Chapitre 22 - Détour inattendu
C'était avec une étonnante bonne humeur imprimée sur le visage qu'Akemi était arrivée au lycée, ce mardi matin. Le ciel automnal dégagé, au reflet de son moral, lui avait ainsi paru plus chaleureux que jamais, à tel point que c'était à pied qu'elle avait décidé de rejoindre le lycée aujourd'hui, en dépit des quelques minutes de trajet supplémentaire que cela impliqua. Et si elle salua avec enthousiasme ses camarades en pénétrant dans sa salle de classe avant de rejoindre sa place, le sourire qui étirait ses lèvres s'évanouit aussitôt qu'elle aperçut son nom inscrit au tableau.
— Oh non, pas aujourd'hui ! se lamenta-t-elle à voix haute en se laissant choir sur son pupitre.
Quelques élèves dressèrent la tête en sa direction, une moue amusée pour la majorité d'entre eux, détail qui importa bien peu à l'adolescente. Miuri Kasumi, assise à la place devant elle et interpellée par le soupir de détresse qui lui avait échappé, se retourna avec un visage compatissant – probablement l'une des rares personnes dans sa classe qui ne bâtissait pas son opinion sur les rumeurs de couloirs et qu'Akemi supportait.
— Ça va, Fumiya-san ? s'enquit-elle.
— Ouais, c'est juste que je pensais pas être de corvée aujourd'hui...
Un sourire empathique naquit sur son faciès, quelques mots d'encouragements volèrent dans l'air, et elle finit par faire volte-face pour se tourner de nouveau en direction du tableau. Akemi profita de la situation pour sortir de son sac son téléphone et y taper rapidement un message à l'attention de Suna.
✉️ Akemi
Je suis responsable aujourd'hui ! Tu voudras bien m'attendre un peu? c:
8:26
La réponse lui parvint rapidement, faisant ainsi au passage vibrer son bureau.
✉️ Suna Rintarou
Je sais pas trop... :)
8:28
✉️ Akemi
😠
8:28
De toute évidence, son aîné avait trouvé un nouveau passe-temps, au cours du dernier mois : se moquer d'elle et la faire tourner en bourrique. À cette pensée, et malgré le sourire amusé qui ne demandait qu'à poindre au coin de ses lèvres, l'adolescente gonfla les joues. Ils n'eurent toutefois pas le temps d'échanger davantage de messages car leur enseignant d'histoire-géographie finit par franchir l'embrasure de la salle. Les élèves se levèrent tous dans un même mouvement pour saluer le professeur, et ce fut ainsi à contre-cœur qu'Akemi laissa son téléphone reposer dans l'une des poches de son sac.
****
Le nettoyage de la classe n'avait sans doute jamais été fait aussi rapidement. Le tableau brillait presque, les plantes étaient de nouveaux parfaitement réparties aux extrémités de la salle, et il ne restait pas le moindre bout de papier ou de gomme ni dans la poubelle, ni au sol. L'écriture habituellement soignée de l'adolescente sur le cahier de classe indiquait à travers quelques ratures du court laps de temps utilisé pour être rempli. La pièce prête, quelques élèves revinrent ainsi s'installer à leurs pupitres pour étaler cahiers et manuels scolaires en groupes de travail – de l'anglais, d'après ce qu'elle avait compris.
Sac sur l'épaule, Akemi leur lança un rapide « bon courage » avant de quitter la classe pour monter jusqu'au second étage. Étonnamment, il restait encore plus de monde qu'elle ne l'aurait pensé : quelques élèves au moins dans chaque classe devant lesquelles elle passait. L'ambiance pré-examen se faisait ressentir tout autour d'elle, étouffante et oppressante, si bien que l'écriteau « 2-1 » qui s'imprima sur sa rétine sonna comme une libération. La jeune fille passa une tête par l'embrasure pour y apercevoir quelques élèves, et se figea lorsqu'elle distingua Narumi Kisara, assise à un pupitre et aux côtés de Ritsuka et de Suna. Si elle pensait rentrer l'air de rien dans la salle pour aller chercher son aîné, l'adolescente resta en suspens, le regard dans le vide.
Son enthousiasme s'évanouit aussitôt. Peut-être que réviser avec Kisara serait plus agréable pour lui. Après tout, à en juger par certains mots de Ritsuka, elle était loin d'être un cas désespéré – contrairement à elle dès qu'il était question de mathématiques.
Froncement de sourcils. Non, c'était bien elle que Suna devait aider, aujourd'hui. Son enthousiasme retrouvé, Akemi recula d'un pas et sortit son téléphone pour taper un message à l'attention du volleyeur.
✉️ Akemi
je t'att dans le couloir.
17:14
Si elle s'attendait à devoir patienter, le temps qu'il se décide à venir, la jeune fille fut surprise de le voir débarquer dans les secondes qui suivirent. Malgré elle, l'esquisse d'un sourire fleurit sur ses lèvres lorsque sa silhouette découpa l'embrasure, et lorsqu'elle distingua de manière quasiment imperceptible les traits de son visage se détendre, alors que son regard olive se posait sur elle.
— Y'a beaucoup de monde dans ta classe qui restent réviser, fit-elle remarquer pour lancer la conversation.
— Un peu.
— La mienne aussi. J'espère qu'il restera de la place à la bibliothèque...
Et pourtant, elle n'y croyait qu'à moitié.
Il était vrai qu'elle avait pour habitude de rester dans un coin à son pupitre, dans sa classe, le soir pour ses révisions. Mais pour être allée à la bibliothèque emprunter quelques livres et manuels sur ces plages horaires, les lycéens affluaient généralement.
D'un geste naturel, sans qu'ils n'aient tous deux à dire quoi que ce soit, ils entamèrent ainsi une marche à travers le couloir pour rejoindre le rez-de-chaussée du bâtiment où se trouvait la bibliothèque. Mais comme ce fut à prévoir, il ne restait plus une seule place libre. Ils ressortirent ainsi bredouilles au bout de seulement quelques minutes, après avoir arpenté chaque allée dans un espoir vain.
— Pourquoi les gens sont aussi studieux ? pesta Akemi, les joues gonflées.
— Parce que les exams sont dans une semaine ?
Un ange passa.
— Accordé, souffla l'adolescente. Mais les salles sont occupées, je vois pas trop où on pourrait aller... On va déranger si on doit parler, non ?
— Sûrement.
Akemi gonfla de nouveau les joues, comme s'il s'agissait là d'un réflexe de son corps face à ce que Suna pouvait constamment dire ou faire. D'une certaine manière, elle ne voulait pas que ce plan tombe à l'eau.
— Sinon on a qu'à aller chez m–
La fin de sa phrase mourut dans l'air chauffé du couloir pour laisser un lourd silence s'écraser sur leurs épaules. Les pupilles d'Akemi s'écarquillèrent lorsqu'elle prit conscience de ce qu'elle s'apprêtait à dire : aller chez elle, c'était prendre le risque de tomber sur ses parents. Si elle parvenait encore à garder la tête droite au lycée ou chez elle face à la situation, c'était bien parce qu'elle la chassait de son esprit et la conservait pour sa seule personne. Mais si Ritsuka avait déjà eu vent des choses, il était hors de question que quelqu'un la vive.
— Ah, laisse tomber. Tant pis, merci quand même senpai, et désolée de t'avoir fait rester, s'efforça-t-elle de sourire.
— On a qu'à aller chez moi, lâcha contre toute attente Suna.
La surprise étira les traits de leurs visages à tous les deux. Visiblement étonné par ses propres mots, sortis avec spontanéité face à la mine torturée qu'avait arborée la plus jeune, le volleyeur cligna des yeux à plusieurs reprises. Akemi n'en fut pas totalement sûre, mais une légère chaleur sembla lui picoter les joues.
— Je t'avais promis de t'aider, se justifia le lycéen. Enfin si tu préfères, on peut trouver un café ou quoi.
— Non non, ça me va !
Un large sourire inconscient naquit sur les lèvres de la jeune fille lorsqu'elle se rendit compte de ce qu'il faisait pour elle, en dépit de sa nonchalance caractéristique et habituelle. Suna avait beau se montrer taquin et moqueur, il n'en restait pas moins attentionné à sa manière.
Le silence s'abattit de nouveau, reflet du malaise qui pesait sur les deux adolescents face à cette situation qu'ils n'avaient ni l'un ni l'autre imaginée. Le volleyeur fut le premier à reprendre sa marche à travers le couloir, rapidement suivi par une Akemi sautillante. Après une rapide escale à leurs casiers pour changer de chaussures et récupérer son sac de sport pour Suna, ce fut bercés par le calme qu'ils rejoignirent la gare. Mais si elle avait accepté la proposition avec naturel, une certaine appréhension étreignait désormais l'estomac de la jeune fille.
— Ta famille est là ? tenta-t-elle pour faire la conversation, alors qu'ils marchaient dans la nuit après être descendus du train.
— Aucune idée. Je pense pas.
La chance.
— Tes parents travaillent ?
— Ma mère est à Nagoya. Elle y travaille en semaine et rentre que les week-ends. Mon père est en trois-huit, normalement cette semaine il termine tard.
— Ta mère travaille à Nagoya ?! s'étonna Akemi, comme si c'était la seule chose qu'elle avait retenue. Elle vit là-bas ?
— En semaine oui.
— Comment ça se fait qu'elle ait trouvé un travail aussi loin ?
Semblant de timidité et de malaise envolé, la jeune fille laissa sa curiosité prendre le dessus sur tous ses autres sentiments.
— Elle a toujours travaillé là-bas. Je suis originaire de la préfecture d'Aichi en fait. J'suis arrivé ici pour le lycée, et elle a gardé son poste.
Akemi s'arrêta brusquement dans sa marche, la bouche entrouverte de surprise.
— Mais c'est pour que ça que t'utilises pas le Kansaiben ! réalisa-t-elle soudain, et l'illumination fit pétiller ses pupilles.
— T'es lente à la réaction, rétorqua-t-il, un fin sourire au coin des lèvres. Mais oui, c'est pour ça.
Si elle s'apprêtait à répondre quelque chose, n'importe quoi – ce qui lui passait par la tête, comme à son habitude – l'adolescente resta silencieuse en le voyant s'arrêter au pied d'un immeuble. Il lui jeta une œillade non dissimulée, avant de s'approcher de l'entrée.
— Tu vis en appart' ?
— Ouais.
— La classe !
Ce fut seulement lorsqu'il passa son badge pour ouvrir l'immense et lourde porte que la situation apparut clairement à la jeune fille. Ses parents n'étaient pas là.
Son rythme cardiaque enclencha une légère accélération dans sa poitrine à cette pensée.
— Du coup... Y'aura personne ? risqua-t-elle toutefois en faisant fi de cette pointe de stress.
— Je sais pas si ma sœur sera rentrée du collège. J'espère qu'elle sera pas là, comme ça on peut rester dans le salon.
L'ascenseur les fit monter jusqu'à l'avant-dernier étage dans un silence de plomb. Sans être spécialement timide, Akemi devait bien admettre que pénétrer de la sorte chez son aîné lui paraissait plus intimidant qu'elle n'aurait pu l'admettre. Intimidation qui grandit lorsqu'il enfonça la clé dans la serrure.
— Rin ! Tu rentres tôt aujourd'hui, s'éleva une voix féminine aussitôt qu'ils furent rentrés.
Une silhouette s'illustra dans leur champ de vision, alors qu'ils se déchaussaient dans le genkan. Chevelure assez longue, d'un brun plus sombre que celui du volleyeur, mais regard olive tout aussi loquace, l'individu qu'elle identifia comme sa petite sœur les observait depuis le couloir, la bouche entrouverte de surprise et de perplexité, toujours vêtue de son uniforme scolaire – un lycée du quartier qu'Akemi identifia rapidement.
« Rin » c'est mignon, constata la lycéenne en prenant conscience du surnom utilisé.
— Ben tu me présentes pas ? lança-t-elle d'un air taquin, les prunelles pétillantes de malice.
Suna roula des yeux, pourtant la jeune fille ne passa pas à côté de la crispation de son visage.
— Fumiya Akemi, une camarade qui m'a supplié de l'aider à réviser. Fumiya, Atsuko, ma sœur.
— Je t'ai pas supplié ! se défendit-elle, avant de grimacer. Bon, peut-être un peu, si...
— Enchantée, Akemi-chan, sourit Atsuko.
Et si Akemi la trouvait étonnamment moins introvertie que le Suna auquel elle était habituée – mais pas moins taquine, à en juger le sourire en coin qu'elle arborait sans quitter son aîné des yeux – elle fut bien forcée d'admettre que le voile de moquerie qui passa à la surface de ses prunelles, elle ne le connaissait que trop bien.
Il n'était pas difficile de deviner que le volleyeur ne ramenait pas bien souvent de camarade chez lui. Et l'air las qui habillait son visage témoignait de combien il avait espéré que sa cadette ne soit pas rentrée.
— Tu nous laisses le salon ? éluda-t-il en déposant son sac de sport dans l'entrée.
— Mais je regarde la télé !
Le duel de regards perçants qui prit place devant elle laissa Akemi pantoise.
— T'as pas des devoirs à faire, plutôt ?
— Je vous fais du thé en échange du salon, tenta Atsuko.
— Deal.
Alors qu'Atsuko s'éloignait, non sans une œillade en leur direction par-dessus son épaule, les deux lycéens avancèrent dans le couloir. Akemi se contenta de suivre docilement son aîné à chacun de ses pas, mais ne put restreindre sa curiosité bien longtemps. Ses pupilles vagabondèrent sur les décorations du couloir, après qu'ils furent passés devant la cuisine. Ce fut un porte-photos qui attira son attention, mis en évidence sur l'une des colonnes architecturales. L'adolescente s'arrêta pour y river son regard azuré.
— Trop mignon ! s'exclama-t-elle en reconnaissant les traits de son aîné, rajeunis de quelques années. T'avais l'air trop chou, difficile de croire que tu deviendrais aussi moqueur.
— J'ai littéralement la même tête, rétorqua Suna, un sourcil arqué de perplexité.
— Mais non, regarde les petites fossettes que t'avais !
Akemi posa son doigt sur la photo pour appuyer son propos, et le volleyeur n'eut pas le temps de rétorquer quoi que ce soit pour sa défense que déjà reprenait-elle :
— Oh mais trop stylé ! Comment ça se fait qu'il y ait une photo de la Voie lactée au milieu de vos photos d'enfance ?
Son attrait pour l'astronomie réveillé, un large sourire émerveillé naquit sur le visage de la jeune fille. Ses pupilles se parèrent d'un éclat d'admiration, rendues brillantes par l'enthousiasme, alors qu'elle s'approchait pour considérer avec attention cette bande aux mille couleurs qui traversait le ciel.
— Parce que c'est mon père qui l'a prise, alors il l'a exposée.
— Sérieux ?!
— Ouais, il est passionné par la photo, expliqua Suna dans un haussement d'épaules. Il est allé à Tottori exprès.
L'excitation vola à la surface du regard qu'elle braqua sur lui, noyé dans ses iris aussi vastes que les océans. Le volleyeur ne put retenir un fin sourire inconscient face à cette moue qu'il lui voyait pour la première fois, avant de bien vite revenir à lui.
— Allez, tes maths vont pas rentrer tous seuls dans ta petite tête, indiqua-t-il avant de s'enfoncer de nouveau dans le couloir, pour l'enjoindre à le suivre.
~ ~ ~
Ce chapitre est rempli de plein de mes petits headcanons, notamment sur les parents de Suna, mêlé à des détails canons qu'on a appris récemment dans le nouveau guidebook (qu'il est originaire de la préfecture d'Aichi, et qu'il a une petite sœur) ! J'avais trop hâte de vous présenter leur relation sous cet aspect, car Akemi découvre une nouvelle facette de lui héhé
J'espère que ça vous a plu en tout cas ! Les choses sérieuses (les révisions hihi) commencent dès le prochain chapitre ! N'hésitez pas à laisser un petit vote et un petit commentaire en tout cas~
Et je vous dis à la semaine prochaine <3
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top