Voir son corps
-''Vous êtes totalement rétablie. Vous pouvez partir dès aujourd'hui.
-Adieu alors !
-Votre facture a été payée automatiquement.''
Le médecin quitta la pièce. Lara se leva, observa son corps dans un miroir. Une grimace de dégoût déforma sa bouche. Du métal, du carbone, des circuits électriques... rien d'humain. Le mécanique avait dévoré l'organique. Une machine. Sans moyen de la débrancher, voilà ce qu'elle était devenue. Elle eut un rire amer. Quelle était la part robotique en elle ? Quelle était la part humaine ? Elle posa sa main sur sa poitrine. Elle sentit un cœur battre. Humain ou robot ? Qu'était-elle... ? Elle soupira. Elle mit un pantalon et une chemise noire. Se mira à nouveau. Ainsi vêtue, elle ressemblait à un humain normale, si l'on oubliait ses mains et sa gorge. Et cela ne s'oubliait pas. Elle remarqua qu'il ne semblait pas y avoir de différence avec la Lara d'avant. Elle était toujours assez grande, fine. Ses cheveux était toujours aussi sombre, ses yeux brillaient toujours d'un vert éclatant, presque félin. Ils avaient même gardé sa hanche gauche un peu plus haute que la droite et son début de scoliose. Une imitation parfaite d'elle. Un reflet. Une copie. Elle se couvrit du long manteau noir à haut col et des gants noirs qu'elle avait commandé avec ce qui lui restait d'argent, son patron l'ayant virée. Elle ne comptait pas y retourner de toute façon. Elle quitta l'hôpital sans un regard en arrière. Une nouvelle vie, différente, aux goût douceâtre de l'acier, s'offrait à elle. Elle avait quitté son appartement. A présent, elle appartenait à cette deuxième maison qu'est la rue. Ce n'était qu'ainsi qu'elle pourrait retrouver son assassin. Et lui faire perdre à lui aussi son humanité. Son visage se durcit. Pardonner était une action humaine, pas de machine.
Elle entra dans le ''Wasp Queen''. Il n'y avait que quelques clients. Elle alla voir Tom et commanda un Livy. Celui-ci mit quelques secondes à la reconnaître.
-''Oh putain ! C'est toi Lara ?
-Ouaip. (Elle but une gorgée de la boisson au goût de groseilles brûlantes)
-On pensait que t'étais morte ! T'es même passée aux infos tellement il t'a mutilée! Euh. Hem. Désolé.
-Pas de souci. Et puis, je suis un peu morte de toute façon, dit-elle en ouvrant un peu son manteau, dévoilant son cou mécanique.
-Oh merde... Je comprends...
-Donc si tu as des infos, j'aimerais lui dire deux mots métalliques, continua-t-elle en refermant son manteau.
-J'ai pas trop fait attention, je t'avoue. C'est pas la première fois que tu pars... accompagnée.
-Rien à me dire, donc ?
-J'ai jeté qu'un coup d'œil. Je crois qu'il a une tête bizarre. Ya eu un reflet quand je l'ai regardé. Mais je suis pas très sûr, avec les lumières tout ça.
-Bon, en tout cas, merci. (Elle finit son verre)
-De rien, de rien. Par contre, ajouta-t-il pendant qu'elle se levait, évite de venir trop souvent ici. Je tiens pas à avoir des problèmes avec ce type, ni perdre des clients à cause de ton... statut, tu vois ?
-Je vois. Au revoir, répondit-elle sans se retourner.''
Elle alla ensuite déambuler dans les ruelles pour retrouver l'endroit du crime. Elle se sentait bizarre. Enquêter sur son propre meurtre était... dérangeant. Elle s'arrêta d'un coup. C'était là qu'elle était... morte ? Elle se sentait vraiment mal. Il n'y avait plus de traces, évidemment. Elle décida d'aller au poste de sécurité civile le plus proche. Là, elle demanda à rencontrer le responsable de l'enquête sur le meurtre de Lara Czeta. La secrétaire, penchée sur son écran, lui demanda sans la regarder le motif -journalistique- pour cette entrevue, et lui fixa un rendez-vous pour quinze heure. Elle la remercia et s'assit dans la salle d'attente. Le temps passa. L'heure venue, elle se leva. La secrétaire lui indiqua le numéro de son bureau d'un air lasse. Lara s'avança dans les couloirs jusqu'à le trouver.
Elle toqua à la porte.
-''Entrez, dit l'enquêteur d'une voix qui ne cachait pas sa mauvaise humeur : il devait en avoir assez de cette affaire et des journalistes.
-Bonjour monsieur Nacti.
-Prenez une chaise, lui dit-il avec un vague sourire, le nez plongé dans ses papiers. Que voulez-vous savoir qui n'ai pas déjà été dit ?
-Qu'avez-vous fait de mon corps ?
-De votre... (Il la regarda enfin. Eut un hoquet de surprise) Qu'est-ce que ce bordel ? (Elle lui montra son cou de métal luisant) Ah. Les salauds.
-Expliquez-moi.
-On a récupéré les... hum... morceaux de votre corps. Après l'analyse, l'hôpital l'a demandé pour s'en occuper. Le recoudre tout ça. Quelques jours plus tard, ils nous l'ont rendu, sans la tête, sous prétexte que vous vouliez être cryogénisée. De toute façon, nous n'en avions pas besoin, sans vous offenser. On l'a toujours, à la morgue, au cas où nous aurions de nouveaux éléments.
-Je pourrai le voir ?
-Oui je pense. je ne peux pas vous le refuser.
-Merci. Et quant à l'assassin ?
-C'est la moindre des choses. On très peu d'indices. Les témoins potentiels sont introuvables, à moins d'user de moyens très complexes et coûteux, mis en œuvre pour des tueurs en série. Bref. Il n'y a presque rien à tirer de la scène du crime. On y a retrouvé qu'une seule chose : un cheveux. Appartenant à une femme morte il y plusieurs années. L'enquête piétine. A moins que vous...
-Non, la coupa-t'il, j'avais trop bu. Tout était trop flou. Mais ce cheveux... Comment est-elle morte ?
-Je vous dis cela dans quelques minutes. Muriel Londine, 24 ans lors du décès. Morte... assassiné.
-On peut remettre son décès en cause ?
-En vous voyant, oui. Mais pas officiellement évidemment.
-Bien entendu. On a une piste.
-Bon courage... Je vous montre ?
-Allons-y.''
Ils entrèrent dans la morgue. Nacti sélectionna son dossier. Les bacs de conservation se déplacèrent, puis un sortit des rangs. Le cœur de Lara cognait dans sa poitrine, comme s'il voulait rejoindre son corps, en face. Sa vision se tordit, des flashs lumineux éclatèrent... Elle se réveilla allongée sur le lit de ce qui devait être une infirmerie. Nacti était assis à côté d'elle.
-''Combien de temps ?
-Deux heures.
-Je pense que mon esprit a voulu retourner dans son corps d'origine.
-C'est... étrange.
-Ne vous en voulez pas. Quoi qu'il en soit, j'ai vu ce que je voulais. Je m'en vais donc (Elle se leva). Au revoir monsieur Nacti, et merci pour votre aide.
-Ce n'est rien... Mais faites attention quand même.
-Elle ne m'aura pas deux fois.
-Ne vous faites pas trop de mal.''
Elle sortit de la pièce.
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