Chapitre 24 - Liberté coupable
Akemi n'avait jamais spécialement cru à toutes ces histoires de destin, de karma et autres. Au cours de ses seize années de vie, elle s'était toujours convaincue que la chance, ça se provoquait – et la malchance aussi, d'ailleurs. C'était ainsi dans cette optique, et après avoir travaillé au maximum l'intégralité des différents chapitres de mathématiques, qu'elle était entrée dans la salle pour passer son dernier examen du trimestre.
Et c'était ses résolutions légèrement ébranlées qu'elle en était ressortie.
Sérieusement, qui avait bien pu se dire que mettre les mathématiques à la fin de la semaine s'apparentait à une bonne idée ? C'était de la torture, elle n'y voyait aucune autre explication possible. Elle n'irait pas jusqu'à dire qu'elle avait raté, après tout les connaissances étaient imprimées dans sa mémoire, mais la fatigue mentale avait visiblement eu raison d'elle dès l'avant-dernier exercice. De toute évidence, ce ne serait pas sur ce trimestre qu'elle ramènerait des notes meilleures que celles de sa sœur.
— Fumiya, ça a été ? s'enquit Miuri Kasumi, sa camarade de classe, d'une voix douce, visiblement concernée.
— Un peu mieux que d'habitude on va dire !
— Tant mieux alors... Je m'inquiétais un peu, comme tu avais l'air déprimée et que je sais que tu as parfois un peu du mal en maths !
« Parfois » et « un peu » n'étaient qu'euphémisme. Pourtant, ce détail fut bien rapidement obstrué par le semblant de joie qui lui pétilla dans la poitrine, face à une telle préoccupation et une telle considération. Si en huit mois, Akemi n'avait jamais vraiment eu l'occasion – et l'envie – de bâtir de réelles amitiés avec ses camarades de classe, Kasumi était probablement la personne avec laquelle elle s'entendait le mieux. Alors l'attention la toucha.
— Et toi, ça a été ?
— Je sais pas, soupira son interlocutrice. Je suis assez moyenne en maths, et le dernier exercice était vraiment difficile.
Elles quittèrent la salle de classe toutes les deux ensemble, autour d'une conversation ainsi axée sur le sujet de leur dernier examen, et des précédents. Le vendredi après-midi avait été exceptionnellement banalisé à la suite de cette semaine pour le moins éprouvante, et Akemi avait bien prévu de passer ce temps-là avec Ritsuka. Kasumi quitta par conséquent ses côtés pour rentrer chez elle dès qu'elles arrivèrent aux casiers, et ce fut seule que la lycéenne patienta dans l'attente des 2-1.
Les fils d'actualité de différents réseaux sociaux se succédèrent sous son regard avide et ennuyé. Les élèves de toutes classes affluaient dans l'entrée de l'établissement, et pourtant la silhouette de Ritsuka ne découpait toujours pas l'horizon. Visiblement occupée, elle n'avait par ailleurs toujours pas répondu au message envoyé dès sa sortie de classe. À cette pensée, Akemi parcourut ses différentes conversations Line, pour que ses prunelles n'accrochent celle de Suna – récemment renommé dans son répertoire. Un fin sourire amusé aux lèvres, elle prit ainsi la peine de lui taper un message.
✉️ Akemi
Je suis vivante 🙏 (et en week-end)
J'ai même presque réussi !
13:08
— Akemi ! s'éleva la voix familière de sa meilleure amie autour d'elle.
Lorsqu'elle releva la tête, tout en s'empressant de ranger son smartphone, l'adolescente se retrouva face au regard émeraude de Ritsuka.
— Désolée, on a été retenus pour parler du voyage scolaire de lundi, expliqua Ricchan. Ça a été pour toi, Aki ?
— Ça va, je crois ! Et toi ? éluda rapidement Akemi, qui n'avait pas réussi à avouer à sa meilleure amie qu'elle avait réquisitionné le volleyeur pour l'aider.
De nouveau, la conversation s'axa sur les examens, alors qu'elles quittaient toutes deux l'enceinte de l'établissement. Elles n'eurent pas à marcher bien longtemps avant que le téléphone d'Akemi n'émette une vibration depuis sa poche.
✉️ Sunarin
Dire que certains ont entraînement tout l'aprem...
13:15
✉️ Akemi
Tu essaies de faire le mec qui s'en fout, mais maintenant je sais que c'est faux :p et puis, faut bien s'entraîner si tu veux être de taille aux nationales !
13:15
— J'ai tellement hâte du voyage scolaire, souffla Ritsuka, avant de laisser cette chaleur glisser sur ses doigts dans l'espoir de les réchauffer.
— Kyoto, hein, réfléchit Akemi d'un air rêveur, en glissant son smartphone dans sa poche. La chance ! J'y étais allée avec Misa et ma grand-mère y'a un petit moment, c'était génial.
— On a fait les groupes et les programmes de visite, du coup, comme on part avec la classe des 2-2. J'ai passé toutes mes révisions à imaginer la vue depuis le temple Kiyomizu, je crois. En plus, il devrait faire assez beau pour un mois de décembre ! D'ailleurs on a une réunion avec mon groupe en fin d'après-midi, faudra que je revienne au lycée.
Un fin sourire sincère fleurit sur les lèvres de la plus jeune devant l'enthousiasme dont son amie faisait preuve. Et tandis qu'elle continuait de s'extasier sur la perspective de tous les lieux qu'ils allaient visiter, la mention des groupes de visite la fit tiquer, avec un peu de retard. Akemi sentit son estomac se retourner d'une manière désagréable. Et si elle pensait faire fi de ce sentiment sur lequel elle refusait de mettre un nom, depuis quelques jours, il revint de lui-même à la charge au même titre que Ritsuka :
— Je sais plus si je t'avais dit que Suna-kun avait accepté d'être dans notre groupe, avec Kisara ! Il y a aussi Ginjima-kun, comme il s'entend bien avec Suna-kun. Kisara était un peu gênée mais elle avait l'air contente qu'il accepte.
Akemi serra le poing.
— Je crois que tu m'avais dit, répondit-elle dans un rire nerveux.
— En plus, je repensais à ce que tu me disais, sur les goûts de Suna-kun ! Pour l'instant j'en ai pas parlé à Kisara, je préfère prendre la température pendant le voyage avant !
— Tu veux aider les autres alors que tu te bouges même pas pour toi-même ?
Les yeux écarquillés par ses propres mots et par la dureté de sa voix, Akemi plaqua comme par réflexe une main sur sa bouche. Sa meilleure amie s'arrêta net dans sa marche, alors que ses prunelles vertes trouvaient soudain un intérêt prononcé pour le sol.
— Désolée Ricchan, je voulais pas...
— Non, t'as raison. J'suis un peu ridicule, mais j'ai tellement peur de la fin de l'année que j'essaie vraiment de me concentrer sur autre chose... Et donc sur les autres.
— T'es pas ridicule ! rétorqua la plus jeune en s'avançant vers elle, pour poser avec fermeté ses mains sur ses épaules. Je t'admire pour rester aussi forte avec tes sentiments qui te blessent, pour être honnête.
Elle qui continuait de nier tout ce que la perspective de ce voyage et de leur groupe de visite pouvait engendrer chez elle. Elle qui continuait d'étouffer chaque parcelle de sentiment qui prenait une part de plus en plus importante dans sa vie. Elle qui continuait à ne pas se sentir capable d'admettre qu'elle était allée jusqu'à chez Suna pour réviser à ses côtés.
Alors elle ne pouvait qu'admirer Ritsuka face au recul qu'elle pouvait prendre sur la situation – sans manquer de vouloir la secouer comme un prunier et lui hurler de vite aller voir Kita.
Le calme tomba alors que leurs regards s'ancraient l'un dans l'autre, chargés de toutes leurs émotions, de tous ces mots qui ne demandaient qu'à franchir leurs lèvres, à exploser dans l'air glacé de l'hiver pour y mourir. Au gré de la lueur du jour, Akemi aperçut la sclère des yeux de sa meilleure amie briller avec plus de vivacité et se retrouver noyée, avant que deux fines larmes ne suintent le long de ses joues rougies par le froid. Réflexe de son corps, reflet de sa spontanéité, ses mains glissèrent de ses épaules à son dos pour la serrer dans une étreinte réconfortante, alors que la culpabilité d'être restée insensible et égoïste dansait dans son estomac.
— Je mangerais bien des okonomiyakis, lâcha Ritsuka après d'interminables secondes à rester immobile, et sans briser le contact, dans un sous-entendu perceptible qui glissa entre elles – elle ne voulait pas qu'elles se séparent tout de suite.
Un grognement d'estomac accompagna ses mots, avant que leurs deux rires ne s'élèvent dans l'air froid. Et seulement quelques minutes après, elles étaient attablées au restaurant d'okonomiyakis le plus proche, à discuter de tout ce qui n'était pas lié de près ou de loin à Kita ou à leur voyage scolaire.
Leurs estomacs pleins et leurs esprits plus ou moins allégés, elles quittèrent les lieux une heure plus tard pour rejoindre leur quartier. Il était rare qu'elles rentrent ensemble, principalement en raison des entraînements de volley de Ritsuka, aussi ces quelques minutes de marche parurent-elles plus agréables qu'à l'accoutumée, pour Akemi.
Ce fut une vibration émise par son smartphone qui attira l'attention de la lycéenne. Elle fit machinalement glisser l'objet hors de son sac, pour voir le surnom du volleyeur inscrit sur l'écran.
✉️ Sunarin
Ah bon, tu me connais si bien... ? :)
14:41
Akemi n'en était pas totalement sûre, mais il lui sembla sentir ses pommettes s'échauffer à la lecture de ces lignes. C'était comme une perche tendue, un sous-entendu à côté duquel elle n'arrivait pas à passer, sûrement mêlé à ses moqueries habituelles. Et elle ne se voyait ni approuver, ni réfuter les faits. Alors comme à son habitude, elle considéra qu'esquiver était la meilleure solution.
✉️ Akemi
?? t'es pas censé être à ton entraînement toi !
14:42
✉️ Sunarin
Si. Tu préférais que je réponde pas ?
14:42
— Eh ben, tu parles à qui pour sourire et rougir comme ça ? lança Ritsuka, un sourire taquin au bord des lèvres alors qu'elle se penchait par-dessus son épaule.
Le corps d'Akemi se mut de lui-même. L'effroi étreignit chacun de ses muscles l'espace d'une fraction de seconde au gré de la prompte accélération de son cœur, et elle s'empressa de cacher son téléphone dans son dos. Elle fit rapidement volte-face pour se retrouver devant sa meilleure amie, un sourire coupable et pas le moins du monde naturel sur les lèvres.
Ritsuka cligna des yeux à plusieurs reprises, et Akemi ne sut pas si cet état d'hébétude qu'elle affichait était lié au fait qu'elle aurait pu apercevoir le nom de Suna en haut de la conversation Line ou bien à sa réaction totalement exagérée. Pourtant, contre toute attente, si elle s'attendait à un interrogatoire digne de ce nom, il n'en fut rien. Aucun mot à ce sujet ne s'éleva entre elles, aucune question, et le sujet fut totalement balayé. Quand bien même elle appréciait ce respect de son intimité, la jeune fille ne put retenir une pointe de culpabilité.
Leurs routes se séparèrent lorsqu'elles arrivèrent à leur intersection habituelle, celle qu'elles avaient toujours connue, dans une ambiance pour le moins étrange. Il était peu probable que la volleyeuse ait eu le temps de distinguer le nom de son interlocuteur – elle préférait en tout cas s'en convaincre – alors sans doute se sentait-elle vexée, voire exclue ? Après tout, sa réaction parlait à elle-seule, elle ne pouvait même pas le nier.
Un soupir franchit le mur de ses lèvres pour se heurter à l'air glacé de décembre. L'estomac rongé par la culpabilité, elle déverrouilla son téléphone pour retomber sur la conversation sms qu'elle tenait avec son aîné. Bien sûr que non, elle n'aurait pas préféré qu'il ne réponde pas. Et si elle savait qu'il valait mieux arrêter tout cela pendant qu'elle pouvait encore le maîtriser, l'envie de continuer la conversation se révélait plus forte.
✉️ Akemi
Je suis surprise c'est tout !
C'est pas comme ça que tu vas t'améliorer, si tu es sur ton tel !!
15:01
Les minutes défilèrent. D'abord longues et interminables, jusqu'à ce qu'elles ne deviennent qu'une formalité, succédées par des heures. Akemi eut le temps de rentrer chez elle, de se délecter du vide et du silence d'un vendredi après-midi, d'écouter un à un chaque membre de sa famille finir par rentrer, puis d'entendre les voix de ses parents s'élever dans le salon – sa mère étant souvent absente ces derniers jours, elle avait presque oublié ce que cela faisait. Et aucune réponse ne lui parvint.
Ce fut lorsqu'elle sortit du bain, une serviette enroulée autour de son crâne, que son smartphone s'alluma sur un message de Suna.
✉️ Sunarin
Comme personne n'est venu perturber l'entraînement en se mettant sur la trajectoire d'un service, je pense que ça a été
19:43
Un léger rire échappa à l'adolescente, alors qu'elle s'affalait à plat ventre sur son lit, téléphone dans les mains.
✉️ Akemi
Plus le temps passe et plus je suis persuadée que tu l'avais fait exprès 😭
19:44
Le sujet resta ancré sur les services et le volley-ball le temps de quelques échanges. S'il semblait ne jamais rien prendre au sérieux, la lycéenne put toutefois prendre conscience de la hâte qu'il ressentait à l'approche des nationales – qui auraient lieu dès la rentrée. À en croire ses mots, l'équipe semblait relativement prête, à tel point que cette hâte se retrouva contagieuse.
Plus les nationales approchaient, plus Akemi se disait qu'elle aurait aimé assister à leurs matchs, si le tournoi n'avait pas eu lieu à Tokyo, et sur un jour de cours qui plus est.
✉️ Sunarin
Enfin, avant les nationales y'a le voyage scolaire 😴
20:18
Si la jeune fille sentit une nouvelle fois son estomac se nouer à la mention de ce maudit voyage, elle ne put retenir l'esquisse d'un fin sourire. Dès leur rencontre, Suna lui était apparu comme quelqu'un d'assez silencieux et réservé, et maintenant il se retrouvait à lancer de lui-même les sujets de conversation.
✉️ Akemi
Et bah, quel entrain mdr
T'as pas envie d'y aller ?
20:18
La réponse lui parut mettre des heures à arriver.
✉️ Sunarin
Si si, ça va être cool (en plus on avait une réunion tout à l'heure avec le groupe)
Mais je vais devoir supporter les jumeaux -_-
20:20
✉️ Akemi
Tu râles vraiment pour rien ! T'as plutôt de la chance de partir en voyage 😤
Tu me raconteras ? :(
20:21
✉️ Akemi
(si tu dis non, je te harcèlerai de sms !! :p)
20:21
La nuit noire engloutissait désormais la ville entière, ainsi que sa chambre, seulement éclairée par la lueur tamisée de sa lampe de chevet. Suna se contenta d'un simple « Si t'es sage... » qui illumina l'écran quelques secondes, avant que la pénombre ne retombe sur la pièce pour consumer l'adolescente à son gré.
Dès lundi, ils profiteraient tous ensemble de ce voyage scolaire et de leur groupe de visite, tandis qu'elle resterait enfermée dans sa salle de classe. Dès lundi, Ritsuka profiterait sûrement de chaque occasion pour aider sa camarade de classe avec le volleyeur. Dès lundi, Suna mettrait sans aucun doute de côté sa présence à elle pour profiter de Kyoto.
Et le pire dans tout cela, c'est qu'elle n'avait personne à blâmer.
~ ~ ~
Il s'agit d'un chapitre un peu transitoire, mais il est très important pour l'évolution des choses, et j'aime toujours énormément écrire les moments entre elles deux, car leur amitié est très importante pour Akemi ! Le fait que Suna et Akemi commencent aussi à échanger naturellement par message est quelque chose que je trouve important pour des lycéens également, j'avais envie de l'exploiter !
En tout cas, j'espère que ça vous a plu malgré tout~ je vous préviens dès maintenant, le prochain chapitre sera celui sur le voyage scolaire héhé ! Vous imaginez quoi pour ce fameux et redouté voyage ? 👀
J'avais pas prévu de vous en parler tout de suite, mais j'ai tellement la hype que j'ai envie de l'exposer au monde entier mdrr. Je travaille en ce moment sur ma prochaine histoire, qui sera (si je change pas d'avis d'ici la fin de ALEI mdr) un spin-off ! Akemi ne sera donc pas le personnage principal, mais on la retrouvera en personnage secondaire en parallèle, dans la même timeline que ALEI~ je ne vous en dis pas plus (notamment sur le personnage principal) pour ne pas spoiler les prochains chapitres, mais voilà je voulais extérioriser et savoir si ça vous plairait ou non ? ☺️
Ce serait donc un nouvel x OC évidemment héhé
Bon comme d'hab je fais des NDA de 3km mdr, donc je m'arrête là et je vous dis à samedi prochain !
(non je n'ai pas vu le dernier épisode d'Haikyuu et je refuse de le voir je suis pas mentalement prête)
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