« À demain Timothée ! »

C'est sur ces derniers mots de Tom, mon binôme de sciences, que je renonce à la Terre ferme pour rejoindre la première marche du bus.

Bien sûr, comme tous les soirs depuis deux ans, ce sont les mêmes imbéciles qui font la fête à l'arrière. Si jamais je faisais monter Tom, il me demanderait sûrement quelle est la chanson qu'ils s'amusent à siffler à tue-tête. Et malheureusement, je ne pourrais pas lui donner la réponse. Non pas que je suis à côté de la plaque en matière de musique, je pense même que je suis plutôt fort en ce domaine. Sans me vanter bien sûr. La vérité est que je serai complètement incapable de comparer ces cris à du chant. Je dirais même qu'ils hurlent. Qu'ils hurlent comme des singes.

Bon, après ce rapide constat de la situation désastreuse qui règne dans mon bus, je retrouve ma place habituelle, m'y effondre, enfonce mes écouteurs dans mes oreilles, sors mon livre de mon sac et enfin, je peux enfin retrouver ma véritable de vivre.

Bien heureusement, les singes de l'arrière descendent aux premiers arrêts et le bus devient tout de suite beaucoup plus calme. Puis vint mon tour de retrouver la Terre ferme. Après un petit et certainement très peu audible au revoir au chauffeur, je descends sur le trottoir avec qu'une seule hâte : rentrer au plus vite dans mon chez-moi douillet.

Alors que la musique résonne toujours à fond dans mes écouteurs, mon téléphone vibre soudain. Curieux, je le sors de ma poche, attendant à voir le nom de Tom s'afficher sur l'écran. Mais ce n'est pas lui.

De numéro Inconnu

Je te vois

Est-ce que j'ai pris peur ? Disons plutôt que j'ai levé un sourcil, soupiré et me suis demandé lequel de mes prétendus amis avait bien pu se décider à me faire une blague de ce style.

Lorsque je suis entrée dans la cuisine, un petit papier blanc sur la table a attiré mon attention. Maman me prévenait qu'elle rentrait très tard cette nuit et qu'elle me verrait demain matin. Avec un sourire, j'ai pensé aux chips et à la télé qui m'attendaient bien tranquillement. Plus tard, alors que je m'installais confortablement sur le canapé et que je lançais pour la neuvième fois au moins « jack et la mécanique du cœur », j'ai reçu d'autres messages. Puis d'autres. Je les regardais d'un œil tout en piochant des chips craquantes dans le paquet et pour être tout à fait honnête, ma seule pensée était de découvrir si c'était Tom qui était derrière tout ça.

Puis, à 23h, j'en ai reçu un qui était un peu plus inquiétant.

De numéro Inconnu

Je suis entré

Tout à coup, j'ai perdu toute confiance en moi. Je crois même n'avoir jamais eu aussi froid de toute mon existence. C'était comme si toutes les fenêtres de la maison venaient de s'ouvrir à l'instant. Pourtant, je sens de la sueur couler le long de ma nuque. Puis j'ai terriblement chaud aussi et mon cœur bat bien trop vite.

Je me demandais si Tom était le responsable du canular et si j'avais fermé la porte à clef. Est-ce que j'avais fermé cette putain de porte ? Une seconde plus tard, je n'étais plus que capable de penser à ça. Ça tournait en boucle dans ma tête. C'était obsédant.

Je devais vérifier.

Alors j'ai abandonné les chips et je me suis levé du canapé. A petits pas, je me suis approché du couloir et, tout en essayant de calmer ma respiration bien trop bruyante, j'ai pris mon téléphone. Et pour la première, je lui ai répondu.

A numéro Inconnu

Où êtes-vous ?

J'ai fait encore quelques pas, incapable d'arrêter de trembler. J'avais les dents qui s'entrechoquaient à présent et mes jambes menaçaient de s'écrouler d'une seconde à l'autre.

Puis soudain, j'ai eu la certitude, infinie et inexplicable, tout au fond de moi, que ce soir, je ne verrai pas ma mère rentrer à la maison.

Nouvelle vibration. Nouveau message.

Derrière toi