- IX - Pärchen
— Elenore. Elenore !
Une voix résonnait dans l'esprit de la jeune femme. Ses cheveux châtains étaient emmêlés, épars sur l'oreiller où sa tête reposait.
Lentement, elle reprit contact avec la réalité et ouvrit les yeux.
Le soleil devait être assez haut dans le ciel, et le chant des oiseaux, à travers le battant de la fenêtre, parvenait à ses oreilles. Quelqu'un l'avait-il appelé ? Sa vision était encore un peu trouble aussi elle frotta sans élégance ses yeux de ses mains.
C'est un visage âgé qui apparut dans son champ de vision. Même à moitié consciente, elle ne put que reconnaître son crâne chauve, sa moustache soignée, ses fossettes aux joues, ses rides autour de ses yeux à l'aspect d'or.
— Papi..xis ?! Interrogea t-elle en se redressant sur son lit.
Peu à peu, les éléments se réimbriquèrent dans son esprit. Oui.. Sa survie, son malaise, et son long sommeil.
Le gradé de la Garnison la regarda, les yeux étonnement brillants.
Il était ému. Ému de savoir qu'elle était passée si près de la mort et qu'elle était malgré tout revenue.
Pixis retenait à grand peine des larmes de soulagement. Il s'était vraiment attaché à cette petite, avec le temps, et l'idée de la perdre suffisait à le rendre malade.
— L'on m'a raconté tes aventures, il semblerait que j'ai l'honneur de rencontrer la première dompteuse de titans.
Elenore esquissa un sourire, et, se sentant encore un peu faible, tendit les bras vers lui.
Pixis fit de même et se pencha pour serrer contre lui la jeune femme. Elle se sentit rassurée dans cette étreinte agréable et familière.
— Je suis content que tu aies tenu ta promesse. Que tu sois encore en vie.
Sa voix menaçait de trembler mais il se contint à grand peine. Il avait perdu tous les membres de sa famille, lors d'une terrible épidémie.. Et il avait trouvé en Elenore le reflet de ce qu'avait autrefois été l'affection familiale.
Et elle, elle était ravie de trouver à son chevet celui qui finalement, s'était, pour elle, le plus approché d'une famille normale.
De sa poche de veste, le vieil homme sortit un bracelet en or qu'elle reconnut immédiatement.
— Oh ! Je croyais l'avoir perdu ! Fit-elle, heureuse en voyant Pixis le lui enfiler au poignet.
— C'était bien le cas.. Il était brisé mais je l'ai fait refaire avec les débris. C'est un de tes amis qui l'a récupéré.
— Qui était-ce ? Demanda t-elle, curieuse, il faudrait que je le remercie !
— Je n'en sais rien, malheureusement, Elenore.
La jeune femme baissa la tête vers son poignet intact, encerclé par le bracelet réparé.
— Oh.. dommage.
Pixis eut un léger sourire en coin.
— L'infirmière m'a dit que tu en aurais pour un mois et demi de rémission. Et comme il est hors de question que tu t'entraînes, je pensais que tu pourrais revenir loger quelques jours à la maison ? Pour te reposer ? Et puis si tu t'ennuies, je t'emmènerais aux rondes de la Garnison.
Le visage d'Elenore s'illumina.
— Oh ! J'en serai ravie !
Pixis la regarda attentivement :
— Pour cela, j'attendrais que tu sois au moins un peu remise.. Tu es dans un état.. Enfin.. L'important, ce que tu sois en vie. Et puis, dans l'histoire, tu as encore tous tes membres !
Elenore hocha silencieusement la tête.
— Oui.. J'ai eu de la chance, contrairement à certains de mes camarades..
Son visage s'était assombri, elle repensait aux corps froids et déchiquetés de ses amis. De Furlan, d'Isabel, de tant d'autres..
Le vieillard passa doucement sa main sur la tête de sa protégée.
— Je sais que c'est dur, et dans le Bataillon, vous êtes souvent confrontés à la mort de vos camarades. La seule chose qu'il te reste à faire, c'est vivre le plus longtemps possible, afin de libérer l'humanité, comme tu le souhaites tant. C'est ce que tu as toujours voulu. Et c'est ainsi que tu honoreras leur mémoires.
Elenore releva ses yeux dorés vers le commandant. À ses yeux dorés, si semblables à ceux de Pixis, perlaient deux gouttes salées.
— Merci, Papixis.
Ce dernier esquissa un large sourire, fermant de ce fait ses yeux, bordés par des rides marquées.
— Je dois y aller.
Le vieil homme se leva de la chaise où il était assis, se rapprocha d'elle et lui embrassa le front affectueusement. S'éloignant de quelques pas, il lui dit :
— Repose toi bien, Elenore.
La jeune femme acquiesça doucement en regardant Pixis se diriger vers la porte de l'infirmerie.
Juste avant de partir, il glissa à voix basse :
— Je suis content que tu sois en vie.
Elenore eut un léger sourire.
— Moi aussi, Papixis.
La porte de l'infirmerie se referma assez silencieusement, seul le son du pêne dans la serrure parvint aux oreilles de la convalescente.
Où était Magdalene ? Les autres blessés ?
Regardant en direction de la fenêtre, elle songea qu'il devait être environ onze heures et demie. Les autres devaient être en train de s'entraîner pour encore quelques minutes. Si elle se levait, elle pourrait les rejoindre ? Après tout, Magdalene n'était pas là pour l'en empêcher.
En silence, Elenore se leva doucement, précautionneusement. Ses mains ne lui faisaient plus aussi mal et sa tête ne tournait plus. En revanche, ses côtes étaient très douloureuses, comme son poignet solidement coincé dans une attelle en bois.
Le plancher de la pièce craqua légèrement sous son poids et elle tenta de ne pas y prêter trop d'attention. Rejoignant la porte, elle l'ouvrit et se glissa dans les couloirs, seulement vêtue d'un simple pantalon de toile blanc et d'un large haut à manches courtes de la même teinte.
***
— L'entraînement est fini ! Claironna la voix douce de Fynn à l'intention des soldats.
Sous le regard attentif de Fynn et du major les soldats s'arrêtèrent. L'entraînement avait été intense, ce matin.
Des différents terrains, des soupirs satisfaits s'élevèrent et c'est une Hansi en pleine forme qui atterrit souplement au sol avant de rembobiner les câbles de son équipement.
Egon atterrit non loin d'elle quelques secondes plus tard et elle se tourna vers lui, radieuse.
— J'ai battu mon record !
Il sourit en retour à cette jeune femme si optimiste.
— J'ai vu ça ! Mefiat ou tu finiras par dépasser Livaï ou Elenore !
Hansi explosa de rire, avant de faire une moue résignée :
— Est-ce seulement possible ?!
Son air boudeur fit sourire davantage Egon qui, pris d'une soudaine impulsion, se pencha vers elle.
— Hansi.. L'appela t-il doucement.
La brune leva les yeux vers lui et croisa du regard ses prunelles bleues. Il la regardait avec une telle intensité qu'elle sentit ses joues s'échauffer.
— Ou.. oui ?
Il parut soudain mal à l'aise et maladroit.
Nerveusement, il bégaya :
— J'ai.. euh.. j'ai quelque chose à te dire.
Autour d'eux, les soldats partaient en direction du réfectoire mais les deux amis restaient là, l'un devant l'autre, sans prêter attention au monde extérieur.
— Et bien.. murmura Egon.. Je voulais savoir ce que.. Rah.. zut. Est-ce que.. tu.. enfin..
Il s'était subitement mis à rougir et Hansi n'était pas en reste. Les yeux bleus du jeune homme regardaient alentour, nerveusement.
— Je voulais te dire que.. je te connais depuis un moment et que..
Au fur et à mesure que ces phrases s'allongeaient, il paraissait un peu plus gêné et malgré ses joues écarlates, il continuait :
— Je t'apprécie énormément.. Tu es une fille formidable et.. belle, et intelligente.. je voudrais me laisser à espérer.. qu'on puisse être.. plus.. que des amis.
Hansi, en face de lui, avait pris un teint cramoisi. Si en se levant ce matin, elle avait su qu'elle aurait dans la journée la déclaration d'Egon ! Elle devait avouer que depuis plusieurs mois, le jeune homme hantait toutes ou quasiment toutes ses pensées.
Seulement, de peur que ses sentiments ne soient pas réciproques, elle avait enfoui cela bien profondément en elle. Elle ne voulait risquer son amitié avec Egon pour rien au monde.
Était-il possible que ce qu'il se passe actuellement soit vrai ? Est-ce qu'elle rêvait ?
Egon releva les yeux vers le visage d'Hansi et fut surpris de voir ses prunelles brunes noyées de larmes contenues.
— Hansi ? Appela t-il timidement. Je suis.. désolé. Je ne voulais pas te faire de peine.
Il était embarrassé et se sentait mal vis à vis de son amie sans même savoir qu'intérieurement, elle était folle de joie.
— Eg..on.. C'est.. c'est pas ça.. Je suis.. Heureuse.. Vraiment heureuse !
Alors, le jeune homme releva des yeux pleins d'espoir vers la brune.
Elle souriait largement, et quel sourire ! Quelques larmes ruisselaient sur ses joues et il s'approcha doucement pour enlacer la jeune femme.
Ses bras fort entourèrent les épaules d'Hansi qui remonta doucement ses mains dans le dos d'Egon.
Après une longue étreinte, ils se regardèrent yeux dans les yeux.
Entre eux, une envie pressante se fit ressentir et augmenta davantage quand le regard d'Egon dériva vers les lèvres fines de la jeune femme.
— Han..si. Murmura t-il en s'approchant doucement de son visage.
Elle eut un léger sursaut en sentant leurs souffles se mélanger. Mais elle se sentait si bien, cette sensation était si agréable. Son estomac semblait se tordre dans tout les sens.
Egon, lui, n'entendait même plus ses propres pensées tant son cœur battait fort à ses tympans.
Il frôla le nez d'Hansi du sien et finalement, obliqua légèrement la tête en déposant doucement ses lèvres sur celles de la jeune femme.
Hansi tressaillit. Comme un feu d'artifice semblait exploser dans son esprit. Elle pressa un peu ses lèvres contre celles du jeune homme qui glissa une de ses mains à l'arrière de sa nuque, sous sa queue de cheval en bataille.
Ils restèrent là un instant, assommés par ces sensations exquises mais si diverses. Egon serra de son bras libre la taille d'Hansi tandis que celle-ci agrippait fermement le col du jeune homme.
Le monde autour d'eux avait disparu. Leur monde naissait. Plus beau, plus coloré, plus savoureux, plus joyeux que celui dans lequel il était nés. Penchés l'un sur l'autre, ils semblaient ne vouloir faire qu'une même personne, et même leurs cœurs battaient à l'unisson. Leur battements synchronisés pulsaient aux oreilles de nos deux amoureux.
Egon recula sa tête doucement, et Hansi réalisa à cet instant qu'elle avait retenu sa respiration tout ce temps. Elle expira et inspira sans quitter du regard celui qu'elle aimait. Leurs yeux si opposés se fixaient, perdus dans une réalité estompée.
C'est un peu discret applaudissement qui les interrompit.
Simultanément, ils tournèrent la tête avant d'apercevoir à l'arbre de l'arbre le plus proche la convalescente.
Aussitôt, ils reprirent contact avec la réalité et Egon lâcha Hansi qui se précipita vers la châtain.
— Elenore !
Egon esquissa un sourire, s'approchant à pas lents.
Elenore jeta à peine un regard à Hansi avant de murmurer :
— Je suis vraiment heureuse pour vous, depuis le temps que j'attendais cela !
Hansi vira au rouge et Egon lui même rosit légèrement.
— Mais.. Elenore ! Tu es folle ! Magdalene a interdit que tu te lèves avant une semaine au moins !
La jeune femme eut un rire.
— Comment voulez-vous que je reste tranquille quand je sais que sans moi vous faîtes des âneries..
Egon posa doucement une main sur l'épaule d'Elenore.
— Sans toi ? À vrai dire, c'est lorsque tu es là que nous en faisons le plus.
Les trois amis rirent, même si Elenore se contint particulièrement, ses côtes douloureuses encore.
Quand ils se clamèrent enfin, Hansi s'inquiéta :
— Non mais, Elenore.. Que vas tu faire pour Magdalene ?
La châtain sourit doucement.
— Rien. Je vais bien, je veux juste profiter de quelques jours avec vous avant de partir en rémission chez Pixis.
La brune écarquilla les yeux.
— Il est venu ?!
Elenore hocha doucement la tête.
— Oui. Me faire la proposition de passer ma convalescence à la maison et me rapporter ça.
En parlant, elle monta légèrement son bras, leur exposant le bracelet réparé.
— Mais.. Il était.. Commença Hansi.
— Brisé. Termina Egon en un soupir.
Elenore regarda à travers les arbres du terrain.
— Il a été fondu et à nouveau moulé. Papixis m'a dit que c'était un de mes amis qui avait récupéré mon bracelet. Merci.
Egon se gratta nerveusement la nuque, intervenant :
— En fait.. Ce n'est pas nous..
— Mais alors.. qui ?!
— Livaï. Répondit Hansi.
— Livaï ? Demanda Elenore pour confirmer.
— Oui. C'est lui qui a récupéré les débris du bracelet pour le rapporter, ajouta Egon.
Le visage d'Elenore afficha une expression fugace.
— À propos.. Où est-il ? Je ne l'ai pas vu.
— Oh.. Tu sais.. Débuta Egon.
— Et bien.. Il.. n'est pas comme avant.
— C'est à dire ?
— Il est vraiment froid et méprisant.. Il l'était déjà avant mais la situation empiré les choses. Il est taciturne et nous évite en permanence..
C'était Egon qui venait de dire cela et Elenore soupira. Pourquoi Livaï se comportait-il ainsi ?
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