- 0 - Weglaufen

Elle s'arrêta, essoufflée, dans le renfoncement d'une ruelle sombre. Combien de temps encore tiendrait-elle ? Sa respiration, rapide, elle parvenait à grand-peine à la rendre la plus silencieuse possible.

Fermant les yeux l'espace d'une seconde en déglutissant lentement pour se calmer, elle se risqua à jeter un coup d'œil dans la rue qu'elle venait de quitter.

Sous son regard surpris, la rue, seulement éclairée par les rayons opalins de l'astre nocturne, s'avéra silencieuse et déserte.

Les ai-je semé ?

Levant une main tremblante vers son visage, elle rajusta derrière son oreille une de ses mèches châtains. En soupirant, elle songea à la raison de cette poursuite. Mais au moment où elle s'apprêtait à sortir de sa cachette, elle entendit plusieurs aboiements et des pas précipités.

- Merde.. grommela t-elle avant de décoller son dos du mur et de s'enfoncer davantage dans la pénombre de la ruelle.

Seulement, après quelques instants, elle perçut que les bruits s'approchaient. Accélérant l'allure tout en regardant derrière elle, elle percuta de plein fouet un mur. Tombée à la renverse, elle mit un moment à reprendre ses esprits. Elle était assise sur les pierres froides du sol et devant elle, s'éleva un haut mur.

- Triple merde.. Une impasse..

Elle expira, mécontente. Décidément, elle jouait de malchance.

Tandis qu'elle pensait cela, une idée brillante lui vint à l'esprit. Ces caisses là.. Et puis ce fil à étendre le linge.. Si elle utilisait ces éléments, elle pourrait peut-être atteindre le rebord du balcon et à partir de là prendre l'escalier jusqu'au sommet des toits ?

Prenant de l'élan, elle sauta sur les caisses, attrapa le fil et se balança tout son poids avant de lâcher prise.

C'était juste et seule une main parvint à agripper la barrière en fer du balcon. Mais elle n'était pas morte. Du moins pas encore. En soufflant, elle prit un moment pour que son cœur affolé s'apaise.

Fixant son regard sur l'escalier, elle commença à gravir les marches, rejoignant bientôt les toits des bâtiments. De toute sa vie, elle n'avait jamais vu la ville d'aussi près et se trouver là, sur les toits, en pleine nuit, lui procura une intense joie.

Elle se sentit vivre. Revivre. Comme si elle respirait pour la première fois. Comme si elle voyait pour la première fois. Comme si, soudainement, elle venait au monde. C'était donc cela, le goût de la liberté ? Comment avait-on pu vouloir l'en priver ?

Jetant un regard en arrière, elle sourit et au-dessus du coin de ses lèvres apparurent deux fossettes amusées.

- Ne vous en déplaise, père, je suis libre.

Inspirant profondément l'air froid de la nuit qui lui gelait les poumons, elle étendit les bras à droite et à gauche avant de répéter plus fort :

- Libre !

Une ivresse sans fin s'empara d'elle. Plus jamais. Plus jamais elle ne regarderait en arrière, elle voulait dire adieu à son passé, et elle le ferait.

- Elenore Brooke. Voilà ma nouvelle identité ! Murmura t-elle.

En contrebas, bien trop loin pour qu'elle ne puisse l'entendre, cinq hommes discutaient, ou plutôt se disputaient :

- Je t'avais dit de prendre à droite !

- Alex ! C'est ta faute tout ça !

- C'est toi qui nous a montré ce "raccourci" ! Raccourci de mes deux !

- Oh la ferme, fils de pute !

- Je ne te permet pas !

- Vous trois ! Cela suffit ! Nous devons rentrer de toute évidence bredouille. Ester nous a échappé. Il ne nous reste qu'à le rapporter à Son Éminence Marcus Windrosen..

Les quatre autres baissèrent les yeux. Leur maître était cruel et il était évident que celui qui aurait le malheur de lui annoncer la nouvelle n'en sortirait pas indemne.

À l'est, derrière l'immense mur, le ciel s'éclaircissait, signe que le soleil allait bientôt se lever.

Bondissant de toit en toit, elle se dirigea vers le quartier le plus proche du mur.

Alors qu'elle allait l'atteindre, elle fut percutée par quelque chose qui volait. Non.. Quelqu'un. Qui volait ? Attend quoi ?

Ayant perdu son équilibre, elle commença inexorablement à chuter vers le sol, qui était environ vingt mètres plus bas.

Un cri étranglé mourut dans sa gorge mais elle sentit un bras entourer son ventre avant que ses pieds ne touchent à nouveau une surface dure. Elle soupira de soulagement avant de relever les yeux. Elle vit un jeune garçon à peine plus âgé qu'elle, avec des cheveux châtains clairs, une de ses mèches venait chatouiller ses sourcils qui soulignait un regard bleu volontaire et calme à la fois.

Son air était doux et il portait une chemise blanche plus très propre.

- Est-ce que ça va ? Je ne t'avais pas vue, excuse-moi.

La fillette acquiesça lentement avant de remarquer l'équipement qu'il avait sur lui. Diverses sangles s'enroulaient autour de ses jambes, de ses hanches, de son torse. Deus étuis de métal léger contenaient plusieurs lames et un dispositif, dans son dos, formé de deux contenants, laissait échapper une légère odeur de gaz.

- Qu'est-ce que c'est ? demanda t-elle en désignant l'équipement.

Le jeune garçon lui sourit.

- L'équipement tridimensionnel que l'armée utilise.

Le regard de la fillette s'illumina, à la surprise du jeune garçon.

- Tu es de l'armée ?

Il parut gêné et passa nerveusement une main dans sa nuque.

- Humm.. Non pas exactement..

- Mais alors, pour..

- Oii ! Qu'est-ce que tu fous Furlan ? Cria une voix forte non loin, coupant Elenore dans son élan.

Un autre garçon se posa sur un toit avoisinant tandis que la fillette admirait la praticité et la maniabilité de l'équipement.

- T'es qui toi d'abord ? Demanda avec agressivité le nouveau venu.

Il avait des cheveux noirs, très sombres, un regard gris clair.. ou bleu ? Elle n'aurait su le dire. La première chose à laquelle elle pensa fut le fait qu'il était fort malpoli.

Il paraissait malingre, mal nourri et plutôt frêle par rapport à l'autre.. Elle haussa les épaule.

- Elenore.

Le plus petit des deux garçons la jaugea du regard avant de dire :

- Rentre chez tes parents, gamine.

Elle se renfrogna. Certainement pas ! Elle avait eu suffisamment de mal à s'enfuir, hors de question d'y retourner.

Elle se tourna vers le noiraud et esquissa une grimace.

Il haussa un sourcil, surpris.

- Mais qu'est-ce qu'elle a elle ?!

Prenant à nouveau de l'élan, elle se mit à courir pour sauter sur le toit du bâtiment voisin.

Alors qu'elle atterrissait en souplesse, le garçon aux cheveux châtains se retourna vers l'autre.

- Wow non mais t'as vu qu'elle agilité elle a ? Avec un équipement, elle ferait des merveill..

- Ta gueule, on doit se grouiller de rentrer, on a plus que dix minutes avant le passage de la patrouille !

Le noiraud était assez tendu, voire énervé de voir le châtain aussi insouciant.

- Ouais c'est bon, je te suis.

Les deux garçons reprirent leur périple entre les bâtiments grâce à leur équipement, tandis qu'Elenore rejoignait un quartier proche du mur, sautant avec souplesse de toit en toit.

Elle ne savait pas à cet instant qu'elle venait de croiser son destin ce matin là, dans la lumière pâle du jour naissant.

***

- QUOI ?!! Vous me dîtes qu'à cinq vous n'avez pas réussi à rattraper une gamine de neuf ans dans les rues ??!! Vous vous payez ma tête j'espère ??!!

- Non, malheureusement, votre éminence.. Nous avons perdu sa trace un peu avant le lever du jour..

L'homme présent face à Marcus suait à grosses gouttes. Et il avait bien des raisons pour cela.

Car, en effet, Marcus, fou de rage, trancha le torse du pauvre émissaire, avant de siffler.

- Le repas est servi, mes chers amis..

Ses "amis" à quatre pattes, salivant d'avance, se ruèrent sur le corps encore chaud du messager qui connut, avant de rendre l'âme, le déshonneur d'être dévoré vivant par une meute de chiens affamés.

Ses cris de douleur et ses supplications résonnaient aux oreilles de Marcus comme une douce musique qu'il avait plaisir à écouter. Il resta en retrait tout le temps nécessaire pour s'assurer que ses braves chiens mangeraient bien jusqu'au bout le pauvre homme. Quand il n'eut plus d'inquiétude, il se dirigea vers sa maison en retenant un rire macabre.

Quand même, sa journée commençait bien. Un frisson de plaisir le parcourut et il grommela :

- Ester.. Tu ne pers rien pour attendre.

***

Quelques mois avaient passé et Elenore s'était plus ou moins confortablement installée dans le sous-sol d'un bâtiment abandonné. À force de chapardage, de vol, de cambriolage, elle parvint petit à petit à avoir plus de "confort". Oh certes, elle vivait dans une extrême précarité, mais pour rien au monde elle aurait voulu reculer.

Quand arriva le jour de ses onze ans, Elenore décida de rejoindre l'armée. Elle avait entendu parler du recrutement et s'était présenté là bas, le sourire au lèvres. Un des corps d'armée, le bataillon d'exploration, était le seul à sortir des murs.

Sortir des murs.. Voir le monde extérieur ! Quelle joie cela serait ! Elle en rêvait toutes les nuits, se disant qu'avec un bon entraînement, elle maîtriserait l'équipement tridimensionnel et elle n'aurait rien à craindre des titans.

Et puis, peut-être qu'elle pourrait même se faire des amis ?? Cela serait ses tous premiers amis.

Le jour fixé pour le recrutement, elle se présenta et se faufila dans la file d'attente qui avançait plutôt lentement. Des adultes, des jeunes se tenait là, mais elle devait sans nul doute être la plus petite de toute la file. Quand elle arriva devant le bureau posé à l'extérieur d'une cour de terre battue, elle se rendit compte que sa taille dépassait à peine la table.

Deux hommes la regardèrent, surpris.

- Que viens-tu faire ici ? Demanda le soldat chauve, qui présentait aux coins de ses yeux rieurs des rides.

Elenore, sans se dégonfler, répondit :

- Je veux entrer dans l'armée pour aller dans le bataillon d'exploration !

Le deuxième se retint de pouffer avant de voir dans les yeux de la fillette une lueur de joie, d'espoir, de détermination.

Il était brun, un peu plus jeune que le premier.

- Commandant Pixis.. Que pensez-vous de cela ?

Le plus vieux des deux regarda avec un sourire la fillette.

S'agenouillant pour se mettre à son niveau, il fixa les prunelles dorées de la petite. Il n'avait jamais vu d'aussi jeune recrue se présentant à ce recrutement.

- Quel as-tu, petite ?

- Onze ans, Monsieur.

- Tu es très jeune encore, tu le sais ça ?

La fillette hocha doucement la tête.

- Oui mais moi je veux devenir soldate !

Il sourit largement, avant de caresser doucement le haut de la tête de la fillette.

- J'aime ton regard, fillette. Comment tu t'appelles ?

Elle sourit avant de dire :

- Elenore Brooke, Monsieur.

- Où sont tes parents, Elenore ?

- Je n'en ai pas, je suis orpheline.

- Où est-ce que tu vis ?

- Dans.. un sous sol.

Le commandant Pixis esquissa un léger sourire avant de regarder l'autre.

- Keith.. Je la prend avec moi.. Elle sera bien mieux traitée que dans la rue..

Puis se tournant vers la petite, il demanda :

- Tu ne peux pas rentrer à l'armée tout de suite.. parce qu'il faut avoir au moins quinze ans..

Il vit dans ses yeux une lueur de déception.

- Mais en revanche, je te propose de venir habiter chez moi, le temps d'avoir l'âge requis, et de commencer à t'entraîner ?

Elenore sourit largement, acceptant immédiatement la proposition. Elle l'aimait bien, ce papi.

Keith haussa un sourcil en regardant Dot.

- Tu te demandes pourquoi ? Interrogea Pixis avec un sourire en coin.

Keith hocha la tête.

- Et bien.. Songea t-il en plongeant dans ses souvenirs, elle me fait beaucoup penser à quelqu'un que je connaissais très bien..

Keith hocha la tête.

- Dot, après tout, tu fais comme tu veux.

C'est ainsi que dès le soir même, la vie d'Elenore changea du tout au tout. Plus agréable, car elle vivait confortablement mais aussi plus difficile car celui qui l'entraînait était un bourreau de travail et exigeait qu'elle ait le meilleur niveau possible.

Quatre ans durant, il l'entraîna durement, fortifiant son endurance, ses muscles, augmentant son agilité, lui apprenant à se déplacer avec l'équipement tridimensionnel. Et tout cela porta du fruit. Une multitude de fruits. Elle était même devenue si douée que Pixis l'avait même une fois ou deux envoyé de l'autre côté du mur, face à deux petits titans pour voir s'y elle s'en sortirait. Et l'expérience avait été un succès. Ces deux titans furent les premiers qu'elle tua, les premiers d'une longue série qui devait reprendre seulement un an plus tard.

Quand, le jour de ses quinze ans, elle se présenta devant Keith, il la reconnut à peine. Elle avait grandi, même si visiblement elle ne dépasserait pas les 1m63 à l'âge adulte.. Mais surtout, elle avait une silhouette athlétique et sportive. Son regard était plus déterminé que jamais et ses longs cheveux châtains ondulés étaient soigneusement attachés, révélant l'intensité d'un regard à la couleur de l'or pur.

Sans aucun doute, elle avait du en baver avec Dot Pixis.. Mais de toute évidence, elle paraissait prête. Vraiment prête.

Cette fois, il la laissa compléter les papiers, signer, et entrer dans la cour où elle rejoignit les autres nouvelles recrues.

***

Salut Salut !! Est-ce (encore) une nouvelle histoire ??!
AFFIRMATIF MON CAPITAINE !!!! 😂😂
Bon.. Je sais, je devrais pas.. Mais c'est PLUS FORT QUE MOIIIIII !!!!

Breff.. J'espère que vous avez aimé ? Dîtes moi ce que vous en avez pensé ?

La bizz <3

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top