Chapitre 4
Le mois d'avril parut durer une éternité pour Noah. Tous les soirs, il révisait pour les examens d'entrée exigés par sa probable future école. Tous les weekends, il se rendait au petit circuit de VTT que Gabriel et lui avaient créé de toutes pièces mais l'adolescent ne se montra pas une seule fois. Parfois, Noah s'échappait à son retour du collège pour aller dessiner au bord de l'étang tout en espérant y croiser son ami. Mais, là encore, ses espoirs étaient systématiquement déçus.
Le garçon apprit de Claude que Monsieur de Savignat emmenait de plus en plus Gabriel avec lui lors de ses déplacements professionnels. Noah ne fut pas étonné de découvrir que la mère de son meilleur ami encourageait ces sorties. Son acharnement le dépassait. Parfois, il peinait à se concentrer sur ses études car il cherchait désespérément à comprendre pourquoi cette femme le détestait autant.
Le matin de son départ pour Paris, Noah espéra jusqu'au bout que Gabriel viendrait lui rendre une petite visite, juste pour l'encourager. L'adolescent ne se montra pas.
Gilles Castayre avait prévu d'arriver dans la capitale la veille des tests de son fils afin que ce dernier puisse s'y présenter reposé. Ils prirent donc la route vers neuf heures. Le maître de chai prit le silence de Noah pour de la concentration et ne chercha pas à entamer la conversation avec ce dernier. Le garçon somnola une grande partie des sept heures de route. Il n'était pas stressé à l'idée que son existence serait bouleversée s'il était admis dans une nouvelle école. Non, il songeait surtout à Gabriel de Savignat. Et à son absence prolongée. Si sa mère l'avait envoyé à Londres ou aux États-Unis, il l'aurait su. Peut-être que c'était ce qu'elle préparait pour la rentrée prochaine. Noah n'en aurait pas été étonné.
Le père et le fils dînèrent dans le petit restaurant de l'hôtel où ils passeraient la nuit. Le lendemain matin, Gilles Castayre était certainement plus angoissé que Noah. Le garçon rassura son père au moment de franchir les grilles de l'établissement privé. Puis, il rejoignit un groupe d'une vingtaine d'enfants âgés entre neuf et treize ans qui patientaient dans la court d'honneur de l'école. Ils furent ensuite invités à rejoindre la salle où se déroulaient les examens. Ces derniers durèrent toute la journée. De retour à l'hôtel, Noah expliqua brièvement à son père les tests qu'il avait passé avant de s'effondrer sur son lit.
Il dormit mal cette nuit-là. Il rêva qu'il avait échoué et que son père était renvoyé du domaine viticole. Noah savait que son père ne souhaitait pas se débarrasser de lui. Étudier à Paris lui permettrait de suivre une scolarité adapté à ses capacités intellectuelles. Le garçon savait qu'il se sentirait bien mieux que dans son collège actuel, entouré d'enseignants formés pour s'occuper d'enfants comme lui. Il était confiant, il était pratiquement certain d'avoir réussi. Mais quitter Saint-Émilion serait un véritable déchirement. Même si Gabriel lui avait promis qu'ils resteraient en contact s'il quittait la Gironde, Noah était persuadé que son meilleur ami finirait par l'oublier. Victorine de Savignat y veillerait très certainement.
C'est donc d'humeur chagrine qu'il rentra chez lui. Désireux de s'isoler et d'éviter la multitude de questions que souhaitaient certainement lui poser ses parents, Noah enfourcha son vélo et roula sans but précis à travers le vignoble. Il emprunta tous les chemins qu'il avait l'habitude de parcourir avec Gabriel, dans l'espoir d'apercevoir son meilleur ami. C'était le weekend, avec un peu de chance, l'adolescent aurait l'idée de se balader dans le domaine.
Noah avait presque perdu espoir lorsqu'il effectua un détour par les écuries. Pierre-Antoine de Savignat était un ancien cavalier professionnel : il possédait encore plusieurs cheveux et proposait à la location plusieurs box.
Le jeune garçon afficha un grand sourire lorsqu'il aperçut Gabriel qui sortait de la bâtisse destinée au logement des équidés. Il lui fit un grand signe de la main et l'adolescent courut vers lui :
— Enfin, je te retrouve ! J'ai cru que je ne te reverrai pas avant ton départ pour Paris !
— Oh, euh...je n'ai pas encore les résultats. Il faut encore attendre une semaine.
— Comme si tu allais rater ! Je suis désolé de ne pas avoir été présent ces dernières semaines. Papa m'emmène partout avec lui maintenant. Même après l'école il veut que je l'accompagne lorsqu'il va négocier la vente de bouteilles.
Gabriel afficha ensuite une moue ennuyée. Inquiet, Noah s'empressa de l'interpeller :
— Tu es malade ?
— Non, non. C'est juste que...eh bien, tu sais que maman organise une grande fête pour mon anniversaire dans trois semaines.
— Et je ne suis pas invité. Je sais. Je n'ai plus eu l'autorisation de m'amuser avec tes amis depuis que tu es entré au collège. Tu avais peur que je le prenne mal ?
— Non. Ce n'est pas comme si tu n'étais pas habitué aux conneries de ma mère. Mais cette année...elle ne veut pas te voir te promener dans le parc. Ou ailleurs.
— Oh. D'accord.
— Noah, j'espère que tu réalises que je ne suis pas d'accord avec tout ça !
— Je sais, Gab.
Les deux garçons soupirèrent. Gabriel tendit alors un morceau de papier plié en deux :
— Tiens, c'est mon numéro de portable. Je voulais te le donner depuis longtemps mais...je n'en ai pas eu l'occasion. Comme ça, on pourra s'arranger pour se voir. Et je pourrai prendre de tes nouvelles.
— Mon père ne m'a pas encore autorisé à utiliser mon téléphone. C'est seulement pour la rentrée scolaire.
En remarquant la déception de Gabriel, Noah enchaîna rapidement :
— Mais je peux lui demander d'activer l'abonnement. Je lui expliquerai que c'est seulement pour t'envoyer quelques messages.
— Tu crois qu'il serait d'accord ?
— J'espère. Il t'aime bien.
— J'ai aussi noté mon adresse mail. Enfin, la deuxième. La secrète.
— La secrète ?
— Mes parents pensent que je n'ai que celle que j'ai créé pour l'école. Comme ils ont accès à tout l'historique de mon ordinateur, je vais de temps en temps le midi au cyber café qui est à côté de mon lycée. J'ai une autorisation de sortie, je vais souvent manger un sandwich dehors avec plusieurs gars de ma classe. Donc, quand tu seras à Paris, on pourra rester en contact. Ça marche ?
— Ouais, ce serait super.
— Noah, tu n'imaginais quand même pas que je t'oublierai à la minute où tu quitteras Saint-Émilion ? On est amis. Ma mère n'arrivera pas à nous séparer, je te le promets.
C'est sur ces paroles qu'ils se quittèrent. Malgré l'assurance affichée par Gabriel, Noah n'était pas confiant. Et lorsqu'il reçut un courrier, une semaine plus tard, lui annonçant qu'il était officiellement accepté à Paris, il fut submergé par un profond sentiment d'angoisse.
Cependant, il dissimula à la perfection ses émotions devant ses parents et quelques jours plus tard également face à son meilleur ami. Ils venaient de partager une séance de VTT et se reposaient à l'ombre des arbres. Gabriel en profita pour poser quelques questions au sujet de la future école de Noah :
— Donc...tu vas intégrer directement la classe de troisième ?
— Plus ou moins. Tu vois, cette année, je voyais le programme de sixième et de cinquième. À la rentrée scolaire, ce sera la même chose mais cette fois pour la quatrième et la troisième. Bien entendu, mon inscription ne sera confirmée que si je réussis mes évaluations de fin d'année.
— Comme si tu allais les rater...
— Par contre, je ne sauterai aucune classe ensuite. La direction ne souhaite pas que je démarre des études supérieures trop jeune.
— Ouais je comprends. Tu passeras ton bac à quoi, quinze ans ?
— C'est ça. Si je ne dois pas recommencer une année. Et si on parlait d'autre chose ? Tu as eu le droit de choisir ton gâteau pour ton anniversaire ?
— Oui, heureusement ! Et Corinne m'a promis de te mettre une part de côté.
— Ta mère ne sera pas contente si elle l'apprend...
— Je te signale que depuis qu'elle t'a exclu de mes fêtes d'anniversaire, elle n'a jamais capté que tu recevais quand même ton morceau de gâteau.
— Je ne voudrais pas que Corinne ait des ennuis par ma faute.
— T'inquiète pas. L'année prochaine, je pense demander à ma mère de ne plus organiser un truc.
— Pourquoi ?
— Je dois passer la journée avec mes cousins et les enfants des amis de mes parents. Ou des garçons comme Louis.
— Et c'est chiant. Je sais, tu m'en parles chaque année. Mais tu reçois des cadeaux, ça c'est chouette quand même.
— Non, maintenant, les gens me donnent une enveloppe avec de l'argent.
— Donc tu veux bien de leur argent mais tu ne veux pas les voir. Ce n'est pas très sympa...
Gabriel leva les yeux au ciel. Il ne voulait pas le reconnaître ouvertement devant Noah mais il avait peur que leur amitié ne survive pas à l'éloignement. Et tous ces moments passés à deux allaient lui manquer. L'adolescent craignait également les futurs camarades de classe de son ami. Noah allait, enfin, être entouré de jeunes aussi précoces que lui, des garçons et des filles qui comprendraient aisément ce qu'il avait vécu dans son ancien collège. Et Gabriel les jalousait déjà. Le garçon se jura intérieurement de tout faire pour passer le plus de temps possible avec Noah jusqu'à son départ pour Paris.
Tant pis si sa mère n'appréciait pas de ne pas le voir souvent à la maison pendant les vacances scolaires.
Ce soir-là, Gabriel se réfugia très vite dans sa chambre après le dîner. Il ne comprenait pas bien les émotions qui l'assaillaient ces derniers temps. Écœuré, il se rendit compte qu'il était en colère contre Noah. Parce que ce dernier l'abandonnait et qu'après son départ, il n'aurait plus personne à qui parler. Sa sœur passait le plus clair de son temps au téléphone ou chez ses amies. Son frère étudiait à Lyon et avait pratiquement oublié son existence. Il allait se retrouver seul. Et cette perspective le terrifiait.
Allongé dans son lit, Gabriel essuya rageusement les quelques larmes qui ruisselaient sur ses joues. Auxane se moquerait de lui si elle le voyait. Il devenait bien trop sensible. Quelle honte !
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Après une longue absence, Gabriel et Noah sont de retour ;-)
Le départ pour Paris se précise, au grand désespoir de Gabriel. Pensez-vous qu'il tiendra sa promesse ? Qu'il restera en contact avec Noah ?
Comme je l'ai indiqué sur mon profil, je vais reprendre l'écriture de ce roman entre deux corrections du tome 1 de Addicted to likes. Donc la publication sera vraiment aléatoire, sans doute assez espacée dans le temps mais comme vous aviez apprécié les premiers chapitres de cette histoire j'ai décidé de la reprendre ;-)
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