Ou qu'il se taise à jamais

*Oyé oyé ! Aujourd'hui au programme, une toute nouvelle nouveauté de ma part : un trouple. Je vous souhaite une bonne lecture !*


Des bouquets de roses avaient été accrochés à l'extrémité de chaque banc. Ces fleurs blanches, plus éclatantes encore que la neige surprise par le soleil au matin, étaient lacés d'un adorable ruban rose pâle. Aussi, elles étaient d'une telle beauté qu'on les aurait cru cueillit le jour même. Tout en respectant le code couleur, d'autres décorations avaient été déposées ici et là. Des ballons accompagnaient certaines gerbes, tandis que d'autres s'étaient envolés jusqu'au haut plafond. Des paillettes, confettis, plumes et autres accessoires maculaient le tapis qui traversait l'allée centrale. Allée centrale se terminant par l'autel et bien sûr, la cérémonie qui s'y déroulait ce jour-là.

- Nous voici ici aujourd'hui réuni pour célébrer l'union de deux êtres. Deux êtres que tout opposait autrefois et qui pourtant, sont à présent rassemblés par une chose...

A cet instant, un rayon vint s'heurter au vitrail le plus coloré de l'Eglise. Le soleil se mit alors à illuminer la pièce de mille feux, donnant à la cérémonie un petit air divin. C'est ainsi que telle une déesse, la jeune femme tout de blanc vêtu fut enveloppée par l'éclat lumineux. A travers le fin voile de dentelle, le rayon fit resplendir ses mèches bleues, remontées en un chignon tressé et décorées de fines perles de nacres. Tout comme cela fut le cas pour le collier forgé d'or blanc et de morganite qui reposait sur sa nuque délicate. Et lorsqu'elle releva sa tête, croisant le regard de son amour avec des yeux étincelants, le soleil se mit à briller deux fois plus fort encore. Comme en signe de bénédiction de cette union.

- L'amour.

A l'entende de ce simple mot – ou peut-être est-ce ce regard si voluptueux de celle qui lui avait volé son cœur il y a déjà quelques années de cela – les joues du charmant jeune homme se colorèrent. Elles devinrent si roses que les rubans des gerbes de fleurs faisaient bien pâle figure à côté. Remarquant quel effet elle avait sur son futur époux, la jeune dame ne put s'empêcher de rougir à son tour. Et ce fut ainsi, rougissant l'un comme l'autre, qu'ils réalisèrent encore une fois à quel point ils étaient reconnaissants de s'être trouvés en ce vaste monde.

- C'est l'amour qui les a fait se rencontrer, comme c'est l'amour qui leur a permis de comprendre ce qu'ils ressentaient l'un pour l'autre. Et si nous nous trouvons aujourd'hui dans la maison de notre seigneur, ce n'est que pour officialiser l'union de leurs deux âmes qui se sont déjà depuis longtemps accrochées l'une à l'autre.

Judith et Evan croisèrent leurs regards, songeant à la première fois où ils étaient vu hors du lycée – ce paradis où ils avaient eu le privilège de faire la connaissance l'un de l'autre. Bien sûr, de nombreuses années étaient passées depuis ce fameux soir, tout comme beaucoup d'autres s'étaient écoulées depuis leur premier rencontre. Depuis leur premier regard. Et tout en repensant à cela, ils réalisèrent soudain qu'ils étaient tombés en pâmoison depuis bien plus longtemps qu'aucun n'avait osé l'admettre jusqu'à présent.

- Jurez-vous de vous chérir ? Jurez-vous de vous aimer l'un l'autre, pour le bon comme pour le mauvais ? Jurez-vous de veiller, de protéger, de défendre l'être aimé ?

Alors que les deux futurs époux, toujours aussi rougissants, répondaient par l'affirmative à chacune de ces questions, l'assemblée éparpillée dans les bancs réagissait elle-même. En toute réalité, l'assemblée n'était pas réellement éparpillée. Ne se composant que pour et pour tout de leurs trois plus proches et plus tendres amis.

Kit, leur ami aux propositions d'un géant mais au cœur tendre, semblait s'être laissé dépasser par ses émotions. Face à tout cet amour, des grosses larmes – proportionnelles à sa taille de géant donc – s'écoulaient sur ses joues. Il tentait vainement de les chasser de ses immenses mains, mais ce qui n'avait pour tout dire, pas franchement de succès.

A la droite de ce dernier se trouvait Mary, témoin attiré de la mariée, habillée d'une longue robe d'un rose très pâle et dont l'ouverture sur le côté laissait entrapercevoir une jambe taillée dans la porcelaine. Parée de sa plus belle paire de lunettes pour l'occasion, il remonta ces dernières sur son nez tout en cherchant un mouchoir dans son sac. Il en sorti un paquet entier, qu'elle remit entre les mains du géant au cœur immense et une fois chose faite, elle se tourna vers la dernière invitée : Constance.

Constance pour sa part, était le témoin du marié et était certainement celle qui avait le plus joué le jeu pour la tenue du mariage. Chaussée de ses traditionnelles bottes à lacets montantes – achetées en blanc pour l'occasion – d'une jupe courte tout aussi immaculée ainsi que d'un haut qui couvrait ses bras tout en découvrant ses épaules, elle était splendide. Je crois pouvoir dire, sans trop m'avancer, que sa beauté égalait celle de la mariée.

Même si tous ne partageaient pas mon avis. Evan tout particulièrement. Car aux yeux de cet ange tombé du ciel, aucune femme ne pourrait jamais égaler la beauté de celle qui se trouvait en face de lui. Tout comme Judith avait la profonde conviction que jamais un homme ne pourrait avoir des lunettes aussi seyantes sur le bout de son nez.

La profonde conviction que... ils avaient toujours été fait pour se retrouver, tout comme s'il y avait plusieurs de vie de cela, un Jupiter jaloux les avait séparés, les condamnant à errer, en quête éternelle et harassante de cette moitié qu'un Dieu capricieux leur avait arraché. Ainsi, ils s'étaient retrouvés et ils allaient être heureux. Ils avaient malgré tout une drôle de sensation, comme s'ils leur manquaient quelque chose pour pouvoir l'être pleinement. Mais qu'est-ce que pouvait bien être ce « quelque chose ? »

Puis le grand moment arriva.

- Si quelqu'un s'oppose à cette union, qu'il se manifeste maintenant ou qu'il se taise à jamais.

Tout d'abord, il y eut le silence.

Un grand silence. Un immense silence.

Ce fut au moment où le prêtre s'apprêta à demander le consentement mutuel des époux que tout bascula.

La porte de chêne massif s'ouvrit dans un grand fracas.

La lumière s'engouffra d'un coup dans l'église, réduisant le nouvel individu à une silhouette lointaine et parfaitement inidentifiable. S'appuyant contre la porte, il mit un moment à calmer sa respiration erratique et son cœur battant à milles à l'heure d'avoir autant couru. Le front maculé de sueur, vêtu d'un simple t-shirt et d'un short pas le moins du monde adapté au dress code des épousailles et avec un regard plus déterminé que jamais, c'était bien Cody qui se tenait là.

Le vaillant héros arriva au niveau de Judith et Evan. Soudain, il fut dépassé par tout l'amour qu'il portait en lui et qu'il n'arrivait plus à retenir. Il tomba à genoux et releva la tête vers son aimé de toujours.

- Je m'oppose à cette union car je t'aime.

Evan se mit à rougir furieusement et il se vit contraint de cligner plusieurs fois des paupières pour s'assurer que ce qu'il voyait était bien réel. Il resta immobile, l'air idiot, sans même réussir à articuler un mot. Alors, toujours dans le silence le plus complet, Cody se tourna vers Judith.

- Je m'oppose à cette union car... toi aussi je t'aime. Je t'aime tellement !

Judith, bien heureusement, fut bien plus réactive que l'était son futur époux. Son visage s'éclaira d'un immense sourire, comprenant enfin ce qu'il lui manquait pour être pleinement heureuse. Elle aida Cody à se relever, ramena Evan sur notre belle planète Terre et se tourna à nouveau vers le prêtre.

Elle aimait Evan bien sûr, tout comme Evan l'aimait. Mais elle se refusait à ignorer plus longtemps les papillons qui voletaient dans son ventre lorsque son regard croisait celui de Cody. Elle comprenait à présent : ils n'étaient pas deux âmes sœurs qui avaient tant attendues avant de se retrouver, mais bel et bien trois âmes sœurs.

Ils s'aimaient à trois. C'était aussi simple que cela.

Le prêtre prononça le sermon pour les unir tous les trois. Les alliances furent échangées et les vœux prononcés.

Dans l'assemblée, ce n'était plus seulement Kit qui pleurait. Constance s'était jointe à lieu, essuyait précautionneusement ses yeux pour ne pas risquer d'ôter son maquillage.

Dehors en revanche, ce fut sous les éclats de rire que les mariés furent acclamés. Ils ne perdirent pas une minute pour se rendre dans la salle qu'ils avaient réservée à deux pas de là. Et bien vite, la fête put battre son plein. Toute la soirée et jusqu'au bout de la nuit, de la chenille, à la queleuleu, en passant par des valses, des salsas et des macarenas endiablées, ils s'amusèrent tant qu'ils furent tous plus heureux que jamais.

Voici comment se termine l'histoire d'Evan, de Cody et de Judith, l'histoire des âmes sœurs si longtemps séparées par un Dieu jaloux de leur lien et qui, envers et contre tous, avaient fini par se retrouver. Et cette histoire, c'est la seule qui mérite d'être racontée. Cela est bien suffisant.

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