Chapitre 3

Noah observa son ami rougir. Mais il fit comme s'il n'avait pas remarqué l'embarras de Gabriel et reprit :

— Est-ce que tu as une copine ? Une petite amie ?

— Hum...non.

— Pourquoi ? Au collège, je connais plusieurs garçons de quatrième qui en ont une.

— Eh bien...je n'en ai pas envie pour le moment.

— Personne ne se moque de toi ?

— Chacun est libre d'avancer à son propre rythme, tu sais. Et, non, personne ne m'a encore reproché de ne pas avoir de petite amie.

— Au collège où je suis, deux garçons de troisième ont été punis parce qu'ils se sont moqués d'un autre en classe.

— Tu as peur que cela t'arrive ? s'inquiéta Gabriel.

— Non. Je n'ai pas beaucoup d'amis et je sais que beaucoup se moquent de moi parce qu'ils sont jaloux que je suis plus intelligent qu'eux. Alors, je m'en fiche. Et tu as déjà embrassé une fille ?

— Mais c'est quoi toutes ces questions, Noah ? s'étrangla Gabriel.

— Je voulais juste savoir, c'est tout. Moi ça ne m'intéresse pas de parler de ça comme ceux de troisième et de quatrième.

— Normal, tu n'as que onze ans, tu auras bien le temps d'y penser dans quelques années.

Noah secoua la tête :

— Justement. Je n'ai pas l'impression d'être normal. En CP, je me rappelle d'un garçon qui n'arrêtait pas de faire des bisous sur la bouche d'une fille et je trouvais ça dégoûtant. Et je suis toujours du même avis maintenant. J'ai pas envie qu'une fille me refile ses microbes si elle est malade !

Gabriel éclata de rire :

— Oh Noah, tu es excellent tu sais ! Tu es trop jeune. Plus tard, je suis certain que tu changeras d'avis.

— Et si ce n'est pas le cas ?

L'adolescent cessa de rire en remarquant la mine angoissée de son ami. Tout comme Noah l'avait fait un peu plus tôt, il posa sa main sur l'épaule du garçon tout en adoptant une attitude qui se voulait rassurante :

— C'est inutile de paniquer maintenant. Tu as onze ans, Noah. Je sais que tu détestes quand je dis cela mais tu es encore un enfant. Un enfant, pas un adulte. Tu poses trop de questions qui ne sont pas encore d'actualité. Occupe-toi de réussir ton examen d'admission dans ton nouveau collège. Tu sais, ce n'est pas parce que ma sœur collectionne les petits amis depuis qu'elle a quatorze ans que tout le monde lui ressemble. Regarde mon frère. Il a deux ans de plus qu'Auxane, il vient d'entrer à l'université et n'a jamais eu de petite amie.

— Tu sais pourquoi ?

— Marceau est quelqu'un de timide et de réservé. Il ne va pas facilement vers les gens.

— Alors il va faire comment quand il sera médecin ? C'est bien ce qu'il a choisi comme études, la médecine ?

— Oui, mais je pense qu'il va évoluer à son propre rythme. Et discuter avec un patient ce n'est pas la même chose que s'adresser à un groupe de cinquante employés. Mais je ne suis pas venu ici pour parler de mon frère. Je veux que tu saches que tu resteras mon meilleur ami, même lorsque tu seras à Paris. Je n'ai pas encore réussi à demander à ma sœur pour le téléphone mais...

— C'est réglé. Ma tante m'en offre un pour la rentrée.

— Oh ! Très bien.

— Tu es déçu.

Gabriel grimaça. Noah pouvait lire en lui comme dans un livre ouvert. Il n'avait pas la capacité de dissimuler ses émotions aussi bien que son ami. Mais il était aussi quelqu'un d'honnête, aussi, il ne chercha pas à nier l'évidence :

— Un peu, oui. Je me disais que si le téléphone venait de moi, tu...tu ne m'oublierais pas.

— Tu es bête parfois, tu le sais, Gab ? soupira Noah.

— Pas plus que toi lorsque tu as réussi à me convaincre que ça serait sympa de faire des trous avec une perforatrice dans les feuilles de vigne. Seigneur, heureusement que ton père nous a vu très vite ! Tu avais quoi, cinq ans et moi neuf ?

— Je ne m'en rappelle plus.

— Moi, si ! Plus de télé, plus de glace et interdiction de sortir de la maison sauf pour aller à l'école, pendant trois semaines.

— Par contre, je n'ai pas oublié quand tu as décidé de m'utiliser comme support pour tester tes nouveaux feutres.

— Qu'est-ce que j'avais fait déjà ?

— Tu m'avais transformé en lion. Tu avais essayé en tout cas. Tu as toujours été nul en dessin.

— Merci de me le rappeler ! Ça va me manquer ça, quand tu seras à Paris.

— Quoi ? De ne plus pouvoir faire de bêtises ?

— Non, ta franchise. Tu as une manière de dire les choses...toujours cash. Mais ne change surtout pas ! C'est comme ça que je t'apprécie Noah !

Les deux garçons se turent quelques instants, perdus dans leurs pensées. Puis, Noah reprit :

— Je me demande pourquoi ta mère n'a pas chercher plus vite à nous séparer. On a quand même fait beaucoup de bêtises ensemble. Maman dit que je me suis calmé depuis que je suis au collège.

— On s'amusait, comme tous les enfants.

— Et on cherchait toujours à trouver un autre coupable. Comme le jour où nous avions décidé de tremper nos mains dans un seau de peinture et de mettre nos empreintes partout sur le sol de l'une des caves !

— Et tu avais décidé de dire à mon père que c'était le chat. C'était trop fort ! s'esclaffa Gabriel.

— Peut-être que ça aurait marché si tu n'avais pas avoué que tu avais pris la peinture.

— Nous avions nos mains toutes bleues, c'était compliqué de nier l'évidence. Ta mère peut dire ce qu'elle veut, tu inventais autant que moi de nouvelles idées de jeu. La coupe de cheveux pour la rentrée c'était toi, pas moi !

— Je sais, je lui ai répété des dizaines de fois. Mais tu m'avais aidé avec la tondeuse. C'est pour ça qu'elle a estimé que tu étais le seul coupable.

— Est-ce que j'ai le droit de dire qu'elle ne va pas me manquer quand je serai à Paris ?

Les deux garçons rirent de bon cœur. Puis Gabriel désigna un point derrière eux :

— Tu ne devrais pas être chez toi ? Pas que ça me dérange d'être ici mais...il est déjà dix-huit heures. Ton oncle et ta tante sont peut-être déjà repartis à Bordeaux.

— Oh non ! Comme ils ne viennent pas souvent à la maison, ils sont capables de rester jusque minuit. Et ma tante essaie toujours de convaincre ma mère de venir travailler avec elle dans son salon de thé. Mais tu as raison, je vais y aller. Hum...on se retrouve mercredi pour quelques tours de VTT ?

Le visage de Gabriel s'assombrit et il secoua la tête :

— Non, je dois aller essayer le costume que mes parents m'ont acheté pour le mariage de ma cousine Eulalie.

— Ah, d'accord.

Les deux amis se séparèrent non sans se promettre de trouver rapidement une date pour partager quelques instants ensemble.

Lorsque Noah rentra chez lui, personne ne semblait avoir remarqué son absence. Ses parents discutaient toujours avec animation et ses cousins étaient fasciné par le dessin animé qu'ils regardaient à la télévision.

Le garçon hésita : il aurait aimé se réfugier dans sa chambre mais cela aurait été très impoli. Il entra dans le petit salon en souriant et repris la place qu'il avait quittée plus de trois heures auparavant.

Il fit mine de s'intéresser aux images qui défilaient sur la télévision mais il ne cessait de songer à sa discussion avec Gabriel.

Depuis quelques mois, il se rendait compte qu'il éprouvait une intense jalousie en imaginant son meilleur ami avec d'autres filles et garçons de son âge. Et Noah redoutait le jour où Gabriel lui annoncerait qu'il avait une petite amie. Ce jour-là, il le savait, il n'existerait plus car madame de Savignat saisirait l'occasion pour l'éloigner un peu plus encore de son fils.

Noah ressassait les mêmes pensées négatives depuis des mois. Des pensées qu'il gardait soigneusement pour lui. Inutile d'inquiéter plus encore ses parents qui avaient déjà assez d'ennuis comme cela par sa faute.

Finalement, vers vingt heures, il décida qu'il en avait assez de jouer la comédie et de faire semblant d'aller bien. Il s'excusa auprès de sa tante et de son oncle et prétexta une grande fatigue pour rejoindre sa chambre.

Parfois, lorsqu'il se sentait triste comme ce soir-là, Noah pestait d'être enfant unique. Il n'avait jamais eu beaucoup d'amis mais l'amitié qu'il entretenait avec Gabriel lui suffisait amplement.

En observant sa petite chambre, le garçon sentit peser sur lui cette solitude qu'il ressentait de plus en plus fort depuis quelques mois.

Il espérait qu'à Paris il rencontrerait d'autres jeunes avec qui il pourrait passer d'agréables moments. Bien sûr, personne ne pourrait jamais remplacer Gabriel, il en était certain.

Et s'il ne revoyait jamais son ami ? Que ferait-il si madame de Savignat décidait d'envoyer son fils dans une école réputée loin de Saint-Émilion et de la France ?

Cette possibilité existait, Gabriel lui-même lui en avait parlé un jour.

Tandis qu'il essayait de s'endormir, Noah imagina alors son meilleur ami serrant contre lui une jeune fille et lui confiant tous ses secrets. Une bouffée de colère l'envahit. Lui seul connaissait le vrai Gabriel et il refusait qu'une inconnue prenne sa place de confident.

Le garçon tapa du poing sur sa couette : il était égoïste, il n'avait pas le droit de réagir de la sorte.

Et tout ce qu'il voulait, c'était le bonheur de son meilleur ami.



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Coucou tout le monde ! Votre avis sur ce chapitre ?  

Je rappelle que les publications sur ce roman seront aléatoires, étant donné que j'écris au fur et à mesure des publications et que je travaille en même temps sur d'autres projets.

Si vous voulez découvrir un autre M/M, je vous invite à lire " Addicted to likes" dont je publie un chapitre tous les samedis. 

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