Chapitre 7 : Présences
Mahé ne revint que vers le début d'après midi. Helen lui avait gardé une part du repas et il mangea vite, l'air préoccupé. Il semblait fatigué et Helen ne doutait pas qu'il eut passé la nuit à discuter activement.
-Est ce que tu peux me dire...
-Ne pose pas de questions, Helen, coupa Mahé. Je te dirais tout en temps voulu. Maintenant, tu vas me suivre s'il te plaît. Je ne veux pas que tu rates ton entraînement.
Les deux descendirent donc dans le sous-sol de la robothouse, la où se trouvait l'immense salle d'entraînement privée de Mahé.
-Installe toi comme d'habitude s'il te plaît, ordonna Mahé. Je voudrais que tu me montres quelques façons avec lesquelles tu t'es débarrassée des tigres.
Helen se plaça alors. Ses pieds étaient ancrés dans le sol, tellement ancrés qu'elle avait l'impression que des racines la reliaient au sol. Elle saisi son arme et se mit à tourner, s'échauffer. Enfin, elle lança le coutelas de toutes ses forces sur la cible située à l'autre bout de la pièce.
L'arme trancha la cible comme elle trancha le premier tigre. Helen courut et enchaîna en grimpant à un poteau simulant un arbre. Elle sortit son arc et tira avec une extrême justesse dans le centre de la cible.
Elle revint au centre de la pièce et ancra profondément ses pieds dans le sol. Il fallait qu'elle refasse à la perfection le mouvement qui l'avait sauvée face aux deux tigres. Elle souffla, évita le regard de Mahe, puis elle saisit ses deux armes et tourna sur elle même, un bras tendu vers le haut et l'autre droit devant elle.
Mahé siffla de surprise et de contentement.
-C'est excellent, Helen ! Tu as appris et développé ta propre technique ! Cela s'appelle le « soupir du survivant », le fait d'inventer une technique sur un coup de tête dans un moment critique. Je suis extrêmement fier de toi.
Helen sourit. Ce n'était pas la première fois que son maître la félicitait, mais il était tout de même rare qu'il le fasse.
-Helen, maintenant que tu es devenue guerrière, tu peux participer au Tournoi Combatif si tu le souhaites !
Helen tenta de dissimuler la joie qui la recouvrit en cet instant. L'émotion était si forte qu'elle ne put prononcer un mot pendant quelques instants.
-C'est un si grand honneur... Whoa, depuis le temps que j'attendais ça...
-Tu t'es entraînée très dur avec persévérance et courage durant cinq ans. Le moment est donc venu de faire une cérémonie, TA cérémonie.
Mahé avança vers Helen et la prit dans ses bras. La femme ne put résister à cet instant d'émotions exceptionnelles. Mahé lâcha une larme, qui roula le long de sa joue. Helen aussi libéra une larme, prisonnière de son œil ému.
Cette goutte d'eau salée, amère, que l'on aime si peu. Elle rend vulnérable, elle est pathétique, insupportable en public, et pourtant, elle veut parfois tout dire sans parler.
La matinée émouvante se prolongea avec des conseils de Mahe sur la tenue de l'arc, la façon de stopper une hémorragie, et la superbe idée de recouvrir le manche des coutelas de cuir, pour une prise plus simple.
La pause fut annoncée par un gargouillis sonore tout droit sorti du ventre d'Helen. Cette dernière rougit, et cet événement marqua la fin de l'entraînement.
Tandis qu'Helen prenait sa douche, Mahé s'affairait en cuisine. Il jonglait avec les ustensiles autant qu'avec les papilles, et sa créativité ressortait principalement devant les fourneaux.
Helen sortit de la petite salle, vêtue d'un ample tissu de détente. Dès qu'elle entra dans la salle principale, l'odeur du ragoût lui emplit les narines.
-Helen ! C'est bientôt prêt. Aujourd'hui, je nous ai concocté un ragoût aux trois champignons.
Helen mit alors la table pendant que Mahé terminait les dernière touches du plat.
-Tu en as fait beaucoup pour deux, Mahé !
-Qui t'as dit qu'on est que deux à manger ? Ajoute deux assiettes s'il te plaît !
Helen, surprise, tourna la tête vers la porte et aperçut Thalya et son maître, Turpin.
-...Thalya !
Les deux amies s'embrassèrent.
Les quatre personnes s'installèrent alors à table, discutant joyeusement de tout et de rien.
Les plats tournaient et les convives mangeaient, remplissant leurs estomacs gémissants.
-Helen est aujourd'hui officiellement capable de participer au Tournoi Combatif ! S'exclama Mahé.
-Mais avant, j'imagine qu'il faudra lui faire sa cérémonie ? Demanda Turpin, la bouche pleine de ragoût.
Mahé approuva avec vigueur. Les cérémonies étaient des fêtes importantes où l'on dansait, mangeait...
Mahé avait fait sa propre cérémonie il y avait maintenant trois ans. A l'âge de quatorze ans, l'enfant prodige avait su gagner sa place parmi les érudits du village. Sa réputation était immense. Il était même connu jusqu'au village du Sud, à Massiliae.
Helen n'en revenait pas. Tout de même, cela était venu si vite...
La Terrible Guerre eu lieu quinze ans plus tôt. A cette époque, Helen naquit. Mais elle dut survivre comme elle le pouvait, blottie au sommet des arbres, jusqu'à ce que, quelques temps plus tard, un enfant de quatre ans la sauve d'une attaque de singes.
Ce petit avait déployé une maitrise incroyable de son pouvoir. Il avait l'air d'être de dix ans plus âgé.
-Je m'appelle Mahé. Désormais, je prendrais soin de toi pour ne pas que tu meures, c'est d'accord ?
Son sourire bienveillant avait fait s'illuminer le visage couvert de sang d'Helen.
Des lors, il la prit sous son aile. A côté des leçons prodiguées aux autres enfants et de sa vie personnelle, il donnait des cours particuliers à Helen. Tout d'abord, Helen le considérait comme son professeur, mais finalement au cours du temps, elle se rendit compte que le lien qui les unissait était bien plus profond.
-Je ne pense pas que cette rencontre soit un hasard.
Cette voix tranchante résonna dans la tête d'Helen. Elle revint soudain à la réalité, personne n'avait remarqué son trouble. La personne qui venait de lui parlait venait d'utiliser la télépathie.
Helen ne se concentrait plus sur le moment présent. Qui avait pu lui parler ? Visiblement, cette personne suivait le cours de ses pensées depuis un bon moment déjà, pour dire cette phrase qui collait parfaitement avec ses pensées. De plus, la personne n'est pas autour de la table, car la voix était lointaine.
La jeune femme regarda discrètement par la fenêtre.
La Terre ? Qui pourrait communiquer par une telle distance ? Même Sigurd en est incapable... mais alors, quelle entité lit dans ses pensées ?
-Tu ne me connais pas. Mais beaucoup te connaissent. Je me répète, mais le hasard n'y est pour rien dans tout ce qui t'arrive. Adieu.
Et la voix disparut. Helen était désormais véritablement troublée. Mahé dû comprendre que quelque chose clochait car il pressa subrepticement les invités de partir.
-Helen, confie toi à moi.
-Il n'y a rien, dit Helen, de peur de passer pour une folle.
-Ce rien t'inquiète, pourtant. Est-ce le repas qui n'était pas assez bon ? Je peux te faire un sandwich si tu préfères...
-Ce n'est pas ça, Mahé ! Je... je ne sais pas, d'accord ? J'ai besoin de réfléchir.
Elle courut s'enfermer dans sa chambre sans rien dire de plus.
Le sang battait à ses tempes. Elle espérait que Mahé ne se vexe pas. Elle savait qu'elle avait mal agi, mais il faut la comprendre, une chose inconnue venait de dire dans sa tête ce qu'elle commençait à penser depuis quelques jours !
Et si tout cela n'était pas du simple hasard ? La question se posait en effet. Helen, d'après elle, n'aurait jamais dû survivre à cette première sortie sur terre. Quelque chose clochait. Le fait qu'elle ai rencontré si rapidement le roi de Paris était tout de même un hasard surréaliste.
Allongée sur son lit, elle écoutait la pluie tomber dehors. Le matelas accueillait parfaitement les contours de son corps. Dans le silence de cet après midi qui venait tout juste de démarrer, Helen fut visitée par les fantômes de ses pensées. La réflexion lui était presque douloureuse.
La porte s'entrouvrit. Helen ne le remarqua pas directement. Mahé apportait un plateau sur lequel était posées une tasse et une petite assiette contenant pour la première du lait chaud et pour l'autre une crêpe sucrée.
-Helen ? Je t'ai apporté de quoi goûter.
La jeune femme sursauta et regarda Mahé, ne sachant plus si elle devait le remercier ou non. La lumière éteinte, la pièce était seulement éclairée par la fenêtre. Il faisait sombre, à cause de la pluie qui tombait drue dehors.
Mahé n'attendit pas de réponse et entra. Il se rapprocha du lit sur lequel était assise Helen. Il posa le plateau et s'assit en bordure de lit, à l'opposée d'Helen. Cette dernière ressenti le léger ploiement du matelas face à ce nouveau poids.
Il ne se passait rien, Mahé ne bougeait pas. Helen entendait sa respiration lente et régulière, quelque peu saccadée par le bruit de la pluie. Helen allait mieux. Mahé semblait aspirer les pensées négatives de la jeune guerrière.
« C'est vrai que la pluie est rare, à si haute altitude. C'est beau. Le silence est entrecoupé de gouttelettes, de plic-plocs incessants, de cette odeur née du mélange de la roche et de la pluie. De l'eau tombe du ciel. C'est magnifique. Est-ce que les humains d'avant avaient conscience de la chance qu'ils avaient ? De l'eau ! Qui tombe du ciel ! On n'a qu'à tendre les bras pour l'attraper. Elle peut faire pousser les plantes. Comment ça fonctionne ? L'eau traverse la terre ? Hmmm... »
Au fur et à mesure, les pensées d'Helen furent moins profondes, plus simples. Les fantômes avaient totalement disparu, sans même qu'elle ne s'en rende compte.
-Comment vivaient les hommes, auparavant ? Demanda Mahé dans le silence.
Cette phrase, cette question étrange, tira Helen de sa léthargie. Elle prit soudain conscience que son maître était présent et qu'elle s'était laissée allée à paresser. Il avait du le remarquer.
-Je ne sais pas. Je les envie, tu sais, répondit Helen. Je peux ? Demanda t'elle en montrant le plateau.
Mahé sourit, de son sourire si enfantin, et hocha la tête en signe d'approbation.
-D'accord, mais je peux goûter ?
Helen se mit à rire de cette question immature qui ne concordait pas du tout avec la personne qui le disait !
Dehors, la pluie tombait à grosse gouttes, et dedans, la peur disparaissait sous la douceur sucrée.
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Comment est-ce possible ?? Le Hasard aurait sa place dans cette histoire ?
Plus que quelques jours avant l'épreuve de Thalia !
Le lien étroit qui lie Mahé et Helen... comment va t'il évoluer ?
Merci beaucoup de lire, voter et n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez !
Jiji
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