Envers et contre tout

Un an s'écoula sans que les deux sorciers ne se rencontrent. Tonks avait espéré qu'elle l'oublierait, mais plus le temps passait et plus elle souffrait.

Le soir où Remus retrouva Tonks fut aussi celui où il croisa de nouveau le chemin de Fenrir Greyback. Mais ce soir-là, ce ne fut pas lui la cible.

Tonks et lui n'échangèrent pas un mot alors qu'ils se trouvaient devant le lit de Bill Weasley. Dora, malgré l'envie qui la tenaillait, ne fit pas un geste vers lui lorsqu'il s'effondra sur une chaise à l'annonce de la mort de Dumbledore. Mais lorsque Fleur annonça haut et fort son désir d'épouser Bill, elle ne put plus se contenir. Quant à Remus, il ne savait plus que faire. Les paroles du professeur McGonagall et de Molly Weasley lui dictaient une conduite qui le terrifiait. Pourtant, quelque chose lui disait qu'elles avaient raison. Car à quoi avait donc cru Albus Dumbledore durant sa vie entière, si ce n'est à l'amour ? Tonks l'avait choisi, attendu. Avait-il le droit de la repousser encore, de les rendre tous les deux malheureux alors que le monde tombait dans les abîmes, comme Dumbledore lui-même était tombé ?

Lorsqu'ils sortirent de l'infirmerie, Remus entraîna Tonks dans une salle vide. Elle se laissa faire, sa main serrée dans la sienne. Il la fit asseoir sur une table et demanda d'abord :

- Tu vas bien ?

- Ça dépend de ce que tu as à me dire, rétorqua-t-elle.

Il la considéra un instant en silence, puis demanda doucement :

- Tu es sûre ?

Pour toute réponse, elle prit son visage entre ses mains et l'embrassa. Ce baiser n'avait rien de la violence du premier. Au contraire, il était plein de promesses d'avenir.

Remus dut fournir un effort surhumain pour se détacher d'elle. Elle lui sourit, ses doigts enfoncés dans ses cheveux. Ceux de la jeune femme avaient miraculeusement retrouvé leur couleur rose chewing-gum.

- Tu veux bien m'épouser ?

Un air mutin éclaira les traits de la jeune femme et elle interrogea :

- Ça dépend... tu crois qu'on continuera à m'appeler Tonks ?

Il eut un petit rire et il l'embrassa à nouveau, incapable de s'en empêcher. Elle le repoussa doucement en riant également et hocha la tête.

- Oui, Remus Lupin. Tu sais bien que je t'aime.

Remus aurait pu fondre en larmes. Depuis des mois il était persuadé qu'il était plus mort que vif, et voilà que tout son être ressurgissait, prêt à vivre à nouveau, par la force de ces trois mots. Trois mots que Remus avait attendu toute sa vie, tout en étant persuadé qu'il n'y aurait jamais le droit. Et pourtant, Dora venait de les lui offrir.

Il ravala à grand peine son émotion et murmura, son front appuyé contre le sien :

- Je t'aime Dora.

Trois jours après l'enterrement de Dumbledore, Remus et Dora se rendirent dans le Nord de l'Écosse. Ce pays avait toujours été cher au cœur de Remus, d'abord parce que Poudlard s'y trouvait, ensuite parce qu'il y avait souvent trouvé refuge lorsque la société le rejetait trop violemment. Là-bas, il était toujours sûr d'être tranquille.

Ils choisirent un petit village niché sur la côte de la mer du Nord et entreprirent de se marier sous une pluie battante et un vent à faire s'envoler un nain.

- On n'a pas de témoins, fit remarquer Remus lorsque Dora sortit enfin de la chambre d'hôte qu'ils avaient loué, ses cheveux roses relevés en un chignon compliqué et vêtue d'une robe blanche toute simple, fait suffisamment étonnant pour que Remus la taquine à ce propos pendant dix minutes. C'était la prochaine fois qu'il la voyait avec autre chose qu'un jean déchiré.

- Je me marie, alors autant faire les choses bien, rétorqua-t-elle d'un ton hautain. Quant aux témoins, on arrivera bien à les trouver.

- On prend quelqu'un au hasard dans la rue ? Proposa Remus alors qu'ils sortaient de la maison.

- Encore mieux ! S'exclama Dora avec un cri de joie. On prend un vieux poivrot dans le bar !

Remus éclata de rire alors qu'elle le tirait vers le pub du village, un vieux bâtiment délabré dont le nom était « A la loutre dansante ». L'enseigne avait sans doute été verte en des temps reculés mais elle ne présentait plus maintenant que des lambeaux de peintures grisâtres. Tonks poussa la porte, ses cheveux roses contrastant bizarrement avec l'atmosphère lugubre ambiante. Remus sourit derrière elle. Dora était son rayon de soleil.

Les quelques hommes qui se trouvaient à l'intérieur tournèrent la tête vers eux lorsqu'ils entrèrent mais replongèrent bien vite dans leur verre de whisky. Dora murmura quelque chose à l'oreille de son fiancé, qui fit glisser des billets dans sa main. Elle s'écarta ensuite de lui et lança d'une voix forte :

- Je donne vingt livres à quiconque voudra bien nous servir de témoin pour notre mariage ! Nous avons besoin de deux volontaires !

Après un instant de flottement, deux hommes se levèrent. Remus doutait qu'ils se soient lavés récemment et ils semblaient tanguer sur leurs jambes, mais cela ferait l'affaire.

- Vingt livres chacun ? Demanda l'un d'eux d'une voix pâteuse.

- Evidemment, assura Dora d'une voix joyeuse. Allez, venez avec nous !

Ils montèrent tous les quatre jusqu'à une minuscule chapelle qui tenait presque miraculeusement sur une éminence rocheuse au-dessus de la mer. Dora s'arrêta en haut du chemin et contempla l'étendue bleue qui s'agitait en contrebas. Aucun rayon de soleil n'était visible, pourtant elle souriait de toutes ses dents. Remus, sa main soudée dans la sienne, lui sourit.

- Pas trop déçue par le temps ?

- Je me fiche éperdument du temps qu'il fait, rétorqua-t-elle avant de l'embrasser. Allons-nous marier ! Sinon ces deux-là vont retourner au bar avant qu'ils aient eu le temps de nous servir à quelque chose.

Ils passèrent une semaine dans ce coin perdu d'Ecosse, loin de tous les événements qui agitaient la Grande-Bretagne. Mais dès qu'ils revinrent à Londres, le doute envahit l'esprit de Remus. Ils s'étaient installés dans le minuscule appartement de Tonks et y auraient vécu parfaitement heureux sans les crises de panique de Remus. Bientôt, il ne parvint plus à trouver le sommeil.

Une nuit il se leva finalement sans réveiller Dora et alla se poster à la fenêtre entrouverte, à cause de la chaleur étouffante qui régnait sur Londres. Une demi-lune brillait dans le ciel. La plupart des gens auraient sans doute trouvé cela rassurant, mais elle terrifiait Remus. Ils n'avaient même pas réfléchi à l'endroit où il s'enfermerait les soirs de pleine lune. Il jeta un coup d'œil à la porte qui menait à leur chambre et se demanda s'ils avaient fait le bon choix. Si lui, Remus, avait fait le bon choix. Peut-être aurait-il dû partir après la mort de Dumbledore. Disparaître à jamais de la vie de Dora.

La porte de la chambre s'ouvrit et une ombre silencieuse se glissa dans le salon. Les cheveux roses de la jeune femme étaient encore plus décoiffés que d'habitude.

- Remus ? Murmura-t-elle. Qu'est-ce que tu fais ?

Il s'approcha d'elle et la prit dans ses bras en tentant de faire taire sa culpabilité.

- Je suis désolé de t'avoir réveillée.

- Tu n'arrives pas à dormir ?

- C'est la chaleur.

Il la vit froncer les sourcils malgré l'obscurité et il s'en voulut de lui mentir. Mais elle ne l'interrogea pas plus avant et lui prit la main.

- Allez viens. Dors avant que Fol-Oeil t'envoie de nouveau dans des missions pas possibles.

- Je te rappelle que tu es concernée aussi, fit-il remarquer en se laissant entraîner à sa suite.

- Mais moi je ne suis pas insomniaque, rétorqua-t-elle.

- Certes mais...

Elle l'embrassa pour le faire taire et Remus cessa de discuter.

En réalité, Maugrey les laissa tranquille durant le mois de juillet. Ils firent quelques patrouilles mais rien de plus. La pleine lune se passa sans problème et Remus cessa presque de se tourmenter. Mais il lui arrivait encore, certaines nuits, de s'éveiller en sursaut après avoir rêvé qu'il faisait du mal à Dora.

La première mission importante qui leur fut confiée après leur mariage fut le transfert d'Harry de chez lui au Terrier. Très peu de membres de l'escorte savaient qu'ils s'étaient mariés, aussi Tonks prit-elle un malin plaisir à agiter son alliance sous leur nez. Remus ne fit aucun commentaire, mais grimaça lorsque Maugrey coupa court aux félicitations de Harry.

Juste avant de décoller, Remus fit un petit signe de la main à Dora. Il tentait de se convaincre que tout irait bien et qu'il retrouverait sa femme saine et sauve quelques heures plus tard. Il déchanta bien vite lorsqu'il se retrouva couvert du sang de George Weasley, inconscient et avec une oreille en moins. Furieux contre celui qui les avait trahis, paniqué et inquiet, il s'emporta contre Harry, qui se refusait à lancer autre chose que des sorts inoffensifs. Il regarda les différents membres de l'escorte arriver les uns après les autres, sans que Dora ne se manifeste. Bientôt, seuls Dora, Ron, Bill et Fleur manquèrent à l'appel. Les survivants s'assemblèrent dans la nuit noire et, les yeux fixés sur le ciel, attendirent. Remus, légèrement à l'écart, revivait avec angoisse tous les moments où il avait perdu un être cher. Mais alors que les minutes passaient, il sentit que si Dora ne revenait pas, ce serait pire que toutes les pertes qu'il avait subies jusque-là.

Enfin, après ce qui lui sembla être une éternité, un balai se matérialisa dans le ciel. Il tomba plus qu'il ne descendit et Dora produisit un nuage de poussière en plantant ses talons dans le sol pour ralentir leur arrivée. Ron descendit en chancelant du balai mais Remus ne lui prêta aucune attention. Dora glissa à son tour au sol et se jeta dans ses bras. Elle enfouit son visage contre son cou, légèrement tremblante. Remus, la mâchoire contractée, appuya sa joue contre ses cheveux. Lorsqu'elle fit le récit de ce qui leur était arrivé, il sentit une rage froide telle qu'il n'en avait jamais connue s'insinuer en lui. Bellatrix Lestrange voulait la peau de sa femme... Il se fit la promesse qu'elle ne parviendrait jamais à ses fins, pas tant qu'il serait vivant.

Ils restèrent dans la cour en attendant les derniers absents et chacun raconta son périple. Remus ne lâchait pas la main de sa femme. Enfin, le Sombral que chevauchaient Bill et Fleur arriva. Ils étaient à peine descendus que Bill, le visage grave, annonça :

- Fol-Oeil est mort.

Remus sentit les doigts de Dora se crisper entre les siens. Lui-même perdait un ami, mais il savait qu'il était bien plus que cela pour Dora. Choquée, elle fixait Bill sans vouloir y croire. Elle se tourna vers son mari, ses yeux bleus écarquillés. Sans un mot, il la serra contre lui. Au bout de quelques secondes, il sentit son corps se contracter et elle fondit en larmes alors que Bill racontait ce qu'il s'était passé.

Remus s'en voulut de quitter sa femme, plus tard dans la soirée, pour aller chercher le corps de Fol-Oeil, mais il ne pouvait se résigner à le laisser à la merci des Mangemorts. Maugrey Fol-Oeil ne pouvait pas finir ainsi. Lorsqu'il rentra chez lui, à l'aube, il trouva Tonks recroquevillée dans un des fauteuils de leur salon, une épaisse couverture sur les genoux. Elle était en pyjama mais Remus aurait juré qu'elle n'avait pas fermé l'œil de la nuit. Elle l'accueillit d'un sourire lorsqu'il entra mais Remus haussa les sourcils. Elle soupira et lâcha :

- Quelle est la première apparence incongrue que j'ai prise devant toi ?

- Une quarantaine d'années, les cheveux gris, la coupe au bol, l'air pincé.

- Je déteste devoir faire ça à chaque fois, marmonna-t-elle alors qu'il s'agenouillait devant le fauteuil sur lequel elle se trouvait. Je suis à court de questions en plus.

- Tu peux toujours me demander la couleur de mes chaussettes.

- La plupart des hommes portent des chaussettes grises, Remus.

- Certes.

Elle glissa sa main sur son visage fatigué et interrogea d'une petite voix :

- Vous ne l'avez pas trouvé ?

- Non. Je suis désolé.

Elle prit une profonde inspiration et retint à grand peine ses larmes.

- Je n'arrive pas à croire qu'il soit mort. Il était indestructible !

Il posa ses doigts sur les siens, incapables de trouver quoi répondre. Voir sa Dora, d'habitude si forte, dans un tel état l'anéantissait.

- Tu n'as pas dormi ? Reprit-il, soucieux.

- Non. Je t'attendais.

- Il ne fallait pas.

Elle se tortilla dans son fauteuil et attrapa sa main dans la sienne. Elle pressa avec douceur ses doigts entre les siens, puis balbutia :

- Parce que... parce que j'ai quelque chose à te dire.

Il resta immobile, attendant qu'elle poursuive. Elle se mordilla la lèvre quelques instants avant d'avouer enfin ce qu'elle avait sur le cœur :

- Remus... je suis enceinte.

Il fut incapable de répondre, complètement hébété.

- Remus ? S'inquiéta-t-elle.

- On va avoir un bébé ?

Un faible sourire étira les lèvres de Tonks.

- Oui c'est généralement la définition de « enceinte ».

Il s'obligea à sourire alors qu'une détresse infinie l'envahissait.

- C'est... c'est merveilleux Tonks, se força-t-il àexhaler avant de la serrer contre lui.

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