Chapitre 23
Son uniforme vert était couvert du sang de son dernier patient. Du vomi parsemait ce dessin sanglant. Ses cheveux collaient à son front. La fatigue emplissait ses traits. Pourtant, ses yeux reflétaient ce calme qui avait tant manqué à Sakura. Elle avait commencé à travailler à l'hôpital depuis seulement quatre mois, mais déjà, ce feu rageant qui autrefois la consumait se transformait lentement en braises fumantes. Elle pouvait se mentir et se dire que son travail la sauvait. Or, cela aurait été faux. Elle s'était sauvée lorsqu'elle avait quitté sa patrie pour réapprendre à vivre ailleurs. Plus les jours passaient et plus, Sakura n'envisageait de ne plus jamais retourner vivre à Konoha. Elle s'était battue si longtemps pour essayer de trouver sa place à Konoha qu'elle n'avait eu d'autres choix que de prendre ses jambes à son cou pour survivre.
Les portes automatiques s'ouvrirent devant la médecin. La lune baigna sa peau pâle. Le vent sec du désert balaya sa chevelure. Sakura tourna la tête vers cette personne tapie dans l'ombre qu'elle avait pris l'habitude de saluer tous les vendredis.
-Temari.
La kunoichi de Suna se releva et s'approcha rapidement de la médecin. La blonde leva un bras pour le passer au-dessus des épaules de l'autre adolescente.
-Je ne ferais pas ça à ta place.
Un léger rictus couvrit les lèvres de Sakura. La ninja retira promptement son bras.
-Beurk. Comment t'as réussi à avoir du vomi sur ton épaule ?
-Veux-tu vraiment savoir ?
Temari secoua vivement la tête avant de prendre la main de Sakura et de la tirer vers le palais du Kazekage.
Elles couraient dans ce dédale, le sourire aux lèvres. Les conseillers de Gaara se tassaient de leur chemin, habitués à leur comportement. À chaque pas, le briquet dans la poche du pantalon de Sakura tapait contre sa cuisse. Comme tous les vendredis, ses yeux s'embuèrent légèrement tandis qu'elles dévalaient les couloirs.
Le duo traversa un couloir, la porte du bureau de Gaara s'ouvrant en face des deux filles. Un groupe d'adolescents en sortit. Temari déplaça leur itinéraire sur la gauche. Elles passèrent en flèche à côté du groupe. Pourtant, leur vitesse n'empêcha pas Sakura de planter son regard pendant quelques millièmes de seconde dans ces prunelles brunes. Son estomac s'alourdit, mais son sourire s'agrandit parce qu'au milieu de sa mer de souffrance, il avait été, quelques instants, des mois auparavant, son rocher qu'elle l'ait voulu ou pas.
Naruto ouvrit la porte. Des pas bruyants retentirent, emplissant le bureau de Gaara de ses échos. Shikamaru sortit, sachant sans même la voir que c'était elle. Appeler ça un instinct, il se fichait sur le moment de qualifier ce phénomène. Il voulait se terrer pour éviter de lui causer cette douleur qui s'était éprise d'elle à Konoha. Il ne voulait pas être la cause de sa déchéance. Cependant, lorsque Sakura avait croisa son regard toutes ces pensées s'évaporèrent. L'adolescent avait l'impression que la Terre avait cessé de tourner. Comme s'il la voyait pour la première fois, le souffle lui manqua. Il capturait chaque détail du visage de la médecin. Soudainement, le monde se mit à tourner à mille à l'heure. Le sol courait sous les pieds de Shikamaru. Il restait tétanisé, hypnotisé par ce sourire qu'elle lui adressa. Le temps défilait, s'échappait. Il ne voyait qu'elle. Plus vite qu'il ne l'aurait voulu, elle disparut, le laissant fixer le vide.
Ino le fixait, les yeux écarquillés. Sa bouche s'ouvrit et se referma plusieurs fois. Le rouge monta aux joues de Shikamaru. La blonde finit par murmurer quelques mots que le cerveau fatigué de Shikamaru prit un instant à traduire.
«Oh mon dieu, Shika. Tu la regardes comme si elle détenait la réponse au secret de l'univers.»
Et Sakura détenait réellement la réponse au secret de l'univers. Elle détenait celle de son univers à lui. La réalisation le frappa de plein fouet. Ce déclic dut se lire dans son regard, car Ino éclata de rire en lui frappant doucement l'épaule.
-T'es tellement dans la merde.
Il soupira en acquiesçant.
—
Temari lui tendit une enveloppe.
-Gaara aimerait que tu viennes.
Sakura ne l'ouvrit pas. Elle regarda d'un air désintéressé l'invitation au mariage du Kazekage. Elle ne voulait pas y aller, pas quand la plupart des shinobis importants de Konoha y seraient.
-Aller, on pourra se foutre de la gueule des hauts placés avec un balai dans le cul !
La médecin dévisagea lourdement l'autre fille, sirotant une boîte de jus.
-On est de cette gang, contra Sakura.
La blonde leva un doigt en l'air.
-Oui, mais on n'a pas un balai dans le cul, nous. On a autre chose...
Les sourcils de Temari bougèrent de manière suggestive. Sakura éclata de rire.
—
Sakura remplissait des formulaires. Une horloge tiquait les secondes au-dessus de la tête de la médecin. L'hôpital était vide de presque tout son personnel en raison du mariage. Bientôt ce serait à son tour de quitter le bâtiment pour se rendre à l'événement. L'anxiété lui dévorait les intestins rampant lentement pour s'emparer de ses cordes vocales.
Elle enfila sa robe verte pâle, l'estomac noué. Sakura regrettait déjà d'avoir accepté, mais elle avait l'impression que c'était la moindre des choses pour tout ce que Gaara avait fait pour elle. Elle savait qu'elle le faisait pour Gaara avant tout. Elle devait juste garder cette notion en tête.
Une des doubles portes s'ouvrit sous la paume de sa main. La fille se faufila silencieusement, sachant pertinemment que le retard pesait sur son dos. La salle était silencieuse. Aucun bébé ne pleurait. Le seul bruit était celui des paroles de l'officiant de cérémonie. Ses pas dansaient fluidement sur le sol. Elle masqua son chakra par habitude. Un petit sourire couvrit son visage. Être une ninja lui manquait. Elle en avait parfaitement conscience, mais elle avait vu ce que le monde shinobi avait à offrir. Elle avait vu la pourriture qui rongeait ce métier, avait vécu et travaillé dedans et cela avait détruit ces fondations fébriles sur lesquelles elle s'était développée mentalement. Son rêve avait été de devenir ninja. Petite, elle avait voulu devenir le genre de shinobi que Naruto était devenu, mais pour que ce genre de ninja brille au soleil, des dizaines d'autres étaient souillés de cette ombre destructrice. Elle n'infligerait jamais cela à quelqu'un pour que son âme déjà rongée par la souffrance puisse prétendre être guérie.
Gaara prononçait ses voeux lorsqu'une femme remplit la place libre à côté de Sakura. Cette dernière lui porta peu d'attention concentrée sur la cérémonie qui se déroulait devant elle. Pourtant, il suffit d'un seul mot de cette étrangère pour que Sakura lâche des yeux Gaara et sa future femme. Sans réfléchir, par réflexe, elle tourna sa tête vers cette femme aux cheveux mauves. Les traits familiers lui rendirent son regard, froncés dans une expression curieuse. La gorge de Sakura se serra. Des poids remplirent son ventre. Pathétiquement, ses yeux piquaient, voulant laisser déferler ces rivières d'eau salée qui l'accompagnaient certaines nuits. L'anxiété, la tristesse et la douleur la rendaient muette.
-Est-ce qu'on se connaît ?
La phrase se perdit dans le brouhaha des gens applaudissant.
-Non.
Sa voix tremblait. Elle maudit sa voix. Elle maudit la vie d'avoir mis Yugao sur son chemin aujourd'hui. Sakura baissa la tête pour dissimuler les perles qui menaçaient de s'échapper. L'air peinait à rentrer dans sa trachée. Les larmes l'aveuglaient. Elle recula pour disparaître dans la foule, pour faire disparaître cette femme qu'elle avait aimé comme une soeur.
La tête toujours baissée, elle marcha dans la foule. L'air lui manquait. Sa respiration s'accélérait. La douleur des deuils qu'elle essayait tant bien que mal de passer au travers la heurtait de plein fouet. Les larmes dévalaient ses joues, gouttant sur le sol. Elle avançait, aveuglée par sa souffrance. Sakura avait besoin de sortir. Elle étouffait.
Lorsque l'air aride de Suna heurta sa trachée, elle s'effondra contre le mur, tapie dans l'ombre. Son visage était strié des fleuves de ses larmes. Des sanglots silencieux secouèrent son corps. Elle voulait crier. Elle s'était épuisée à essayer. Épuisée à tenter de guérir, mais ce ne restait que cela. Que des vulgaires tentatives à se battre contre ce mal la dévorant. La frustration grandit en elle. Pourquoi ne pouvait-elle pas vivre ? Était-elle née sans cette habilité ? Parce que malgré ses efforts, rien n'était jamais assez. Elle finissait toujours au même point. Pourquoi continuait-elle ? Pourquoi continuer quand elle ne faisait qu'échouer ? La médecin enfouit son visage dans ses genoux dans un vain effort de faire taire ces pensées qui ne faisaient que soulever des points valides. Elle voulait disparaître si ce n'était que pour faire cesser cette douleur qui finissait toujours par venir la rejoindre, peu importe où elle fuyait.
Shikamaru était dos au mur assis à moitié endormi quand elle déboula. Il l'observa quelques secondes, les paupières à moitié ouvertes, hésitant à intervenir sachant qu'il ne ferait que rajouter de l'huile sur le feu. Il prit sa décision lorsqu'elle commença à frapper son front contre ses genoux.
Des mains calleuses saisirent son visage. Ses larmes continuèrent de couler, mouillant cette peau à l'odeur si familière. Les yeux bruns se fixèrent dans les siens, hésitant. Elle n'hésita pas. Elle coulait. Elle coulait si vite qu'il devenait une forme vague à chaque seconde passante. Sakura ne réfléchit pas, elle se laissa emporter par ce besoin de familiarité, par ce besoin de réconfort qu'il lui apportait. Elle accrocha ses bras autour du cou de l'adolescent, désespérée. Son visage s'enfouit dans l'épaule de Shikamaru, les larmes dégoulinant sur le chandail du garçon.
Quand ses yeux furent secs et son cœur vidé de toute émotion, elle osa affronter son regard. Il ne fit que lui rendre son regard avec cette lueur qu'elle ne savait pas identifier. Avec hésitation, Shikamaru déposa un baiser sur son front avant de se lever et de lui tendre la main. Elle l'accepta en le remerciant, inconsciente qu'elle venait de faire son choix.
Ce ne serait que lorsque que la nuit serait tombée depuis plusieurs heures que Sakura réaliserait ce que cette lueur représentait. C'était cette lueur avec laquelle Gaara regardait sa femme. C'était celle avec laquelle un roi regardait sa reine.
***C'est probablement moins bien écrit, mais j'ai vraiment eu du fun à écrire cette fois-ci et c'est l'important, je pense. Si ça vous a déplu, n'hésitez pas à me laisser savoir. Sinon, merci encore de la lecture et de l'attente !***
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