Dans la forêt, il y a une maison.
*Oyé oyé ! Ceci est une nouvelle un peu particulière, dont il est possible de faire plusieurs interprétations. Donc si vous le désirez, je veux bien que vous disiez ce que vous avez compris. Bonne lecture !*
Dans la forêt, il y a une maison.
Cette maison, personne ne sait à quoi elle ressemble exactement. Pourtant certains prétendent le contraire. Ils assurent l'avoir vu de leurs propres yeux et que chaque détail qu'ils en rapportent est pure vérité. Mais moi, je sais que ce n'est pas vrai. Car si cela l'était, ils n'auraient pas tous une version différente.
Dans la forêt, il y a une maison aux mille couleurs.
Je ne sais pas si quelqu'un a déjà réellement vu cette maison. Ce que je sais en revanche c'est que d'après ce qu'on m'en a raconté, elle est magnifique. D'abord, elle est peinte de rose. Du plus beau et du plus doux des roses. Quelque chose oscillant entre une jeune fleur s'ouvrant à la rosée du matin et le mauve qui emplit le ciel lorsqu'arrive pour le Soleil l'heure de se coucher. Mais le plus fascinant avec cette maison reste son pouvoir de changer de nuance. En fonction de la saison, de l'intensité de la lumière, de la force du vent ou de toutes ces autres choses que la nature est capable de faire, les arbres qui l'entourent s'y reflètent et font que quelques fois, elle n'est plus rose. Car lorsque j'imagine cet endroit, je vois des arbres, des tas d'arbres, tous plus majestueux les uns que les autres. Il y en a des bleus, des violets, des mauves, des roses et peut-être quelques bruns au lointain. Et lorsque leur feuillage s'agite ou que leurs branches se mettent à danser, ils n'éclairent plus la bâtisse de la même façon et celle-ci devient autre. Ainsi, chaque jour, elle change de couleur et ce de mille manières différentes.
Dans la forêt, il y a une maison que je vois dans mes rêves.
Peut-être que ceux qui disent l'avoir déjà vu ne mentent pas. Peut-être l'ont-ils réellement aperçue, bien à l'abri dernière les broussailles et les hautes herbes, se métamorphosant en fonction de la personne qui ose s'aventurer au près d'elle. Alors oui, peut-être existe-t-il autant de versions différentes de la maison qu'il existe d'histoires à son égard. Peut-être. Alors comment pourrais-je prétendre savoir qu'ils racontent des salades ? Après tout, je ne l'ai moi-même jamais vue. Enfin mis à part dans mes rêves bien sûr ! Car le soir venu, au moment du coucher, durant cet infime instant avant que nous ne basculions de notre monde à celui des songes, il m'arrive de repenser aux histoires de Grand-Mère. Et quand je le fais, la maison apparaît. Je ne peux l'en empêcher et je ne peux pas non plus la chasser de mon esprit jusqu'au petit matin. Car une fois qu'elle y est entrée... il n'est plus possible de l'en faire sortir.
Dans la forêt, il y a une maison et tout un tas de légendes.
La maison existe-elle ailleurs que dans mes propres rêves ? Je doute qu'elle ait sa place dans notre réalité. Existe-elle alors dans d'autres songes que les miens ? Dans ceux des enfants et adolescents qui eux aussi, ont laissé Grand-Mère leur raconter une histoire ? Dans ceux des jeunes villageois qui un soir, ont pris la peine de venir s'asseoir aux pieds de cette vieille dame à l'esprit débordant d'imagination et aux récits capable de nous emmener dans un tout autre monde que le nôtre ? Si cela tel est le cas, je me demande s'ils l'imaginent comme moi : rose, perdue au cœur des bois multicolores, bordée de plantes d'espèces aussi inconnues que fascinantes, à la fois refuge pour les animaux et lieu de mystères pour les humains. Je ne sais pas si d'autres la voient aussi ainsi. Je ne sais même pas si elle est déjà apparue dans leurs rêves. D'ailleurs, je ne sais pas si cette maison est réelle ou si elle n'est rien de plus qu'une légende. Ce que je sais en revanche, c'est que lorsque Grand-Mère nous en parle... elle le devient.
Elle a ce pouvoir-là Grand-Mère. Celui de faire apparaître le soleil au plus froid de l'hiver, d'invoquer la lumière dans une cave sombre et humide, de nous apporter bonheur et chaleur dans les temps les plus sombres, de nous emmener dans un univers à mille lieux du nôtre. Celui de nous faire croire à l'existence de tous les protagonistes de ses nombreuses histoires : des déesses, des sirènes, des fées et des lutins, des créatures venant de mondes souterrains et d'autres de mondes célestes, mais aussi des trains à vapeurs, des boites magiques diffusant des images animées, de drôles d'êtres de métal capables d'agir comme le feraient des humains et même une fois, un superbe avion permettant d'envoyer des Hommes dans le firmament. Bien souvent tout ce qu'elle nous raconte n'est que pure fiction. Je le sais et sûrement que les autres enfants aussi. Ou du moins sans doutent-ils. Pourtant, à la seconde où les mots franchissent ses lèvres, tout devient réel. C'est son talent, son don.
Après tout, n'est-elle pas un peu magicienne ? Cette vieille dame collectionne des centaines d'histoires au fond de son esprit, les conserve aussi précieusement que des diamants, les chéris plus fort que tout autre présent sur cette Terre, et le moment venu, elle en sélectionne une, parfois deux ou trois, les mélange, les modifie ou les conserve selon son envie, en extrait des événements et en crée d'autres de toutes pièces, ajoute des couleurs, y jette une pincée de ceci et une pointe de cela... pour qu'à chaque fois, elle ait une nouvelle galaxie à nous faire visiter.
J'ai toujours adoré qu'on me raconte des histoires. Je doute que cette passion me vienne de mes parents. Ils n'avaient jamais le temps pour de telles bêtises : ils passaient la première partie de leur temps à travailler dans les champs et la seconde à dormir. Ils s'écroulaient de sommeil à l'instant où ils franchissaient la porte de leur chambre, si ce n'est le seuil même de la maison. Et durant ces rares quelques heures qu'ils consacraient à quelconque divertissement autre qu'aller retrouver le marchand de sable, venir me border était la dernière de leur priorité. Mes grands frères en revanche, c'était une tout autre histoire. Il arrivait assez souvent que le soir, après l'heure du dîner, l'un d'entre eux toque à la porte de ma chambre, l'entrouvre et s'y glisse tel un chat dans la nuit sombre, avec un petit sourire malicieux et une main cachée dans le dos. Et lorsqu'ils révélaient un livre ou quelque support où des mots apparaissaient, je me savais la plus chanceuses des petites sœurs. Ainsi, même si Bernard éprouvait plus de difficultés à lire que Marcel et que celui-ci n'était pas très doué en comparaison d'Arthur, qu'ils n'étaient pas forcément restés à l'école aussi longtemps les uns que les autres et que cela se ressentaient, je leur étais toujours pleinement reconnaissante d'accepter de m'offrir de leur temps et un bout d'eux-mêmes. Car s'ils lisaient majoritairement, toujours en y mettant le ton et en modifiant leur voix en fonction des personnages – ce qui ne manquait d'ailleurs jamais de provoquer des fous rires -, il arrivait quelque fois que le livre ne soit pas ouvert et qu'une histoire soit inventée. Crée au gré de l'humeur, de la journée passée ou de la météo, que ce soit canicule s'insinuant par ma fenêtre entrouverte ou pluie frappant mes volets les soirs de grand orage. Ainsi les soirées passaient et les mois avec, puis, inlassablement, leur tour arrivait. Il était venu pour eux le temps de partir travailler dans les champs aux aurores et d'en revenir à bout de forces à la nuit tombée. Au début, ils m'en lisaient encore, mais elles se faisaient à chaque fois un plus courtes et moins vivantes. Les personnages avaient perdu leurs voix et les fous rires s'étaient tus. Leurs paupières s'obstinaient à se clore en pleine lecture et bien souvent, c'était le bruit que faisait le livre en se refermant qui les réveillait. Lorsque cela se produisait, ils baillaient, quittaient le bord de mon lit et juste avant de quitter ma chambre, ils m'embrassaient le front et me promettaient « je reviendrais p'tite sœur ». Jusqu'au jour où aucun des trois ne revint. Tout comme cela fut le cas pour le lendemain, le surlendemain, celui d'après et tous ceux qui suivirent. Et c'est ainsi que les seules soirées de lecture que j'ai connu enfant prirent fin.
Est-ce que je déteste cette période de ma vie pour autant ? En aucun cas. Je n'avais peut-être personne pour me faire voyager, mais je n'étais pas malheureuse pour autant. Car à défaut de pouvoir visiter d'autres univers, j'avais déjà le mien et je me plaisais à l'explorer. Faire de la luge dans les champs aux matins de neige, se reposer à l'ombre d'un grand arbre dans le jardin lors des jours les plus chauds, se promener avec des amies là où nous menaient nos pas les soirs d'été : mon village était tout un monde à lui seul. Mais bien sûr, ma maison était au centre de celui-ci. J'aimais ma chaumière et son jardin, ma chambre et ses livres, ma famille et sa façon d'être.
Mon père et ma mère étaient très pudiques et nous laissaient rarement entrevoir ce qu'ils ressentaient. Pourtant, ils avaient beau être avares en grands élans d'affection, je savais qu'ils nous affectionnaient. Peut-être que mes parents gardaient tout au fond d'eux-mêmes car ils ne savaient pas faire autrement, et peut-être qu'avec notre sensibilité semblable à celle de tout autre enfant, mes frères et moi les effrayons parfois. Mais pour rien au monde je n'aurai souhaité que mes parents soient autres. Pour rien au monde, je n'aurai jamais voulu changer ma famille car c'était la mienne et je la chérissais telle qu'elle était.
Alors non, avec une famille aimante, un toit sur la tête et de quoi me nourrir chaque jour, je n'ai pas été malheureuse et je n'ai pas plus détesté mon enfance. Je sais que j'ai eu certaines choses que d'autres enfants de mon village n'avaient pas la chance d'avoir et je sais que si mes parents travaillaient dur, c'était justement pour nous les offrir. Puis, ne devrais-je pas me réjouir d'avoir eu cette enfance ? Car en vérité, je me demande si cette période de mon existence n'a pas participé à ce justement, j'aime tant les histoires aujourd'hui. N'est ce pas justement car j'en été en partie privée enfant que je savoure à ce point toutes celles que j'ai le privilège d'entendre aujourd'hui ? N'est-ce pas justement car j'en ais entendus peu que je sais dans quelle mesure un conte a un immense pouvoir ? N'est-ce pas justement car j'ai rapidement dû apprendre à les lire seule que je garde un souvenir si précieux des voix que prenaient mes frères pour les différents personnages ? Puis de toute façon, il n'était pas trop tard pour moi. Il n'est jamais trop tard pour personne.
Après tout, il y a-t-il une seule loi qui interdit aux adultes d'écouter des récits pour enfants ? Y a-t-il un seul commandement qui défend les grandes personnes de rêver ? Je crois du plus profond de mon être que non ; car il n'a pas d'âge pour les rêves.
J'ai la profonde conviction que même les adultes, un temps, ont le droit de retrouver leur âme d'enfant. Ils ont passé l'âge des légendes au coin du feu et celui des livres pour petits au moment du coucher, mais pourquoi ne pourraient-ils pas le retrouver le temps d'un instant ? Pourquoi devraient-ils se l'interdire ? Pourquoi devrais-je me l'interdire ? Nous ne devrions pas nous interdire de faire des choses sous prétexte qu'agir ainsi sorte du commun et attire les regards. Nous ne devrions pas nous priver de croire en nos rêves car on nous a répété que nous n'y arriverons, que c'était trop difficile pour un provincial, une femme ou un jeune adulte, ou quelqu'un d'autre le ferait toujours mieux à notre place.
Ecouter des histoires est mon petit instant de liberté à moi et je refuse de me l'interdire sous quelque prétexte que ce soit. Puis Grand-mère ne l'a jamais fait, tout comme elle ne l'a jamais fait pour personne d'ailleurs.
Lorsque venait le temps des fêtes de village, le temps des fleurs et de l'été, les adultes restaient toujours danser un peu plus longtemps et nous autres plus jeunes partions nous coucher. Seulement, juste avant de retrouver le pays des rêves, nous nous rendions toujours auprès de Grand-Mère, dans un coin un peu à l'écart de la fête et où la magie pouvait opérer librement. Enfants, adolescents, quelques nourrissons dans les bras de leurs grands frères et quelques adultes dispersés ici et là, tout le monde était convié à cette fête un peu différente de la première mais tout aussi réjouissante.
Une fois tous les spectateurs installés et silencieux, Grand-Mère pouvait commencer son histoire. Certaines étaient tirées de livres, d'autres de sa lointaine et sage mémoire, d'autres inventées au gré des demandes des enfants. Elle racontait parfois seule, parfois accompagnée de d'autres petits vieux du village, certains avec qui elle était amie depuis sa tendre jeunesse, d'autres que la vie avait mis sur son chemin. Mais peu importe qu'elle la raconte seule, qu'elle y intègre guerrières ou animaux parlants, une chose ne changeait jamais : l'assurance celle de quitter le monde que nous connaissions. Une phrase et déjà, tout ce qui nous entourait disparaissait, remplacé des horizons connus seulement de nos lointains aïeuls, des galaxies remplies d'étoiles vieilles de milliers d'années, des univers peints de nuances aussi vives que grandioses et dont notre langue humaine est bien trop pauvre de vocabulaire pour pouvoir les nommer dignement. Ainsi le temps s'était arrêté et je n'avais pas la moindre idée d'où est-ce que nous nous trouvions : car tandis que les mots de la conteuse s'élevaient avec une grâce inouïe dans la nuit sombre et enchantaient les esprits, la France et ses années 30 semblaient bien loin de nous, si loin qu'un temps qu'on aurait pu les oublier et ne plus jamais y revenir.
Fort heureusement Grand-Mère était toujours là pour nous ramener dans la réalité. Elle terminait son conte, prononçait un discret « merci », puis retournait s'asseoir et enfin, nous savions qu'il était l'heure de faire le voyage retour. Seulement celui-ci demandait des efforts considérables et la plupart en revenaient épuisés, la fatigue qu'ils avaient oublié pendant une heure leur revenant soudain. Alors, tout en baillant et leurs yeux se fermant déjà, ils se relevaient, regroupaient leur fratrie et rentraient chez eux. Je finissais évidemment par les suivre mais avant, je discutais toujours un peu avec Grand-Mère. Elle n'était peut-être pas ma véritable mamie, ni celle d'aucun enfant du village, mais nous l'appelions ainsi car elle était un peu la Grand-Mère de tous : elle nous racontait des histoires les soirs de fête, nous écoutaient et parlaient avec nous, faisaient des tonnes de gâteaux à l'occasion de Noel. Personne ne savait réellement ce qui était arrivé à sa famille, était-elle partie pour de plus verts pâturages trente ans en arrière et Grand-Mère avait décidé de demeurer sur la terre de ses ancêtres ? Personne ne savait et personne ne cherchait à savoir. Grand-Mère était la conteuse du village et elle amenait un peu de magie dans le cœur de ses habitants : voici tout ce qu'il avait à savoir à propos de cette mystérieuse vieille dame.
Et ça me revient à présent : la date exacte à laquelle elle a commencé à nous parler de la maison de la forêt. Je me souviens du premier conte à propos de la demeure rose aux arbres multicolores. Je me souviens de la première nuit où elle est apparue dans mes songes et je me souviens que dès le lendemain, tout le monde en discutait durant la journée. Je me souviens...
Je me souviens du jour où ils sont arrivés.
Il pleuvait, le ciel était gris et le Soleil ne brillait pas. C'était un matin de novembre triste. La pluie tombait sans s'arrêter et frappait les volets si violement que nous n'entendions que cela et pourtant, le bruit de leurs camionnettes avait été plus fort. Les villageois sont sortis sur leur pallier au moment exact où les nouveaux arrivants descendaient de leurs engins. Ils ont demandé à voir le maire, lui ont donné un papier en faisant un signe étrange et il n'en pas fallu plus pour qu'ils deviennent les nouveaux maîtres de notre doux village.
Au début, il n'y a pas tellement eu de changements, si ce n'est que les adultes ont commencé à se comporter d'une bien étrange manière. Puis, sans que je comprenne pourquoi, certains aliments ont commencé à manquer. Les années sèches et leurs mauvaises récoltes m'avaient appris à me passer d'une quantité importante de nourriture et il en était de même pour tous les autres jeunes du hameau, ainsi il m'avait toujours paru évident que si pénurie il y avait, tout le monde la subissait. Et j'avais beau retourner le problème en boucle dans ma tête, je n'arrivais pas à comprendre comment il était possible que les villageois dévoient économiser leurs tickets de rationnement et qu'à l'inverse, les uniformes kakis engloutissent de telles quantités de nourriture.
Ensuite, il y a eu les grands départs. Au début les uniformes n'emmenaient que les hommes jeunes. Bernard et Marcel ont été les premiers. Ma mère a pleuré pour la première fois depuis des années. Arthur lui, n'est pas parti dans une de leurs camionnettes. Agé d'à peine 18 ans, il s'est caché à la cave et y resté quelques jours ; mais il a fini par perdre sa partie de cache-cache et les uniformes l'ont trouvé. Ils l'ont tiré là, traîné hors de la maison et depuis, je ne l'ai plus revu. Cette fois, ma mère n'a pas pleuré. Mon père non plus d'ailleurs. Ils ont simplement l'air de ne plus rien ressentir. Puis par un beau matin, les soldats semblaient avoir changé d'avis sur leur sélection et ils vinrent dans les chaumières chercher quasiment tous les hommes qu'ils avaient laissé derrière eux. Ainsi, mon père est parti à son tour.
Ce soir-là, les enfants se sont réunis autour de Grand-Mère pour qu'elle nous raconte une histoire, l'ambiance n'avait jamais été aussi triste. Elle nous a demandés pourquoi nous étions si peinés et c'est là qu'un des plus jeunes garçons lui a demandé : « Dis Grand-Mère, tu sais où les méchants messieurs ont emmenés mon papa ? » D'autres se sont joints à lui, ayant perdu un frère, un père, un ami, un compagnon. Et c'est ce soir-là que pour la première fois, Grand-Mère nous a parlé de la maison de la forêt. Un endroit magique, perdu dans les bois, où biches et humains s'apprivoisent, enfants et renards sympathisent, arbres anciens et vieillards s'entendent à merveille, et où tout ce petit monde vit en parfaite harmonie. Car c'est là-bas que les camionnettes emmènent nos pères, frères et amis, et c'est là-bas qu'ils attendent tous de nous retrouver. Et ainsi, chaque soir depuis l'arrivée des méchants messieurs, Grand-Mère nous parle de cette maison et y ajoute toujours plus de détails. Ainsi, chaque jour nous nous couchons pleines de rêves et de bonheur.
Pour que chaque matin, nous découvrions de nouveaux disparus. Les hommes ont été emmenés. Puis les femmes. Ne restait plus que les plus vieux, les malades et les enfants. Grand-Mère nous parlait de la maison. Les rations baissaient, les uniformes festoyaient. Sam avait fui le village. Le Soleil aussi. Des enfants pleuraient. Nos parents nous manquaient. Des enfants ne pleuraient pas, bien trop accaparés par le fait de ne pas comprendre ce qu'il était entrain de se passer. Nos frères nous manquaient. Je ne pleurais pas et je ne comprenais pas. Nos mères et nos sœurs nous manquaient. Pourquoi les avaient-ils emmenés et pas nous ?
Je voulais des réponses et j'ai décidé de les chercher par moi-même. Alors, il y a quelques jours après le dîner je suis allée espionner les uniformes. Je n'ai rien vu, mais j'ai entendu et d'après ce que j'ai compris, je vais bientôt retrouver mes parents ! Un monsieur, dont je n'ai pas retenu le nom mais qui m'avait l'air très important, aurait déclaré qu'il était inhumain d'arracher les enfants à leurs parents et qu'il était impératif de les réunir. Depuis, je n'arrête pas de me répéter ce moment en boucle dans mon esprit. Cela fait des semaines que je n'avais pas été aussi heureuse. Ainsi les jours ont passé et le camion qui est chargé de nous emmener passera demain après-midi. Bien sûr je n'ai pas gardé cela pour moi et j'en ai parlé à tous les autres enfants : et ils sont unanimes, pas besoin de camions, nous irons retrouver nos familles de nous-mêmes. Après tout, pourquoi ne seraient-ils pas dans ce bois comme le prétendait grand-mère ? Et s'ils le sont réellement, nous n'avons pas besoin de soldats pour nous y amener. Je ne sais toujours si quelqu'un a déjà réellement vu cette maison, ni même si elle existe ailleurs que ses histoires. Mais ce que je sais en revanche, c'est que ça vaut la peine d'essayer.
Alors ce soir, je m'endors avec un sourire aux lèvres, plus heureuse que jamais. Mes affaires sont prêtes et demain, à l'aube, je partirais. Je retrouvais tous les autres enfants et ensemble, nous irons à sa rencontre.
Dans la forêt, il y a une maison... et demain, nous y retrouverons tous ceux que nous aimons.
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