Juste sous son lit

Le monstre était là.

Elle le sentait.

Elle n'avait pas besoin de le voir, ni même de l'entendre.... Elle savait déjà qu'il était là, qu'il était tout près.

Il faisait si froid dans sa chambre à présent. L'air ambiant était glacé et son corps fut soudain recouvert d'une fine couche de givre. Ses lèvres avaient viré au bleu et elle n'arrivait pas à empêcher ses dents de s'entrechoquer. Les poils de ses avants-bras s'étaient hérissés et ses jambes étaient parcourues de frissons, et elle ne pouvait rien faire pour arranger cela.

Sûrement même qu'avec toute la volonté du monde, la petite fille n'aurait pas trouvé la force de se lever. Ce n'était pas qu'elle ne le voulait pas, mais qu'elle ne le pouvait pas. C'était comme si une force inconnue lui compressait la poitrine. Comme si elle était paralysée, non pas de sommeil, mais de peur.

De la plus pure et la plus intense des peurs.

Celle qui nous enlève toute notion du temps, qui nous fait perdre tous nos moyens, qui nous empêche de parler, qui réprimande chacun de nos mouvements, qui nous oblige à rester immobile, sans pouvoir faire quoi ce soit, ni ce n'est s'apitoyer sur son sort et supplier que tout ça s'arrête.

Alors que le monstre sortit sa dernière patte des égouts de la ville et qu'il fut entièrement dans la chambre de la fillette, elle crut que son cœur allait cesser de battre.

De ses babines et crocs acérés, il s'écoula de la bave visqueuse qui tapissa le sol et qui ne fit que baisser encore plus la température déjà glaciale de la chambre. De ses longues et imposantes pattes aussi obscures que les ténèbres elles-mêmes, la bête renversa les étagères et tous les livres qu'elles contenaient. De ses yeux blancs, translucides, presque invisibles, la créature fixa les photos, les dessins, les posters et en un instant, elle leur ôta toute couleur, tout bonheur, toute joie. C'était comme si toute vie avait quitté la pièce.

Il ne restait plus qu'eux deux ici. La petite fille et le gigantesque monstre. La créature des enfers et l'enfant paralysée. Le corps gelé et la chose visqueuse.

Une première patte apparut sur le lit de la fillette. Puis une deuxième, une troisième, une quatrième... jusqu'à ce que l'une d'entre elles atteigne son visage et caresse sa nuque découverte.

Elle voulait réveiller ses jambes endormies et courir dans la chambre de ses parents. Elle voulait reprendre possession de ses mains et éjecter ces sales pattes de son joli minois. Elle voulait retrouver la parole et prévenir quelqu'un, n'importe qui. Elle voulait hurler.

Elle voulait tellement... mais elle ne pouvait rien faire.

La griffe du monstre s'apprêtait à faire une première entaille dans sa peau de porcelaine lorsque
... la lumière s'alluma soudain.

- Oh ma puce, calme toi. Ce n'était rien qu'un cauchemar.

En voyant sa mère assise au bord de son lit, la petite fille fut enfin capable de respirer correctement. Alors, après une grande inspiration, elle se jeta contre le corps qui lui ouvrait grand les bras.

- Tout va bien maintenant. Tu n'as plus à t'en faire.

Maintenant qu'elle se savait en sécurité, l'enfant ne put maintenir ses barrières plus longtemps. Elle éclata en sanglot. Sa génitrice la berça tout contre elle, lui murmurant tout un tas de paroles réconfortantes. Bien qu'au milieu de ses pleurs et de ses reniflements bruyants, la petite fille n'en entendait pas la moitié. Lorsqu'elle ne trembla plus comme une feuille et que son cœur eut retrouvé un rythme cardiaque à peu près normal, la dame lui demanda ce qui avait tant pu l'effrayer. Aussi bien que sa respiration hachée et son souffle difficile le lui permettait, elle lui parla du monstre venu des dessous de la ville et qui était entrée par la fenêtre restée ouverte durant cette chaude nuit d'été.

- Oh mon poussin, je vais aller fermer cette fenêtre et comme ça, les vilains monstres ne pourront plus venir t'embêter.

Après avoir fermé la fenêtre, sa mère revint s'asseoir sur sa couverture, lui déposa un baiser sur le front, puis après caressé une dernière fois les cheveux de sa fille, sortit dans le couloir de l'étage. S'appuyant sur la porte de sa chambre, elle regarda une dernière fois son petit trésor.

- Ne t'inquiète pas ma chérie. Il n'y a pas de monstre sous ton lit, ni dans les dessous de la ville. Tu es en sécurité ici. Il ne t'arrivera rien.

Puis sa mère referma la porte et la petite fille se retrouva à nouveau dans l'obscurité la plus totale. Tout en se répétant que tout ça n'était qu'un simple rêve, l'enfant se frotta les yeux et se recoucha sous ses draps bleus. Alors qu'elle sombrait dans les bras de Morphée, elle se le rappela une dernière fois : il n'y avait pas de monstre. Il n'était pas là. La fillette s'endormit avec un sourire aux lèvres.

Mais il était là... tout près. Juste sous son lit.

Et ce soir, il allait faire sa première victime.

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