Excusez-moi
Elle fixe l'horloge devant elle.
Les aiguilles l'hypnotisent, captivant sa moindre goutte d'attention, s'en abreuvant jusqu'à plus soif. La petite n'a pas bougé, refusant obstinément d'accomplir le plus infime des mouvements. La grande, elle, s'active, bien sûr qu'elle fait cela, mais toujours à un rythme si lent !
L'aiguille semble sentir le regard pesant sur elle, et sait, à sa guise, s'en amuser. Car si elle avance, elle prend un malin plaisir à ne faire que de si petits pas ! Celle des heures va finir par la dépasser ! La grande s'amuse de l'ennui bien misérable de l'élève. Elle en rit aux éclats, on peut remarquer cela aux légers sauts lorsqu'elle daigne enfin se déplacer. La barre devient maîtresse dans l'art de la torture de la patience. Qu'est ce que le temps est long !
Abandonnant l'horloge, l'adolescente regarde par la fenêtre, espérant trouver un quelconque détail qui enfin, lui offrirait un prétexte pour sortir de cette salle. Elle souffle, son léger soupir bougeant les pages de son classeur jaune. En face d'elle, un tableau vert foncé, entièrement vide.
Puis, juste devant, une professeure, déballant des mots sans intérêt et des phrases à rallonges. Des sujets hors de la norme scolaire, toujours différents du thème et des paroles bien trop assommantes. Peut-être aurait-elle mieux fait de songer à un changement de carrière, elle deviendrait une importante chercheuse sur la question des somnifères.
L'extérieur, lui, au moins, est intéressant à étudier.
Même en lui accordant une infime seconde d'attention, le dehors a ce pouvoir surnaturel de la captiver. Un banc, mais ne lui manque t'il pas une planche ? Par là-bas, un groupe d'amis, de quoi peuvent-ils bien discuter ? Un peu plus loin, une personne a un livre, est-ce de la romance, ou bien de la science-fiction ? Vers l'herbe, deux rient, est-ce une anecdote ou un souvenir commun ? Sous l'ombre d'un grand arbre à l'écorce sombre, deux chantent, un instrument les accompagnant, est ce une guitare ?
L'adolescente fixe de nouveau son cahier. Le stylo noir encore ouvert, fatigué d'écrire tant de lignes inutiles. De longues et insipides phrases, sans début, ni même aboutissement. Des pauvres lettres qui flottent dans un océan d'ennui, et qui courent le risque de se mélanger, portées par un courant de pur non sens. Son regard se perd au milieu des bien trop immenses termes que la dame aime plus que tout dicter.
Encore, la grande aiguille joue de sa patience. L'horloge, le cahier, le tableau, puis, l'extérieur. Le monde au de-là de la fenêtre est une échappatoire.
L'adolescente s'ennuie, et regarde dehors, mais pas simplement pour faire passer le temps. En effet, derrière ses soupirs répétitifs et ses regards lancés à l'entrée de son cher lycée, une véritable raison se cache. Elle attend un événement qui va radicalement changer le cours de son existence.
Prochainement, celui qu'elle espérait voir arriver depuis la toute première sonnerie de la nouvelle année scolaire interviendra. Il apparaîtra lumineux de bonheur au milieu de cette cours de récrée toute terne, un sourire aux lèvres, son bras lui adressant un grand signe et l'autre tirant une valise rouge. Cela est certain, son cousin entra bientôt dans le lycée pour l'emmener !
Soudain, elle sursaute. Un bruit sans aucun rapport avec les vacances l'avait arraché à sa contemplation de la cour. Le toc toc résonne encore dans esprit lorsque la prof arrête enfin de parler. Quelqu'un vient de toquer à la porte de la classe, et a interrompu le cours de français de première.
La porte l'empêche de connaître l'identité de celui qui a courageusement fait cesser les phrases trop longues de la dame.
Mais pour cette adolescente, une certaine Louise au classeur jaune et aux cheveux roses, le nom de sauveur ne peut pas laisser place au doute. C'est son cousin ! Elle sait que derrière cette misérable barrière de bois, un grand, fort et heureux chevalier n'attend que de la retrouver ! Dans quelques secondes à peine, il exercera une légère pression sur la poignée et la porte s'ouvrira !
Elle retrouvera les Vosges, le paysage incroyable, le lieu de vacances fou, sa famille réunie pour les deux semaines, les longues après-midi au soleil, les soirées au bar servant des boissons en illimité, les nombreuses escapades nocturnes, les souvenirs plein la tête et les moments heureux à n'en plus pouvoir.
Derrière cette porte, il y a son cousin. Il n'a qu'à l'ouvrir ! Doucement, la poignée s'abaisse...
Louise va bientôt retourner en vacances ! Elle en est sûre ! Elle en est certaine !
Puis, lentement, une ouverture sur le monde extérieur apparaît !
Louise retient son souffle, incapable du moindre geste, le corps paralysé par l'émotion. Enfin, son départ est imminent, elle voit déjà les Vosges d'ici !
Elle va partir !
Là, maintenant, tout de...
« Excusez-moi, mauvaise salle. »
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