montre ma force.
Rien ne me mettra à terre, je vais arriver au sommet.
Je me relevai, déterminé, et me préparai pour mon jogging quotidien.
Les rues étaient dessertes à cette heure, je pouvais déambuler tranquillement. La température avait baissé ces derniers jours, le vent me fit frissonner. Je devais continuer mon footing. Quant à une intersection, je percutai par mégarde un passant.
— Désolé, je ne vous ai pas vue.
— Ji-min ? Tu n'es pas avec Suga ?
Cette voix me sembla familière, je relevai le menton pour me retrouver en face d'un J-Hope apprêté. Son étonnement me laissa interpeller.
— Non, je pensais qu'il était avec vous.
— Il doit avoir un truc important à faire, voilà tout, affirma-t-il d'un ton rassurant. Tu peux me tutoyer, je ne suis pas si vieux.
J-Hope éclata de rire tout en me fixant. Je me mis à glousser à mon tour. Il me dévisagea un instant, intrigué.
— Tu cours comme ça tous les matins ?
— Oui, une heure avant de partir pour la répétition, répondis-je en fuyant son regard.
— Fais attention, le surmenage n'apporte rien de bon, tout comme de ne pas s'alimenter correctement.
Un silence de quelques minutes pesa.
Je n'ai pas d'autre choix que de m'enfoncer encore plus dans mes mensonges.
— Je fais attention à ma santé. Je dors et mange correctement.
— Je l'espère... Je te laisse, j'ai un rendez-vous. Au plaisir de te revoir, Ji-min.
J'eus seulement le temps d'un au revoir que déjà sa silhouette disparaissait. Une question me remua les entrailles.
Où est Suga ?
Je ne pouvais y réfléchir plus longuement, je sprintai jusqu'à l'appartement. J'avais juste cinq minutes pour me changer.
J'arrivai en sueur et essouffler sur la scène sous le regard pesant de Lee Bae-ja.
— Merci, Ji-min, de nous honorait de ta présence.
— Je m'excuse, murmurai-je en baissant la tête.
Toute la journée se déroula sous les remarques blessantes du chorégraphe et il faisait recommencer à chaque fois. J'étais à bout de force, mes muscles devenaient douloureux.
— Ji-min, il faut que tu travailles encore plus dur. Aujourd'hui était une vraie catastrophe. Que ça ne se reproduise pas demain, balança Lee Bae-ja avant de partir.
Ses phrases pesèrent lourdement sur moi.
Il n'y avait plus âmes qui vivent dans le théâtre. Je pouvais profiter pleinement de l'endroit. Je revoyais chaque mouvement minutieusement, les reprenant si je commettais une erreur. Vers minuit, le concierge vint à ma rencontre, surpris de découvrir quelqu'un.
J'avançai dans les rues éclairées par les lampadaires, angoissé.
Je ne me suis plus jamais mis en danger, depuis mon agression.
Je remontai le col de ma veste et longeai les murs. Il n'y avait que deux ou trois personnes devant moi. J'accélérai le pas.
Pourvu que j'arrive vite à la maison.
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