-Chapitre 12/Mission À Bonoville-
Il fallait que je continue. Que je trouve la force de continuer, surtout. Continuer pour quoi faire, vous allez me questionner. Hé bien, continuer à marcher pour rentrer au QG. Mes forces gravement affaiblies me faisaient trébucher à chaque racine trop relevée. Je zigzaguai maladroitement entre les arbres de la Forêt Florale. En somme, j'étais à deux doigts de tomber définitivement pour m'endormir. Ou m'évanouir.
À mon plus grand soulagement, je déboulai enfin dans les plaines d'Eel. Je relevai péniblement la tête pour apercevoir la cité et ses grandes murailles. Je serai bientôt en sécurité, bientôt je pourrai me reposer.
Le combat contre les Ténébreux m'avait beaucoup plus épuisée je n'en n'avait l'air. Je voulai paraître forte devant Sally, mais dès notre séparation, je suis tombée tête la première dans l'eau de la rivière gelée de la clairière. Au moins, cela m'a réveillée et m'a donné la force de marcher.
Je trébuchai une énième fois pour tomber une énième fois sur le sol. Mes forces me quittaient comme de l'eau dans une passoire. J'allais bientôt sombrer pour récupérer. Pourtant, je me donnai la force de me redresser pour continuer.
Bientôt arrivée aux portes sous le soleil qui se couchait, j'hélai un garde de loin. Mais personne ne m'entendit. Ma voix était trop fluette pour parvenir aux oreilles des gardiens. Alors, je décidai d'abandonner cette idée pour ne pas me casser la voix. J'approchai petits pas par petits pas de l'entrée. Je faillis m'étaler au sol une nouvelle fois sous mes pieds devenus trop hésitants pour la marche. Je me ressaisissai pour tenir le coup. Encore dix mètres. Seulement dix mètres.
Mais ma vision se brouilla et je sentis mes muscles se relâcher. Soudainement, je m'écrasai contre une surface dure. J'étais encore tombée à terre, mais cette fois, je ne pus me relever. Mes yeux se fermèrent. Je voulais juste dormir. Je lâchai alors un soupire.
Tout à coup, une voix grave me tira de ma transe.
- Amélie ! hurla la voix qui se faisait de plus en plus intense.
Je discernai des pas, comme si quelqu'un approchait rapidement. Puis je sentis sur mes bras endoloris quelque chose. Quelqu'un essayait de me relever. Mais je ne voulais pas, je voulais juste dormir et rien d'autre. Alors je ne cherchai pas à aider cette personne et essayai de me rendormir.
- Amélie ! Ne t'endors pas ! supplia la voix.
Je la reconnaissais, cette voix ! C'était celle qui m'avait parlé de ses chagrins et de ses malheurs de sa vie passée. Une voix masculine qui me berçait.
- Lirick...? soufflai-je, au bord de l'évanouissement.
- Oui c'est moi ! Relève-toi, je t'amène à l'infirmerie.
- Non... Je veux dormir..., suppliai-je à mon tour.
Saisie par les bras, une force me souleva pour me mettre debout. Mes genoux flanchaient mais je me tenais assez droite, suspendue par une force. Puis je sentis un bras de Lirick me passer dans le dos, puis un autre sous mes jambes. Et là, je me décrochai du sol. J'ouvrais doucement les yeux pour constater que le Guetteur d'Eel m'avait prise dans ses bras tel une princesse. Ce dernier se mit à marcher vers la cité, d'un pas pressé.
- S'il te plaît, ne t'endors pas..., me dit Lirick d'une voix fluette.
Je passai mes bras autour de son cou, derrière sa nuque et posai ma tête contre son torse. Je refermai alors les yeux. J'étais confortablement installée, dans les bras de mon sauveur.
- Mais pourquoi..., marmonnai-je en soupirant.
- Car tu risques de ne plus jamais te réveiller, me confit le jeune homme d'un ton amère.
Nous pénétrâmes dans la cité. Les gardiens se poussaient sur notre chemin. Mes yeux mi-clos pouvaient en témoigner. J'entendais aussi des chuchotements. Les gens prenaient pitié de moi et je pestai intérieurement, ne trouvant plus la force de parler.
Soudainement, mon corps se réchauffa. Je sentis et je vis alors que nous étions entrés dans le hall du QG. Sans attendre, Lirick se dirigea rapidement vers une grande salle à droite, l'infirmerie. Je soupirai de bonheur lorsqu'il me déposa sur un lit. Je me mis alors à mon aise et fermai les yeux.
- EWELEÏN ! tonna la voix de Lirick, présent à mes côtés.
Des pas précipités m'indiquèrent que l'infirmière courait vers nous.
- Retourne-toi, gronda la voix rassurante de la femme au jeune garçon.
- Hein ? Mais pourquoi ? questionna ce dernier.
Une main m'agrippa au niveau de mon col. Une deuxième empoigna l'autre côté et je sentis la matière se fendre en deux. Eweleïn était en train de déchirer ma combinaison. Elle ne s'arrêtait toujours pas alors qu'elle était au début de ma poitrine.
- Oh... Euuuh, désolé, marmonna Lirick.
J'entendis des pas s'éloigner, comme si le jeune homme voulait se retourner.
- Elle à une profonde plaie à l'épaule droite, analysa Eweleïn en déchirant complètement en deux ma combinaison verte.
Je me sentais nue mais je n'avais pas la force de rouspeter contre l'infirmière qui m'auscultait. Et passait ses doigts fins sur ma peau et s'arrêtait lorsqu'ils rencontraient des coupures.
Elle se releva finalement pour empoigner des objets placés sur ma table de chevet.
- Une brisure au niveau d'une des côtes gauches, une profonde plaie à l'épaule droite, de grosses coupures sur le ventre et des marques de strangulation sur le cou. Son état est stabilisé, diagnostiqua Eweleïn en notant des choses sur un carnet.
Le bruit du crayon sur la feuille me vint aux oreilles. Cela me rappelait le lycée. Rien qu'en y pensant, je sentis mes yeux s'humidifier.
- Elle va s'en remettre, hein ? s'enquiera Lirick, toujours éloigné de nous.
- Oui. C'est son moral qui m'inquiète, pas son corps. Si elle se retrouve dans cet état c'est qu'elle a dû libérer pleinement ses pouvoirs. Et elle en garde peut être des séquelles, répondit sur un ton calme l'infirmière en me recouvrant jusqu'au cou d'un drap de soie.
Lirick ne répondit pas. J'entrouvris alors légèrement les yeux pour le voir, lui et sa tête baissée. Il me faisait de la peine à s'inquiéter pour moi de cette façon.
- Je peux rester ? demanda-t-il finalement.
- Oui mais laisse-la se reposer, rétorqua Eweleïn.
- Bien sur.
Soudainement, une douleur au bras droit me prit. Je compris que l'infirmière me plantait une perfusion.
- Bon, demain, il faudra que tu manges un truc consistant. Je n'ai pas l'impression que depuis que tu séjournes ici tu avales quelque chose de bien. Aussi, il faudra te laver. Pour l'hygiène, dit l'infirmière d'un ton moqueur en me tapotant la tête du bout de ses doigts.
- Merci... à vous deux..., réussis-je à articuler.
Puis mes ténèbres qui m'attendaient depuis longtemps déjà s'emparèrent de moi et me plongèrent dans un sommeil qui ne me fit que le plus grand des biens.
*****
Il apparaissait devant moi la petite clairière où le jour et la nuit se défient. Je distinguai peu à peu les deux êtres fantomatiques qui incarnaient les deux Cristaux. Ces derniers, comme toujours, m'invitaient à les rejoindre au centre.
Je ne me fis pas prier et allai à leur rencontre.
- Cela faisait longtemps ! Je commençais à croire que vous aviez enfin fini de m'embêter avec votre prophétie, dis-je, en dévisageant l'Oracle et le Démon.
- Hé oh ! Elle va se calmer la p'tite ? gronda le Démon avec un dédain certain.
Il pointa alors son épée vers moi.
- Et la prophétie est importante.
- Amélie, chanta la femme-Ange en posant son regard cristallin sur moi. Tu as désormais une quête.
- Laquelle ? interrogeai-je, impatiente.
L'Oracle soupira. Je devais vraiment être énervante pour faire soupirer cette femme !
- Nous ne savons pas.
À mon tour je soupirai. Elle était sérieuse quand elle disait cela ?
- Le Ciel nous a prédit que l'Élue trouvera par elle-même une quête, reprit l'Oracle.
- Le 'Ciel' ? Je croyais que vous étiez les seuls à pouvoir prédire des choses ! dis-je, abasourdie.
- Détrompe-toi, l'humaine, me charria de sa voix grave l'homme-dragon. Nous sommes les seuls à pouvoir entendre le Ciel et donc nous répétons ce qu'il prédit. Et dans ses yeux nous lisons les destins.
Je restai interdite. Il y avait donc, dans ce monde, quelque chose de plus symbolique et plus puissant que les Dieux eux-mêmes ?
- Trouve ta quête. Ëphrézias t'aidera, il est l'envoyé du Ciel, chanta l'Oracle avant de commencer à se dématérialiser.
- Et si je n'y arrive pas ? questionnai-je alors.
- Nous avons prédit la fin du monde. Tué une nouvelle fois par la Grande Guerre, gronda le Démon avant de lui aussi, se faire emporter par la brise qui soufflait dans la clairière.
Je me retrouvai alors bien vite seule, face à mes pensées chamboulées.
*****
- Réveillez-la, supplia une voix.
- Non ! Elle peut attendre ! gronda une autre.
- Non, justement, on ne fait pas attendre Miiko, rétorqua la première voix d'un ton hésitant.
Je me réveillai lentement, tirée de mes songes par les voix reconnaissables de Lirick et Keroshane.
- Roooh ! C'est bon ! Je te dis qu'elle peut attendre ! gronda Lirick.
- Mais elle va me tuer si je ne reviens pas avec Amélie, supplia Kero.
- Par l'Oracle Keroshane ! Elle a besoin de repos ! fit une nouvelle voix que je reconnaîtrai entre mille.
Ma chère amie Time.
J'entrouvris alors les yeux pour voir d'où venait tout ce raffut. Je découvris bien vite mes deux amis faisants face à l'homme-licorne qui se dendinait devant la porte d'entrée de l'infirmerie, mal à l'aise. Lorsqu'il m'aperçu, son regard s'illumina.
- Elle est réveillée ! Amélie, Miiko veut te voir. Et maintenant.
Time et Lirick se retournèrent vers moi.
- C'est pas vrai, tu l'a réveillée ! gronda Lirick.
- Oui, oui, bon euuuh, dépêche toi, Amélie, rétorqua Kero avant de s'enfuir de l'infirmerie en toute hâte.
Lirick soupira.
- Bien reposée ? posa Time en s'asseyant sur mon lit.
- Oh, oui, dis-je le regard perdu dans le vague. Mais j'ai faim.
Sur ce, on entendit mon ventre gargouiller.
- On dirait que la perfusion ne te suffit pas, se moqua gentiment Lirick.
- Bah non ! Comment une simple perfusion pourrait remplir mon énorme estomac ? répliquai-je en souriant lorsque j'entendis de nouveau mon ventre gronder.
- On va devoir faire un tour à la cantine, je pense, ricana Time.
Sur ce, je me découvrai de ma couverture pour m'apprêter à me lever lorsque je vis avec stupeur que j'étais presque nue. Aussitôt, je m'enfonçai dans mes draps jusqu'au nez, rouge de honte. Je bafouillai alors quelques mots incompréhensibles.
- Je... Je n'ai rien vu, ne t'inquiète pas, dit Lirick, gêné.
Je ne pris pas la peine de lui répondre et m'enfonçai davantage dans mon lit. J'entendis alors des pas résonner sur le sol vers moi. J'entendais aussi Time pouffer de rire à côté de moi, certainement amusée du regard perdu dans le vague de Lirick.
- Tu es réveillée ! tonna une voix féminine.
Je me redressai dans mon lit et tournai mon regard vers Eweleïn. Cette dernière posa directement sa main sur mon front et soupira.
- Tu as un peu de fièvre mais je prends ça sur le compte de la fatigue. Tu peux marcher ? me questionna l'infirmière en scrutant mes moindres faits et gestes.
- Euuh, certainement, répondis-je seulement.
- Montre-moi, m'ordonna Eweleïn.
Je jetai un regard à Lirick qui comprit aussitôt la requête. Il se retourna alors, dos à mon lit. Je me levai alors de mon lit. En posant les pieds au sol, je constatai qu'aucune douleur apparente ne me faisait souffrir. Je décidai à partir de ce moment de me lever complètement.
Debout, mes genoux faillirent flancher. Je résistai tant bien que mal en m'appuyant sur le rebord de mon lit de ma main droite. Mais une terrible douleur me prit à l'épaule de ce bras. Je m'écroulai à terre en un instant. Ma respiration saccadée me donna très mal aux poumons et à la gorge. Je posai ma main sur mes côtes pour sentir avec horreur une douleur fulgurante.
En entendant mon gémissement, je vis les muscles de Lirick se contracter. Il devait vraiment se retenir pour ne pas se retourner. Quant aux filles, elles se précipitèrent pour me relever et me poser sur le lit.
J'entendis Eweleïn soupirer, ce qui me mit inexplicablement en colère. Je grognai quelque chose dans ma barbe avant de me relever une nouvelle fois.
- Je peux marcher !
Je fis quelques pas hésitants avant de me sentir plus à l'aise. L'infirmière se dressa alors à ma droite en me tendant un flacon remplit d'une mixture rose.
- Bois ça, cela te fera du bien. Ensuite je vais devoir t'étaler de la crème réparatrice sur tes plaies, donc tu ne vas pas manger tout de suite, me dit elle, un sourire compatissant collé aux lèvres.
- Oh, très bien, merci, répondis-je doucement en m'emparant de la potion.
Je la bus d'une traite avant de m'assoir sur mon lit en soupirant. Time s'assit à mes côtés pendant que Lirick nous tournait toujours le dos et croisait les bras. Eweleïn ne tarda pas à défaire les bandages qui recouvraient mes côtes et mon épaule avant de m'appliquer une mixture bleue et froide. Cette dernière me transforma en Schtroumpf, ce qui me répugna un peu. Je ne voulais pas ressembler à ce Troll qu'était Ezarel ! Même si sa peau n'était que très légèrement bleutée, je le considérais comme tel.
Lorsque Eweleïn eut terminé, elle me dit que je ne devais plus vraiment avoir mal d'ici deux bonnes heures. J'hochai de la tête, soulagée de l'entendre. Puis l'infirmière me fit signe que je pouvais partir.
- Euuh, dans cette tenue ? interrogerai-je, la mine déconfite.
Eweleïn pouffa avant d'aller chercher dans une grande armoire des vêtements. Elle revint en me tendant un haut rose à motifs de fleurs avec un pantalon gris marqué d'arabesques roses. Le tout réunit par des bretelles argentées. J'enfilai tout cela par dessus ma combinaison verte de sorte que je ne me retrouve aucunement à poils devant les patients faisants semblant de somnoler.
- Va manger, maintenant, me conseilla Eweleïn en entendant un grognement venant de mon ventre.
Sans attendre, je me dirigeai vers la sortie de l'infirmerie avec Lirick et Time sur les talons. Je me directionnai ensuite vers le garde-manger. Mes pas hésitants devenaient fermes au fur et à mesure de ma progression. Mais parfois un de mes amis devait me tendre un bras pour que je ne tombe pas.
Enfin arrivée, je me précipitai sur le buffet des gardiens. Cette fois-ci, je ne me trompai pas et piochai la nourriture sur le bon étalage. Le sermon du cuisinier m'avait assez refroidie, à vrai dire. Je pris alors du pain et un petit pot de confiture puis m'installai à une table ronde. En regardant mes amis s'assoir à mes côtés sans nourriture, je fus ravie. Ils m'accompagnaient même s'ils avaient déjà mangé. Une belle marque d'amitié, pour tout dire ! Puis je me surpris à poser une question soudainement.
- Depuis combien de temps étais-je dans les vapes ? interrogeai-je donc.
- Plus d'un jour, fit Lirick en me jetant un regard emplit d'inquiétude.
Je faillis m'étrangler avec ma tartine. Je m'étais donc évanouie l'avant vieille ! Combien de jours me restaient-ils donc avant le Plein Soleil ?! Quatre jours et trois nuits... Cela me glaça le sang. Je n'étais vraiment pas au point et les secondes qui s'écoulaient me rapprochaient toujours plus de la fameuse pleine lune.
- Ça va ? m'interrogea Time d'un ton moqueur. Je croyais que tu savais déjà que tu es une grosse dormeuse.
Je levai les yeux au ciel en riant. Pourtant, la révélation de Lirick ne me laissait pas indifférente. Si Sally et moi rencontrons encore une fois des Ténébreux et que cela se fini pareil, il me reste deux séances d'entraînement. Sinon, il m'en reste au moins quatre. J'ai vraiment peur que cela ne suffise pas.
J'avalai vite le reste de mon déjeuner avant de me diriger vers la salle du Cristal Ange, comme me l'avait demandé Keroshane à mon réveil. Ressourcée, je pouvais maintenant faire face à Miiko. Cette dernière se trouvait effectivement dans la majestueuse salle à mon arrivée. Alors que je la saluai brièvement à mon approche, elle se contenta de me reluquer de la tête aux pieds.
- Désolée, je ne vends plus de photos aujourd'hui, lançai-je à la haute gradée, ce qui la sortie de son inspection.
Elle me lança un regard noir sous les regards attentifs de mes deux amis et des trois autres Chefs de Garde. J'esquissai un petit sourire pour ma part. Puis la Kitsune tapa le sol de son sceptre, singe de son mécontentement.
- Tu es blessée, remarqua-t-elle en grondant comme à son habitude.
- Je l'ai remarqué aussi, grinçai-je à mon tour.
- Mais tu es sérieuse ! Tu es vraiment blessée ! Comment cela se fait-il d'ailleurs ? grogna-t-elle, presque inquiète.
- Disons que je me suis entraînée contre des Ténébreux, répondis-je d'un ton trop espiègle par rapport à la situation.
Miiko roula des yeux.
- Bon, tu ne sembles pas vraiment blessée tout compte fait. Tant mieux, je vais pouvoir t'assigner la mission.
La Kitsune sembla tout à coup m'intéresser.
- Ah oui ? commentai-je.
- Un village se fait fréquemment attaquer à l'Ouest de nos terres par une meute de Blackdogs et je veux que tu l'élimines avec d'autres gardiens.
Mon cœur se serra soudainement. Je ne voulais pas attaquer des Blackdogs ! Ces créatures ne m'avaient jamais rien fait, à moi. Pour s'attaquer à des Fearies, c'est qu'ils sont sous l'emprise du Cristal Démon...
- Pourquoi me choisir, moi ? questionnai-je, le cœur gros.
- Premièrement, pour te donner une utilité ici, deuxièmement pour t'entraîner davantage et troisièmement, ce qui nous intéresse le plus, car tu sembles savoir parler la langue de ces créatures malsaines, donc tu pourras nous en soutirer des informations.
- Et si je refuse la mission ? demandai-je, un sourire espiègle collé aux lèvres.
J'entendis Valkyon et Ezarel soupirer tandis que je voyais du coin de l'œil Nevra et mes deux amis étouffer un rire pendant que Miiko se tapait le front de sa main libre.
- Quand je donne une mission, on ne la refuse pas, Amélie, grogna cette dernière.
Je soupirai à mon tour d'exaspération.
- Bon, admettons que je parte en mission dans le village, que se passera-t-il là-bas ?
- Hé bien toi et ta troupe vous devrez protéger les habitants des attaques en éliminant la meute, c'est facile ! expliqua Miiko non sans grogner.
- Je ne veux pas tuer des innocents ! m'outrai-je d'un coup.
- Tu n'es pas censée tuer les vallageois, s'exaspéra la Kitsune.
- Je reformule ; je ne veux pas tuer de Blackdogs.
Les yeux de tout le monde s'écarquillèrent alors. Ils semblaient tous choqués.
- Ce ne sont pas des innocents ! Ils tuent des villageois ! Nous parlons d'enfants aussi ! Ils tuent des enfants, comment oses-tu les protéger ? gronda Miiko en pointant son sceptre vers moi.
- Ne pas tuer ne signifie pas protéger, tempérai-je en haussant des épaules. Bon, repris-je avant de me faire de nouveau sermonner par Miiko, avec qui je pars ?
- Pour cette mission, il faut deux Obsidiens, deux Ombres et un Absynthe pour les probables soins à procurer, expliqua la brune. Donc, vu que tu es une Obsidienne, il faut que tu te trouves un partenaire.
Automatiquement, je jetai un regard à Lirick. Miiko sembla me voir puisqu'elle souligna :
- Un vrai Obsidien.
- Bon, d'accord, fis-je, amèrement déçue. Du coup, je dois me trouver un partenaire. Et pour l'Absynthe et les Ombres ?
- Time est une bonne mage, elle t'accompagnera, déclara Miiko.
Je me tournai vers mon amie, heureuse. Ce sentiment était partagé puisque la juene fille aux cheveux roses souriait jusqu'aux oreilles.
- Et pour les Ombres, alors ? interrogeai-je finalement.
Miiko coula un regard vers le Chef de la Garde de l'Ombre qui fixait la scène, attentif.
- Je voudrais que tu diriges la troupe. C'est presque à tous leur première mission. De plus, tu n'as rien à faire cette semaine, je me trompe ?
Nevra hocha la tête négativement en esquissant un sourire.
- Bien, trouve-toi un partenaire aussi et vous partez au crépuscule.
*****
Allongée sur mon lit, je contemplai le plafond délabré de ma chambre. Cela ne me gênait guère et cela étonnait beaucoup de monde. De toute façon, je ne restais jamais trop longtemps dans ma chambre. Cette fois-ci était une exception : j'avais dû préparer un sac pour ma première mission qui commencera dans quelques minutes à peine. En effet, il était dix-huit heures et le soleil déclinait sérieusement dans le ciel.
Je décidai finalement de me redresser. Je jetai un regard au sac de taille moyenne occupant une partie de mon lit. Je soupirai. Cette mission n'était pas vraiment à mon goût. Aller tuer des Blackdogs ? Non merci ! Pourtant, j'allai devoir le faire sinon Nevra allait tout rapporter à Miiko.
Quelqu'un toqua soudainement à ma porte. J'ouvris donc à la personne non sans entrain.
- Nous devons y aller, prononça la voix masculine de la personne.
Je reluquai vite fait le Feary. C'était l'homme que j'avais prit pour partenaire quelques heures plus tôt. Grand en taille, large d'épaules, musclé, cheveux châtains mélangés d'orange, beau et sympathique. Il portait l'uniforme des Obsidiens, soit un kimono marron alourdit par une armure de couleur beige. L'armure ne recouvrait guère tout le corps, seulement les bras en comptant les épaules, les hanches, les jambes, les reins et quelques parties du dos qui variaient en fonction du gardien.
Je posai mon regard sur ses yeux bleus. L'Obsidien haussa des sourcils avant de me sortir un sourire ravageur. Je levai les yeux au ciel avant de me retourner pour attraper mon sac sur le lit.
Une fois équipée, Thorian - l'Obsidien qui m'accompagne - et moi décampions vers le point de rendez-vous. Là bas, nous ne trouvions que Time, qui semblait s'ennuyer, assise sur son gros sac marron. Elle sourit lorsqu'elle nous vit et je lui présentai brièvement Thorian.
- Où est Nevra ? questionnai-je finalement.
- J'ai entendu mon prénom ? tonna soudainement une voix derrière mon dos.
Je me retournai vivement pour constater que le fruit de ma question se tenait là, devant moi, et accompagné d'une fille. En même temps il fallait s'en douter qu'il choisirait comme partenaire une fille.
Je m'avançai vers la jeune Ombre qui semblait avoir mon âge. Lorsque je tendis une main vers elle pour la saluer, elle aborda une moue dégoûtée. Je vis rouge et serrai mes points.
- Bonjour, m'efforçai-je de prononcer. Comment t'appelles-tu ?
- Je n'ai pas besoin de communiquer mon nom à une ingrate d'humaine pour faire une mission, répondit-elle seulement en me regardant hautainement.
Ma mâchoire se serra elle aussi.
- Je m'appelle Amélie, grinçai-je en articulant le moins possible.
- Quel nom dépourvu de style ! Il te ressemble en tout cas. C'est bien un nom d'humains, ça.
Si elle continuait ainsi, mon point se retrouverait bien vite dans sa tête. Je me contentai de ne pas répondre, il ne fallait pas s'énerver pour un rien à cause d'une idiote. Je jetai un regard à Nevra qui discutait avec Thorian. Pour attirer son attention, je toussotai bruyamment. Grâce à son ouïe fine, il comprit le message illico presto et se retourna dans ma direction puis hocha de la tête.
- Malïova, prends ton sac, nous y allons, dit il en regardant la jeune brune qui m'avait énervée.
Malïova, elle s'appelait donc Malïova.
*****
Je marchai droit tête baissée dans la Forêt Florale. Je n'avais encore jamais exploré la partie Ouest et cela ne m'enchantai guère en voyant toutes les ronces et racines fourbes au sol qui m'agrippaient les pieds. Devant moi, Time trébucha une énième fois. Mais tout le monde mettait cela sur le compte de la fatigue.
En effet, nous étions le lendemain matin du jour où Miiko nous a attribué la mission de sauvetage. Et nous avons passé une nuit atroce dans cette forêt. Entre les familiers et créatures qui nous assaillaient, les ronflements de Thorian, les cris de rage de Malïova lorsqu'elle se faisait piquer par des insectes, le vent froid qui s'abattait sur nous et les bruits des relais des personnes devant faire les tours de garde, nous n'avons pu fermer l'œil de la nuit. Seul Nevra semblait péter la forme.
D'ailleurs, ce dernier s'approcha de moi avec un sourire collé aux lèvres, signe qu'il voulait me taquiner à coup sûr.
- Quelle belle journée, n'est-ce pas ? dit-il en s'étirant.
- C'est vraiment merveilleux, râlai-je en grommelant.
Thorian, notre éclaireur, s'arrêta net à vingt mètres devant nous. Malïova, qui le suivait de près, lui rentra dedans en s'écrasant contre son dos. Cette dernière ne tarda pas à rouspeter si fort que toute la forêt devait l'entendre.
- J'ai faillis me casser un ongle, abruti ! hurlait-elle en s'agitant.
J'étouffai un rire mais Nevra l'entendit et me lança un regard avant d'héler Malïova.
- Tais-toi, les Blackdogs risquent de nous entendre !
- Et alors ? gronda la brune. Si nous sommes là c'est pour tous les tuer, non ? Qu'ils viennent !
Time et moi ne tardèrent pas à rejoindre l'éclaireur et les deux Ombres.
- Franchement, tu n'es pas très discrète pour une Ombre, fis-je remarquer à Malïova.
- Oh toi, ferme là ! Tu n'es qu'une pauvre Obsidienne et sans ta magie, tu n'es rien ! Alors qu'un vrai Obsidien se bat avec des armes ! gronda la brune en retour.
On aurait dit mes querelles habituelles entre Miiko et moi sauf que Malïova était plus chiante et vexante que la Kitsune.
Sentant mes mains chauffer je préferai ne rien répondre et lui lancer un regard noir. Au moins, je lui laissai une chance d'éviter de m'énerver davantage. Sauf qu'elle ne prit pas cette 'Chance' et continua de m'énerver.
- De plus, les Ombres ont plus de style ! Regarde-toi, tu crois que tu fais rêver dans ta tenue grise ? On dirait une salopette !
Sentant ma rage s'accentuer, Time posa sa main sur mon bras gauche. Mais elle le retira bien vite en hurlant de douleur.
- Tu es brûlante ! s'exclama-t-elle en secouant sa main chauffée dans l'air.
- Bon, on va dire qu'on est tous fatigués et que c'est normal de s'énerver facilement donc on va prendre quelques minutes pour se reposer, d'accord ? Après on reprend la route sans enguelades, déclara Nevra en portant son regard remplit de sous-entendus à la brune et moi-même.
Je soupirai. Je ne saurais dire si c'était de l'exaspération ou du soulagement. En tout cas, je me posai contre un arbre tellement j'étais épuisée. Time se posa à mes côtés en prenant des distances pour éviter de se faire brûler à nouveau tandis que Malïova resta debout, les bras croisés sur sa poitrine.
Je vis alors qu'elle portait l'uniforme des Ombres, c'est à dire un kimono noir aux bordures violettes. Les coutures étaient de couleur or, ce qui était vraiment magnifique. Puis je remarquai, qu'en fait, tous les gardiens autour de moi portaient leur uniforme, sauf moi. Time, elle, portait celui des Absynthes, un kimono vert émeraude équipé d'une multitude de ceinture au niveau du bassin. Elle était aussi équipée d'un petit sac en toile accroché directement à sa tenue.
- Malïova, décontracte-toi, fit Nevra en lui caressant la joue du bout des doigts.
Je préferai détourner le regard et le diriger vers Thorian qui avançait toujours plus dans la faune en scrutant le sol. Puis une ombre apparue dans mon champ de vision.
- Tu boudes ? questionna Nevra en souriant.
- Retourne avec ta Malïova, grondai-je, irritée.
Je ne savais même pas pourquoi j'étais en colère.
- T'es jalouse ? me taquina Nevra, un sourire ravageur collé aux lèvres.
- Pff ! N'importe quoi ! crachai-je en levant les yeux au ciel.
- Amélie est jalouse ! clama haut et fort le beau brun, de façon à ce que Malïova entende.
- Mais non ! En plus, si ça se trouve, t'es gay ! hurlai-je à mon tour.
En comprenant ce que je devenais de dire, j'explosai de rire. Nevra, lui, semblait choqué. Ses yeux écarquillés et sa bouche entrouverte le démontraient.
Soudainement, sans que je ne comprenne rien, Nevra me plaqua contre l'arbre avec une incroyable force. Une lueur de malice brillait dans son œil couleur Améthyste. Il approcha son visage du mien jusqu'à se que nos lèvres soient à seulement séparées de quelques centimètres.
- Je vais te montrer que je ne suis pas gay, me souffla-t-il en descendant ses mains baladeuses vers mes hanches.
Je déglutis difficilement. Je n'osai pas bouger. De toute façon, même si je me débattais je ne pourrai rien faire. Nevra mettait tout son poids pour me plaquer à l'arbre. Mes yeux verts étaient rivés dans l'œil gris de Nevra qui ne faisait que se rapprocher. J'ignorai si Time ou Malïova nous regardait. En tout cas, elles ne se manifestaient pas.
Tout à coup, Nevra passa une main derrière ma nuque avant de m'attirer contre lui. Ses lèvres se posèrent alors sur les miennes, sans que je ne comprenne ce qu'il se passait. Je restai interdite. Le temps s'était comme arrêté autour de moi. Les doigts du beau brun sur mon cou me caressaient la peau tandis que ceux posés sur mes hanches me retenait fermement.
Je sentis alors la langue du Chef de la Garde de l'Ombre s'infiltrer entre mes lèvres. Je fermai alors mes dents, pour qu'il n'aille pas plus loin. Hé oh ! C'est bon, j'avais comprit qu'il aimait les femmes !
Puis finalement, je réussi à bouger et poser mes mains sur son torse pour le repousser. Nevra comprit le message et se recula, le sourire aux lèvres. Il me regardait de son air espiègle alors que je devais être rouge pivoine.
- Si tu veux, je peux te le démontrer encore plein de fois, me sussura-t-il de sa voix enjôleuse.
Je secouais frénétiquement ma tête de gauche à droite, pour me remettre les idées en place. Puis je détournai le regard vers les deux filles qui me regardaient, ahuries.
"Ah, bah je pense qu'elles ont vu la scène." pensai-je en gloussant à moitié.
J'étais toujours choquée mais la tête que faisait Time me tuait de rire. Je vis alors Malïova se retourner furieusement vers Thorian, qui n'avait fait que d'avancer, et donc, qui n'avait pas prêté attention au fait que Nevra m'avait embrassée.
Hé bien ! En tout cas, si je m'attendais à ça de la part du brun... Au moins, je savais désormais qu'il ne fallait pas plaisanter avec lui. À ses risques et périls.
Je jetai un regard à Nevra qui me regardait, amusé. Il se lécha alors les babines d'un air provoquateur.
- Tout le plaisir était pour moi, me lança-t-il comme si je l'avais remercié.
Je levais les yeux au ciel en rougissant. Il me mettait vraiment mal à l'aise, tout d'un coup.
- Venez voir ! brailla soudainement Thorian.
Nevra, Time et moi ne perdirent plus de temps et nous précipitâmes vers l'Obsidien qui avait les yeux rivés au sol, accompagné par la belle brune.
- Regardez, de puis tout à l'heure j'en aperçois, mais celles là sont très fraîches, dit Thorian en pointant du doigt une flaque marron foncée qui fumait d'une fumée noire.
Je voyais des touffes de poils noirs juste à côté.
- Qu'est ce que c'est ? questionnai-je innocemment.
J'entendis Malïova soupirer bruyamment.
- Ce sont des traces de Blackdogs, m'expliqua Nevra. Cette flaque, en fait, c'est leur...
Il laissa sa phrase en suspense en agitant les bras d'un air impuissant.
- Caca, termina Thorian d'un air dégoûté.
Nevra réprima un petit rire. Au moins, l'Obsidien n'était pas gêné de le faire remarquer !
- Bon, restez bien sûr vos gardes, maintenant, nous prévint finalement Nevra.
Puis il ajouta, de sorte que seule moi et Time entendions :
- À par si tu veux que je m'occupe personnellement de tes arrières, Amélie, prononça Nevra, niais, d'une fois suave en mettant bien l'accent sur le mot 'Arrière'.
Je soupirai en baissant la tête. Time en resta elle aussi muette. Sauf que son teint à elle était d'un blanc livide alors que le mien était rouge pivoine.
Je n'en pouvai plus des remarques déplacées du Chef de la Garde de l'Ombre. Mais d'un autre côté, cela me flattait. Oui, me flattait !
- Nous sommes arrivés ! s'exclama soudainement l'Obsidien en déblayant les dernières plantes gênantes pour accéder au village.
Nous vîmes en premier lieu que le village entait fraîchement équipé d'une muraille en bois qui sentait le bois neuf. Plusieurs gardes situés sur des petites tourelles scrutaient l'entrée avec attention. Les attaques des Blackdogs avaient du les traumatiser.
Puis Nevra nous rapprocha de l'entrée principale avant qu'un garde de nous hèle.
- Hé, vous là-bas ! Qui êtes vous ? gronda un grand homme à la peau rouge.
Des cornes violettes lui poussaient sur le crâne et une queue de taureau apparaissait au niveau de son fessier. Une grosse armure lui protégeait toit le corps, comme à tous les autres gardiens de l'entrée.
Comme à son habitude, Nevra fit une petite révérence avant de nous présenter.
- Nous représentons la Garde d'Eel et sommes venus vous prêter main forte contre les Blackdogs.
Je vis le garde étouffer un soupire de soulagement. Nevra, quant à lui, montra à l'homme à la peau rouge son col où était tatoué le symbole de la Garde de l'Ombre.
- Entrez, je vous accompagne, décida le garde en pointant sa fourche de couleur bordeau vers les portes en bois pour signaler aux autres gardes qu'ils devaient les ouvrir.
Sur cet acte, les portes s'ouvrirent et nous entrâmes dans la ville. Ce que nous vîmes nous choqua. Les habitants du petit village avançaient le pas las sur la chaussée en terre mêlée de gravillons. Certains des villageois pleureraient et s'écroulaient au sol sous la fatigue. La plupart des commerces étaient fermés. Tout simplement, rien n'inspirait la joie ici.
Sans s'attarder sur les détails de la situation, le garde nous fîmes traverser une grande place avant d'entrer dans un petit château. Là, devant nous, se tenait directement le roi de la ville sur un trône après un long tapis rouge.
Nous nous approchâmes avant de faire la révérence.
- Êtes vous les envoyés d'Eel ? posa le roi d'une voix emplie d'espoirs.
- Oui, fit Nevra en lui montrant à lui aussi son col de kimono. Expliquez nous la situation, ô seigneur de Bonoville.
- Redressez vous, mes alliés, commença le roi.
Nous nous relevâmes donc sans nous faire prier une seconde fois.
- Écoutez, depuis un mois entier nous subissons les attaques nocturnes de Blackdogs. Et il faut nous rendre à l'évidence, ces attaques répétitives nous viennent à bout. Un quart de mes soldats ont déjà passé l'arme à gauche. Les créatures maléfiques sont venues en très grand nombre. Je n'ai jamais vu autant de Blackdogs rôder si près de mon village depuis le début de mon règne, il y a déjà dix ans de cela ! Mes habitants, les Bonovillois, se meurent. Ils ont peur et se laissent mourir de faim plutôt que de mourir entre les griffes de Blackdogs. Mes chers alliés, vous n'êtes que cinq mais vous m'avez l'air puissants. S'il vous plaît, vengez nos enfants et soldats. Je suis prêt à vous héberger nuits et jours s'il le faut.
- Très bien. Des attaques nocturnes dîtes-vous ? questionna Nevra, sérieux.
- Oui, jamais le jour, répondit calmement le roi de Bonoville.
- Seigneur Octobono, nous ferons de votre ville un endroit sécurisé, déclara Nevra d'un air très impliqué et sérieux.
*****
Je marchai et remarchai jusqu'à trébucher une énième fois sur un clou mal enfoncé, du haut de la muraille de bois. J'arpentai chaque recoin et surveillait le pourtour du village en guettant le moindre signe de vie.
Il faisait désormais nuit. La journée m'avait parue longue. Même fatiguée, je ne m'étais pas reposée, pensant à la mission et m'entraînant. Qu'allais-je accomplir lors de la rencontre avec les Blackdogs ? Serais-je obligée de les tuer ?
Tout un tas de questions me trottaient dans l'esprit et cela me fit trébucher une nouvelle fois. D'un coup remontée contre ce clou, je l'arrachai du bois avant de le projeter contre un arbre dans la Forêt Florale. Un bruit strident retentit alors, comme si le petit bout métallique avait heurté quelque chose d'autre qu'un arbre. Je relevai alors la tête dans la direction du tintement mais ne voyais rien, strictement rien. Alors je me remettai à longer la muraille à son sommet, avant de heurter à nouveau quelque chose. Mais ce n'était pas un clou puisque lorsque je me mis à chuter, quelque chose ou quelqu'un me rattrapa.
- Hé bien, tu devrais faire attention, sinon le grand méchant Blackdog viendra te chercher, me gronda amicalement une voix masculine.
Je relevai les yeux vers le regard perçant de l'œil de Nevra qui me tenait fermement par la taille de ses puissants bras.
- Je pourrai me défendre seule, t'as pas à t'inquiéter, répondis-je froidement.
- Et comment ? En parlementant ? pouffa Nevra en me reposant à terre.
"Hé bien en fait, c'est ce que je comptai faire." réalisai-je en pensées.
- Va garder une partie de la muraille plutôt que moi, lui crachai-je alors.
- En fait, j'aimerai bien mais là, tu es sur ma partie. C'est toi qui ne surveille pas ton bout de muraille, me souffla Nevra.
Aussitôt, je tournai les talons. Je retournai alors bien vite à ma place en scrutant la lisière de la forêt. Puis je jetai un coup d'œil à mon esquadron. Cette nuit là, nous étions les seuls à surveiller le village. Les gardes étaient épuisés et étaient ravis de nous passer leur tour de garde.
Je vis Time, les points posés sur les hanches, regarder la cime des arbres. Derrière se trouvait l'imposante lune presque pleine. D'ailleurs, cela me fit penser qu'il ne me restait que deux nuit désormais avant le Plein Soleil.
Thorian, lui, faisait les cents pas sur le parquet de bois. Parfois, il s'arrêtait brusquement et tournait sa tête sur les côtés.
Malïova était quant à elle assise, les jambes croisées. Elle regardait ses ongles et jetait quelques fois des regards à la forêt. Je soupirai en la regardant.
Et Nevra semblait pensif sur sa partie. Il me jetait des regards attentifs comme s'il prévoyait que je fasse une bêtise.
Je détournai le regard de mes amis en scrutant la Forêt Florale. Qu'elle était magnifique ! Là, sous la lune, elle brillait de mille feux. Le hululement de petits familiers donnait une atmosphère presque féerique.
Soudainement, les bruits des animaux se stoppèrent. Comme si quelqu'un venait d'appuyer sur le bouton pause d'un mp3 et troublait la musique en continu. Puis, tout à coup, j'entendis un bruit déchirer l'air. Elle semblait fluette et dictée par la peur. Sans crier gare, je sautai de la muraille pour tomber quatre mètres plus bas. Je roulai pour ne pas me faire trop mal aux jambes avant de me relever et de courir, comme si ma vie en dépendait, vers la voix féminine qui appelait à l'aide.
Je déboulai bien vite dans une toute petite clairière où une petite fille pleurait, adossée par terre à un arbre. Je voyais de terrifiants Blackdogs l'approcher. Ce n'étaient pas des Alphas car leur pelage était noir profond. Puis je vis leur marque au niveau de leur front. Ce n'était pas un œil bleu comme la meute d'Ëphrézias. Non, c'était une sorte de croix. La marque tatouée semblait avoir été creusée par une griffe. Mais le plus extraordinaire dans tout cela était que leur symbole possédait deux couleurs. En effet, le trait partant d'en haut à gauche vers le bas à droite était rouge sang tandis que l'autre était doré. En gros, on aurait dit un symbole de multiplication humain rouge et doré. En tout cas, cela était magnifique.
Un autre sanglot de la part de la petite fille me tira de ma contemplation. Je devais maintenant agir. Alors, sans réfléchir, j'accourais au niveau de la fillette avant de concentrer mon Énergie autour de moi. Surpris, les Blackdogs grondèrent de plus bel. Pour ma part, je fermai les yeux pour bien matérialiser un mur de Manaa autour de moi et de la fille. J'essayai d'oublier ma peur et ma folie. Je me devais de réussir.
D'abord hésitante, je n'ouvris qu'un œil. Puis j'ouvris mon second lorsque je m'aperçus que le mur de Manaa circulaire que j'avais imaginé en pensées s'était matérialisé. À travers, je voyais les Blackdogs japper et essayer de transpercer de leurs sombres griffes ma barrière. Je me retournai alors vers la fillette pour la rassurer en m'accroupiant à ses côtés.
- Je suis là, lui murmurai-je. Tout va bien, je vais te sauver, d'accord ?
Le jeune fille aux cheveux châtains releva doucement sa tête enfouie sous ses mains. Ses yeux de couleur or me scrutèrent pour discerner ma sincérité. Finalement, elle hocha de la tête avant d'essuyer ses larmes d'un revers de la main.
- Dis moi, comment t'es-tu retrouvée dans cette situation ?
- H-Hier... M-Matin ma m-maman et m-moi étions dans la f-forêt pour cueillir d-des fleurs... Et j'y ai fait t-tomber mon b-bracelet... Et je m'en suis rendue c-compte tout à l'heure... Il m'est très cher e-et je suis r-revenue pour le chercher..., sanglota la jeune fille en guise de réponse.
- Tu n'étais pas au courant pour les Blackdogs ? questionnai-je.
- Si... Mais il m'est s-super i-important ce b-bracelet... C'est mon p-papa qui me l'a o-offert avant de partir en m-mission pour tuer les Blackdogs... Mais ce sont les B-Blackdogs qui ont r-réussi à le tuer..., me répondit la fillette en pleurant de plus bel.
- D'accord, comment t'appelles-tu ? posai-je sereinement en essayant de ne pas me faire submerger par ses flots de larmes.
- Ÿkalielle, me répondit la dénommée Ÿkalielle doucement.
- Bon, Ÿkalielle, je vais nous sortir de là, grondai-je en me retournant vers les Blackdogs qui perçaient ma barrière de Manaa bleu.
Soudainement, je plaçai mes paumes de main ouvertes devant moi, ce qui propulsa les créatures plusieurs mètres plus loin, grâce à une puissante vague de Manaa.
- Où est votre Alpha ? demandai-je aux six Blackdogs qui se redressaient déjà.
Les créatures furent surprises de ma question. Elles n'avaient peut être pas l'habitude qu'une humaine leur parle, en même temps.
- Toi pas besoin savoir où se trouver Alpha, gronda soudainement un Blackdog qui s'apprêtait à me bondir dessus.
- Je veux vous aider, grondai-je.
Le Blackdog me bondit tout de même dessus, griffes ouvertes. Pour riposter lorsqu'il me cloua violemment au sol, je fis ressortir en moi mes émotions coléreuses. En conséquence, mes mains chauffèrent de plus bel.
L'animal me mordit à l'épaule droite, qui n'était pas totalement cicatrisée, ce qui me fit hurler. Je voyais du coin de l'œil les autres Blackdogs me tourner autour, tel des charognards.
Je grimaçai de douleur tandis que le Blackdog resserrait sa prise sur ma plaie rouverte. Dans un cri de guerre, j'ouvris mes doigts sur le vaurien. La bête se dressa sur ses pattes arrières en grondant. Je ne l'avais pas manqué, en tout cas, puisque je voyais tout son flanc droit couvert d'une longue blesssure suintante de sang. À cet endroit précis, la fumée émanante s'intensifia en volutes.
Sans donner le temps au Blackdog de contre-attaquer, je lui envoyai une deuxième boule de flammes. Il s'écroula alors contre un arbre. Le voir comme ça me fit mal au cœur, mais on va dire que c'était de la légitime défense. Je me revelai alors tant bien que mal. Je jetai un œil aux cinq autres créatures debout qui me scrutaient de leurs yeux rouges.
- Pourquoi toi vouloir voir Alpha de Meute Mortras ? aboya un Blackdog en mon attention.
- Je dois lui parler, répondais-je simplement. Vous êtes la meute Mortras, c'est ça ?
- Oui, fit une autre créature en grondant.
- Où est votre Alpha, alors ? pressai-je, impatiente.
- Alpha pas devoir être dérangé par Feary mécontente !
Je levai les yeux au ciel avant d'exploser une boule de flammes aux pattes du Blackdog.
- Dis moi où il est ! crachai-je.
En guise de réponse, tous les Blackdogs, même celui que j'avais envoyé à terre grondèrent. Je vis alors leurs griffes briller. Soudainement, elles s'allongèrent et changèrent de couleur. Une griffe sur deux était rouge, l'autre dorée. Cela rendait les Blackdogs magnifique. Pour une voix que je voyais un peu de couleur sur leur corps noir !
Ils s'avancèrent alors tous d'un pas dans une démarche militaire. Terrifiée à l'idée qu'ils me transpercent de leurs nouvelles griffes aiguisées, je reculai, jusqu'à tomber sur un arbre. Je lis dans leur regards toute la cruauté dont ils pouvaient posséder. Je serais sans doute leur repas, à présent. En même temps, quelle idée de les provoquer !
Un Blackdog fit un autre pas en avant, ce qui réduit considérablement le petit mètre qui nous séparait. Il leva alors la patte, avant de la redescendre rapidement vers ma jambe étalée au sol. Je faisais peine à voir, j'étais dans la même position que la fillette Ÿkalielle. Surtout lorsque les griffes du Blackdog pénétrèrent dans ma peau en déchirant au passage mon nouveau pantalon gris. J'hurlai de douleur tandis que la créature remuait ses lames à l'intérieur de ma chaire pour réduire lambeaux mes muscles. Je vis rouge. Un second hurlement de ma part déchira l'air alors que je tendais une main vers la cruelle créature qui prenait du plaisir à me voir souffrir.
Un flash rouge lumineux éclaira bien vite la petite clairière. Une boule de flammes s'écrasa contre le Blackdog qui hurla à son tour. Il retira ses griffes de ma jambe droite sans douceur, ce qui me monta les larmes aux yeux. La bête recula en secouant sa tête de droite à gauche, les yeux clos, ces derniers certainement carbonisés. Le demi cercle de Blackdogs formé autour de moi s'agita. Une créature prit le relais de l'autre pour se jeter sur moi. Je ne reçu pourtant aucun choc. Un nouveau mur de Manaa s'était formé autour de moi, alors l'ancien protégeait la juene fille. Une vague d'Énergie repoussa les créatures. J'ouvris mes doigts dans leur direction, pour leur envoyer une boule de flammes qui se changea en Énergie Violette lorsqu'elle entra en contact avec le mur d'Énergie bleue.
Un cri apeuré des Blackdogs me parvint aux oreilles, ce qui me fit sourire malgré la douleur qui me lançait à la jambe.
- Amenez-moi l'Alpha où je continue ! les menaçai-je en essayant d'être ferme.
- Moi être là, gronda soudainement une voix.
Tous les Blackdogs se figèrent alors. Ils se plaquèrent tout à coup au sol en signe de soumission au nouveau venu qui sortait des taillis sombres. Son pelage était immaculé de touffes blanches. Son regard froid, perçant et de couleur or me scrutait dans les moindres détails. Il s'approcha de moi, le pas lourd. Sur son front était tatoué le même symbole que ses semblables, de la même couleur que les griffes sorties des créatures qui essayaient de me torturer plus tôt.
- Quoi toi vouloir ? gronda l'Alpha en se penchant vers moi.
Intimidée, je frémis avant de me reprendre.
- Je veux des explications.
Le Blackdog blanc me laissa me relever. À présent debout, je surplombait la bête sans l'impressionner.
- Pourquoi attaquez-vous le village de Bonoville ? questionnai-je d'une voix fluette.
- Fearies attaquer en premier Blackdogs. Eux avoir tué Blackdogs. Donc Meute Mortras vouloir se venger en tuant Fearies, cracha l'Alpha en implantant ses griffes luisantes dans le sol.
- Je suis là pour vous aider ainsi que les Bonovillois, déclarai-je. Il faut que vous partiez d'ici pour régler tous les problèmes. Les Bonovillois seront contents et vous aussi, puisque vous êtes vengés.
- Non ! gronda l'Alpha. Meute Mortras pas contente si Fearies être contents.
Je réprimai un soupire. Il ne fallait surtout pas que j'énerve le Blackdog blanc si je voulais avoir gain de cause.
- Vous ne pouvez pas continuer à tuer ! Sinon, mes amis vont vous tuer et je devrais aussi le faire. Donc, soit vous tuez et vous vous faites vous-mêmes tuer, soit vous partez et tout le monde est content.
- Non ! beugla de nouveau le Blackdog. Si Fearies attaquer Meute Mortras, Meute Mortras les tuer !
- Et à quel prix ? Pour qu'en fin de compte, il ne reste que vous comme unique survivant ? fis-je, essayant de le dissuader.
- Non, Meute Mortras rester entière, même après attaque. Meute Mortras être forte ! Fearies d'Eel être cinq et Meute Mortras être quarante Blackdogs ! gronda l'Alpha sans culpabiliser.
Je faillis m'étrangler avec ma salive. Quarante ?! Quarante créatures errantes assoiffées de vengeance ?! Pas étonnant que même les plus valeureux guerriers de Bonoville n'ont pas réussi à détourner les intentions de l'Alpha !
Je réfléchis à toute vitesse à un moyen pour libérer Bonoville du siège des Blackdogs. Une idée farfelue me monta à la tête. Impossible à gérer. Je prévoyais déjà la catastrophe. Pourtant, l'objet de mon plan sortit des taillis en aboyant furieusement contre les créatures.
Ëphrézias.
Il était là, dressé sur ses pattes arrières, au centre du demi cercle formé par les six Blackdogs de la Meute Mortras. L'Alpha, lui, ne me quittait pas des yeux. Je lançai un regard désespéré à mon ami. Je croisai alors son regard jaune et perçant. En un coup d'œil, il venait de me faire comprendre qu'il maîtrisait la situation.
- Frost devoir écouter Humaine ! gronda le bel Alpha au symbole de l'œil bleu.
Le dénommé Frost - l'Alpha de la Meute Mortras - se retourna violement vers Ëphrézias, qui, lui, esquivait habilement un Blackdog noir qui lui avait bondit dessus, toutes griffes dehors.
- Pourquoi ? beugla Frost en grondant. Ëphrézias être bête de faire confiance à Humaine !
- Non ! Cristal Démon faire confiance à Humaine ! Ëphrézias et Frost aussi ! riposta l'Alpha aux yeux jaunes en envoyant à terre un autre Blackdog qui l'avait attaqué de dos.
- Cristal Démon..., grommela Frost en faisant le gros dos. Cristal Démon pas pouvoir avoir confiance en Humaine !
- Si ! Humaine être Élue de prophétie ! gronda le loup en se redressant sur ses pattes arrières pour intimider les trois Blackdogs qui s'apprêtaient à lui foncer dessus.
Frost resta silencieux, il semblait réfléchir. Pendant ce temps, Ëphrézias gronda une nouvelle fois avant d'envoyer rouler contre un arbre un Blackdog trop envahissant. Ce dernier ne se releva pas.
- Ça suffit ! gronda soudainement Frost. Blackdogs, arrêt !
Tous ses semblables se replièrent alors, la tête et la queue basse. Ëphrézias quant à lui implantait ses griffes souillées de sang dans la terre, pour ne pas bondir à son tour. Il grondait et sa queue tranchait furieusement l'air. Ses oreilles fièrement dressées sur sa tête se penchaient vers Frost. Sa truffe était repliée sous l'effet de la colère et son pelage était hérissé de partout. Sa gueule tremblait presque sous ses grondements provenants de sa gorge. Les babines retroussées et le regard colérique, il attendait que Frost daigné à nouveau parler.
- Meute Mortras être sur son territoire ! Meute pas vouloir partir car Fearies pas contents !
- Non, Frost et Meute Mortras partir car Ëphrézias et Meute Bloodras prendre ce territoire ! gronda Ëphrézias en retour.
- Pourquoi ? beugla Frost en crachant.
- Car Meute Mortras vouloir tuer Fearies.
Frost gronda comme pour rire. Ce rire sonore résonna parmi les arbres. Cela était terrifiant.
- Ëphrézias pas pouvoir prendre territoire à Meute Mortras ! Meute Bloodras être trop faible.
À ces mots, un semblant de sourire cruel se dessina sur les babines de l'Alpha aux yeux jaunes de la Meute aux Blackdogs ayant le symbole de l'œil bleu sur le front - soit la Meute Bloodras.
Quelques secondes plus tard, j'entendis des hurlements déchirer l'air. Je ne compris que trop tard ce qu'il était en train de se passer. Déjà les Blackdogs de la Meute Mortras tombaient lourdement au sol, sous les coups ennemis des Blackdogs de la Meute Bloodras qui sortaient miraculeusement des taillis. Soudainement, Ëphrézias se jeta sur Frost pour le clouer au sol.
- Ici être nouveau territoire de la Meute Bloodras, gronda-t-il.
Pour ma part, je me précipitai vers Ÿkalielle qui hurlait de terreur en voyant arriver tout un tas de Blackdogs. Même ceux de la Meute Mortras arrivaient en renfort, sûrement prévenus par les grondements dû aux affrontements.
- J'ai peur, sanglota la jeune fille.
- Ce sont mes amis, les Blackdog au troisième œil bleu, dis-je pour la rassurer.
- T-tu as de d-drôles d'amis, fit la petite fille avec un semblant de sourire.
- En tout cas, rien ne nous atteindra, la rassurai-je en ouvrant mes paumes pour renforcer le mur de Manaa qui nous entourait.
J'entendis un grondement sourd se rapprocher sur ma droite. C'était un Blackdog aux griffes rouges et dorées qui fuyait le combat en aboyant de douleur. Une énorme plaie lui zébrait le flanc gauche.
La clairière était innondée de Blackdogs au pelage noir. Seules deux silhouettes blanches se détachaient de cette mare obscure. Les Alphas. Ces derniers roulaient dans la terre, les deux essayant de voler la domination de l'autre. Soudainement, je vis Ëphrézias se faire plaquer un sol. Frost en profita pour plonger et mordre violement l'Alpha au sol au cou. Prise de panique en voyant Ëphrézias battre des pattes sans toucher Frost, je tendis automatiquement mon bras vers le Blackdog qui tuait mon ami. Mon point fermé, je me concentrait pour diriger un maximum d'Énergie dans ce point. Une vague menaçante de Manaa me transperça le corps. Brutalement, j'ouvris mes yeux et mes doigts. Un rayon rouge illumina la clairière en une demi seconde. À peine eu-je le temps de réaliser que mon attaque pourrait tuer Frost que cette dernière s'abattait violement sur le Blackdog blanc en cramant, au passage, toutes les fourrures sur le passage du rayon.
Le hurlement de l'Alpha déchira l'air. Tous se figèrent, tandis que Frost tombait lourdement au sol. Quant à moi, je resserrai à nouveau mon point et contemplai la scène. Le Blackdog semblait agoniser au sol tandis qu'Ëphrézias se remettait sur pieds pour le toiser du regard. Frost émit un long râle.
- Cristal Démon vous avoir donné force pour vaincre Meute Mortras. Alors Meute Mortras partir ailleurs puisque Cristal Démon vouloir.
Le Blackdog cracha du sang avant de reposer lourdement sa tête au sol.
Sur ces mots, tous les Blackdogs de la Meute Mortras partirent vers le Sud, la lisière sur ma droite de la clairière. Ils décampèrent tous en suivant l'ordre de leur Alpha. D'ailleurs, ce dernier convulsait toujours sur le sol. Je m'en voulais de lui avoir causé autant de mal. Je ne m'étais pas contrôlée, comme à chaque fois.
Ëphrézias agita sa queue et tous ses semblables partirent vers l'Est, le côté de la lisière de la forêt en face de moi. Il ne restait bientôt plus que les deux Alphas au centre de la clairière.
- Frost avoir fait bon choix, commenta mon ami.
- Meute Bloodras être guidée par Cristal Démon, alors Frost devoir suivre ordre de Ëphrézias, gronda faiblement le deuxième Alpha.
Je croisai le regard d'Ëphrézias et hochai de la tête. Encore une fois, je pouvai traduire ses intentions dans son regard. Alors, je me levai et pris dans mes bras la petite fille qui pleurait doucement.
Je pris la direction de Bonoville. Lentement mais sûrement, nous arrivâmes bientôt devant la grande muraille de bois. En même temps, un cri semblable à celui de Frost résonna parmi les arbres. Je baissai la tête. Je constatai alors qu'Ÿkalielle s'était endormie dans mes bras, bercée par ma marche régulière. Je souris en voyant ses traits innocents et enfantins. Puis je la vis ouvrir un œil, puis son second. Elle me souria à pleines dents avant de me passer autour de mon poignet gauche un superbe bracelet d'argent avec des Blackdogs et des fleurs accrochés comme pendentifs. J'interrogeai du regard la jeune fille.
- Papa me l'avait donné car je l'avais sauvé en le prévenant qu'un Blackdog lui arrivait de dos, lorsque nous étions seuls dans les bois. Aujourd'hui tu m'as sauvée, et c'est à moi de te l'offrir, me dit-elle doucement avant de poser sa tête contre mon épaule gauche et de se rendormir.
Je souris tristement. C'était un magnifique bracelet, en effet. Et une très triste histoire se cachait derrière cette matière d'argent.
- AMÉLIE ! me hurla une voix.
Bientôt, Nevra et tous les gardiens de la mission arrivèrent en trombe dans mon champ de vision. Le Chef de la Garde de l'Ombre me scruta un instant avant de me prendre dans ses bras et d'enfouir sa tête dans mon cou.
- Tu es folle, ma parole, me souffla-t-il avant de s'écarter.
Thorian s'approcha à son tour et prit la jeune fille endormie dans ses bras. Time, quant à elle, me sauta littéralement dans les bras.
- On t'a cherchée partout ! Nous nous sommes beaucoup inquiétés lorsque nous avons entendus les hurlements.
Puis elle me lâcha enfin, voyant que je ne répondais pas. J'étais encore sonnée des événements pour bien leur parler. Alors je me contentais du silence habituel.
- Tu es blessée ! scandalisa mon amie avant de trifouiller quelque chose dans son sac.
Elle m'enfonça alors un flacon dans la bouche et me fit avaler de force une mixture. De son goût je reconnu une potion de soin. Il fallait dire que depuis mon arrivée ici, j'en avais goûté beaucoup.
Je jetai un coup d'œil à Malïova qui scrutait le ciel, pensive. Lorsqu'elle croisa mon regard, elle se tendit et me lança des regards mauvais.
Je soupirai alors. J'étais trop fatiguée pour lui répondre quoi que ce soit, même avec mes yeux.
- La menace des Blackdogs est éloignée, j'imagine ? posa malicieusement Nevra.
J'hochai de la tête et il soupira à son tour.
- C'était ultra dangereux de ta part, ce que tu as fait, Amélie ! Tu ne t'en rends peut être pas compte mais tu nous as mit dans une situation délicate ! Nous ne pouvions aller te chercher, c'était mettre des vies en plus en danger. Et nous ne pouvions laisser sans surveillance le village. L'Oracle soit louée que son Élue soit toujours en vie ! me sermonna le brun en passant sa main dans ses cheveux, signe de nervosité.
- Désolée, articulai-je avec peine.
Il soupira de nouveau et s'avança vers moi. Il glissa alors ses mains derrière mon dos et m'attire contre lui. Avec soulagement, je posai ma tête contre son cœur. Nevra me serra plus fort encore en caressant mes cheveux d'une main. Sans m'en rendre réellement compte, je fermai mes yeux et souriais. Je pouvais enfin le reposer, ma mission s'arrêtait enfin.
Alors, je soupirai de bonheur et me laissait bercer dans les bras de Nevra sur le rythme de son cœur, afin de prendre les mains que me tendaient mes ténèbres habituelles.
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