Faux-semblants

Lorsque Tonks revint de sa patrouille devant chez Slughorn, elle avait retrouvé sa bonne humeur habituelle. Pendant un mois Remus et elle se virent à peine, accaparés à droite et à gauche. Enfin, Maugrey leur demanda d'aller surveiller la maison d'un Mangemort. On était au début du mois de mars et les choses allaient de plus en plus mal, aussi bien en Grande-Bretagne qu'à Poudlard.

Ils transplanèrent dans une ruelle sombre et se rendirent à pied jusqu'à l'endroit. Tonks fit une grimace dégoûtée lorsqu'ils arrivèrent dans la bonne rue. C'était un quartier résidentiel complètement délabré de l'autre côté de la Green Belt. Les vieilles maisons croulantes s'alignaient le long d'une rue défoncée et une odeur de déchets flottait dans l'air.

- Charmant, murmura-t-elle. Est-ce qu'il n'y a que les Malefoy qui vivent décemment ?

- C'est bien possible. Ça expliquerait pourquoi tous les Mangemorts sont toujours fourrés chez eux.

- Je me demande bien pourquoi. J'ai dû y aller une fois je crois, quand ils essayaient de convaincre le monde que Lucius n'était pas du côté de Voldemort. Ils nous avaient invités, pour faire croire qu'ils adoraient leur cousin né-moldu. Eh bah je peux te dire que c'était pas très gai comme endroit. Il me semble que j'ai repeint une porte en rose sans faire exprès.

- Sans faire exprès ? Releva Remus.

- J'avais à peine dix ans alors mes pouvoirs faisaient un peu n'importe quoi, se justifia-t-elle en levant des yeux candides vers le sorcier.

- Tu étais déjà incontrôlable surtout.

- C'est Fol-Oeil qui t'a raconté ça ?

- Non, il m'a suffi de t'observer.

- Très drôle !

Il se mit à rire et l'attrapa par les épaules pour la forcer à regarder une cabane en sale état.

- Tais-toi et surveille, Dora.

Étrangement, elle lui obéit. Il la lâcha et elle lui jeta un rapide coup d'œil avant de reprendre sa surveillance. Remus ne chercha pas à comprendre ce que cela pouvait bien vouloir dire et porta son attention sur la bâtisse.

Une lumière s'y alluma alors qu'ils étaient là depuis deux heures déjà. Ils virent un homme déambuler à l'intérieur, une tasse à la main, mais ils pouvaient difficilement faire irruption chez lui s'ils ne voyaient rien de plus suspect.

- Encore un paumé, murmura Tonks. Il ne sait sans doute même pas pourquoi il a choisi le camp de Voldemort plutôt que le nôtre.

- Il a peut-être de bonnes raisons.

- Comme quoi ?

- J'en sais rien moi, la vengeance par exemple.

Elle haussa les épaules.

- M'est avis qu'ils sont tous pas très malins. C'est nous qui avons récupéré les plus intelligents. Et les plus beaux.

- Ah oui ? Releva Remus en tentant d'étouffer la jalousie qu'il sentait monter en lui.

- Sirius, par exemple. Il est plutôt pas mal, malgré Azkaban, hein ?

Remus se crispa et répondit d'un ton sec :

- C'est toujours lui qui attirait les filles.

A sa grande surprise, Tonks fit volte-face et lui adressa un regard furieux.

- Si tu arrêtais de t'apitoyer sur ton sort, tu verrais très bien pour qui j'ai succombé !

Sans attendre de réponse, elle le bouscula et partit à grands pas. Il y eut un CRAC sonore et Remus se retrouva seul dans la rue délabrée, complètement hébété. Il s'adossa au mur alors qu'un sentiment d'euphorie l'envahissait. Jamais, au grand jamais il n'avait envisagé que Tonks pourrait l'aimer. Tout ce qu'il demandait était d'être son ami, et voilà qu'on lui offrait plus. Infiniment plus.

Il sauta sur ses pieds, se sentant plus vivant que jamais, et s'apprêta à transplaner jusqu'au QG pour parler à la jeune femme, lorsque ses réflexions précédentes le rattrapèrent. Il ne pouvait pas l'aimer. Il se laissa tomber sur le sol, à présent aussi malheureux qu'il avait été heureux quelques instants plus tôt. Il devait se détacher de Tonks. La laisser vivre sa vie, l'oublier si jamais elle était vraiment amoureuse de lui.

Cette simple pensée suffit à allumer une étincelle de joie en lui et il gémit. Il savait depuis de longs mois qu'il allait souffrir, mais il n'aurait jamais imaginé que cela serait à ce point-là.

Remus ne revit pas Dora pendant plusieurs semaines. Il avait demandé à Maugrey ce qu'elle faisait et il lui avait répondu qu'il l'avait envoyée sur la piste d'un Mangemort. Remus savait que cela signifiait qu'elle en avait pour un certain temps, aussi n'eut-il aucun scrupule à rester un peu au 12 square Grimmaurd. Mais un soir, alors qu'ils étaient en pleine réunion pour parler des problèmes causés par Ombrage à Poudlard, la porte s'ouvrit avec fracas et, comme le soir où il l'avait vue pour la première fois, Dora entra. Maugrey grogna à son intention et elle se laissa tomber sur une chaise près de Remus. Il se crispa aussitôt et fixa obstinément Fol-Oeil, dans l'espoir qu'elle ne lui parlerait pas.

- Salut Remus.

- Bonsoir, murmura-t-il.

- Ça t'intéresse, cette histoire ?

- Oui.

- Bon.

Elle ne tenta plus de lui parler durant le reste de la réunion et il espéra que cela avait suffi à la décourager. Dès que Maugrey les laissa disposer, il bondit hors de sa chaise et quitta la pièce aussi discrètement que possible. Mais il était à peine arrivé au milieu des escaliers qu'une voix l'appela doucement, pour ne pas réveiller Mrs. Black.

- Remus, attends ! Ça fait une éternité qu'on ne s'est pas parlé !

- Désolée Dora mais je suis exténué, lança-t-il sans se retourner

Elle monta quatre à quatre les marches et l'attrapa par le poignet alors qu'il s'engageait dans une nouvelle volée de marches.

- Remus, qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce que je t'ai fait ?

Il prit une profonde inspiration pour étouffer les sentiments que son contact provoquait et la regarda enfin. Son cœur chavira et il murmura :

- Rien du tout. C'est moi le fautif.

- Alors pourquoi est-ce que tu me prives de ta compagnie ?

Il secoua la tête et tenta de se dégager. Mais Tonks ne l'entendait pas de cette oreille. Elle le retint, les yeux à présent étincelants de colère.

- Tu n'as pas le droit de me faire ça, Remus.

- Faire quoi ? Marmonna-t-il, le regard fuyant.

- Tu sais très bien de quoi je parle !

- Ecoute Tonks, je...

Avant qu'il n'ait eu le temps de finir, elle lâcha son poignet pour attraper son visage entre ses mains et elle l'attira vers elle. Remus sentit ses lèvres se presser contre les siennes et, pendant une seconde, il oublia ses résolutions. Il serra son corps mince contre le sien, avant de s'écarter précipitamment. Il dévala les escaliers sans tenir compte des appels de Tonks et sortit en coup de vent de la maison alors que les hurlements de Mrs. Black se déchaînaient derrière lui.

Dès lors, Remus se porta volontaire pour toutes les missions longues et éloignées de Londres que Maugrey avait à lui proposer. Il passa plusieurs semaines au pays de Galles pour parler aux gnomes, dû espionner le manoir des Malefoy... Il alla partout où l'Ordre l'appelait, sans se soucier une seconde du danger qu'il pouvait courir. Il était persuadé que Tonks serait bien plus heureuse sans lui, aussi ne prêtait-il aucune attention à sa vie.

Il n'avait jamais été aussi malheureux, mais cela n'était rien comparé à ce qui allait advenir à la fin du mois de juin. Remus n'oublierait jamais le jour où le dernier de ses meilleurs amis le quitta pour toujours. Lorsque Sirius bascula derrière le voile, tout un pan de la vie de Remus disparut avec lui dans les limbes. S'il n'avait pas dû raisonner Harry, Remus se serait sans doute effondré.

Plus tard, alors que des Médicomages circulaient dans l'espèce d'amphithéâtre où avait eu lieu la majeure partie des affrontements, il croisa le regard de Tonks. Elle était assise contre le mur de pierre et un Médicomage s'affairait autour d'elle. Remus l'avait vu dégringoler toutes les marches, suite à une attaque de Bellatrix. Il n'avait rien pu faire, trop occupé à se défendre. Ses yeux bleus se fixèrent dans les siens et il sentit son cœur, déjà écorché, se déchirer un peu plus. Une larme roula le long de la joue de la jeune femme et elle ferma les yeux. Remus se détourna et contempla l'arche derrière laquelle Sirius avait disparu pour toujours. Il savait très bien quelle vie l'attendait à présent : la même que celle qu'il avait vécue après la mort de Lily et James. Non, rectifia-t-il intérieurement. Ce serait encore pire. Il avait à présent conscience de tout ce qu'il perdait en renonçant à l'amour d'une femme. Mais c'était mieux ainsi. Pour tout le monde.

Après la mort de Sirius, Tonks ne cessa pas d'essayer de coincer Remus pour l'obliger à lui parler. Le loup-garou parvenait toujours à s'échapper, mais il souffrait de plus en plus, et il lui était de plus en plus difficile de lui résister. Il avait beau lui assurer qu'il était trop pauvre, trop vieux et surtout trop dangereux pour elle, elle ne cessait de lui assurer qu'il était le seul avec qui elle souhaitait passer sa vie. Une part de Remus souhaitait désespérément y croire, l'autre lui assurait que c'était une folie. Finalement, il demanda à voir Dumbledore. Il devait trouver un moyen de s'éloigner pour de bon, aussi proposa-t-il au vieux sorcier de se rendre parmi les loup-garous pour les convaincre de rallier les rangs de l'Ordre.

Un soir du début du mois de juillet, quelques semaines avant le départ de Remus, Tonks fit irruption dans l'appartement miteux que l'Ordre avait choisi comme son nouveau quartier général en attendant que la succession du 12 square Grimmaurd s'éclaircisse. Elle entra en trombe dans la minuscule cuisine, le visage aussi rouge que ses cheveux, et grinça entre ses dents :

- Tout le monde dehors. Sauf toi, Remus.

Les membres de l'Ordre qui se trouvaient là, à savoir Podmore, Shacklebolt et Hestia Jones, furent si surpris par la colère de la jeune femme qu'ils détalèrent sans demander leur reste, abandonnant Remus à son sort. Tonks claqua la porte derrière Hestia Jones et dit d'une voix qu'elle tentait de maîtriser :

- Tu te moques de moi ?

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Tu pars chez les loup-garous ?

- Je vois que tu es bien renseignée, répondit simplement Remus d'un ton froid.

- Tu vas te faire tuer !

- Je peux m'occuper de moi-même, merci.

Elle plaqua les deux mains sur la table, hors d'elle.

- Remus, arrête ça ! Je sais ce que représentait Sirius pour toi, mais est-ce que sa mort vaut la peine de te lancer dans une mission suicide ?

- Ils sont mes semblables ! Dit-il en élevant la voix, de plus en plus agacé.

- Non ! Tu es un homme, pas eux !

- Je suis un loup-garou, Dora ! Tu n'y peux rien, d'accord ?

Le sorcier s'était levé et ils se faisaient à présent face, lui la dominant de plusieurs centimètres. Elle prit une profonde inspiration et exhala enfin :

- Tu es vraiment un imbécile, Remus.

- Parce que je ne veux pas te faire de mal ?

- Parce que tu me fais du mal !

- C'est pour ton bien que je le fais ! Qu'est-ce que tu deviendrais avec moi ? Rien, une paria ! Tu n'as aucune idée de ce qu'est la vie d'un loup-garou !

- Mais je m'en fiche ! Si c'est à tes côtés que je la découvre, alors ça n'a aucune importance !

- Tu ne sais pas de quoi tu parles.

- Tu crois que je suis complètement idiote ? Je sais quelle est ta vie, Remus ! Je ne suis pas aveugle !

- Alors arrête ça ! Arrête de vouloir me retenir !

Dora, les larmes aux yeux, balbutia :

- Si c'est vraiment ce que tu veux...

Elle partit en courant de la cuisine et Remus entendit la porte d'entrée claquer. Il se laissa retomber sur sa chaise et enfouit son visage entre ses mains.

Tonks, une fois seule au milieu de la rue déserte, fondit en larmes. Appuyée contre un mur, elle pleura toutes les larmes de son corps pour cet homme qui refusait de l'aimer. Lorsqu'elle fut incapable de verser une larme de plus, elle se rendit au premier endroit chaleureux qui lui vint à l'esprit : le Terrier.

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