- Les enfants jouent. Ils grimpent sur les manèges, naviguent sur des bateaux multicolores, guettent du haut de la plus haute tour, s'amusent à défier la gravité. Il y a leurs parents bien sûr, mais à vrai dire, ils ne sont pas vraiment là. Ils sont bien trop occupés à discuter entre eux pour courir tout le temps derrière leur progéniture. Ils se contentent de vivre l'instant présent, de ce moment où leur marmot commence à prendre son envol en laissant enfin leurs parents un peu tranquilles. Cependant, ils ne sont pas les seuls dans ce grand tableau coloré. Il y aussi les lycéens, perdus ici et là, occupés à se prélasser dans l'herbe et à profiter des quelques rayons de soleil qui arrivent à traverser la cime des arbres...

- Et toi, tu es où dans ton souvenir ?

- Justement, je suis parmi ces quelques adolescents venus traîner là, j'étais d'ailleurs très occupée à...

- Te prélasser ?

- Pas exactement. Disons que je prenais du bon temps. Avec mes écouteurs dans mes oreilles, je lisais pour la première fois Harry Potter. Je crois même que j'étais à la fin du tome 4 ce jour-là.

- Et c'est tout ? Tu ne me racontes pas la suite ?

- Le souvenir s'arrête ici.

- J'suis pas d'accord. Raconte-moi en plus, j'aime quand tu racontes des histoires. Alors, tu es retournée au parc après cette après-midi-là ?

- Non, ça aurait été bien trop dangereux. Complètement inconscient même. Je n'y suis pas retournée le lendemain, ni le jour d'après puis tout simplement jamais. Aujourd'hui, c'est la première fois que je reviens depuis... depuis...

- Depuis la catastrophe chimique qui changé pour toujours la face du monde ?

- Voilà. Depuis ce jour-là.

Les deux adolescents se turent. Les larmes qui perlaient au coin des yeux de la jeune adulte auraient suffit à éteindre toute nouvelle parole. Le deuxième protagoniste profita de cet instant pour regarder sa montre. Ils devaient être rentrés dans un moins d'une demi-heure au refuge. Il était à présent de se mettre en route. Alors qu'il quitta leur banc, il entendit soudainement un bruit derrière lui. Son amie lui demanda, d'une voix faible et presque inaudible, de se rassoir. Ce qu'il fit.

Une seconde plus tard, ils fixaient tout deux l'horizon.

- Et toi, est-ce que tu en as encore ?

Il y eut un silence. Personne ne savait quoi dire. Il la regarda, un air interrogateur peint sur le visage.

- Est-ce que tu as encore des souvenirs du monde d'avant ?

Sa mine prit soudain une tout autre forme. A présent, il paraissait triste, peiné... peut-être avait-il même mal.

Lorsqu'il releva la tête, il fixa son regard sur le ciel entièrement gris. Alors, même si la Lune seule pu s'en apercevoir, une larme silencieuse se mit à couler sur sa joue gauche.

- Non, je ne me rappelle plus rien. Je n'ai plus aucun souvenir du temps le ciel était bleu.