Chapitre 22
L'air aride s'accrochait aux poumons de Sakura. Un courant d'air entrait par la porte ouverte de temps en temps. La sueur s'accumulait sur son front. Ses cuisses vêtues d'un short collaient à la chaise sur laquelle la médecin était assise. Elle tourna une page de son livre. La clochette au-dessus du cadre de porte tinta. Un homme entra, des auréoles sous les bras. Elle l'observa du coin de l'œil ouvrir la porte d'un frigo pour saisir une caisse de bières. L'adolescente déposa son bouquin pour scanner l'alcool. Les yeux de l'homme dérivèrent vers la page couverture du livre.
-''Le potentiel de la membrane et l'équation de Nernst''. Ce ne semble pas être de la lecture légère. Tu veux devenir médecin, fillette ?
Elle hocha la tête en acceptant l'argent qu'il lui tendit. Sakura ne le corrigea pas sur le fait que c'était de la neuroscience plutôt que de la médecine.
-J'espère réussir à sauver des gens, un jour.
Elle ne lui dit pas qu'il y avait encore un an, elle était une médecin à la carrière florissante. Elle ne lui dit pas qu'il y avait encore un an, elle avait fui sa nation pour se sauver elle-même.
Lorsque le soleil se coucha, Sakura courut chez elle. Les civils la regardaient. Plusieurs la saluèrent. Dans ce monde, elle était connue pour ses déplacements toujours effectués en course et non pour le sang qui tachait ses mains. Dans le quartier civil de Suna, personne n'avait conscience que son visage était peint en gros dans le Bingo Book. Dans ce petit coin, elle pouvait oublier que le deuil était devenu son quotidien.
Comme tous les soirs, l'adolescente se servit du thé et s'assit à la table. Le liquide ambré tourbillonnait dans sa tasse. Ses doigts pianotèrent sur la céramique. Son autre main chercha dans sa poche le petit objet de métal, son dernier lien avec Konoha. Elle s'était débarrassée de son bandeau, des mois auparavant. Repenser à Konoha lui coupait le souffle, la douleur l'étouffant. La fille souleva le capuchon de fer. Elle sirota sa boisson, laissant le gaz du briquet s'échapper. Une flamme surgit. Elle se laissa voguer dans ces souvenirs. Elle se laissa sombrer dans cette mer douloureuse. Dans chaque variation de ce feu, elle voyait les visages de ceux qu'elle avait perdu. Aucune larme ne coula. Son cœur souffrait, son esprit criait, mais elle n'avait plus aucune larme à pleurer. Les yeux secs, elle souffla sur la flamme.
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Shikamaru observa Naruto et Sasuke danser la première danse de leur mariage. Ses doigts pianotaient contre sa cuisse. Ino s'approcha de lui, une lueur triste dans les yeux. Elle s'affala contre lui. Elle soupira.
-Accorderais-tu une danse à la fille esseulée que je suis ? demanda-t-elle en portant la main à son front et renversant la tête en arrière.
Il secoua la tête en levant les yeux vers le plafond.
-Aller Shika. C'est assez déprimant comment on les deux seuls sans partenaire, tu ne peux pas m'abandonner pour rester seul dans ton coin.
Les dents de Shikamaru mordirent doucement l'intérieur de sa joue. Il pensait à Sakura à chaque fois qu'il tâtonnait sa poche pour le briquet d'Asuma. Il pensait à elle lorsqu'il voyait leurs amis avec leur âme-soeur, mais il n'avait jamais ressenti la solitude qu'Ino semblait éprouver. Il comprenait Ino. Il savait qu'elle se sentait en retard socialement. Cette année avait été dure pour elle. Lentement, mais sûrement, leurs amis avaient tous trouvé leur partenaire de vie et rapidement, Ino et Shikamaru avaient été les seuls célibataires du groupe.
-Une seule danse et tranquille.
Un petit sourire éclaira le visage de la blonde. Il prit sa main et ils se fondirent dans la masse.
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Les coups à sa fenêtre réveillèrent l'adolescente. Les rayons lunaires éclairèrent une tignasse blonde. Les yeux emplis de sommeil, Sakura vit indistinctement la main de la kunoichi s'agiter dans un signe d'urgence. Une boule se forma dans son estomac tandis qu'elle sortait de son appartement.
Leurs pas frappaient le sol des routes de Suna. L'adrénaline courait dans les veines de Sakura. Elle avait vécu tellement de fois cette situation. Elle avait tellement de fois couru dans la nuit contre la montre, contre la mort.
Les portes de l'hôpital s'ouvrirent. L'odeur de désinfectant envahit les narines de la médecin. Son cœur se serra, elle voulait courir loin de ces murs blancs qui lui rappelaient ce qu'elle essayait de fuir. Elle voulait faire demi-tour et laisser ce corps pâle s'éteindre. Elle était terrifiée. Son corps entier tremblait. Elle était terrifiée d'ouvrir ce porte qu'elle savait qu'elle n'arriverait jamais à refermer.
Lorsque l'homme sur la civière commença à crier, elle poussa cette porte sans regarder en arrière.
Ses mouvements étaient fluides, ses ordres clairs et précis. L'urgence pulsait dans ses veines. Elle extrayait la toxine bol après bol de fluide. La sueur s'accumulait sur ses avant-bras. Elle s'exécutait comme elle s'exécutait un an auparavant. Sans qu'elle ne le réalise, au cours des années, son travail était devenu un instinct.
Les roues de la civière crissaient sur le sol immaculé de l'hôpital de Suna. Sur le matelas, un jeune homme au teint sain. Des yeux verts le suivaient. Des gants sales gouttaient sur ce sol, le souillant de leur imperfection. Des larmes menaçaient de déborder de ces mers émeraudes au milieu desquelles une fille sur son pauvre radeau avait finalement mis pied à terre. Elle était couverte de bleus, de cicatrices, mais elle était vivante. Elle était couverte de la terre dans laquelle elle avait enterré tant de gens, mais elle était vivante.
Accotée contre le cadre de porte, elle observait la poitrine de son patient se soulever. Ses dents mordillaient sa lèvre inférieure. Ses doigts jouaient avec le papier d'un formulaire. Les souvenirs d'un autre hôpital défilaient dans sa mémoire. Une douleur montait dans sa gorge face à chaque souvenir. Elle se souvenait du sang qui ne quittait jamais ses mains. Elle se souvenait de la culpabilité qui l'empêchait de dormir. L'adolescente prit une inspiration, ses doigts comprimant le papier. Sakura avait fui pour se sauver, pour remonter à la surface et nager au travers de cette mer la noyant. Elle avait voulu se battre contre son passé, l'effacer, mais maintenant, que son visage perçait la surface, elle savait qu'elle perdait son énergie à combattre un ennemi inexistant. Peut-être qu'elle n'arriverait jamais à se laisser bercer sur le dos par le courant comme plusieurs, peut-être qu'elle aurait besoin d'une bouée pour se maintenir à la surface.
Malgré la peur l'habita, elle signa ce formulaire froissé. Elle le signa parce qu'elle devait avancer, parce que ce bout de papier était la première respiration insufflée dans sa bouée.
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Shikamaru attendait Naruto et Sasuke pour partir à Suna. Il avait douloureusement envie d'une cigarette, mais ses poches étaient vides de toutes cigarettes. Le garçon mordit doucement l'intérieur de sa joue. Il avait arrêté quelques semaines après le départ de Sakura. Il ne voyait plus le point de fumer quand il n'avait plus le seul objet le motivant à fumer, autre que son addiction. Ses doigts pianotaient contre sa cuisse. Il avait hâte que le couple arrive pour leur lune de miel pour que les incessants babillements de Naruto le distraient de cette sensation de manque.
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Lorsque deux jours plus tard Sakura reçut une confirmation de son embauche à l'hôpital de Suna, un petit sourire mélancolique décora ses lèvres.
Temari cogna à sa porte, une bouteille de saké à la main. Un sourire penaud ornait son visage. Sakura ouvrit la porte pour la laisser entrer.
-Désolée pour mercredi. Si grand-mère Chiyo était encore vivante, nous lui aurions demandé avant toi.
-Ce n'est pas grave.
Sakura sortit un verre et le posa devant la blonde. Cette dernière haussa les sourcils.
-Tu bois directement à la bouteille ?
La médecin sourit légèrement.
-Non, je ne bois plus vraiment.
-Queeoi ? Toi, la fille qui, d'ailleurs doit toujours le rembourser, a vidé les coffres de saké du Kazekage ?
-On était deux à boire.
Elle écarta ce commentaire d'un mouvement de main.
-Gaara attend son argent, il menace d'envoyer Kankuro à tes trousses en passant.
Sakura haussa les épaules.
-Je pensais que j'avais remboursé ma dette en payant les taxes et impôts.
La blonde éclata de rire.
-Bien essayé.
La médecin sourit derrière sa tasse de thé.
Ce soir-là, le briquet demeura intouché.
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Shikamaru sortit rapidement, slalomant entre les conseillers de Suna. Il n'avait jamais été très actif, mais après une réunion diplomatique, il avait l'impression d'avoir l'énergie de Naruto.
Les portes s'ouvrirent sous ses mains. Il inspira l'air chaud de Suna en remerciant qui que ce soit qui avait abrégé la réunion.
Il tournait un coin de rue quand il la vit. Ses cheveux avaient poussé jusqu'à atteindre ses épaules. Ses traits s'étaient amincis, vieillis. Son corps avait repris de la chair. Une mer bien plus calme que la dernière fois qu'il l'avait vue habitait ses yeux verts. Elle ne radiait pas de bonheur ou de joie, mais elle ne radiait pas non plus de cette douleur qu'il avait observée. Il la regarda traverser, subjugué. Il voulait attirer son attention, il voulait que ces yeux émeraudes se posent sur lui pour la première fois depuis un an. Le garçon ne le fit pas. Il la laissa vaquer à ses occupations parce qu'il n'était devenu qu'un souvenir douloureux, parce qu'il était le séisme qui causerait un tsunami dans ces mers tilleul.
***Quasiment trois mois, désolée. J'ai eu plusieurs problèmes personnels sur lesquels j'ai travaillé et travaille toujours. Merci de votre patience et lecture ! Bonne journée***
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