La cour de terre battue était grande, vraiment grande. Une centaine de personnes se tenaient là pour le moment, habillées en civil. Une soldate, à côté d'un chariot, leur faisait signe. 

— Jeunes recrues, par ici, venez récupérer votre uniforme ! 

Bien vite, une file désordonnée se mit en place avec pour objectif d'atteindre le chariot. 

Une voix menaçante se fit entendre :

— Recrues ! Qu'est-ce que c'est que cette file immonde ?!! En rang !!

Le cri en avait fait sursauter plus d'un et les recrues eurent tôt fait de se mettre sagement en rang deux par deux. 

— Bien ! Je préfère ça ! Discipline et Ordre ! Voilà les deux maître-mot de votre vie dès à présent !

Les plus jeunes et les plus crédules de ceux qui étaient là tremblaient. Keith Shadiz, leur instructeur, paraissait féroce. Il dardait sur eux son regard gris sans pitié.

La soldate leur distribuait les tenues et peu à peu, la file s'amenuisait. 

Quand vint le tour d'Elenore, elle reçut un sourire de la part de la soldate qui la jaugea du regard pour savoir quelle taille de vêtement lui donner.  

— Tiens, voilà ton uniforme. 

Elenore la remercia doucement et sourit en retour à cette jeune fille brune aux yeux marrons amicaux. 

— Merci. 

S'éloignant, elle trouva un endroit à l'abri des regards où se changer. Elle n'avait aucune envie de faire encore une fois la queue pour atteindre les tentes où les autres se changeaient. 

Elle déplia les vêtements, admirant la qualité des tissus. Le pantalon blanc était léger et agréable à porter et quand elle l'enfila, elle se souvint de la sensation qu'elle éprouvait autrefois quand elle s'habillait.. Sauf que cette fois-ci, elle entrait dans l'armée, avec pour objectif, le Bataillon !

Elle mit ensuite les bottes hautes en cuir souple brun, qui venaient recouvrir l'articulation du genou. Faisant quelques pas, elle constata le confort des chaussures. 

C'est normal, si l'on doit courir ou sauter avec, autant qu'elles soient confortables.. Songea t-elle. 

Ensuite, elle regarda le dernier élément de la tenue. Le gilet brun clair court au dos duquel s'étalait l'écusson gris barré de deux épées croisées. Sur les épaules aussi se tenait ce symbole, en plus petit. 

Avec un brin d'excitation, elle enleva sa veste et rajusta sa chemise correctement, la rentrant dans son pantalon blanc avant d'ajuster la ceinture par-dessus. Puis, elle arrangea le col et mit avec émotion le gilet clair. 

Se voir dans cette tenue lui procura une joie tranquille. Elle y était. Dans l'armée. 

Mettant en boule son pantalon noir et sa veste, elle les jeta dans son sac qu'elle posa, appuyé contre la cabane. 

Puis, rejoignant les autres, elle se retourna en percevant un léger sifflement. 

— Dis donc ! On dirait que j'ai eu l'œil ! Cet uniforme te va à merveille !  

Elle sourit en reconnaissant la fille de tout à l'heure, qui lui avait donné son uniforme. 

— Merci, c'est gentil ! 

La jeune fille sourit elle aussi avant de tendre la main gauche vers Elenore. 

— Je m'appelle Hansi Zoe. Et toi ? 

 — Elenore. Elenore Brooke. 

Dit-elle en saisissant la main tendue avant de la serrer énergiquement.

— Enchantée de faire ta connaissance. 

— Moi de même ! 

Elenore observa un instant la jeune fille en face d'elle. Elle avait de longs cheveux bruns coiffés négligemment en queue de cheval, des yeux marrons clairs brillants et rieurs, une paire d'épaisses lunettes reposait sur le haut de son crâne, astucieusement retenue par des cordons qui passaient à l'arrière de sa tête. Elle était mince et svelte, assez grande pour son âge. Quelque chose comme 1m70.

Hansi, de son côté en faisait de même, détaillant la jeune fille. Ses longs cheveux châtains étaient soigneusement tressés. Son visage, sympathique et souriant, laissait entrevoir quelques légères tâches de rousseur sur les joues et le nez. Des yeux particuliers, d'une lueur d'or, reflétaient une gentillesse sans borne et une bonne humeur évidente. Elle n'était pas très grande, plus petite qu'Hansi mais elle paraissait de toute évidence en excellente forme physique. 

— D'où est-ce que tu viens ? Demanda avec curiosité Hansi. 

Elenore camoufla son malaise derrière un sourire avant de répondre :

— Euh.. J'habitais à côté du district de Trost, dans l'enceinte du mur.

— Ah tu viens du Sud ! Moi aussi, j'habitais pas très loin, dans une maison d'accueil !

— Tu n'as pas de parents ? 

— Non, ils sont morts d'une épidémie quand j'étais jeune.. Et toi ? 

— Je suis orpheline aussi..

Hansi sourit largement avant de dire :

— Qu'est-ce que tu viens faire à l'armée ? 

— C'était mon rêve de pouvoir y entrer ! Je veux rejoindre le Bataillon d'exploration ! 

— Oh.. ça alors ! Moi aussi !! Moi je rêve de pouvoir découvrir exactement qui sont les titans ! 

— Découvrir.. qui.. sont.. les titans.. Genre.. faire des expériences sur eux ?! 

Le regard d'Hansi s'illumina d'un coup. 

— Exactement ! Je suis une passionnée des sciences, j'adorerais mener des expériences sur eux ! Mais déjà, il faudrait qu'on en trouve un et qu'on le ramène dans les murs !

Elenore sourit à Hansi. 

— C'est un rêve qui sera sûrement très utile à l'humanité !

La brune sourit plus largement, regardant avec gentillesse Elenore. 

— Quoi ? Finit par demander cette dernière. 

Hansi fixa les yeux d'Elenore avant de dire d'une voix enjouée :

— Tu es la première personne qui ne me prend pas pour une folle !

Elenore sourit.

— Et bien.. c'est un rêve honorable ! Moi je veux sortir des murs ! Je veux découvrir le monde extérieur ! 

— Moi aussi, je me demande, ce qu'il y a à l'extérieur des murs !

Les deux jeunes filles, toutes excitée, ne virent pas s'approcher l'homme chauve à la moustache grise qui les regarda avant de toussoter. 

— Hum hum.

Elenore se retourna immédiatement en souriant. 

— Papixis ! 

Hansi, qui eut d'abord envie de rire à cause du surnom ridicule se raidit en le reconnaissant tandis qu'Elenore lui sautait au cou. 

— Je vois que tu es passée sans difficulté cette fois ! Dit-il avec un sourire. 

— Oui ! C'est plus facile maintenant que j'ai le bon âge pour m'engager ! 

Le vieil homme s'accroupit, regardant la jeune fille avec un brin d'émotion. 

— Tu as bien grandi depuis ce jour-là.. Je suis très fier de tes progrès. Sois attentive et docile, progresse vite durant ton entraînement et tu deviendras la meilleure soldate du Bataillon !

Elenore sourit en disant :

— Tu peux compter sur moi ! 

Le commandant Pixis regarda un moment sa protégée avant de sortir de sa poche un paquet. 

— Ce n'est pas grand-chose mais pour fêter ton entrée à l'armée.. j'ai quelque chose pour toi. 

Avec lenteur, Elenore défit le paquet pour laisser apparaître un jonc en or, composé d'entrelas de feuilles. Le mettant à son poignet, elle sourit en disant :

— Merci.. 

Il sourit, caressant le haut de sa tête. 

— Il appartenait à ma jeune fille, qui s'appelait Rhyta. Elle est morte il y a dix ans, sans avoir atteint l'âge adulte.. Tu m'as immédiatement fait penser à elle, c'est pour ça que je t'ai recueillie. Je n'ai qu'une chose à te dire. Tâche de vivre plus longtemps qu'elle. 

Elenore sentit son regard s'humidifier légèrement. 

— Je te le promets. 

Il sourit et ouvrit ses bras dans lesquels elle se blottit. 

— On se revoit dans trois ans, en espérant que tu sois la première de ta brigade !

Elenore sourit tristement. 

— C'est sûr ! 

Il se releva, adressa un sourire et un signe de tête à Hansi avant de tourner les talons. 

Alors qu'il avait quitté la cour, Hansi se jeta sur Elenore. 

— Elenore ! Tu sais qui c'est ? 

— Ouais, c'est mon papi d'adoption ! 

— C'est surtout le commandant Pixis, le plus haut gradé de la région sud !!

— Oui je sais. 

— Mais.. Il t'a adopté ? 

— Ouais, il y a quatre ans quand je suis venue pour m'engager. 

Hansi eut un air stupéfait. 

— Tu as voulu t'engager à onze ans ?!

— Ouais ! J'avais hâte de devenir une soldate !

La brune eut un sourire en coin. 

— Je sens qu'on va bien s'entendre.. Tu es aussi folle que moi ! 

Elenore lui sourit en retour tandis qu'elles explosaient de rire. 

— Au fait, demanda t-elle une fois qu'elles se furent calmées, pourquoi est-ce que c'est toi qui distribuait les uniformes ? 

Hansi rigola doucement. 

— Je suis là depuis quatre heures du matin, tellement j'avais hâte ! Et comme le soldat chargé de distribuer était en retard, l'entraîneur m'a demandé de le remplacer jusqu'à ce qu'il arrive. 

— Ah ok ! Moi j'ai pensé que tu étais déjà une soldate.. 

Hansi eut un rire démonstratif. 

— Oh.. tu es mignonne de me dire ça, c'est gentil ! C'est sûrement parce que je suis grande en taille ! Mais non, je suis aussi nouvelle que toi ! 

Elenore sourit en coin, la regardant. 

Serait-ce elle.. ma première amie ? 

Soudain, Keith beugla : 

— En rang !!!

Cette fois toutes les jeunes recrues se mirent en rang, formant vu du ciel comme un immense quadrillage. 

— Je me présente (Je m'appelle Henri 🤣), je suis Keith Shadiz et pour votre plus grand malheur je serais l'entraîneur de la 91ème brigade dont vous faîtes partie ! Je préfère vous prévenir à l'avance, je ne serais doux avec aucun d'entre vous ! Si l'un de vous déserte l'entraînement, il sera recalé. Si l'un de vous n'est pas assez bon, il sera recalé. Si l'un de vous désobéit, il sera recalé. Vous risquerez vos vie dans cet entraînement qui durera trois ans et durant lequel je vous amènerai visiter l'enfer. Ne pensez surtout pas que ça sera facile ! Certains d'entre vous ne verrons même pas l'ombre d'un titan quand d'autres trouveront la mort le jour où cela arrivera !  

Des murmures se firent entendre. 

— SILENCE !!! Je vais passer dans les rangs pour inspecter vos uniformes. 

Les recrues, mains dans le dos restèrent le plus stoïque possible tandis que Keith passait dans les rangs, insultant, déstabilisant et provoquant certaines des recrues. 

Il passa devant Hansi et Elenore sans rien leur dire. Leurs positions étaient parfaites, leur expressions aussi et il esquissa même un sourire. Les avoir comme recrues allait s'avérer plus intéressant que prévu. 

Quand l'inspection s'acheva, il leur ordonna d'aller déjeuner dans le calme avant d'enchaîner avec l'après midi et la présentation de leurs différents instructeurs. 

Le repas était bon, aussi bon que lorsque Elenore vivait chez Dot Pixis, la viande en moins. Le commandant pouvait en manger deux ou trois fois par mois, ce qui était un luxe incroyable à l'intérieur des murs. 

L'après midi arriva et la présentation avec lui. 

Quatre instructeurs se chargerait de la formation en plus de Keith Shadiz. 

Gabriel Niehaus, brun aux yeux verts qui était chargé de l'enseignement théorique ; Jörn Riedel, roux aux yeux marrons qui leur apprendrait le combat corps à corps ; Kryss Hass, blonde aux yeux bleus qui serait en charge des expéditions de longues haleine et enfin Anja Seiler, brune aux cheveux frisés et à la peau mate qui veillerait à leur apprentissage du maniement de l'équipement tridimensionnel. 

Une fois que les présentations furent faites, on installa les recrues dans les cabanes, dans les différents dortoirs. On leur distribua à chacun un équipement, un emploi du temps, trois uniformes de rechange et d'autres fournitures utiles à leur formation. 

La journée, leur première au sein de l'armée, passa à toute vitesse. Quand, le soir, Hansi et Elenore se trouvaient allongées dans leur lits côte à côte, elle dit tout bas :

— Hé.. Hansi.. Tu dors ? 

La brune se retourna vers la châtain. 

—  Non pas encore.. 

Elenore se redressa en regardant sa nouvelle amie. 

— Je suis vraiment contente d'être ici.. 

— Ouais.. 

Se tournant, elle s'allongea sur le dos en croisant ses bras derrière sa tête avant d'ajouter. 

— Moi aussi, Elenore, je suis contente d'être là. 

— J'espère que tout va bien se passer demain à l'entraînement.. Murmura Elenore plus pour Hansi que pour elle qui maîtrisait déjà la plupart des disciplines. 

La brune laissa échapper un :

— Hmm. 

— T'es fatiguée peut-être ? Tu t'es levée tôt ce matin. 

Hansi sourit faiblement avant de bailler :

— Ouais.. je suis épuisée.. Je pense que je vais pas tarder à m'endormir.. Tu m'en veux pas ? 

— Non pas du tout au contrai..

Un léger ronflement interrompit sa phrase. Sérieusement ? Hansi venait de s'endormir comme ça ? 

Un léger rire passa les lèvres d'Elenore qui s'allongea dans son lit, fixant le plafond avant de lever son bras droit et de regarder le bracelet en souriant. 

— Ouais.. ça devrait bien se passer normalement. 

Puis, le sommeil guettant, elle finit par se laisser emporter par les songes, plongeant dans un repos profond et réparateur.