Chapitre 1 - Coup dur







Les rayons timides du soleil déclinaient à vue d'œil, à travers l'immensité du firmament que Fumiya Akemi observait par la fenêtre de sa salle de classe. La nébulosité persistante se parait de teintes rougeoyantes plus éclatantes encore au gré des minutes qui défilaient, et bien plus fascinantes que son cours de mathématiques, il fallait bien l'avouer. Et deux exercices d'algèbre plus tard, elles mourraient déjà, étouffées par la pénombre rapidement tombée, reflet d'un automne déjà bien entamé.

C'était une des raisons qui confortaient Akemi dans son idée que les mathématiques ne devraient jamais être en dernière heure à cette saison : la nuit tombait plus rapidement que ce que la sonnerie ne paraissait décidée à retentir.

Une œillade discrète à l'attention de ses camarades lui permit de réaliser que, à son instar, beaucoup semblaient plus intéressés par la vue offerte par les vitres que par les équations du second degré. Et c'était bien normal.

Chaque minute qui défilait et qui emplissait l'extérieur d'une obscurité d'autant plus profonde rappelait à la jeune fille qu'elle n'avait pas le moins du monde le courage de rentrer à pied, aujourd'hui. Car lorsqu'elle avait réalisé que sa carte de train s'était mystérieusement volatilisée, après avoir dû vider l'intégralité de son sac dans les vestiaires du gymnase suite à son cours de sport, elle en était arrivée à la conclusion pure et simple qu'elle l'y avait oubliée.

En soi, cela ne l'empêchait pas de rentrer et de la récupérer le lendemain. Après tout, la station de métro située à seulement quelques pas d'Inarizaki – et, quelques stations plus loin, de chez elle – n'était qu'un confort non négligeable. Si elle avait habité plus loin, peut-être se serait-elle précipitée au gymnase pour aller la chercher et pouvoir rentrer ; pourtant une certaine flemme l'avait tiraillée à cette idée tout au long de l'après-midi.

Mais maintenant que la nuit noire était tombée, il fallait bien admettre que ce plan lui semblait soudain bien moins attrayant.

Tel un cadeau tombé du ciel au moment où elle s'y attendait le moins, perdue dans son dilemme intérieur, la sonnerie résonna depuis le couloir pour indiquer la fin d'une journée longue à mourir. Ses prunelles azurées accrochèrent son reflet contre la vitre lorsqu'elle se leva avec hâte après avoir grossièrement fourré ses cahiers dans son sac, et ce fut ce détail qui scella sa décision : hors de question de rentrer à pied.

Ce fut toutefois en apercevant la brosse du tableau par un hasard maudit qu'Akemi se souvint être de corvée de nettoyage, ce soir. Dénuée de toute motivation, elle s'affala sur son bureau, ce qui ne manqua pas d'arracher l'esquisse d'un sourire à son voisin de table, de corvée à ses côtés.

— T'inquiète Fumiya-san, on va plier ça !

****

Akemi n'avait jamais pensé être spécialement chanceuse ou malchanceuse. Ce n'était pas une carte de transports égarée à travers une nuit sombre – et pourtant pas spécialement froide – qui pouvait décider d'un tel fait. Elle en était certaine, il devait exister des individus avec un karma bien pire que le sien, dans des régions plus ou moins proches ou éloignées. Pour sa part, c'était plutôt qu'il y avait des jours avec et des jours sans.

Et visiblement, aujourd'hui était un jour sans.

Les salles de classe encore éclairées avaient guidé sa marche extérieure jusqu'au gymnase, au même titre que tous les lampadaires disposés sur l'allée. L'air encore étonnamment doux à cette période d'un automne à Kobe glissait sur sa peau, tandis que le ciel voilé obstruait le scintillement des étoiles et de la lune. Une soirée potentiellement banale pour un début de novembre, en somme. Potentiellement.

Les lumières des gymnases découpèrent l'horizon, signe qu'il y avait encore du monde, et il ne lui fallut pas bien longtemps pour réaliser qu'ils étaient effectivement occupés par les clubs de sport en début et fin de journée.

Détails non négligeables. Sans doute aurait-elle dû y réfléchir avec plus de soin, avant de pénétrer à l'intérieur. Sans doute aurait-elle dû porter attention aux échos de semelles glissées et frappées, avec une rapidité sans pareille sur le sol en bois. Sans doute aurait-elle dû prendre du recul sur le son répétitif de rebonds contre les murs qui faisaient écho à ses tympans, ou encore au ballon de volley-ball égaré dans la nuit, à quelques mètres de la porte d'entrée.

La lycéenne eut seulement le temps de prendre conscience du bruissement d'air fouetté qui se rapprochait, du ballon qui fendait le gymnase avec force et rapidité, pénétrait son champ de vision pour bientôt l'imprégner entièrement ; que déjà était-il bien trop proche pour pouvoir l'éviter. Les couleurs familières de la balle bleue et jaune s'imprimèrent sur sa rétine et, pourtant, réflexes envolés sous le coup de la surprise, elle resta immobile, comme paralysée.

L'impact fut plus violent encore qu'elle n'eut le temps de l'imaginer, pendant cette courte fraction de seconde de réflexion à laquelle elle avait eu droit. Akemi n'aurait su dire si c'était l'élan du choc ou bien le coup à la tête en lui-même qui lui fit perdre l'équilibre, pourtant son corps bascula sur le côté bien malgré elle.

— Wah, violente celle-là ! s'éleva une voix à travers le gymnase, sans qu'elle ne puisse en identifier la provenance pour autant.

Les lumières dansaient tout autour d'elle, s'agitaient sous ses prunelles bleutées, au gré d'une confusion totale. Sa tête lui semblait lourde, si lourde qu'elle dû y porter une main dans une tentative inutile et inconsciente de la maintenir. Lancinante. Déchirante. Une voiture aurait pu lui rouler dessus, elle n'aurait de toute évidence pas fait la différence.

Des silhouettes apparurent au milieu de ce paysage vaporeux qu'elle ne distinguait de toute manière plus. Des voix volèrent en éclats autour d'elle, au même titre que sa dignité, et paraissaient cogner avec véhémence contre les parois de son crâne douloureux. Akemi ne parvenait même plus à réfléchir, à comprendre ce qu'il venait de se passer. Encore sonnée, et sans formuler la moindre réponse aux mots qui lui étaient sans doute adressés, elle tenta de se relever. Infructueuse démarche qui ne fit qu'accentuer le supplice de sa tête.

Une main glissa contre sa hanche pour la maintenir avant que ses jambes ne cèdent, et ce simple appui suffit à faire revenir peu à peu ses sens.

— Ça va ? s'enquit une voix visiblement concernée.

Une chevelure grise s'imprima sur sa rétine, suivie par une brune, et par d'autres encore, trop colorées pour qu'elle ne ferme pas les yeux.

Bien sûr que non, ça n'allait pas. Il fallait être idiot pour ne pas le voir.

Pourtant, peu désireuse de faire le moindre effort d'élocution, Akemi hocha la tête de haut en bas. Tête toujours lancinante qui fut ainsi parcourue d'une vive douleur à ce mouvement.

— Suna, donne-lui de l'eau.

Sa vision continua de se faire de plus en plus nette, de moins en moins dansante, et bientôt elle put distinguer avec une meilleure précision les visages qui lui faisaient face. Et de tous les clubs qui occupaient les gymnases après les cours, il avait fallu qu'elle tombe sur le club de volley.

Le club le plus influent de l'établissement. Ils étaient tous plus ou moins populaires – surtout après avoir été en finale des nationales l'année précédente – ou au moins suffisamment pour qu'elle connaisse leurs noms, après ces quelques mois de première année de lycée. D'une œillade distraite et confuse, elle observa Suna Rintarou récupérer l'une de leurs gourdes suite à la demande effectuée par le capitaine, avant de la lui tendre.

— Tu m'étonnes que t'aies pas de copine Suna, si t'assommes les filles comme ça !

— La ferme Tsumu, t'as pas de copine non plus j'te rappelle.

Les mots continuèrent de se mêler autour d'elle, pourtant tout ce qui compta à cet instant précis, ce fut le liquide glacial qui glissait le long de son œsophage et lui faisait un bien fou, lui permettait de doucement reprendre ses esprits. D'ici quelques minutes, sans doute, une honte si grande qu'elle souhaiterait être morte sous le coup l'envahirait, mais pour l'instant elle laissa cette pensée de côté.

Par contre, une chose demeurait certaine. La prochaine fois, elle laisserait sa carte de transports aux objets perdus et rentrerait à pied.



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Hello ! Trop nerveuse de poster ce premier chapitre ahah (comme à chaque fois que je poste une nouvelle histoire sur wattpad).

J'espère qu'il vous a plu en tout cas ! S'il vous plaît, votez sur les chapitres, c'est très important pour la petite auteure que je suis c:
Et n'hésitez pas à laisser un petit avis, même si c'est seulement le début héhé !

Je vous dis à bientôt pour la suite <3
Je ne sais pas encore quel sera mon rythme de publication (peut-être un chapitre par semaine), mais j'ai déjà quelques chapitres d'avance~

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