Remus tourna en rond dans l'appartement toute la nuit. Il essayait de se réjouir de la nouvelle mais cela lui semblait tout simplement impossible. Qui sait ce qui adviendrait de cet enfant ? Et s'il héritait de la lycanthropie de son père ? Dans tous les cas, il serait toujours le fils d'un reprouvé. D'un loup-garou honni par la société. Il aurait sans doute honte de son père, et honte de sa mère pour l'avoir épousé.

Le sorcier se laissa tomber sur le canapé, le visage enfouit entre ses mains. Qu'avait-il fait ? Pourquoi avait-il épousé Tonks alors qu'il savait très bien qu'elle risquait de tomber enceinte ? Et même sans le bébé, il avait gâché sa vie, ruiné sa carrière.

Il étouffa un cri de frustration et recommença à faire les cent pas.

Cette nuit d'insomnie fut la première d'une longue série. Il s'efforçait de paraître joyeux devant Dora, qui rayonnait de bonheur à l'idée d'avoir un bébé, mais il était happé par une détresse de plus en plus profonde. Bientôt, même la joie de Dora en fut ternie. Elle ne s'expliquait pas l'attitude de Remus. Elle n'osait pas lui demander ce qui n'allait pas, inquiétée par son attitude ombrageuse. Il parvint à donner le change au mariage de Bill et Fleur, mais la disparition de Harry, Ron et Hermione lui fournit l'occasion dont il avait besoin pour partir à l'aventure.

Il avait cherché une solution, un moyen de rester près de Tonks sans la condamner, elle et le bébé, à une vie d'errance, mais n'avait rien trouvé. Les laisser au bon soin des parents de Dora lui paraissait être la meilleure chose à faire. Quant à lui, il allait trouver Harry et l'accompagner dans sa quête. C'est ce que James aurait souhaité : qu'il aide son fils, qu'il le protège.

Il partit donc, quelques jours après le mariage. Il quitta l'appartement alors que Tonks dormait profondément, sans même laisser un message. Tout ce qu'il voulait était disparaître de sa vie à jamais.

Il s'enfonça dans les rues de Londres, direction 12 square Grimmaurd.

Remus était dans une rage telle qu'il en avait rarement connue. Sa rencontre avec Harry ne s'était pas du tout passé comme prévu. Les paroles du jeune sorcier résonnaient encore dans son crâne, attisant sans cesse sa colère.

Sans savoir comment il était arrivé là, Remus se trouva à l'entrée du Chaudron Baveur. Il y entra en coup de vent et s'assit à une table cachée dans un recoin. Le pub était vide, pour la bonne raison que plus personne ne souhaitait se rendre sur le chemin de Traverse.

Tom, le barman, se dirigea vers son seul client et lui apporta un whisky Pur-Feu à sa demande. Remus l'avala cul-sec et, curieusement, la brûlure de l'alcool apaisa celle de la colère. Les mots qu'Harry avait prononcés prirent de plus en plus de sens à mesure que Remus se calmait. « Mon propre père est mort en essayant de protéger ma mère et moi-même ». « Un lâche ».

Il avait raison. Raison sur toute la ligne. Remus avait quitté Tonks parce qu'il était terrifié. Terrifié de ce qu'il allait advenir de l'enfant, terrifié à l'idée que Dora lui reproche d'avoir fait de son bébé un loup-garou.

Remus songea à Lily et James, qui s'étaient mariés si jeunes. Ils n'avaient pas hésité une seule seconde, car ils s'aimaient profondément. Et surtout, ils avaient tout sacrifié pour Harry, jusqu'à leur vie.

C'était sans doute parce qu'il était orphelin que Harry avait réagi de la sorte, Remus s'en rendait compte à présent. Il savait ce que c'était de grandir sans père. Mais, à la différence de James, Remus était un loup-garou. Pour lui, cela changeait radicalement la donne.

Il se rappela alors l'air déterminé de Tonks lorsqu'elle lui avait assuré qu'elle se fichait de sa condition. Il se souvint de toutes ces disputes, avant qu'il ne parte vivre au milieu des loup-garous. Elle l'avait choisi. Elle avait choisi de l'aimer malgré tout. Ils allaient avoir un enfant, parce qu'ils s'aimaient. Il l'avait épousée, il lui avait promis de rester toujours à ses côtés. James n'aurait pas supporté qu'il ne tienne pas son engagement, comme il ne l'aurait pas laissé abandonner son enfant. Ne serait-ce qu'au nom de son ami qui n'avait pu voir son fils grandir, Remus se devait d'aller retrouver sa femme. Mais ce n'était pas la principale raison, loin de là. Non, s'il revenait vers Dora, c'était parce qu'il l'aimait. Et parce qu'elle l'aimait.

Remus ouvrit doucement la porte de l'appartement. Une conversation lui parvint. Il reconnut la voix de Dora, puis celle de sa mère. Il prit une profonde inspiration et claqua la porte. Une seconde plus tard, les deux femmes lui firent face, baguettes tendues.

- Dans quel pub avons-nous trouvé nos témoins ? Interrogea Dora d'une voix sèche.

- A la loutre dansante.

Il avait beau avoir répondu correctement, Dora ne baissa pas sa baguette pour autant.

- Donne-moi une bonne raison de ne pas te jeter un sort, Remus. Ça fait plus de trois jours que tu as disparu, sans donner aucune nouvelle à personne.

- Je n'ai aucune excuse, Dora, dit-il d'une voix calme. Tout ce que je peux faire c'est te demander pardon.

- Et tu crois que ça va suffire ? Rugit-elle alors que Mrs. Tonks s'éloignait discrètement. J'étais morte d'inquiétude, Remus ! Je ne sais même pas pourquoi tu es parti !

- Parce que j'avais peur.

Les mots s'échappèrent difficilement de ses lèvres et il se demanda si elle sentait l'effort que cet aveu lui demandait.

- Peur de quoi ?

- De fonder une famille. D'avoir un enfant et une femme qui me détesteront parce que je suis un loup-garou.

Des larmes emplirent les yeux de Tonks et elle hoqueta :

- Alors pourquoi est-ce que tu es revenu si c'est ce que tu penses de moi ?

- Parce que j'ai compris que c'était faux !, protesta-t-il. Et je t'aime.

Il s'avança vers elle mais elle recula d'un pas, sa baguette toujours tendue.

- Où est-ce que tu étais ?

Remus hésita, mais finalement lui raconta tout ce qu'il s'était passé, ainsi que sa conversation avec Harry. Lorsqu'il se tut, elle le dévisagea, bouche bée.

- Tu voulais partir ? Murmura-t-elle dans un filet de voix.

- Je pensais que ce serait mieux pour vous, marmonna-t-il sans la regarder, honteux.

Les larmes débordèrent des yeux de Dora et coulèrent sur ses joues.

- Espèce d'imbécile ! J'ai essayé de te convaincre pendant deux ans que ce qui était le mieux pour moi c'était d'être avec toi et toi tu...

Un sanglot l'empêcha de continuer et Remus releva les yeux vers elle. Droite, les poings serrés, elle pleurait, sa baguette à présent baissée. Incapable de supporter ce spectacle, il franchit la distance qui les séparait et la prit dans ses bras. Elle se raidit mais il ne se laissa pas démonter.

- Tu n'imagines pas à quel point je m'en veux, Dora. Je t'aime tellement.

- J'ai cru... j'ai cru que tu ne reviendrais jamais, hoqueta-t-elle, le visage niché contre son épaule.

- Je ne te quitterai plus jamais. Je te le promets.

Il releva légèrement son visage et l'embrassa. Cette fois-ci, elle se laissa convaincre.

Remus renonça à toute action pour l'Ordre et resta auprès de sa femme. Ils emménagèrent chez Mrs. Tonks, restée seule après la fuite de son mari. Cet arrangement convenait tout à fait à Remus, qui était terrifié à l'idée de ne pas savoir quoi faire si Dora avait un problème durant sa grossesse. Quant à Andromeda, elle eut du mal à accepter son gendre mais, après plusieurs mois de cohabitation, elle fut obligée de reconnaître qu'elle l'appréciait.

Remus regarda avec un mélange de crainte et d'émerveillement le ventre de sa femme s'arrondir. Il s'était fait à l'idée d'avoir un enfant qui, avec un peu de chance, ne le détesterait pas, mais il craignait toujours que le bébé ne naisse lycanthrope. Dora, elle n'avait aucune peur. Elle était persuadée que ce bébé serait le plus mignon du monde et qu'ils seraient tous les trois très heureux. C'était grâce à son enthousiasme que Remus tenait le coup.

Enfin, à la toute fin du mois de mars, Dora réveilla Remus en lui plantant ses ongles dans le bras. Une main posée sur son ventre, elle lui demanda d'une voix crispée d'aller prévenir sa mère. Pendant les deux heures qui suivirent, Remus courut partout comme un chien enragé en cherchant désespérément quoi faire pour aider sa femme. Malheureusement pour lui, il n'y avait rien à faire. Alors que l'aube faisait pâlir les étoiles, Mrs. Tonks vint le chercher dans le jardin de la petite maison. Il sauta sur ses pieds lorsqu'il la vit et l'interrogea du regard, terrifié par ce qu'elle avait à lui dire. Elle se contenta de lui sourire et lui fit signe de la suivre. Arrivée devant la chambre à coucher de sa fille et de son gendre, elle s'effaça et l'invita à entrer. Remus resta un instant immobile sur le pas de la porte, subjugué. Dora, assise dans son lit, tenait au creux de son bras un minuscule bébé enveloppé dans une couverture. La sage-femme, qui achevait de ranger son matériel, lui adressa un sourire encourageant. Il fit un pas à l'intérieur de la pièce et Dora releva la tête. Elle avait l'air épuisé mais un immense sourire étirait son visage.

- Regarde chéri, murmura-t-elle au bébé, voilà ton papa.

Un sentiment jusqu'alors inconnu envahit Remus lorsqu'il entendit les deux derniers mots. Il s'approcha de sa femme, le cou tendu pour voir le visage du bébé niché contre la poitrine de sa mère. Il s'assit sur le bord du lit et écarta la couverture. Pendant un instant, il fut incapable de respirer. Le bébé semblait en pleine forme, pour autant que Remus puisse en juger. Il fronçait son petit nez et agitait les pieds sous sa couverture.

- C'est un petit garçon, dit Dora d'une voix douce.

- Ted Lupin, répondit Remus sans parvenir à détacher son regard du petit être qu'il avait failli abandonner.

- Ted Remus Lupin, rectifia Dora. Parce qu'il a le papa le plus extraordinaire qui soit.

Il parvint enfin à regarder sa femme et lui adressa un sourire infiniment tendre.

- Je t'aime Dora.

Le bébé émit un petit couinement et Remus se mit à rire.

- Toi aussi je t'aime Teddy... Mon petit Teddy.

L'euphorie qui habitait Remus et Dora suite à la naissance de leur fils les quitta lorsque arriva le mois de mai. Ils avaient passé un mois merveilleux, malgré les nuits blanches, et la réalité s'imposa brutalement à eux. Ce fut Remus qui reçut le message l'informant qu'on avait besoin de plus grand nombre de sorciers possible à Poudlard. Lorsqu'il en fit part à Dora, elle hocha la tête.

- C'est la dernière bataille. Il faut que tu y ailles.

Remus lui fut infiniment reconnaissant de le comprendre. Il l'embrassa, déposa un baiser sur le front de Teddy, dit au revoir à sa belle-mère et disparut, une photo de Teddy dans sa poche. Il était déterminé à revenir.

Dora ne supportait pas de ne pas savoir ce qu'il était advenu de son mari. Des heures s'écoulèrent sans qu'elle reçoive de nouvelles. Malgré les supplications de sa mère, elle finit par lui confier le petit Ted et elle transplana jusqu'à Pré-au-lard. Lorsqu'elle arriva à Poudlard, Abelforth l'informa qu'il avait vu Remus se battre avec Dolohov. Elle parvint à le rejoindre et ils se battirent côte à côte tandis que Harry essayait de sauver la situation. Remus ne manifesta aucune surprise lorsqu'elle se matérialisa près de lui. Il lui sourit, comme si c'était normal de se retrouver là. Il lui sourit, avec tout l'amour qu'il avait pour elle et pour Teddy. Puis il tomba. Lorsque Dora ferma les yeux à son tour, ce fut en emportant l'image de ce sourire.