Chapitre 5 - Première piste
Les quelques élèves qui passaient dans le couloir durant l'interclasse ne prêtaient pas plus que nécessaire attention à la première année qui semblait s'y être perdue. Adossé contre le mur de la salle de classe des 2-1 et face à elle, Suna ne se formalisait pas des quelques regards en coin en leur direction qui pénétraient son champ de vision. La seule chose qui l'intriguait, c'était la raison pour laquelle elle lui avait demandé de sortir de la pièce pour la rejoindre. Et au vu des œillades qu'elle lançait en continu en direction de Nagano Ritsuka et ses autres camarades, elle ne semblait pas décidée à parler.
— Et donc, pourquoi tu voulais que je vienne si Nagano-san était occupée ? s'enquit-il, son ton rythmé par une certaine impatience.
— Ah oui c'est vrai, pardon ! répondit-elle en secouant la tête, comme rattachée à la réalité – et la grimace qui étira son visage l'espace d'une seconde n'échappa pas au garçon, qui dut réfréner un léger rire narquois.
Elle lança un dernier coup d'œil en direction de la classe, avant de lui faire entièrement face. Un fin sourire malicieux habillait ses lèvres, et en le constant, le lycéen put réaliser qu'elle semblait effectivement en meilleure forme que la veille. Il était certes difficile de faire pire – il s'était même demandé si elle était encore vivante dans le train, tant elle était pâle – mais elle paraissait être une personne totalement différente.
— En fait..., commença-t-elle d'une voix hésitante.
Son regard azuré papillonnait sur les élèves autour d'eux, à la recherche de la moindre oreille attentive qui pourrait entendre la conversation qui allait suivre.
— Tu penses quoi de Ricchan ?
Akemi réprima une grimace en réalisant qu'elle y était peut-être allée un petit peu trop directement, et ce n'était pas du tout ce qu'elle avait prévu. Mais de toute évidence, son aîné ne semblait pas être du genre à aimer tourner au tour du pot. Et si elle voulait avoir une idée de ce que les garçons pensaient de sa meilleure amie, le mieux était simplement de demander à l'un d'eux, après tout.
— Quoi ? s'étonna-t-il avec spontanéité, en clignant des yeux à plusieurs reprises.
— Ritsuka, tu la connais un peu, non ? Elle est dans ta classe depuis huit mois, du coup je voulais savoir ce que tu pensais d'elle !
— J'en sais rien moi, pourquoi tu veux savoir ça ?
Ses fins sourcils bruns froncés reflétaient l'incompréhension qui semblait l'habiter. Mais Akemi ne pouvait pas exposer la situation : elle ne souhaitait pas étaler de la sorte les sentiments de sa meilleure amie. Déjà parce qu'elle risquait de lui en vouloir en l'apprenant, et en plus car la possibilité que cela arrive aux oreilles de Kita par sa faute n'était peut-être pas la meilleure perspective.
— Je peux pas te le dire, désolée ! Mais ça reste entre nous, t'inquiète.
— Je lui parle pas beaucoup..., réfléchit-il avec lenteur et nonchalance. Je sais juste qu'elle est dans l'équipe féminine, donc on a déjà parlé volley un peu.
Le silence ; avant qu'il n'ajoute d'une voix plate et morne :
— Ah, et une fois on a eu un travail de groupe ensemble.
Un ange passa.
— D'accord, mais ça me dit pas vraiment ce que tu penses d'elle... Tu la trouves jolie ? Intéressante ?
Ritsuka était intéressante. Et elle était jolie. Elle le savait et était la première à le penser. À la fois féminine et sportive, elle possédait un charme qu'il était impossible de ne pas voir. Les traits fins de son visage mettaient en valeur l'émeraude brillant de ses prunelles, et son carré plongeant, longueur maximale autorisée pour le volley, lui donnait un air à la fois mature et candide. Akemi s'était bien souvent dit que son air calme, parfois presque réservé à la limite de la timidité, lui offrait également un côté touchant, dont elle était, elle, dépourvue.
Mais même si elle savait tout ça, comme étant son point de vue, une confirmation ne ferait pas de mal.
— J'en sais rien moi, marmonna un Suna qui n'avait plus qu'une envie : retourner dormir sur son bureau. Elle est cool, quoi.
— Trop nulle comme réponse, ça m'aide pas moi, marmonna Akemi avec une moue boudeuse, avant de se reprendre en réalisant qu'elle devait mieux parler à un aîné.
Elle n'eut pourtant pas le temps d'ajouter quoique ce soit que la sonnerie indiquant la fin de l'interclasse retentit à leurs oreilles. La lycéenne gonfla les joues, déçue que cette conversation n'ait mené à absolument rien, avant de se résigner : les élèves de la 2-1 rentraient déjà de nouveau, et elle n'aurait en plus pas l'occasion de parler à Ritsuka – raison pour laquelle elle était initialement venue jusqu'ici.
— Salut, lança Suna en saisissant la perche pour rentrer à son tour.
Et avant qu'elle n'ait eu le temps de comprendre quoi que ce soit, il s'était déjà éclipsé pour s'avachir de nouveau sur sa table. Au fond de la salle, les prunelles azurées de l'adolescente percutèrent celles interrogatives de sa meilleure amie, à qui elle adressa un large sourire coupable accompagné d'un signe de la main avant de disparaître pour retourner en cours, et ce sous le regard de Suna. Le lycéen déglutit, quelque peu perturbé par cette conversation qu'ils venaient d'avoir, avant de se tourner avec discrétion vers sa camarade de classe qui s'asseyait calmement à sa place, et qui réveillaient en lui de nombreuses questions.
Pourquoi diable cette fille dont il ne connaissait toujours pas le nom venait lui parler d'elle ?
****
Avec toute cette histoire, Akemi n'était pas très avancée. Non seulement elle n'avait rien appris auprès de Suna, mais en plus il semblait qu'elle avait attiré l'attention de Ritsuka, ce qu'elle avait pourtant bien cherché à éviter. Car en effet, peu de temps après qu'elle ait rejoint sa salle de classe, son amie lui avait envoyé un message sur Line pour lui demander ce qu'elle faisait devant sa classe. Et si elle avait passé l'après-midi à considérer le sms et réfléchir à sa réponse, la nuit était tombée avant même qu'elle n'ait trouvé.
C'était donc une fois étalée dans son lit, juste avant de se pencher sur ses devoirs, qu'elle avait simplement répondu qu'elle venait la voir la voir pour papoter lorsque la sonnerie avait retenti. Et puisque sa meilleure amie paraissait y avoir cru, elle fut rassurée de se dire qu'elle n'avait pas dû la voir aux côtés du volleyeur.
— Akemi ! s'écria sa mère depuis le rez-de-chaussée. Tu viens m'aider à vider le lave-vaisselle ?
Un long soupir échappa à l'adolescente, alors qu'elle pouvait enfin se poser après ses exercices de japonais. Si elle ne craignait pas de se faire une nouvelle bosse alors que la première diminuait enfin, sans doute se serait-elle laissée tomber la tête contre son bureau. Mais elle se leva docilement, lança son smartphone sur son lit, avant de quitter sa chambre pour descendre à vive allure les escaliers.
— Misa est pas encore rentrée ? s'enquit-elle lorsqu'elle pénétra dans la cuisine.
— Elle est chez une amie pour bosser sur ses devoirs, expliqua sa mère, Fumiya Youko, qui s'attelait déjà la préparation du repas.
Akemi répondit un simple « OK » avant d'attraper les assiettes encore légèrement chaudes dans le lave-vaisselle. Il n'était pas rare que sa sœur vadrouille à droite-à gauche dans le cadre de ses révisions et de ses cours. En tant que trésorière du conseil des élèves, elle s'était toujours investie plus qu'elle encore dans sa réussite scolaire pour se sentir à la hauteur de son rôle, mais également à la hauteur des exigences de leur famille – et en dépit de tous les efforts fournis dans ses révisions, Akemi constatait à chaque trimestre l'écart qui persistait entre leurs notes.
— Misaki m'a dit que vous allez manger chez ma mère, ce week-end, déclara Youko d'une voix douce.
Un sourire nostalgique vint étirer le visage de la quadragénaire, sans qu'elle ne tourne la tête en sa direction pour autant. Pourtant, elle n'avait pas besoin de dire quoi que ce soit pour deviner à quoi elle pouvait bien penser, car si le temps avait filé, depuis ces années où Youko n'avait plus parlé à sa mère, suite à son mariage, elle en gardait toujours une mélancolie qu'elle cherchait le plus possible à dissimuler.
— Ouais, j'ai un peu la flemme d'y aller mais Misa a accepté avant de m'en parler...
Un certain amusement passa à la surface des prunelles bleus de Youko face à l'honnêteté et la spontanéité de sa fille. De toute évidence, ce ne serait sûrement pas le week-end le plus fun de sa vie, mais elle était habituée à aller régulièrement chez sa grand-mère. Et puis, au fond, elle s'entendait sincèrement bien avec elle, lorsque cette dernière ne se mettait pas à critiquer sans raison son gendre, le volley-ball ou encore les résultats en mathématiques de l'adolescente...
Un week-end pas fun du tout, en fait.
~ ~ ~
Vous l'avez peut-être vu (ou pas), j'ai changé le nom de famille de Ritsuka qui est donc maintenant Nagano. Je n'ai changé qu'une lettre, ce n'est pas grand-chose, mais je n'aimais pas le fait que ce soit exactement les mêmes nom ET prénom qu'un personnage de manga (que je connais en plus). Mais après avoir écrit 19 chapitres, je pouvais pas trop changer car j'aurais eu l'impression d'être face à un nouveau personnage T.T
Bref, je m'égare, mais tout ça pour dire que le changement est normal !
En tout cas, dans ce chapitre, ça y est, les choses sérieuses sont lancées : Akemi commence maintenant à se mêler de ce qui ne la regarde pas (au grand dam de Suna)~
J'espère que ce chapitre vous a plu ! N'oubliez pas de voter si c'est le cas, c'est toujours très encourageant, et n'hésitez pas à laisser un petit commentaire (promis, je mords pas héhé).
À bientôt pour la suite <3
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