CHAP 10 • Un Foutu Beau Miracle

«Il y a plus de larmes versées sur la terre qu'il n'y a d'eau dans l'océan.»

Bouddha.

×

En revenant des toilettes, j'ai la surprise de découvrir qu'il reste encore un bon quarante-cinq minutes pour manger. Même si l'idée de me remplir l'estomac après cette journée de merde ne me donne pas vraiment envie, je sais que je n'ai pas le choix - si je veux reprendre du poids et me remettre en forme. Alors, je me dirige vers la cafétéria tout en élaborant une excuse assez crédible pour ne pas que Tsubaki et les autres ne me posent de question.

Puis, suite à cette pensée, je me frappe mentalement. Bien sûr qu'ils vont m'interroger! Je me suis enfuie en courant de la salle à manger, Kid à mes trousses, et nous sommes restés environ une bonne vingtaine de minutes. Je ne peux pas me justifier.

Mais je n'ai pas envie de tout leur avouer maintenant, pendant l'heure du midi, avec tous ces yeux autour de nous. Ça, non! Peut-être lorsque nous serons dans l'intimité d'une pièce ou d'une rue... Pourtant, je m'arrête aussitôt en voyant le trio de bad boys attablés à ma table, discutant avec Archi et Léon, qui semblent s'amuser. Tsubaki a les bras croisés et regarde Black Star et Kid d'un air mauvais, la mine un peu boudeuse. Masamune, quant à lui, s'est déjà éclipsé on ne sait où, mais je remarque que sa soeur a mon repas sur ses cuisses.

- Hey, merci pour avoir protégé mon repas de ton gourmand de frère, fais-je pour annoncer mon arrivée tout en prenant le plat en plastique qu'elle me tend aussitôt.

- De rien, je sais que tu y tiens, elle me dit en retour, le coin de ses lèvres retroussés dans un sourire presque timide.

Je jette un coup d'il rapide vers les trois garçons qui mangent habituellement avec les joueurs de football et les majorettes. Affichant une expression malicieuse, je pose un coude sur la table et me penche vers eux, un sourcil haussé.

- Tiens, tiens, que nous vaut l'honneur de votre précieuse présence? les agacé-je en prenant une bouchée de ma salade.

Kid serre la mâchoire, rien de bien différent, mais j'ai la surprise de voir Soul et Black Star sourire en même temps de lancer un regard amusé vers le noiraud. Ce dernier semble sur-le-point de répliquer vigoureusement lorsque le bleuet prend la parole en pointant la table des populaires:

- C'est bien beau parler de jeu vidéos et d'animés japonais, mais ceux-là n'y connaissent absolument. Archi et Léon, par contre, ce sont des vrais! ajoute-t-il en tapant dans les mains des deux faux-jumeaux.

Puis, le trio retourne à leur conversation saugrenue de mécha et de titans, laissant le reste de la bande - c'est à dire, Soul, Kid, Tsubaki et moi - dans la confusion et l'exaspération. Je tourne mon regard vers l'albinos qui joue avec sa nourriture, visiblement peu enclin à manger sa salade de jardin, puis vers Kid, qui a les yeux rivés sur son écran de téléphone. Je dirige donc mon attention sur ma meilleure amie. Elle a déjà fini son repas et elle s'apprête à aller porter son plateau au comptoir de vaisselle au coin le plus éloigné de la salle.

- Hé, laisse-moi t'accompagner, je dis sans réfléchir tout en me levant.

Tsubaki m'observe, perplexe, mais hoche la tête.

- D'accord, si tu veux.

Je ferme mon compartiment contenant ma salade intacte et m'empresse aux côtés de la noiraude. Tout en marchant, je peux sentir les pupilles de Soul me transpercer le dos et, lorsque je regarde par-dessus mon épaule, je le vois se détourner aussitôt pour recommencer à agiter sa fourchette sans but dans sa laitue. Ne sachant comment réagir à cette réaction, je continue mon chemin silencieusement et attend patiemment que Tsubaki ait vidé ses restes à la poubelle et ranger son cabaret dans la pile à nettoyer.

- Pourquoi est-ce que tu ne me parles pas? dit-elle soudainement sans me regarder.

Je m'attendais à ce qu'elle me sorte un truc du genre. C'est vrai que je ne suis pas très bavarde ces derniers temps. Principalement depuis hier, d'ailleurs. Mais j'ai mes raisons. Des raisons que je veux partager avec elle, mais je suis trop effrayée et lâche pour faire une telle chose. J'ai effronté des pères alcooliques et des mères monoparentales en pleine crise toute ma vie, pourtant, l'idée de me confier à quelqu'un, d'accorder ma confiance, me cloue sur place.

Je détourne les yeux, agrippe sa manche et commence à l'entraîneur hors de la grande salle surpeuplée sans dire un mot. Bien que Tsubaki soit visiblement confuse, elle se laisse faire sans réchigner. C'est lorsque nous sommes finalement seules dans un des couloirs les moins pratiqués que je la relâche, mes yeux lorgnant mes souliers comme s'ils étaient les trucs les plus intéressants au monde.

Je ne veux pas lui dire.

Mais je sais que si je ne le fais pas maintenant, je le ne ferai jamais.

Alors, je me lance aussi maladroitement qu'un alcolique tentant de marcher sur une ligne droite durant un test de sobriété.

- La rumeur qui dit que je suis orpheline est vraie. On m'a trimballée d'une famille à l'autre pendant 7 ans jusqu'à ce que je quitte le système d'adoption. Rare ont-elles été à être accueillante.

Je relève les yeux pour voir que Tsubaki m'a tournée le dos. Est-ce un geste de rejet? Est-elle en train de me dire de partir? Même si cela me brise le coeur, je continue, la voix tremblante.

- Parce que j'ai un caractère de pouffiasse et une grande-gueule, on m'a souvent punie. On m'a enfermée dans le noir pendant des jours. On m'a affamée. On m'a battue. On m'a isolée. On m'a...

- Arrête.

Je remarque alors que les épaules de la noiraude tressaille violemment. Sa carrure est repliée sur elle-même et je peux deviner par sa silhouette que ses mains sont plaquées contre sa bouche. Je m'approche, confuse, avant de comprendre qu'elle retient difficilement ses sanglots. Pourquoi pleure-t-elle? Est-ce que je l'ai choquée tant que ça? Me sentant affreusement coupable, je m'apprête à poser une main sur son bras pour lui demander s'il y a un problème lorsque tout d'un coup, je me retrouve enserrée dans une étreinte de cobra.

- Je suis désolée! Pour tout ce que tu as vécu! s'exclame Tsubaki, larmoyante, ses bras forçant ma tête contre son cou. J'avais des doutes, mais je ne pensais pas que ton enfance ait été aussi difficile...

Elle m'agrippe par les épaules et me fait reculer de quelques pas pour que nous soyons à nouveau face-à-face. Son expression est solennelle lorsqu'elle me dit d'une voix sérieuse:

- Mais tu m'as, moi! Alors ne pense plus que tu sois seule, tu m'as bien comprise! Si tu as un quelconque problème, si tu n'arrives pas à dormir la nuit, si tu ne te sens pas bien, appelle-moi. Peu importe l'heure, ou que je sois occupée, je viendrai te voir, d'accord? Alors, s'il-te-plaît, confies-toi à moi dès qu'il y a un truc qui cloche, je t'aiderai du mieux que je peux.

Je ferme les yeux, un léger sourire aux lèvres, notamment pour retenir les larmes qui menacent de couler sur mes joues. Sacrée Tsubaki. Elle aura toujours les mots parfaits que j'ai toujours voulu entendre. Elle a été ma première amie, celle qui m'a confortée lorsque je me suis fait virée, celle qui m'a donnée assistance au Garage Fatale celle qui a supporté mon humeur de chienne, celle qui défend vigoureusement mon repas contre son gourmand de frère. C'est une perle rare et je ne peux que remercier le destin de l'avoir mise sur mon chemin. Le fait que je sois tombée sur elle est un miracle.

Un foutu beau miracle.

De quoi clouer le bec à cette misérable malchance qui me suit comme mon ombre, tiens.

- Merci, je dis tout simplement, l'entraînant à mon tour dans un étau afin de cacher les sillons chauds qui ont échappé à ma vigilence. Merci...

Tu es un véritable cadeau du ciel.

×

À la fin de la journée, Tsubaki et les autres quittent l'Académie sans moi, leur maison se trouvant à l'opposé de mon appartement. Je leur fais signe tandis qu'ils marchent en direction du Sud de la ville, la noiraude restant un peu en arrière pour me faire un de ses sourires timides. Je lui retourne le geste, un de mes rares qui ne soient pas sarcastiques.

Je sursaute en entendant le tonnerre gronder et je m'empresse de me mettre en route, ne voulant pas me faire surprendre par la pluie. Disons qu'attraper la crève ne me donne pas plus envie que ça. Pourtant, à peine ai-je fait deux coins de rues qu'une goutte me tombe sur le nez. Je n'ai même pas le temps de jurer qu'une intense averse commence à tambouriner sur mes minces épaules.

J'accours aussitôt aux abris, sous une galerie d'appartements. L'eau coule le long de mes cheveux, mouillant le col et le dos de mon chandail à manches longues. Agrippant ma veste qui traînait dans mon sac de sport, je m'essuie prestement la tête, me fichant bien de me décoiffer. Cependant, j'échappe mon vêtement en criant de surprise et de peur lorsque le tonnerre résonne à nouveau.

Je déteste les orages. J'étais toujours seule quand il y en avait. La plupart du temps, j'étais dans une cave, enfermée dans le noir. Je déteste le noir aussi. Les éclairs, tant qu'à eux, me réconfortent pour une raison qui m'échappe. Sans doute parce qu'ils créent de la lumière dans les nuits les plus sombres.

Mon corps se met à trembler malgré moi et mes mains se forment en deux poings, mes ongles pénétrant douloureusement la peau de mes paumes. J'ai honte d'être autant bouleversée par le tonnerre après tout ce que j'ai vécu, mais moi-même je le ne comprend pas. Ça me terrifie, point.

Soudainement, une main se pose sur mon bras et je hurle en me retournant, balançant mon sac à bandoulière en même temps. La personne qui a eu la malchance de me surprendre se prend mon sac en plein visage et elle lâche un grognement de douleur tout en chutant lourdement sur le dos, emportée par l'élan de mon attaque. Je suis sur le point de l'achever avec mon arme de fortune lorsque je reconnais la chevelure blanche et les yeux rouges de Soul.

- Oh! je m'exclame en le regardant se relever lentement, une main plaquée contre son nez, avant de me mettre à rire comme une débile.

Quoi? C'est comme ça que j'évacue le stress et la tension, ne me jugez pas. L'albinos me lance un regard boudeur tout en ramassant son parapluie laissé pour compte sur le sol. Je me tiens le ventre tant que je suis secouée de ricanements. Ça fait du bien de rire, pourtant, surtout après les événements d'hier et toutes les émotions d'aujourd'hui.

- Si tu avais vu ta tête! Je suis désolée... je dis, essayant de calmer mon hilarité.

- Tu as l'air loin d'être désolée, commente le jeune homme en contemplant ses jeans mouillés et son sweatshirt dans le même état. Moi qui voulait te raccompagner chez toi, c'est mort maintenant, ajoute-t-il dans un ton grognon.

Je cesse aussitôt de rire et le fixe, abasourdie. Lui? Me raccompagner? Jamais personne ne m'a proposé une telle chose, et encore moins de partager son parapluie! Habituellement, je tenais le parapluie pour quelqu'un sans avoir la chance d'être en-dessous ou bien on me le volait et me narguait avec.

Cruel, je sais. Mais je n'ai pas peur de la pluie, c'est le tonnerre que je crains. Heureusement, personne n'a jamais su que j'en étais effrayée, ça leur aurait donné un autre moyen de me blesser.

Je secoue la tête pour évacuer ces souvenirs douloureux.

- Si tu veux, je te laisse emprunter ma sécheuse en échange de me laisser une place sous ton parapluie, je fais en souriant avec arrogance, sachant que ma proposition est illogique.

Soul se frotte la bouche, mais je sais qu'il tente en vérité de cacher le sourire qu'il arbore présentement.

- Bien tenté, Maka, mais je ne suis point dupe, rigole-t-il en prenant une intonation viellote.

Je réprime l'envie de rouler les yeux devant sa fausse impression, mais contre-attaque avec un large sourire.

- Je te fais goûter la meilleure lasagne que tu n'as jamais goûté, t'en dis quoi?

Soul ne cache pas son amusement et laisse même échapper un gloussement mignon qu'il essaie aussitôt de me faire oublier en disant vivement:

- L'estomac! Comment tu as su que c'était mon point faible?!

Je lui vole son abri en toile et le dresse au-dessus de nos têtes avant de lui faire un clin d'oeil.

- Tu devrais rire plus souvent, ça te va bien, dis-je sincèrement tout en me mettant en route.

Cela a le don d'embarrasser Soul, qui abrite son visage rouge avec sa capuche. Je me demande ce qu'est advenu de sa casquette rouge dont il semblait assez attaché. Le questionnement est totalement hasardeux, mais je garde tout de même mon attention fixé sur les mèches pâles qui dépassent du tissu recouvrant son crâne - sans que je m'en rendre réellement compte.

Le bruit du tonnerre me fait rapidement revenir sur terre et je sursaute en laissant presque échapper le parapluie. Mon violent tressaillement fait également réagir Soul qui me lance un regard confus.

- C'est quoi ton problème?

Je m'apprête à inventer une excuse lorsque le ciel gronde à nouveau, me faisant encore bondir de peur. Mes mains se mettent à trembler pour l'énième fois en quelques heures et mon échine se tend lorsqu'un troisième éclair déchire le ciel, aussitôt suivi du son tronitruant qui me terrifie. Foutu orage... Je tâche d'ignorer Soul tout en continuant mon chemin, sachant qu'il m'examine scrupuleusement. Arrête de m'observer... Tu vas...

- Tu as peur des orages.

Merde. Je me tourne vers lui, une fausse expression confuse sur mon visage, et décrète d'un ton moqueur:

- Bien sûr que non! Ce serait ridic...

Je retiens de justesse un cri lorsqu'un autre coup de tonnerre retentit - ce dont je suis plutôt fière -, mais mon corps réagit au quart de tour et se recroqueville sur lui-même. Souffrir d'astraphobie est ridicule comparé à mes expériences du passé. Je ne sais même pas comment j'ai développé cette peur! Jamais je n'ai frôlé la mort à cause d'un éclair, ou même les ai-je vu de proche. Je ne les voyais qu'au loin, derrière des montagnes, des édifices ou des forêts.

Je sens soudainement une main s'agripper à ma manche et je jette un regard interloqué vers Soul, qui a les yeux posé partout sauf sur moi.

- Si ça te rassure... marmonne-t-il, une légère rougeur s'étendant sur ses pommettes pâles.

Surprise de ressentir également une certaine chaleur sur mes joues, je ne retire pas ma manche de sa prise et continue de marcher en silence.

Pourtant, ce n'est pas inconfortable. En vérité, jamais je ne me suis sentie bien en présence d'un homme. Habituellement, j'étais toujours anxieuse à l'idée d'être laissée seule dans une pièce avec une personne du sexe opposé, mais ce soir... et les autres moments de la semaine aussi... pas une seule fois me suis-je sentie menacée ou angoissée à ses côtés. Est-ce parce que je suis tranquillement en train de guérir des blessures de mon passé ou l'albinos est-il une exception à la règle?

Dans les deux cas, étrangement, ça ne me dérange pas tant que ça...

Après tout, Soul n'est pas comme eux. Il n'est pas du tout violent. Il ne me regarde pas avec dégoût ou avec un désir déplacé. Il sait à propos de l'incident datant du primaire, je l'ai vu dans ses yeux. Il avait l'air mal à l'aise ce midi, mais maintenant, sa stature est calme et détendue. Je suis rassurée de voir que Soul a décidé d'aller outre mon passé, comme Tsubaki. Certes, je ne lui ai rien confié, pourtant je crois qu'il sait que j'en ai bavé, tout comme je sais que lui aussi, en a bavé....

Je rougis violemment en sentant sa main glisser le long de mon poignet avant d'entrelacer ses doigts aux miens. C'est un geste extrêment audacieux et je suis sûre qu'il est au courant des risques que je puisse le repousser, mais la brûlure de sa paume contre la mienne est beaucoup trop agréable pour que je m'écarte...

Je refuse cependant de le regarder, étant trop embarrassée pour parler ou pour même garder un visage impassible. C'est impossible pour moi de décrire la situation et la relation entre l'albinos et moi. Nous ne sommes même pas amis à la base! Nous avons parlés à peine une heure en tout! Je l'ai peut-être aidé au Garage de Fer, mais cela ne veut pas dire que nous sommes liés par un lien d'amitié, non?

Est-ce que se tenir la main entre amis est normal?

Je n'y comprend rien, mais je garde sa main collée contre la mienne quand même.

J'aime cette sensation, c'est plus fort que moi.

:D Vous contents? Moi contente.

La joie d'écrire comme j'en avais l'habitude m'avait manquée... :') I feel good, guys. Real good. Anyway, ENFIN DU SOMA, DAMN IT. IL ÉTAIT TEMPS, NAH?! C'est la première fois que la romance prend autant de temps à apparaître... DIX CHAPITRES, MES COCOS, ÇA AURA PRIS DIX FOUTUS CHAPITRES AVANT QUE CES DEUX IDIOTS NE SE RAPPROCHENT! (C'est pas toi l'auteure...? C'est toi qui écrit les scénarios...) La ferme, toi. >:(

Bref. C'est tout. Je crois? S'il y a des incompréhensions dans le chapitre... My bad. ;_; Je ne me corrige jamais avant de publier, sans doute par lâcheté... ou sans doute parce que je sais d'avance qu'il n'y a pas d'erreurs. *Arrogance? nah.*

AU FAIT, MERCI POUR LES VUES ET LES VOTES, ET LES COMMENTAIRES AUSSI, JE NE VOUS REMERCIE JAMAIS ASSEZ! J'VOUS AIME MES COCOS! ❤❤❤

#ℋ_ℊ

P.S.: 3000 mots. Feels good guys.

P.S.S.: NOS CHERS PROTAGONISTES VONT MANGER DE LA LASAGNE COMME LE COUPLE QU'ILS SONT DESTINÉS À ÊTRE, ÇA VA ÊTRE FLUFFY AS FUCK. GET READY MY LOVELY EGGS. (Elle s'excite pour un rien, ignorez-la...)

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