-Chapitre 9/Découverte Stupéfiante-
Devant moi apparaissait peu à peu l'Oracle qui me mit en garde :
- De tes pouvoirs renforcés, la Grande Guerre va commencer, à toi de t'y préparer, souffla-t-elle avant de disparaître comme elle était apparue.
Ma tête commença à tourner et je dû replonger dans mes ténèbres. Que voulait me dire l'Oracle ? Et de quelle guerre parlait-t-elle ? Qui seront confrontés et pourquoi ?
Plus tard, je décidai de sortir une bonne fois pour toutes de mes songes. J'émergeai de mon rêve sur un matelas que je ne connaissais que trop bien. Celui de l'infirmerie. Qu'est ce qu'il m'était encore arrivée ?
J'ouvris lentement mes pauvres yeux verts cernés et effrayés par la nouvelle luminosité. Ils se refermèrent aussitôt mais j'ai pu apercevoir le haut plafond rosé de l'infirmerie. Aussi, j'avais pu brièvement distinguer une personne assoupie à mon chevet. Eweleïn ? Non, elle ne pouvait dormir le visage emmitouflé dans ses bras, et à moitié sur mon lit, à cette heure ci. La forte lumière m'avait indiquée que la matinée devait être pas mal avancée. Et, dans ce cas là, l'infirmière devait concocter des potions ou traiter des malades. Mais certainement pas endormie la tête sur mon matelas.
Qui était-ce donc ? La chevelure rosée que j'avais aperçu n'appartenait qu'à ma chère infirmière dans mes souvenirs. À moins que...
Je me redressai dans un gros effort. J'ouvris brusquement mes yeux pour dévisager la jeune fille à la chevelure rose. Time. Je la reconnaissais à sa peau bronzée et ses petites égratignures zébrant son corps.
- Time ? l'appelai-je d'une petite voix.
Elle sembla remuer. Je lui caressai doucement les cheveux et elle releva un peu la tête. Son regard s'illumina en me voyant.
- Tu es réveillée ! s'exclama-t-elle en se redressant.
- Que s'est-il passé et combien de temps ai-je dormit ? questionnai-je, la tête légèrement penchée sur le côté.
Ses yeux roses exprimèrent sa compassion et son regret en un seul regard.
- Après que tu ne te sois endormie, Arkey t'as prise dans ses bras pour t'emmener ici. Eweleïn s'est bien chargée de toi, on dirait, sourit-elle. Aussi, cela fait deux jours que tu dors. Tes pouvoirs ont dû t'exténuer. Et moi... Je suis venue te voir de nombreuses fois durant ces deux jours mais ce matin, je me suis endormie ici, comme tu as pu le constater.
- Pourquoi ?
Elle haussa un sourcil en soupirant.
- J'ai bien lu la détresse dans ton regard, avant-hier. Je n'ai pas eu pitié, j'ai juste compatit et, en temps que mage, je voulais aider Eweleïn pour te soigner. Désolée si je t'ai énervée quand je n'ai pas réagit alors que Miiko commençait à dépasser les bornes.
- Je vois, merci, soufflai-je.
- Les garçons sont désolés d'avoir essayé de t'hypnotiser, mais ils n'avaient pas le choix. Ils croyaient pouvoir te calmer, mais tu as réagis avant, me dit-elle en souriant un peu.
- Je préfère entendre cela de leurs bouches, bougonnai-je en détournant mon regard.
Ils m'avaient tout de même trahie. Nevra était donc bel et bien un Inconnu avec un grand 'i' pour moi. Il ne se souciait pas de moi, il voulait juste que je n'abîme pas ses amis. Quant à Arkey... Je n'arrive pas à le cerner. Je n'ai jamais entendu le timbre de sa voix. Je ne peux pas savoir s'il se montre sérieux ou juste qu'il se fout d'une personne. Il se cache derrière un masque impassible, comme Valkyon. Mais Arkey m'avait tout de même portée jusqu'à l'infirmerie. Il se souciait de moi, lui. Ou alors il avait reçu l'ordre de m'y conduire par une Kitsune excédée.
Je soupirai. Je me sentai perdue. Qui était mon ami en fait, ici ? Un vrai ami ? Je n'avais décidément personne. En même temps, j'étais arrivée à Eel il y a une semaine terrienne. Et en une semaine, il s'était passé tellement de choses ! Même pendant mon coma, l'Oracle était venue me chercher pour me radoter une prophétie sur une guerre. Pff ! Je n'en aurais jamais fini.
Puis mon regard se porta sur Time. Était-elle mon amie ? Elle m'avait sauvée, gardée à mon chevet et soignée. Est ce que cela faisait d'elle mon amie ? Un sourire s'élargit lentement sur mes lèvres. Time arqua un sourcil, me questionnant en souriant à son tour. Mais je ne lui dis rien. Un silence s'installa. Il me fit du bien, je pus plonger mon regard dans celui de la jeune fille.
Parfois, le silence parle plus que des mots. Elle comprit que je la remerciais pour tout du regard, puisque son sourire s'étendit d'un coup sur ses lèvres.
- Je vais avertir les autres de ton réveil, m'informa-t-elle d'une petite voix avant de s'éloigner, la démarche féline.
Pour ma part, je me recouchai en songeant à mon rêve. Que me voulait encore l'Oracle ? "De tes pouvoirs renforcés, la Grande Guerre va commencer, à toi de t'y préparer.". Ces mots résonnaient encore et encore dans mon esprit. "La Grande Guerre". Qui va s'opposer ? Et pourquoi ? Et moi, qu'ai-je avoir là dedans ? Pourquoi me l'annoncer ? "Je dois m'y préparer". Comment et pourquoi ? Je pourrai peut être aider la Garde d'Eel à défendre les habitants qui seront attaqués par je-ne-sais-qui. Mais comment les aider si je ne sais pas comment contrôler mes propres pouvoirs ?
L'angoisse me fit trembler. De la sueur me dégoulinait du front.
"Arrête de paniquer pour rien, les cristaux ne vont pas te laisser tout gérer seule ! Du moins, je l'espère."
Très rassurant tout ça !
Quelques instants plus tard, j'entendis la porte s'ouvrir dans un grand bruit sourd. Time était donc revenue avec du monde. Eweleïn se fraya un passage parmi les personnes pour prendre ma température.
- Comment ça va ? Bien remise ? me questionna-t-elle en apposant une main sur mon front.
- Plus ou moins, marmonnai-je seulement.
Je portai mon regard vers les personnes présentes. Je cite : les quatre Chefs de Garde, Leiftan, Arkey et l'infirmière. Ils s'attroupèrent tous autour de mon lit en formant un cercle. Tous étaient blessés. Par ma faute. Ezarel avait une bosse au l'arrière du crâne et tous les autres étaient fauchés de coupures plus au moins profondes. Eweleïn avait du les soigner puisque leurs blessures étaient pansées.
Je croisai le regard sombre de Miiko qui me fusillait du regard. Ma petite correction ne lui a sans doute pas plu.
- Amélie, commença d'un ton calme Leiftan. Comment te sens-tu ?
- Comme si je venais de m'évanouir à cause d'un combat que je n'ai pas contrôlé, répondais-je sèchement, sarcastique.
- Amélie, gronda gentiment Valkyon.
Ses yeux dorés reflétaient toute la bienveillance en lui. Mon Chef de Garde n'avait pas assisté au combat, mais je suis sûre que s'il m'avait vue me battre, il aurait été fière de moi. Je ne dis pas que c'était très bien de battre des gardiens par le plaisir, mais cela m'aurait peut être enlevé quelques heures de maniement d'épées sur mes journées à Eel. De toute façon, je ne respectais pas mon emploi du temps avec mes fugues et mes évanouissements.
- Je tenais à m'excuser, annonça Nevra en prenant ma main dans la sienne.
Je la retirai bien vite en fronçant les sourcils.
- Nous n'avions pas le choix, soupira Nevra. À ce rythme là, tu aurais pu nous tuer.
- Me fait pas culpabiliser, hein. Quand vous m'avez entourée de vos bras, je sentai que je me calmais peu à peu. Mais il a fallu que vous me trahissiez pour me donner une bonne raison de vous punir.
Le Chef de la Garde de l'Ombre parut choqué. Arkey, près de Nevra, restait impassible. Mais je voyais dans ses yeux du regret.
- T'y vas un peu fort avec le mot "trahison", gronda Nevra.
- De toute façon vous êtes tous des inconnus. Donc de base, nous ne sommes pas alliés. Donc t'as raison, y a pas de trahison. C'est de la peine et de la colère que je ressens contre vous, alors, lâchai-je, sans prêter attention à la mine déconfite de Nevra.
- Explique-moi se qu'il s'est passé en détails, dans le laboratoire, me demanda Leiftan en plissant légèrement des yeux.
Je me raclai la gorge. Et là je vis son regard. Miiko me fusillait des yeux. Elle me faisait promettre à travers ses pupilles que si je disais un seul mot, elle allait le mener la vie dure. Tant pis. Ezarel et Time ont vu la scène, ils me soutiendront.
- Miiko m'a étranglée et m'a brûlée, avant que je ne me libère pour lui faire subir sa torture, résumai-je en lançant un regard noir à la Kitsune.
Ça pour du détail, on peut mieux faire ! Cependant, Leiftan parut troublé mais se ressaisit vite.
- Qui peut en témoigner ? posa le blond sans laisser le temps à Miiko de nier.
- Ezarel et Time, répondis-je du tac-ô-tac.
Leiftan haussa un sourcil pour les interroger du regard.
- Ce qu'elle dit est vrai, me défendit Time en plongeant ses yeux roses dans les yeux du blond.
Ezarel demeura interdit. Pourquoi ce maudit Elfe ne me défendait pas ? Pourtant, cela suffit au membre du Conseil car il se massa la tempe en murmurant des choses à peine audibles. Puis il se retourna vers la Kitsune.
- Si ça continue, je vais finir par te rétrograder ! jura-t-il à la brune.
C'était la première fois que je voyais Leiftan énervé. Derrière ce sourire et cet implacable air posé, il y avait donc un être humain aux humeurs explosives. On ne l'aurait pas cru comme ça !
Miiko ne répondit cependant pas. Elle non plus ne comprenait pas.
- Leiftan... dit-elle d'un ton hésitant.
Elle avait abandonné son regard noir et sa queue trainait au sol. Ses oreilles fièrement dressées sur sa tête avaient l'allure d'un chien battu.
- Tu es Chef de Garde, Miiko ! s'emporta le blond. Tu dois donner l'exemple ! C'est trop demandé ? C'est trop de travail ? Dans ce cas, quitte ton poste ! Eel ne se portera que mieux.
Sur ce, il quitta la pièce en grommelant les points fermés. Miiko n'osa pas bouger, tout comme tous les autres ici présents. Leiftan venait de menacer en direct la haute gradée, tout de même !
Eweleïn brisa cependant le silence :
- Bon, si vous n'avez plus rien à dire, sortez. J'ai autre chose à faire que de contempler des Fearies morts. J'ai du boulot !
- Nous n'avons pas terminé de nous expliquer, rétorqua Nevra en me jetant un regard.
- J'ai aussi du travail, coupa Valkyon. Amélie, lorsque tu seras rétablie, viens sur le terrain d'entraînement. Il faut te maîtriser.
Après ces mots, il quitta l'infirmerie d'un pas lourd.
- Bon, soupira Nevra. On peut discuter ?
- Je n'ai pas le choix, grognai-je.
- Ne le prends pas comme ça, s'exaspéra le Chef de la Garde de l'Ombre.
- Et je dois le prendre comment ? rétorquai-je en me redressant sur le matelas.
Confus, l'Ombre porta une main à ses cheveux.
- Vous ne voulez pas que je lui donne une potion d'oubli ? Elle sera moins pénible lorsqu'elle aura oublié le combat, jubila Ezarel, un large sourire sadique dessiné sur ses lèvres.
- NON ! hurlèrent toutes les personnes présentes à l'unisson.
Ezarel gronda des 'Vous n'êtes pas drôles' en rouspétant. Pour ma part, voir qu'il n'avait pas perdu son humour me rassura.
- Bon, vu que je n'ai rien à faire avec vous, je m'en vais. Ah et Amélie, viens me voir au labo' après ta convalescence.
Sur ce, il quitta lui aussi la pièce.
- J'ai aussi du travail, soupira Miiko. Viens me voir aussi après ton repos.
Elle aussi sortie de l'infirmerie, le pas las.
Il ne restait plus que les deux garçons, Time et l'infirmière. Cette dernière vaqua à ses occupations sur-le-champ en se dirigeant vers son bureau, au fond de la pièce.
- Vous voulez que je vous laisse ? se proposa Time en coulant un regard vers le brun.
- Nan, répondis-je aussitôt en croisant les bras sur ma poitrine.
Nevra renifla amèrement. Il soupira une énieme fois avant de reporter le regard de son unique œil sur moi.
- Que puis-je faire pour me faire pardonner ? Tu sais très bien que je m'en veux, je ne veux pas que tu me considères comme un ennemi ou comme un inconnu juste parce que j'ai voulu défendre mes camardes.
"Que de belles paroles ! Il les aura vite oubliées si je lui pardonne." pensai-je en lui lançant un regard noir.
À ses côtés, Arkey semblait peiné. Seule une petite lueur dans ses yeux orangés me le démontrait. Son visage était toujours fermé.
- Tu ne t'excuses pas, toi ? demandai-je, énervée par son comportement.
En une demi-seconde, il écarquilla les yeux avant de refermer ses traits. Il baissa légèrement la tête, vexé. Il serra sa mâchoire avant de tourner les talons, la mine sombre. Il quitta à son tour la pièce, sans un bruit.
- J'ai dit quelque chose de mal ? m'outrai-je, mi-inquiète, mi-énervée.
Time et Nevra plissèrent tous les deux les yeux avant de soupirer.
- Tu n'es pas au courant... souffla Time en plongeant ses yeux roses dans les miens. Mais pour l'instant, il ne vaut mieux pas que tu saches.
- Pourquoi ? questionnai-je, intriguée.
- Tu n'as pas besoin de savoir, me coupa sèchement Nevra.
- Oh c'est bon toi ! Ce n'est pas comme ça que tu vas te faire pardonner !
Il se redressa, choqué.
- Ne me parle pas sur ce ton ! Je suis quand même le Chef de la Garde de l'Ombre !
- Un peu de respect, me supplia Time en faisant les gros yeux.
- Ah oui ? Et tu crois qu'il m'a respecté lorsqu'il m'a trahie ? Pff ! Vous êtes tous pareils, de gros inconnus qui se soucient de mon cas parce que leur Oracle m'a choisie !
Sur ce, je me levai d'un bond et couru comme une furie jusqu'à la porte. Je fonçai sans m'arrêter jusqu'à la sortie qui menait aux beaux jardins d'Eel.
Le seul endroit pour m'apaiser pour le moment.
Qu'est ce que je veux faire dans ce monde, au fait ? Rester dans ce jardin et pleurer sur mon sort ou essayer de me faire des amis ? J'ai déjà un ami. Ëphrézias.
"D'ailleurs, il faudrait que j'aille m'enquérir de son état." pensais-je en me dirigeant droit vers les grandes portes blanches.
Un garde me stoppa bien vite, malheureusement.
- Je peux savoir où tu vas ?
Un jeune garçon de mon âge descendit de la haute muraille pour venir m'accoster. Il me reluqua de la tête aux pieds avant de soupirer. J'en profitai pour le détailler aussi. Le jeune garde était bien bâtit pour son âge. Une courte chevelure verte émeraude aux reflets rouges flamboyants lui poussaient sur la tête. Il portait l'armure et l'uniforme de tous les gardes : un kimono blanc alourdit par un manteau de ferraille grise. Un col remonté dans son cou faisait apparaître les symboles de la Garde d'Eel ; une plume blanche et dorée entourée des écussons des quatre Gardes sur un fond bleu en forme du Cristal Ange. Magnifique.
- Tu n'as même pas d'arme, me fit-il remarquer, me sortant de ma contemplation.
- Oh... Euuh... Où je vais, je n'en ai pas besoin.
Pire excuse de tous les temps ! On ne peut pas mieux faire, Amélie.
- Tu devrais savoir que maintenant, plus aucun endroit n'est sûr. Je ne peux pas te laisser sortir comme ça. Tu dois être accompagnée et armée. De plus, tu n'as pas de Permis de Mission à ce que je vois.
Il coula un regard vers mes mains vides.
- Tels sont les ordres, soupira-t-il en se grattant l'arrière de la tête, d'un air désolé.
- Une exception pour moi ? tentai-je en faisant mes petits yeux de chiens battus.
Il me contempla un instant. Difficile de savoir s'il était attendri ou juste honteux de perdre du temps avec une gardienne qui voulait se faire tuer seule et sans arme dans la nature.
- Je... Je ne peux pas, vraiment, s'excusa-t-il en remontant sur son perchoire, la muraille.
"Comment faire maintenant ?"
Hé bien, il faut trouver une arme, un accompagnateur et un Permis de Mission. Super.
Je fis un pas en arrière et me retournai, prête à partir, lorsque la voix du jeune homme me parvint.
- Que voulais-tu faire, seule dans la forêt ?
- Des choses qui ne te regardent pas, rétorquai-je sans me retourner.
- Tu sais que lorsqu'un gardien nous dit ça, nous pouvons croire qu'il nous trahi ? répondit-il calmement.
- C'est quoi votre problème à tous ici de vous mêler de la vie des gens ? grondai-je en me tournant vers le garçon aux cheveux verts.
- Oh, tu n'es pas d'ici ? remarqua-t-il d'un ton neutre.
- En effet, grinçai-je en serrant les points.
- Tu dois être la nouvelle recrue, l'humaine, murmura-t-il en plissant les yeux. Tu n'as pas encore d'écusson de Garde sur ton col.
Quel sens de l'observation ! Pourtant, il devrait observer l'entrée plutôt que moi.
- Je suis dans la Garde Obsidienne, répondis-je sans émotion.
- Tu as de la chance ! Moi je suis un Guetteur d'Eel.
Pour une fois, cet homme m'intrigue.
- C'est quoi un 'Guetteur d'Eel' ? questionnai-je en le dévisageant.
Je remarquai une petite lueur de tristesse dans ses yeux.
- Oh, c'est le poste des gardiens qui doivent guetter l'entrée. Souvent je monte dans les tours pour observer de loin nos frontières s'il y a des ennemis, mais aujourd'hui je suis sur la muraille, comme tu le vois.
- Le poste le plus intéressant, ironisai-je en regardant l'inintéressante muraille dressée devant moi.
- J'aurai voulu être dans la Garde Obsidienne, à vrai dire. Mais apparement, j'ai des yeux perçants de Crowmero et j'ai atterris sur ce poste.
Je le regardai. Ses sourcils étaient légèrement plissés pour cacher sa peine.
- Tu ne m'as toujours pas dit ce que tu comptais faire dehors, reprit-il, un sourire en coin.
- Je veux me balader et cueillir des fleurs, rétorquai-je en croisant les bras sur ma poitrine.
- Tu crois pouvoir me faire gober ça ? pouffa le jeune homme en me scrutant de haut en bas. Tu n'as pas de panier pour ramasser tes fleurs et, en plus, tu pourrais aller te balader dans les jardins, c'est moins dangereux.
Il marque un point, là.
- Je n'ai pas à me justifier, de base. Je veux aller cueillir des plantes spéciales pour Ezarel.
- Je ne te crois pas, tu aurais eu un Permis de Mission de sa part et toujours un panier.
Il me coinçait. Je ne pouvai cependant pas lui dire la vérité. De toute façon, il ne me croirait pas.
Soudainement, j'entendis des pas retentir derrière les grandes portes. Ces dernières s'ouvrirent sous l'autorisation de deux gardes scrutant l'entrée. Je vis un escadrons de gardiens entrer dans la cité. Sans crier gare, je me faufilai à travers les soldats. Je pris mes jambes à mon cou pour pouvoir sortir.
Et je réussis ! Je sortis sans encombre d'Eel. Mais le jeune homme m'avait vu et me hurlait dessus.
- Elle est passée ! En plus elle est louche !
J'étouffai un petit rire en me précipitant dans la Forêt Florale. Les arbres envahirent bientôt mon champ de vision en entier. J'esquivai branches et racines dans ma course folle. Je sautai par dessus des troncs et des plantes et slalomai entre les grands végétaux.
Puis, soudain, je me sentis tomber. Le sol se rapprocha bien trop vite de ma figure à mon goût. Je grognai de mécontentement lorsque je sentis mon nez se faire violement écraser par la surface dure de la terre. Ai-je vraiment mérité cette énième douleur ?
L'herbe blanche qui s'agite avec le vent me chatouille et me fait éternuer. Je reprends un peu mieux mes esprits et me redresse tant bien que mal.
- C'est quoi ce monde de fous où je me m'écorche toutes les deux secondes ? grommelai-je en implantant fermement mes deux pieds sur le sol.
J'écartai d'un geste vif une liane qui gâchait ma vue pour continuer mon chemin à travers la Forêt Florale.
"Bon sang, je n'ai vraiment pas le sens de l'orientation !" rouspétai-je pour la millième fois.
Puis je vis un petit arbre bleu sans écorce.
"Okay Amélie ! La clairière et la grotte ne sont plus très loin ! T'as finalement pas un si mauvais sens de l'orientation." me félicitai-je en pensées.
En effet, je débouchait sur la petite clairière blanche bordée d'arbres roses aux reflets bleutés. La petite rivière était toujours là, séparant proprement la clairière en deux. L'herbe paraissait douce et grasse, ici.
Puis mes yeux se posèrent sur un monticule de touffes blanches.
"Je ne savais pas qu'il y avait des mini collines, ici" pensai-je en m'approchant.
Mais je me figeai. Le monticule d'herbes venait tout simplement de bouger. Il se soulevait et redescendait, comme si la terre respirait.
"Mais ce n'est pas de l'herbe !" pouffai-je de rire en m'approchant du monticule.
- Coucou toi ! saluai-je en m'accroupiant à côté de mon ami.
La bête se retourna d'un geste vif. Elle tourna sa tête dans ma direction, me gratifiant d'un regard bienveillant venant de ses pupilles jaunes et de son œil bleu tatoué sur son front.
Le Blackdog grogna joyeusement.
- Tu es tout seul ? D'habitude tu ne te laisses pas à découvert, murmurai-je au loup blanc.
Ëphrézias se redressa en grommelant. Il m'exposa son ventre, d'où on voyait une large cicatrice à peine refermée zébrant son flanc droit jusqu'au bassin de l'animal.
- Qui... Qui t'as fait ça ?! grondai-je en le dévisageant.
- Blessure Ëphrézias pas importante. Humaine être importante, rétorqua le loup en s'ébrouant et en s'étirant.
- Bien sur que si, tu es important ! Dis moi qui t'as fait ça !
Ëphrézias expira fortement, comme s'il voulait soupirer.
- Gardiens de Eel avoir blessés Ëphrézias.
- Comment ? Pourquoi ? Où ? jubilai-je, furieuse.
- Feary maudite avoir rencontré Ëphrézias. Feary maudite avoir parlé avec Ëphrézias. Mais gardiens de Eel être arrivés. Feary maudite avoir réussi à se cacher, mais pas Ëphrézias.
- Je vois... grognai-je en baissant la tête. Mais... Pourquoi la fille devait se cacher, elle ? Tu la connais ?
- Feary maudite être partie de Aal pour être en sécurité. Ëphrézias pas savoir plus sur Feary maudite.
Je relevai la tête, abasourdie.
- Oh, je vois. Mais elle n'a pas eu peur de te rencontrer ? questionnai-je, étonnée.
- Habitants de Aal être habitués à voir Blackdogs. Eux mêmes être parfois Blackdogs.
Je penchai la tête sur le côté, interdite. Que voulait-il dire par là ?
Soudainement, le loup blanc se releva pour se diriger vers la rivière et plonger son regard à travers le liquide limpide.
- Humaine devoir venir voir Ëphrézias.
Je m'exécutai en m'approchant de l'Alpha.
- Je suis là, annonçai-je en fixant à mon tour l'eau.
Puis je voyai ce que le loup voulait me montrer. Au fond de l'eau, une petite pierre bleue scintillante contrastait avec le rose bonbon du sable au fond de la rivière. Je plongeai délicatement ma main dans l'eau glacée. J'attrapai soigneusement le petit cristal émanant d'une couleur froide : le bleu pâle.
- Qu'est ce que c'est ? demandai-je au Blackdog en retirant ma main du liquide.
Je l'exihbai à Ëphrézias qui me dévisageait, pensif.
- Humaine savoir ce que ça être. Ou Humaine bientôt savoir.
Je ne pu lui répondre car ce que je vis au creux de ma main me figeai. Là où mes doigts et la paume de ma main touchait la petite pierre, un espèce de courant rouge l'inondait. Ce courant, mélangé au courant bleu, devenait violet. Cette nouvelle couleur remontait jusqu'à envelopper complément le petit cristal. Impressionnant. Magique. Féerique. Stupéfiant. Intéressant. Bizarre. Mais magnifique. La pierre scintillait maintenant d'une couleur violacée.
- Humaine avoir comprit ? me questionna Ëphrézias, amusé.
- On m'a dit que le Cristal Ange a été brisé, mais on ne m'avait pas prévenue qu'un jour je pourrai tomber sur un de ses morceaux ! En plus, mon Manaa rouge s'est mêlé au Manaa bleu du cristal ! C'est...
Je cherchai mes mots. Impossible à décrire.
- Normal, dit finalement Ëphrézias en me jetant un regard.
Je le dévisageai, ébahie.
- C'est... normal ? Je ne pourrai pas rendre ce morceau au Cristal Ange, maintenant !
- Ça être normal. Peut être Humaine devoir créer nouveau Cristal, affirma Ëphrézias de son éternelle voix rauque.
Je ne pu lui répondre car une voix nous coupa.
- Je n'ai pas rêvé ! Ton énergie s'est transmise au cristal ! s'écria une voix féminine.
Je me retournai pour apercevoir une jeune fille écartant les taillis devant elle. Elle devait nous espionner. Elle s'approcha alors de nous d'une démarche hésitante. Ses habits étaient sombres. Gris foncés ou noirs. Une queue touffue noire lui dépassait sur son fessier et des oreilles de chiens battus noirs lui poussaient sur la tête. Ses canines pointues dépassaient légèrement de sa bouche. Le teint de sa peau était assez blanc mais salit par de la poussière. Il était devenu presque entièrement gris foncé. Ses longs cheveux châtains foncés emmêlés et bouclés cascadaient en bataille dans son dos. Ses simples vêtements étaient déchirés pas endroits, dévoilant sa peau argenté.
Elle me lança un regard inquiet de ses yeux noirs avant de s'avancer un peu plus vers nous.
- Tu... Tu possèdes le Manaa rouge ? questionna-t-elle, tremblante.
J'hochai la tête pour simple réponse. De sa petite démarche, elle arriva bien vite à ma hauteur. Je me rendis compte que j'avais une demi-tête de plus qu'elle en taille.
- Tu es... maudite ?
Ces petits mots me transpercèrent telle une épée à travers le corps. Oui, j'étais maudite, et alors ? Tout le monde allait me le rappeler à chaque fois à quel point je suis différente ? Je sais très bien que je ne suis pas normale. Même si Ëphrézias affirme le contraire.
- Oui... soufflai-je en baissant tristement la tête.
- Moi aussi, répondit la jeune fille en plongeant ses yeux noirs dans mon regard vert.
Je me trompai. Je n'étais pas différente, alors. Les mots n'ont pas à me blesser.
- Tu utilises le Manaa rouge ? questionnai-je en relevant la tête.
- Je viens d'Aal, tout le monde l'utilise là-bas. Mais je n'ai jamais vu une seule personne transmettre de son Manaa à un morceau du Cristal Ange, m'avoua-t-elle, pensive.
Je me retournai vers le Blackdog blanc à mes côtes. Elle n'en avait pas peur. J'interrogeai Ëphrézias du regard. Il grogna un 'Oui' de sa voix rauque.
- La Feary maudite, soufflai-je, comme une évidence.
- Je ne suis pas maudite... Ce sont mes gènes qui sont comme cela. Mais toi, tu n'es pas une Ténébreuse, tu n'as pas un seul de nos attributs sombres. Mais tu possèdes tout de même le Manaa rouge, réfléchit la jeune fille en écarquillant soudainement les yeux.
Elle afficha une mine déconcertée avant de poursuivre.
- Le Cristal Démon en a parlé à notre maître ! La stupide prophétie... Tu es l'Élue ?
J'haussais des épaules. Je ne voulai pas affirmer à une inconnue quoi que ce soit.
- Écoute moi, je me suis enfuie de ma ville à cause de mon don. J'ai un don de voyance. Malensars voulait m'utiliser pour que je lui dévoile son avenir, or, je ne peux pas. J'ai seulement quelques fois des visions et des rêves prémonitoires. Mais si mon maître l'apprenait, il m'aurait enfermée dans une cage pour trahison. Même si cela est injuste. Là n'est pas la question. Il y a quelques temps, j'ai rêvé qu'une voix me parlait. Je me retrouvai devant le Cristal Démon. La voix me disait qu'une fille possédant les deux Énergies devait être entraînée avant la pleine lune. Et cette personne devait être entraînée par une personne "maudite" car les entraînements du Cristal Démon lui-même n'étaient pas assez instructifs.
Je la dévisageai. Elle venait de me chambouler.
- Écoute, poursuivit-elle. Je pense être la personne qui doit t'entrainer. Entraîner l'Élue. Sinon le Cristal Démon ne m'aurait pas parlé à moi.
Elle reprit son souffle avant de me questionner du regard.
- Je...
Je fus coupée par des bruits provenants de la lisière de la forêt. Une ou plusieurs personnes approchait/aient.
Je regardai la jeune fille d'un regard pressé.
- Sally, se présenta-t-elle avant de courir vers l'opposé de la lisière gauche de la forêt, d'où parvenaient les bruits.
- Amélie, répondis-je en courant de mon côté pour me cacher vers un arbre, dans la forêt.
Je remarquai qu'Ëphrézias était déjà parti en me retournant. Mais dans ma demi-volte, je trébuchai et tombai la tête la première dans l'eau de la rivière gelée.
"J'ai vraiment du bol, moi !" rouspétai-je en pensées.
Je me redressai le plus vite possible, entendant des voix se rapprocher dangereusement. Mais avec mes vêtements désormais mouillés, je me sentai lourde. Un faux mouvement me refit tomber précipitamment dans le liquide transparent et froid.
Je grognai de désespoir lorsque j'entendis des pas courir dans ma direction. Peu après, je me sentis tirée en arrière. Je tombai alors sur le dos, mais sur la terre ferme. En hauteur, je pouvai dévisager trois têtes penchées vers moi. Leurs visages étaient partagés entre plusieurs émotions : l'inquiétude, la colère et le soulagement.
Je reconnu bien vite les trois personnages. Le Chef de la Garde de l'Ombre, le Guetteur d'Eel et la gentille fille aux cheveux roses.
Nevra m'empoigna le bras pour me redresser. Une réussite. Je finis assise par terre, trempée et glacée, sous les regards inquiets et furieux des deux garçons. Je distinguai du regret et de la peine dans les yeux roses de Time.
- Mais qu'est-ce qu'il t'est passée par la tête ? rouspetta mon cher Nevra en me reluquant. Tu t'es regardée ?
- Je t'avais prévenue de ne pas sortir, renchérit le garçon aux cheveux verts. Tu ne dois pas sortir seule et sans arme dehors.
Time resta silencieuse. Elle observait la scène sans intervenir.
- Hé, du calme ! Si une petite trempette pour vous est un danger, je peux tous les affronter alors ! clamai-je en croisant les bras sur ma poitrine.
Nevra me toisa du regard avant de soupirer.
- Tête de mule va, tu es inconsciente.
Il me prit le poignet pour me mettre debout.
- Pourquoi me cherchiez-vous à travers cette forêt ? questionnai-je, soucieuse.
- On s'est inquiétés, répondirent en même temps les trois personnes.
Après cet unisson, Time et les deux gars semblaient gênés. Ils se sont inquiétés... pour moi. Est ce le début d'une amitié ? S'inquiéter pour ses amis, c'est la base de l'amitié.
Ils baissèrent légèrement les yeux en même temps. Ils n'avaient pas à être gênés ! Je les dévisageai alors. Mais je voyai très vite que quelque chose n'allait pas. Ils retenaient leur souffle et écarquillaient les yeux en scrutant mes mains.
"Ah. Je crois que j'ai oublié de leur montrer ma trouvaille."
- Qu'est ce que tu fais avec ça ? s'alarma le garçon aux cheveux verts en me désignant le morceau de cristal.
- Il est violet ! s'écria Nevra. Tu l'as changé, Amélie ! Tu lui as implanté de l'énergie des maudits dans son cœur !
Ça, ça annonçait le début des ennuis.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top