Chapitre 25 - Le voyage scolaire





Si Ritsuka avait attendu avec une hâte non dissimulée le voyage scolaire à Kyoto, elle devait bien admettre que son enthousiasme était désormais loin d'atteindre son paroxysme. Les lieux de visite s'étaient succédé toute la journée sous son regard aussi vert que l'émeraude, pourtant elle n'avait eu de cesse de jeter des œillades à Kisara. Plus concentrée sur les discussions que cette dernière échangeait avec Suna que sur le paysage qu'elle avait pourtant rêvé de contempler, la volleyeuse avait senti le serpent de la culpabilité l'étreindre sans relâche.

À chaque fois que ses prunelles accrochaient la silhouette de son camarade, le visage de sa meilleure amie venait s'y superposer. Ritsuka n'en était pas totalement sûre, elle n'avait vu l'écran du téléphone d'Akemi qu'une fraction de seconde, pourtant elle était quasiment certaine d'y avoir aperçu le nom de Suna. En soi, pour être celle qui lui avait passé son numéro, il n'était pas si surprenant de les savoir échanger quelques messages – peut-être surprenant de la part de Suna, mais elle connaissait suffisamment bien son amie pour ne pas s'en étonner.

Mais ce qui la laissait pantoise, c'était bien la réaction d'Akemi, qui s'était immédiatement braquée. Pourquoi souhaitait-elle garder secret ses messages avec le volleyeur ?

Peut-être était-ce en rapport avec un sujet dont elle ne voulait pas lui parler, à elle ?

Le doute lui avait ainsi noué l'estomac toute la journée, sans relâche, et ce jusqu'à la nuit tombée.

— Ritsuka-chan ? Ça va pas ?

La voix douce et compatissante de Kisara lui parvint, pour l'extirper à sa réflexion. Ses iris noirs braqués sur elle dans une interrogation silencieuse et une inquiétude sincère, elle attendit toutefois patiemment une réponse.

— Désolée, je pensais à un truc. Tu m'attendais pour descendre manger ?

Le dortoir désormais désert ainsi que le sourire qu'elle lui afficha firent office de réponse. Après de nouvelles excuses, elles quittèrent ainsi toutes deux les lieux pour rejoindre le réfectoire, où tous leurs camarades paraissaient déjà profiter du buffet après cette journée de visite chargée et épuisante. Au gré d'un coup d'oeil circulaire sur la foule, les prunelles de la volleyeuse distinguèrent la silhouette de Suna Rintarou dans un coin de la petite cafétéria privatisée, en face de Ginjima. Ce fut ainsi de manière instinctive qu'elle avança en leur direction, plateau en mains, et suivie par une Kisara quelque peu perplexe. Si en temps normal, elle aurait laissé sa camarade prendre place à côté de Suna, elle n'y pensa même pas et posa son plateau à côté du smartphone du central.

— On peut se mettre avec vous ? questionna-t-elle – et Ginjima approuva d'un hochement de la tête.

Ritsuka prit ainsi place sous le regard inquisiteur de Kisara, sans s'en formaliser. Si elle avait tenté à plusieurs reprises de le faire, elle n'avait jamais réussi à aborder le sujet avec le volleyeur au cours de la journée, notamment en raison de leurs visites – et de la non-loquacité du lycéen. Pourtant, maintenant qu'elle pouvait le faire, les mots ne venaient pas. D'autant plus qu'elle ne parvenait pas à se résoudre d'aborder un tel sujet devant son amie, et encore plus devant la moue perturbée qu'elle arborait bien malgré elle. Elle n'eut toutefois pas le temps d'y réfléchir davantage que déjà Ginjima lançait un sujet de conversation, dans l'espoir d'étouffer le silence qui prenait place autour d'eux.

Si elle espérait pouvoir oublier le cas d'Akemi qui l'avait perturbée au cours du week-end et de cette première journée de voyage à travers cette discussion, la jeune fille fut bien vite rattrapée par la réalité. L'écran du téléphone de Suna, posé entre leurs deux plateaux, s'illumina devant son regard machinal et curieux pour attirer son attention. Non désireuse de pénétrer l'intimité de son camarade, la volleyeuse détourna par réflexe le regard, avant de vite l'y reporter pour s'assurer qu'elle n'avait pas rêvé.

Et elle n'avait pas rêvé.

« Fumiya Akemi : Je m'attendais pas à ce que tu m'envoies un msg en premier comme ça ! »

Les pupilles écarquillées, Ritsuka leva les yeux à l'attention du volleyeur et se heurta ainsi à son regard olive, qu'elle n'avait encore jamais eu l'occasion de voir d'aussi près. Une déglutition coula dans sa gorge lorsqu'elle prit conscience du fait qu'il l'ait aperçue alors qu'elle louchait sur son écran, et ce fut ainsi les pommettes quelque peu rosies qu'elle s'écarta, pour se plonger corps et âme dans son curry. Le silence tomba sur la table, et alors que Suna n'avait pas bougé d'un iota, son écran s'éclaira de nouveau. La jeune fille lutta contre sa curiosité, avant de baisser les armes pour jeter le regard en coin qu'elle espérait être le plus discret possible.

« Fumiya Akemi : Je dois comprendre que tu aurais préféré que je te harcèle de messages ? :p »

Si elle s'attendait à ce qu'il reste de marbre, Ritsuka aperçut l'esquisse d'un fin sourire amusé naître sur les lèvres du volleyeur à la lecture de ce second message – si mince qu'il en était presque imperceptible. Il saisit par la suite son smartphone, pour y laisser courir ses doigts avec rapidité.

Ritsuka sentit son cœur accélérer dans sa poitrine, et le regard de son amie face à elle peser sur sa personne. Depuis quand Akemi et Suna étaient-ils proches au point d'échanger de tels messages ? La culpabilité lui sembla nouer son estomac de nouveau, et elle ne sut dire si cela était dû à son ignorance, ou aux sentiments de Kisara dont elle était consciente.

Face à elle, cette dernière échanga un regard avec Ginjima, reflet de leur perplexité respective, avant que l'attaquant ne se décide à lancer le premier sujet qui lui venait à l'esprit :

— Vous pensez que demain on va pouvoir aller visiter Nijō-jō ?

Le silence se posa l'espace de quelques secondes, reflet du malaise qui paraissait avoir empli la table, avant que les conversations ne s'élèvent de nouveau pour s'axer sur leur voyage scolaire. Kaede finit par rejoindre leurs côtés, imitée par la suite par Mahiru, Haruhi et d'autres camarades de leurs deux classes, et ce fut ainsi sans avoir pu demander quoi que ce soit à Suna que Ritsuka regagna sa chambre. Une vibration dans la poche de sa veste lui indiqua un nouveau message, qu'elle s'empressa de regarder.

✉️ Akemi
Ça a été aujourd'hui ???
(ps: t'as raté Kita à la cafétéria aujourd'hui, il est venu jusqu'à me saluer !!)
20:19

Un sourire étira ses lèvres, au même titre que l'envie de rouler des yeux sous l'amusement. Il y avait une chance sur deux que cette information soit fausse et uniquement pour la taquiner, pourtant elle ne s'en formalisa pas. Ce qui lui importa, ce fut le souvenir des messages imprimés sur l'écran de Suna, qui lui revinrent en mémoire.

— Ritsuka-chan, t'es super pâle, il s'est passé quelque chose ?

La voix concernée et compatissante de Kisara la rattacha à la réalité. En dépit du visage tendre qu'elle lui affichait, elle ne savait pas si lui admettre la vérité était une bonne idée.

— Ça a un rapport avec Kita-san ?

— Pardon ?

— Je t'ai vue te décomposer en voyant les messages sur le téléphone de Suna-kun, alors j'ai eu peur qu'il se soit passé quelque chose par rapport à Kita-san...

De nouveau, la culpabilité vint l'étreindre. Pendant qu'elle tergiversait, tiraillée entre les sentiments que sa meilleure amie pouvait potentiellement ressentir – alors qu'elle n'en avait aucune preuve – et ceux de sa camarade de classe, cette dernière pensait d'abord à elle avant de s'inquiéter pour elle-même.

Quelle piètre amie elle faisait.

— Non, ça concernait pas Kita-san, c'est gentil de t'en préoccuper. En fait... Je savais pas trop comment te le dire, mais Suna-kun avait l'air de parler à une fille, commença-t-elle, incapable de se résoudre à donner plus de détails sur l'identité de cette fille.

Les couloirs avaient beau être déserts, Ritsuka n'avait pu s'empêcher de chuchoter. Kisara arqua un sourcil d'abord perplexe, la considéra avec attention, avant qu'enfin un soupir ne lui échappe.

— Tu sais, je suis bien consciente que je n'intéresse pas Suna-kun, lâcha-t-elle en remettant nerveusement l'une de ses longues mèches blondes derrière une oreille. Je m'en rends bien compte au quotidien, alors ça m'étonne pas vraiment qu'il parle avec d'autres personnes. Rien ne l'en empêche.

— Ah bon ? Mais tu... Je croyais que t'étais vraiment intéressée ? risqua la volleyeuse, une moue ahurie et surprise plaquée sur le visage.

— C'est le cas. J'essaie juste de me dire que c'est pas parce que je ne l'intéresse pas maintenant que ça ne pourra jamais changer...

Un sourire vint accompagner ses pommettes rosies, à tel point que Ritsuka elle-même se sentit intimidée. Le sentiment de tiraillement qui l'avait étreinte plus tôt fit de nouveau surface, plus virulent encore, alors qu'elle restait impuissante face à l'honnêteté de Kisara.

Il restait peut-être encore une chance pour qu'Akemi ne ressente en réalité rien pour le sportif. Alors tant qu'elle n'en saurait pas plus, la jeune fille comptait bien profiter au maximum de ce voyage scolaire. Et dès qu'elle retrouverait sa meilleure amie, elle en profiterait pour mettre les choses au clair.

****

La nuit était rapidement tombée sur la ville de Kyoto. L'air glacé qui parvenait à traverser le double vitrage des fenêtres venait se heurter au souffle chauffé de l'intérieur, et conforter les élèves de seconde année quant à l'arrivée des vacances de Noël à la fin de la semaine. À l'image de la pénombre environnante, le calme berçait le couloir du premier étage, et aucun bruit anormal ne semblait parvenir depuis le dortoir des filles, à cette heure quelque peu avancée de la soirée. Il n'en allait toutefois pas de même pour la chambre des garçons.

— Les gars ! Regardez ce que j'ai amené ! s'exclama Miya Atsumu en fouillant dans son sac à dos anormalement rond.

Un sourire fier flottant sur les lèvres, il sortit avec lenteur –probablement dans l'espoir de faire monter le suspens – un ballon de volley-ball, avant de faire volte-face pour accrocher les regards de ses camarades perplexes.

— Tsumu, t'es un idiot.

Quelques insultes s'élevèrent pour toute réponse à l'attention de son frère jumeau, bientôt étouffées par les rires de leurs camarades. Suna suivit les échanges d'une seule oreille, déjà allongé à plat ventre sur son futon et plus intéressé par son téléphone que par les conversations qui volaient autour de lui. Les fils d'actualité de tous les réseaux sociaux inimaginables avaient déjà glissé sous ses pupilles, et maintenant c'était au tour des différents jeux installés de se succéder les uns les autres.

— Gin, toi au moins tu seras partant pour jouer dans le dortoir !

— Carrément ! rétorqua l'intéressé en se redressant d'un bond, déjà prêt à partir à l'autre bout de la pièce.

Le bloqueur central leva un œil curieux en direction de ses camarades, sans bouger pour autant. La plupart s'étaient déjà tous levés, visiblement prêts à bel et bien faire voler le ballon à travers la salle, guidés par l'enthousiasme – et la stupidité – d'Atsumu. Et si Osamu avait dans un premier temps démontré un semblant de mépris pour l'idée, il finit bien par se lever à son tour.

Suna s'apprêtait à reporter son regard olive vers l'écran de son smartphone, interpellé par une vibration qui lui indiquait un message, lorsqu'il aperçut le ballon fondre sur lui avec rapidité. Réflexes réveillés, il se contenta de se décaler pour éviter l'impact, et ce fut un rebond sourd contre le mur qui s'éleva tout autour d'eux pour résonner un écho. Les grimaces étirèrent tous les visages, comme sorties en impression multiple depuis l'imprimante, alors qu'ils se considéraient tous. Un soupir échappa au bloqueur, qui laissa son visage s'écraser de lassitude dans son oreiller.

Supporter les jumeaux à l'entraînement était une chose. Se les trainer jusqu'en voyage scolaire en était une autre.

Ils n'eurent pas à attendre bien longtemps avant que les professeurs ne surgissent dans la chambre commune, confisquent le ballon et leur passent le savon de l'année. La pièce fut ainsi plongée dans une pénombre semblable à celle qui régnait dehors, mais pas dans le calme pour autant.

— Dites, vous croyez qu'on peut aller jusqu'à la chambre des filles ? questionna Saito Hiroto, un élève des 2-2.

— Toi, t'as rien compris à l'engueulade qui vient de nous tomber dessus.

L'écran du smartphone de Suna s'éclaira à côté de son oreiller, arrachant son attention aux conversations qui prenaient place dans le dortoir.

✉️ Fumiya Akemi
La chance, je l'avais visité quand j'étais petite mais je m'en souviens pas trop !!
Tu me montreras des photos ? 🥺
22:58

— C'est qui ? questionna Ginjima en se penchant par-dessus son épaule depuis le futon à côté du sien. T'as parlé avec toute la soirée.

Suna tourna avec lenteur la tête, surpris de le savoir scruter ainsi ses messages, et plissa le front devant le sourire exagéré que son coéquipier arborait. Il laissa l'écran de son téléphone se verrouiller de lui-même.

— Une fille, éluda-t-il, incapable de savoir comment la nommer autrement. Et pourquoi tu regardes mon téléphone ?

— Quoi, Suna parle avec une fille ? s'éleva la voix d'Atsumu à quelques mètres d'eux.

— Son nom me dit quelque chose, réfléchit Ginjima. Fumiya Akemi...

— C'est pas la pote de Nagano-san, qui vient souvent jusqu'à notre classe en ce moment ? réfléchit Osamu.

Suna soupira. Visiblement non contents d'être tous intrusifs à longueur de journées au volley, il fallait que maintenant ils se mettent à débattre sur les personnes avec qui il parlait, après avoir louché sur son écran – et ce devant leurs deux classes réunies. En soi, ce n'était pas comme s'il avait spécialement quelque chose à cacher, et Osamu le premier l'avait déjà vu échanger avec elle devant leur classe, comme il venait de le relever.

Pourtant, la situation l'agaça plus que de raison.

— Mais oui ! s'exclama Atsumu dans un pouffemment, son visage éclairé par la lueur de son téléphone. C'est la fille que t'as assommée à l'entraînement, non ? La pauvre, je t'en voudrais trop à sa place.

— Tu l'as cherchée sur internet ? s'étonna Hiroto, penché sur l'écran du passeur. Eh, mais elle est mignonne–

Smartphone sous l'oreiller, Suna s'emmitoufla dans son duvet sans prendre la peine de leur répondre ou de leur souhaiter bonne nuit. Le sujet des filles lancé, ils embrayèrent ainsi tous sur un débat qui ne l'intéressait pas le moins du monde, notamment sur celles couchées un étage plus bas.

Maintenant qu'il le réalisait, le volleyeur avait effectivement passé une bonne partie de la soirée à échanger avec Akemi. S'il s'était attendu à ce qu'elle lui envoie des messages au cours de la journée, il avait bien dû admettre être surpris de n'en recevoir aucun. Quelques moqueries et fausses indignations plus tard, les sujets s'étaient succédés, et ce depuis le repas. À cette pensée, l'adolescent se souvint de la surprise qui avait peint le visage de Ritsuka lorsqu'elle avait aperçu le nom de son amie inscrit sur l'écran de téléphone. Et s'il n'avait rien dit, il devait bien admettre que la réaction l'avait quelque peu laissé pantois.

Mais Suna n'était pas du genre à se questionner bien longtemps, encore moins sur un sujet aussi insignifiant.

Il glissa ainsi la main sous son oreiller pour saisir son téléphone, lire de nouveau le message qu'il avait déjà oublié, et y taper une rapide réponse.

✉️ Suna
Peut-être...
Si t'es sage, c'était ça le deal non ? :)
23:16

Après tout, elle était marrante. Et étonnamment, lui avoir parlé laissait le souvenir de cette première soirée de voyage scolaire assez doux. Et peut-être un petit peu trop éphémère, aussi.




~ ~ ~



Déjà, sachez que j'aime énormément Ginjima. Voilà, il apparaît (enfin) dans ce chapitre alors je me devais de le dire ! En plus pour le coup, c'est vraiment à l'avoir vu dans l'anime, car il ne m'avait pas autant marqué dans le manga jpp. Bref je m'égare mdr

J'espère que ce petit chapitre vous a plu ! Pour tout vous dire, ce sera le seul sur le voyage, puisque ce n'est pas un élément qui, à mon sens, nécessitait de s'étaler sur plusieurs. Vous le retrouverez peut-être plutôt dans le spin-off si je l'écris, ou à défaut sûrement dans un OS.
Donc vous voyez, vous aviez un peu peur mais c'était du concentré de SunAkemi, quasiment, hihi. Je suis contente d'avoir pu faire apparaître un peu les jumeaux, aussi, car je les adore vraiment et que j'en ai trop peu l'occasion dans les autres chapitres !

Je profite également de cette petite NDA pour vous partager ces deux magnifiques fanarts que j'ai reçus de levisenpai2512 ! Ils sont magnifiques, non mais admirez mes bb sérieux 🥺 merci encore !!

Sur cette touche de douceur, je vous dis à samedi prochain <3

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