Ted Lupin avait le regard fixé sur la fenêtre, sans pour autant voir ce qu'il se passait dehors. Il se trouvait dans une petite chambre aux murs couverts de posters de Quidditch. La seule équipe représentée était les Canons de Chudley.

Il se secoua soudain et entreprit de nouveau de faire son noeud papillon. Son regard s'égara sur les personnes qui s'activaient en tous sens au dehors et un petit sourire étira ses lèvres. Il distinguait nettement sa future belle-mère, Fleur Weasley, occupée à donner des ordres à tout le monde. Elle était secondée par Molly Weasley, et Ted songea avec amusement qu'elles faisaient bien la paire. On aurait dit de véritables dragons.

Il jura lorsqu'il se rendit compte qu'il s'était une nouvelle fois trompé dans son noeud et se laissa tomber sur le vieux lit, qui craqua sous son poids. Il était décidé à attendre que son sauveur arrive. Sans doute était-il retenu par sa belle-mère afin de déplacer des vases ou n'importe quel objet lourd.
Enfin, on frappa à la porte et Ted sauta sur ses pieds pour aller ouvrir. L'homme qui entra, tout sourire, était toujours aussi brun malgré sa quarantaine d'années. Une cicatrice en forme d'éclair lui barrait le front... Pour bien des gens, c'était ce qui l'identifiait comme l'un des sorciers les plus célèbres du siècle. Pour Teddy, ce n'était qu'un détail mineur de l'apparence de son parrain.

- Laisse-moi deviner, lança Harry, tu n'arrives pas à mettre ton noeud papillon?

- Aide moi, pitié! Supplia Ted. Sinon future belle maman va m'étriper!

- Si tu l'appelles comme ça devant elle, ça ne fait aucun doute, grimaça Harry avant de saisir le ruban autour du cou de son filleul.

- Je ne suis pas suicidaire, rétorqua Ted, le menton levé pour laisser faire Harry.

Une minute plus tard, le noeud papillon était enfin en place. Harry se mit à rire en considérant la couleur bleu électrique de l'ornement :

- C'est fait exprès qu'il soit assorti à la couleur de tes cheveux ?

- C'est Victoire qui l'a choisi, répondit-il, fataliste.

Harry secoua la tête, amusé, puis interrogea :

- Ça va ? Tu n'as besoin de rien ?

Ted mit quelques secondes à répondre. Quelques secondes qui firent comprendre à Harry qu'il ne l'avait pas seulement fait venir pour une histoire de noeud papillon.

- Teddy ? Qu'est-ce qu'il y a ?

Ted se tourna un instant vers la fenêtre, et murmura :

- Je regardais tour ce monde en bas, je voyais toute la famille de Victoire, et puis j'ai cherché la mienne... Il n'y avait que Mamie Meda.

Harry s'empressa de poser une main réconfortante sur son épaule.

- Nous sommes ta famille, Ted. Ginny, les enfants et moi, tous les Weasley...

- Je le sais, interrompit Ted d'une voix douce. Je le sais très bien, et j'ai conscience de la chance que j'ai. Mais je me marie aujourd'hui, Harry. Alors je ne peux pas... Je ne peux pas m'empêcher de penser à eux.

Le coeur de Harry se serra. Etant donné les capacités de Métamorphomage de Ted, il était difficile de dire s'il ressemblait à ses parents. Mais cette voix... C'était celle de Remus Lupin lorsqu'il apaisait les disputes. Il avait du mal à parler de Remus et Dora Lupin mais il s'y était efforcé malgré tout durant l'enfance de Teddy, car il aurait lui-même tout donné pour qu'on lui parle de ses parents. Ted avait cessé de poser des questions à leur sujet en grandissant, mais Harry savait que la mort de ses parents lui pesait. Tout le monde considérait Ted comme le joyeux drille, celui qui était toujours de bonne humeur. Mais les gens oubliaient souvent le drame qui avait ouvert sa vie.

- Moi aussi j'aurais donné n'importe quoi pour qu'ils soient là à mon mariage, reprit Harry.

- Ils te manquent toujours ?

Harry hocha lentement la tête. Certaines blessures s'étaient refermées, d'autres le faisaient encore souffrir, mais rien n'était comparable au vide laissé par ses parents et par Sirius.

- J'imagine qu'un orphelin ne se remet jamais tout à fait de l'absence de ses parents, mais il a toujours l'occasion d'avoir une nouvelle famille.

Il sourit à Teddy et fit un petit signe de tête vers la fenêtre et l'effervescence qui agitait le jardin.

- C'est ta chance aujourd'hui.

- Je sais bien, Harry, mais je ...

Il interrompit, incapable de trouver ses mots, et s'assit sur le lit, la tête baissée.

- Ils t'aimaient, Ted.

- Alors pourquoi est-ce qu'ils m'ont laissé tout seul ?

Harry fut surpris par le ton hargneux du jeune homme. Il ne lui avait jamais parlé de ça. Mais Harry savait exactement quoi lui répondre. Il s'assit près de lui et, après un instant de silence, lui raconta l'un des secrets les mieux gardés de la seconde guerre contre Voldemort.

- J'ai parlé à ton père, au moment de la Bataille de Poudlard.

- Je sais, il est arrivé dans la Salle sur Demande avec ma photo, grogna-t-il.

- Non, après ça.

Ted le regarda, surpris.

-Mais...

- Promets moi de ne pas parler de ça, Ted, jamais. Même pas à Victoire.

Stupéfait par le sérieux de son parrain, il hocha la tête. Harry n'exigea pas plus car il avait une totale confiance en lui.

- Tu sais qu'on cherchait les Horcruxes, Ron, Hermione et moi. Mais il y avait autre chose... Les Reliques de la mort.

Harry lui raconta toute l'histoire de la manière la plus succincte possible. Au bout de quelques phrases, Ted cessa de l'interrompre en assurant que c'était faux. Le Survivant arriva finalement à l'épisode de la Forêt Interdite et de la pierre de résurrection. La tristesse afflua en lui alors qu'il revisitait ses souvenirs. A voix basse, il expliqua :

- Il y avait mes parents, Sirius, et puis ton père. Je lui ai dit que j'étais désolé, parce que tu venais de naître, mais il m'a répondu que c'était pour que tu vives dans un monde meilleur. C'est pour toi qu'ils se sont battus, Teddy. Je sais que c'est difficile à croire, mais c'était à toi qu'ils pensaient.

Ted hocha la tête, les yeux fixés sur le plancher usé de la chambre. Après un instant d'hésitation, Harry passa un bras autour de ses épaules. La gorge serrée, il profita de cet instant pour contempler son filleul. Son petit Teddy, qu'il avait pris dans des bras pour la première fois alors qu'il avait à peine un mois. Et aujourd'hui, il se mariait.

- Tu crois que Victoire leur plairait ? Reprit soudain Teddy en relevant son visage vers Harry.

Celui-ci fut soulagé de voir une étincelle d'espièglerie briller dans ses yeux.

- Son coté posé aurait sans doute plu à ton père... Et l'aspect bordélique à ta mère.

Ted se mit à rire, puis il donna une tape dans le dos de son parrain.

- Merci Harry. Pour tout.

- Attends un peu avant de me remercier, parce que j'ai promis à certaines personnes qu'elles pourraient te voir avant que tu ne descendes.

Teddy prit un air fataliste.

- Vas-y, lâche les fauves.

Avec un sourire amusé, Harry ouvrit la porte et cria dans l'escalier :

- Lily ? Vous pouvez venir !

Une minute plus tard, une cavalcade se fit entendre dans l'escalier et Harry se poussa juste à temps pour ne pas se faire envoyer dans le décor par ses enfants. Lily fut la première à se jeter sur Ted en hurlant, véritable tornade rousse, puis James se joignit à la partie. Enfin venait Albus, plus posé que les deux autres mais tout aussi déterminé à bondir sur Ted. Le marié s'écroula dans râle, entrainant ses agresseurs à sa suite. Ils roulèrent tous en riant sur le tapis et Harry s'éclipsa pour laisser la presque-fratrie en paix.

Ted répondit avec enthousiasme à toutes les questions idiotes que lui posaient les enfants Potter (Lily voulait savoir s'il allait arrêter de les aimer et James souhaitait s'assurer qu'il pourrait manger tout le buffet), apaisé. Que les dernières paroles de son père aient été pour lui avait mis fin à son inquiétude. Comme Harry l'avait dit, ils ne combleraient sans doute jamais le vide laissé par leurs parents, ni l'un ni l'autre. Mais alors qu'il serrait une Lily de quinze ans contre lui et que Albus et James évoquaient leurs souvenirs, il songea qu'il avait effectivement une famille. Une famille qui lui avait été donnée par ses parents, lorsqu'ils avaient choisi Harry pour parrain. Il se rendait compte à présent qu'ils ne l'avaient pas laissé seul. Parce qu'ils l'aimaient.